Polémique : La confusion des groupes communistes sur la période actuelle

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LA SOUS-ESTIMATION DE LA LUTTE DE CLASSE

Dans sa lutte contre le capitalisme, en vue de son renversement et de l’édification de la société communiste, la classe ouvrière secrète des organisations politiques qui, non seulement expriment son devenir révolutionnaire, mais sont la condition indispen­sable de celui-ci. Si les buts généraux exprimés par ces organisations, leur programme, ne sont pas sujets à des fluctuations dans le temps, sinon à un constant enrichissement, les formes qu'elles prennent, leur impact, les moyens d'action et le mode d'intervention qu'elles se donnent dépendent, en revanche, des conditions historiques spécifiques dans lesquelles agit la classe, et tout particulièrement du rapport de forces existant entre elle et la classe ennemie. En d'autres termes, il ne suffit pas à une orga­nisation communiste de défendre un programme révolutionnaire pour être un instrument efficace dans le développement de la lutte du prolétariat. Elle n'y parviendra réellement que si elle comprend les tâches qui lui incombent dans chacun des moments spécifiques de ce développement et si elle est capable, donc, d'analyser de façon correcte ces différents moments. Et c'est juste­ment une question sur laquelle la plupart des organisations actuelles se situant sur un terrain de classe prolétarien éprouvent les plus grandes difficultés à s'orienter. En particulier des points aussi fondamentaux que le développement de la crise économique du capitalisme et les perspectives qui en découlent pour l'ensemble de la vie de la société : guerre impérialiste mondiale ou géné­ralisation des combats de classe, constituent pour la plupart de ces organisations des sujets d'une énorme confusion alors que la plus grande clarté est plus que jamais indispensable pour contribuer au développement des combats présents de la classe ou­vrière.

Ces derniers mois les confusions considérables qui pèsent sur le milieu politique prolétarien ont eu l'occasion de se manifester sous forme d'une sorte de tir groupé de plu­sieurs organisations contre les positions du CCI. Assuré­ment, ce n'est pas de façon concertée que ces différentes organisations ont développé leurs attaques, mais cette si­multanéité trouve en partie son origine dans une commune incapacité à apprécier la véritable importance des combats que mène à l'heure actuelle la classe ouvrière ([1]). Parmi ces attaques, certaines comme celles du Groupe Communiste Internationaliste dans le n°26 du Communiste ([2]), se situent sur un terrain d'une telle bassesse qu'elles ne sauraient donner lieu à une réponse dans le cadre de cet article de débat. De même, si on trouve dans le n°39 d'Alarme (pu­bliée par le Ferment Ouvrier Révolutionnaire) et dans le n°10 de Perspective Internationaliste (publié par la "Fraction Ex­terne du CCF), toute une série d'articles qui sont consacrés à notre organisation, et si les positions qui s'y expriment sont en partie tributaires d'une sous-estimation de l'importance des combats actuels de la classe ouvrière, nous n'y répondrons pas directement dans cet article car, sur cette question, nous avons affaire avec ces organisations à des caricatures (le FOR est probablement la seule organi­sation au monde qui reste encore incapable de reconnaître l'existence de la crise économique du capitalisme, ce qui est vraiment le comble quand on se veut "marxiste", et la FECCI, pour sa part, ne fait pas autre chose que nous pré­senter une caricature des positions du CCI). Plutôt que de nous attaquer à ces caricatures, il nous semble plus profi­table, pour la clarté des questions que nous nous proposons d'aborder dans cet article, de nous intéresser à d'autres textes de polémique publiés récemment qui ont le mérite, outre qu'ils émanent d'organisations plus sérieuses que celles qu'on vient de citer, de présenter une orientation éla­borée nettement différente de celle du CCI et représentant de façon claire la sous-estimation générale de la portée des combats actuels de la classe ouvrière. Ces articles nous les trouvons dans le n°4 de Comunismo, revue publiée par les camarades de l'ancien Colectivo Comunista Alptraum, et dans le n° ll (décembre 87) de Prometeo publié par le Par-tito Comunista Intemazionalista (Battaglia Comunista). Il s'agit, dans le premier cas, d'une lettre envoyée par la Communist Workers' Organisation (qui est associée au PCInt au sein du Bureau International Pour le Parti Révolu­tionnaire) au CCA à propos du communiqué de cette orga­nisation "Sur les grèves récentes au Mexique" (avril 87) dont nous avons publié de larges extraits dans la Revue Interna­tionale n°50. Dans le second cas, il s'agit d'un article intitulé "La crise du capital entre objectivité historique et subjectivité de classe" ("La crisi del capitale traoggettivita storica e sog-gettivita di classe") qui attaque, sans nommer à aucun mo­ment le CCI, notre analyse du rapport de forces actuel entre bourgeoisie et prolétariat et particulièrement notre conception du cours historique.

Dans la mesure où la question du cours historique est la clé de voûte de toute compréhension de l'évolution présente de la lutte de classe, et bien que nous l'ayons déjà souvent abordée dans ces colonnes (en particulier dans la Revue Internationale n°50 où nous répondions déjà à un article de Battaglia Comunista n°3 de mars 87 intitulé "Le CCI et le cours historique, une méthode erronée"), nous devons y revenir ici pour mettre en évidence les absurdités auxquelles on est conduit lorsqu'on est incapable d'avoir une vision claire sur ce problème.

"Battaglia Comunista et le cours historique, une méthode inexistante

L'analyse du CCI sur la question du cours historique a été maintes fois exprimée dans l'ensemble de nos publications. On peut la résumer ainsi : dans la période de décadence du capitalisme qui débute avec le siècle, les crises ouvertes de ce mode de production, comme la crise des années 30 et la crise présente, n'offrent, du point de vue du capitalisme, d'autre perspective que la guerre impérialiste mondiale (1914-1918 et 1939-1945). La seule force qui puisse empê­cher le capitalisme de déchaîner une telle "issue" est la classe ouvrière dont la bourgeoisie doit s'assurer de la sou­mission avant que de se lancer dans la guerre mondiale. Contrairement à la situation des années 30, la classe ou­vrière d'aujourd'hui n'est pas défaite ni embrigadée der­rière les idéaux bourgeois comme l'anti-fascisme, et c'est la combativité qu'elle a manifestée depuis une vingtaine d'années qui seule permet d'expliquer que la guerre mon­diale n'ait pas encore été déclenchée.

Pour sa part, le PCInt partage une partie de cette analyse comme on peut le voir dans le passage qui suit :

"Le monde est constellé de telles tensions qui souvent dégénè­rent en conflits ouverts (depuis sept ans fait rage la guerre entre l'Iran et l'Irak) et qui prennent les formes les plus va­riées (des coups d'Etat aux luttes de "libération nationale", etc.) : c'est là le signe des difficultés rencontrées par le capita­lisme pour résoudre les questions internes au marché mon­dial

La crise pousse à une concurrence encore plus impitoyable. Dans les périodes "normales" les coups sont moins doulou­reux. Dans les périodes critiques les coups augmentent en fré­quence et intensité et, de ce fait, très souvent, ils engendrent des ripostes. Pour survivre, le capitalisme ne peut qu'employer la force. Un coup aujourd'hui, un coup demain, on en arrive de cette façon à une situation véritablement explosive dans la­quelle les conditions de la dégénérescence (élargissement et généralisation des conflits localisés) se trouvent désormais à l'ordre du jour. La phase qui conduira au déchaînement d'une nouvelle et terrifiante pierre impérialiste est ouverte.

POURQUOI LA GUERRE "MONDIALE" N'A-T-ELLE PAS ENCORE ECLATE ?

Tous les épisodes d'affrontements entre Etats, puissances et superpuissances nous indiquent qu'existe déjà la tendance qui nous conduira vers un troisième conflit mondial. Au niveau objectif sont présentes toutes les raisons pour le déclenche­ment d'une nouvelle guerre généralisée. Au niveau subjectif, de façon évidente, il n'en est pas ainsi. Le processus par le­quel se meuvent les forces de la subjectivité est asymétrique par rapport à celui avec lequel s'exprime la situation histo­rique objective* S'il n'en était pas ainsi, la guerre aurait déjà éclaté depuis un certain temps et des épisodes comme celui du Golfe persique, parmi d'autres, auraient pu constituer des motifs valables pour le déchaînement du conflit. Mais en quoi se manifeste le décalage entre les aspects subjectifs et le processus qui implique tout le monde de la structure ?"

On pourrait s'attendre à ce que BC fasse ici intervenir le prolétariat comme élément "subjectif" surtout qu'on trouve ailleurs dans le texte l'affirmation suivante :

"Il est clair qu'aucune guerre ne pourra jamais être menée sans la disponibilité (au combat et dans la production de guerre) du prolétariat et de toutes les classes laborieuses. Il est évident que, sans un prolétariat consentant et embrigadé, au­cune guerre ne serait possible. Il est évident, de même, qu'un prolétariat en pleine phase de reprise de la lutte de classe se­rait la démonstration du surgissement d'une contre tendance précise, celle de l'antithèse à la guerre, celle de la marche vers la révolution socialiste. "

Cependant, BC poursuit ainsi :

"Nous sommes en présence, malheureusement, d'un phéno­mène inverse. Nous avons une crise à un niveau de gravité extrêmement élevé. La tendance à la guerre avance d'un pas rapide mais le niveau de l'affrontement de classe, par contre, est absolument en dessous de celui imposé par la situation objective ; il est en dessous de ce qui serait nécessaire pour repousser les pesantes attaques lancées par le capitalisme contre le prolétariat international. " (page 34)

Dans la mesure où la lutte du prolétariat ne permet pas, aux yeux de BC, d'expliquer le fait que la guerre n'ait pas encore eu lieu voyons par conséquent qu'elles sont les causes subjectives de ce "retard" :

"L'attention doit se tourner principalement vers des facteurs qui transcendent les initiatives particulières pour être situés dans un processus plus vaste qui voit les équilibres interna­tionaux non encore définis et tracées en fonction de ce que se­ront les coalitions guerrières proprement dites, coalitions qui sont appelées à constituer les fronts de la guerre... Mais tout le cadre des alliances est encore assez fluide et plein d'inconnues. Le développement de la crise ne manquera pas de tracer de profonds sillons à l'intérieur desquels se glisseront les intérêts de chacun, qui iront s'y réunir avec ceux des autres. En un processus inverse et parallèle, le heurt des intérêts opposés tracera une ligne de division entre Etats qui se retrouveront dans des camps opposés de chaque côté de la barricade...

"Un autre aspect à prendre en considération est la dissuasion que représente la question nucléaire. Une guerre se déroulant dans les conditions historiques de prolifération maximale des armes nucléaires devient problématique pour un quelconque, hypothétique front militaire. La théorie du "suicide collectif, vers laquelle imprudemment et sentencieusement s'étaient tournés les apocalyptiques de service, s'est révélée - et il ne pouvait en être autrement - absolument dépourvue de fonde­ment. Le retard dans le déclenchement de la guerre trouve une de ses causes dans l'absence d'un désarmement nucléaire (même partiel) auquel semblent vouloir parvenir, dans un proche avenir, les plus hauts représentants des plus grandes puissances impérialistes.

La rencontre au sommet entre Reagan et Gorbatchev, clai­ronnée comme une volonté tenace de paix, se présente en réalité comme un sommet destiné à faire tomber les dernières barrières qui empêchaient la guerre d'éclater. Et cela en fai­sant abstraction de ce que peuvent penser réellement et sub­jectivement Reagan et Gorbatchev. La guerre naît de causes objectives. Les facteurs subjectifs n'en sont que des effets in­duits qui peuvent être, suivant les cas, retardés ou accélérés mais jamais empêchés." (page 34)

Il semble que nous ayons dans ces passages la quintessence de la pensée de Battaglia puisque ces deux idées apparais­sent en de multiples occasions dans la presse de cette orga­nisation. Il importe donc de les examiner de façon attentive. Nous commencerons par la plus sérieuse (en essayant de la formuler d'une façon un peu plus simple que ne le fait BC chez qui la boursouflure du langage semble avoir pour fonction de masquer l'indigence et l'imprécision des ana­lyses).

"Si la guerre mondiale n'a pas encore eu lieu c'est parce que les alliances militaires ne sont pas encore suffisamment constituées et stabilisées".

Preuve qu'il s'agit là d'un point important dans l'analyse du PCInt, cette idée est reprise une nouvelle fois, et de façon détaillée, dans un tout récent article de Battaglia Comunista (^'Accord USA-URSS, Un nouveau pacte Molotov-Ribben-trop ?" dans BC n°5) où cet accord est supposé chercher délimiter, dans cette phase, les aires et les intérêts plus direc­tement en conflit entre les USA et l'URSS et à permettre aux deux de concentrer les ressources et les stratégies à différents niveaux .et préparer de nouveaux et plus stables équilibres et systèmes d'alliances, en vue d'un futur affrontement plus pro­fond et généralisé," De même on peut lire plus loin que "...l'aggravation de la crise générale du mode de production capitaliste...ne pouvait pas ne pas provoquer l'approfon­dissement des motifs de conflits entre les partenaires atlanti­ques même, et en particulier entre ceux qu'on appelle les 7 grands". Enfin, toute cette "démonstration" aboutit à la conclusion que "Tout cela (l'arrivée de nouveaux concur­rents sur le marché mondial) ne peut que favoriser ultérieurement la guerre commerciale de tous contre tous, ba­sée sur le dumping les contingentements, le protectionnisme, les accords secrets sur le dos d'autres rivaux, etc., mais aussi la formation de nouvelles agrégations d'intérêts tendant à leur concrétisation en alliances politico-militaires dont les nou­veaux axes préférentiels trouveront leur place ou bien à diffé­rents niveaux au sein du même système, qui va en se déstructurant malgré les déclarations contraires et les diverses proclamations de "fidélité" durable, ou bien dans la perspec­tive de possibles changements de camp,"

Cette analyse n'est pas nouvelle. Par le passé nous l'avons rencontrée à plusieurs reprises, notamment sous la forme développée par le groupe (aujourd'hui disparu) Pour une Intervention Communiste qui parlait de la tendance à "l'effritement" et à la recomposition des blocs en fonction des rivalités commerciales. De son côté, le PIC ne faisait que reprendre la thèse développée par le courant "bordiguiste" qui aboutissait à considérer que ces rivalités com­merciales allaient provoquer une dislocation du bloc occi­dental et la formation d'une alliance entre les pays d'Europe de l'Ouest et l'URSS. Enoncée depuis plusieurs décennies, cette prévision attend encore sa réalisation. Pré­cisons, pour compléter ce rappel, que le PIC attribuait, pour sa part, cette tendance vers la "dislocation des blocs" à... la force du développement de la lutte de classe (!) ce qui, évidemment, ne saurait être le cas de Battaglia.

A de nombreuses reprises dans notre presse, nous avons fait justice de la thèse suivant laquelle les blocs impéria­listes se constituent directement sur la base des rivalités commerciales ([3]). Nous ne reviendrons pas ici sur les ar­guments que nous avons développés pour réfuter cette analyse. Nous nous contenterons de rappeler que cette question n'est pas nouvelle dans le mouvement ouvrier et qu'elle a fait en particulier l'objet d'un débat au sein de l'Internationale Communiste où Trotski fut conduit à com­battre la thèse majoritaire suivant laquelle les deux têtes de bloc pour la seconde guerre mondiale devaient être les USA et la Grande Bretagne qui, à l'époque, constituaient les deux principales puissances commerciales concur­rentes ([4]). L'histoire s'est chargée (avec quel sinistre éclat !) de valider la position de Trotski en confirmant que le lien - réel - existant entre exacerbation des rivalités commerciales et aggravation des antagonismes militaires n'est pas de nature mécanique. En ce sens, le système d'alliances existant à l'heure actuelle entre grandes puis­sances ne saurait être remis en cause par l'aggravation de la guerre commerciale entre tous les pays. Bien que les USA, le Japon et l'Europe occidentale constituent les principaux rivaux sur un marché mondial où la lutte pour les débou­chés se fait chaque jour plus vive et impitoyable, cela ne saurait remettre en cause leur appartenance à la même al­liance militaire.

Il faut donc être clair sur le fait que si la guerre mondiale n'a pas encore éclaté, cela n'a rien à voir avec une quel­conque nécessité de modification ou de renforcement des alliances existant à l'heure actuelle. C'est vrai que les deux premières guerres mondiales ont été précédées de toute une série de conflits locaux et d'accords qui participaient de sa préparation et qui ont permis que se dégagent les ali­gnements de l'affrontement généralisé (par exemple la constitution de la "Triple Entente" Grande-Bretagne-France-Russie au début du 20ème siècle et la création de l'"Axe" Allemagne-Italie au cours des années 30). Mais pour ce qui concerne la période historique actuelle, ces "prépa­ratifs" se sont déroulés depuis des décennies déjà (en fait dès le lendemain de la seconde guerre mondiale avec l'ouverture de la "Guerre Froide") et il faut remonter à plus de vingt ans (rupture entre l'URSS et la Chine au début des années 60 et intégration de ce dernier pays dans le bloc oc­cidental à la fin de cette décennie) pour constater un chan­gement d'alliances important. En fait, à l'heure actuelle, les alliances impérialistes sont bien plus solidement constituées que celles existant à la veille des deux guerres mondiales où l'on a vu des pays majeurs entrer dans le conflit bien après qu'il se soit engagé (Italie en mai 1915, Etats-Unis en avril 1917, lors de la première, URSS en juin 1941, Etats-Unis en décembre 1941, lors de la seconde). De plus, chacun des deux blocs dispose depuis de très nombreuses années d'un commandement unique de l'essentiel de son dispositif mi­litaire (OTAN dès avril 1949, Pacte de Varsovie en mai 1955), alors qu'un tel commandement unique n'a été créé (et uniquement par les puissances occidentales au niveau du front européen) que dans la seconde partie des deux guerres mondiales.

Ainsi, affirmer qu'aujourd'hui les préparatifs diplomatiques ou militaires pour une troisième guerre mondiale ne se­raient pas encore achevés, c'est faire preuve d'une in­croyable méconnaissance de l'histoire de ce siècle, ce qui est impardonnable pour une organisation révolutionnaire. Mais encore plus impardonnable est la thèse suivant la­quelle :

"C'est l'existence des armements atomiques, du fait de la dissuasion qu'ils représentent, qui explique que la guerre mondiale n'ait pas encore eu lieu."

Est-il possible que des révolutionnaires sérieux puissent en­core croire une telle fable ? La bourgeoisie l'a racontée un certain temps lorsqu'il s'agissait pour elle de déployer les arsenaux nucléaires. En particulier, la stratégie dite de "re­présailles massives", d'"équilibre de la terreur", était sensée agir comme moyen de dissuasion : dès lors qu'un pays au­rait utilisé la bombe atomique, ou même qu'il aurait me­nacé les intérêts vitaux d'un autre, il s'exposerait à la des­truction de ses principales concentrations urbaines et in­dustrielles dans l’heure suivante. L'arme la plus meurtrière dont l'humanité se soit jamais dotée, aurait eu comme mé­rite d'empêcher désormais toute guerre mondiale. Qu'un tel mensonge ait pu avoir un certain impact sur des po­pulations ayant des illusions sur la "raison" des gouvernements, et plus généralement dans la "rationalité" du système capitaliste, s'explique encore. Mais qu'aujourd'hui, alors que tous les derniers développements des armements nu­cléaires (bombes à neutrons, obus nucléaires, missiles à courte portée, missiles de "croisière" capables d'atteindre leur cible à quelques mètres près, programme de "la guerre des étoiles"), de même que l'élaboration de stratégies dites de "riposte graduée" (c'est la doctrine officielle de l'OTAN) font la preuve que les gouvernements et les états-majors envisagent sérieusement de mener une guerre atomique en vue de la "gagner", il se trouve encore des révolutionnaires qui se veulent "marxistes" pour croire et véhiculer de telles sornettes est proprement sidérant. Et pourtant, c'est mal­heureusement le cas avec nos camarades de "Battaglia" qui, sur ce point, défendent des absurdités dignes de celles du FOR lorsqu'il nie que le capitalisme soit aujourd'hui en crise. Car, la thèse qu'on trouve dans le n°11 de Prometeo n'est pas une erreur de plume, un raté d'un camarade un peu farfelu qui aurait échappé à la vigilance de l'organisation. Elle était déjà exposée avec encore plus de détail dans un article du n°4 de Battaglia Comunista (avril 86) intitulé 'Premières notes sur la guerre prochaine" où l'on peut lire :

"Un autre facteur à ne pas sous-évaluer, parmi ceux concou­rant à la dilatation des temps de préparation de la guerre ([5]), est le chantage nucléaire, dans la mesure où l'affrontement direct entre les blocs ne peut raisonnablement dépendre du hasard des moments de plus grande tension entre les deux superpuissances, sous peine du risque-certitude de l’extinction de la vie sur la terre. "Le jour après la signature de l'accord sur le non-emploi des armes nucléaires, la guerre sera décla­rée" est une boutade désormais classique entre nous et qui a tout le goût de la vérité. "

Nos camarades de Battaglia peuvent trouver à cette boutade le goût qu'ils veulent ; pour notre part nous dirons que leurs remarques ont "tout le goût" d'une naïveté affligeante. En effet, quel est le scénario-fiction que nous proposent les ar­ticles d'avril 86 dans BC et de décembre 87 dans Prometeo ? En poursuivant le processus de "désarmement nucléaire" engagé par l'accord de Washington de décembre 87 ([6]), les deux super-puissances parviennent à une élimination totale des armements nucléaires ou bien à un accord de non-em­ploi de ces armements. Elles ont alors les mains libres pour déchaîner la guerre mondiale sans danger d"'extinction de la vie sur terre" dans la mesure où elles font confiance à leurs ennemis pour ne pas utiliser les armements prohibés ou pour n'en avoir pas conservé en secret. On peut se deman­der pourquoi les deux blocs, qui sont décidés à être "fair-play" en tout état de cause, n'ont pas poursuivi leur dé­marche de désarmement en éliminant ou en interdisant l'utilisation des armements conventionnels les plus meur­triers. Après tout, l'un et l'autre sont intéressés à limiter au maximum les destructions que pourraient provoquer ce type d'armements dont les ruines et les massacres de la se­conde guerre mondiale ne nous donnent qu'une très faible idée. Et il n'y a pas de raison que les dirigeants du monde s'arrêtent en si bon chemin. Certes, ils n'ont pas renoncé à se faire la guerre puisque nous vivons toujours dans le ca­pitalisme et que les antagonismes entre bourgeoisies rivales subsistent et s'attisent avec l'aggravation de la crise écono­mique. Mais animés par le même souci initial que cette guerre soit la moins meurtrière possible, ces dirigeants en viennent progressivement à s'interdire tout emploi des ar­mements modernes qui tous sont très meurtriers : interdic­tion des missiles, de l'aviation, des bombardements, de l'artillerie lourde, puis, sur la lancée, interdiction de l'artillerie légère, des mitrailleuses et, pourquoi pas, des armes à feu... On connaît la phrase célèbre : "Si la troisième guerre mondiale a lieu, la quatrième se déroulera avec des bâtons". La perspective qui se dégage de l'analyse de Batta­glia est légèrement différente : c'est la troisième guerre mondiale qui se fera avec des bâtons. A moins qu'elle ne se déroule sous la forme d'un combat singulier, "à la loyale", entre les deux chefs d'Etat Major comme cela se pratiquait parfois au Moyen Age ou dans l'Antiquité. Si l'arme choisie était le jeu d'échecs, l'URSS aurait alors quelque chance de gagner la guerre.

Il va sans dire que les camarades de Battaglia ne racontent ni ne pensent de telles sornettes : ils ne sont pas fous. Mais ce conte de fées découle logiquement de l'idée qui se trouve au centre de leur "analyse" : la bourgeoisie est capable de se fixer des règles de "tempérence" dans l'utilisation de ses moyens de destruction, elle est disposée à respecter les traités qu'elle signe, et cela même quand elle est prise à la gorge, même quand ses intérêts vitaux sont menacés. Les deux guerres mondiales sont pourtant là pour montrer que tous les moyens dont dispose le capitalisme sont bons dans la guerre impérialiste, y compris - et surtout - les plus meurtriers ([7]), y compris les armes nucléaires (nos cama­rades ont-ils oublié Hiroshima et Nagasaki ?). Nous ne prétendons pas qu'une troisième guerre mondiale devrait commencer d'emblée avec l'utilisation des armes de l'Apocalypse. Mais nous devons être sûrs que la bourgeoisie qui se retrouverait acculée le dos au mur après l'utilisation es armes conventionnelles, finirait par les employer quels Sue soient les traités qu'elle aurait pu signer auparavant. De même, il n'existe aucune chance pour que les .(très mi­nimes) réductions actuelles des armements nucléaires puis­sent aboutir un jour à leur élimination totale. Aucun des deux blocs, et particulièrement celui qui se trouve en état d'infériorité technologique dans le domaine des armements conventionnels, le bloc de l'Est, ne consentira jamais à se démunir complètement de l'arme qui constitue son dernier recours, même s'il sait pertinemment que l'utilisation de cette arme signifie son propre arrêt de mort. Et cela n'a rien à voir avec un quelconque "comportement suicidaire" des dirigeants du monde capitaliste. C'est le système comme un tout, dans la barbarie engendrée par sa déca­dence, qui mène l'humanité vers son autodestruction ([8]). En ce sens, l'article de Prometeo a tout à fait raison de sou­ligner que le processus qui conduit à la guerre généralisée ne résulte pas "de ce que peuvent penser réellement et sub­jectivement Reagan et Gorbatchev" et que "la guerre naît de causes objectives". Le PCInt connaît les fondements du Marxisme. Le problème c'est qu'il lui arrive de les "oublier" et de se laisser piéger par les mystifications bourgeoises les plus éculées.

Ainsi on peut constater que pour tenter de défendre son analyse sur le cours historique actuel, le PCInt en est conduit non seulement à aligner contradiction après contradiction, mais aussi à "oublier" l'histoire du 20ème siècle et, plus grave encore, un certain nombre d'enseignements fondamentaux du marxisme au point de reprendre à son compte, avec la plus grande des naïvetés, un certain nombre des illusions répandues par la bourgeoi­sie pour peindre son système en rose.

La question qu'il faut donc se poser est donc : comment se fait-il qu'une organisation communiste, qui pourtant base ses positions sur le marxisme et qui connaît l'expérience du mouvement ouvrier soit victime de tels "trous de mémoire" et fasse preuve d'autant de naïveté vis à vis des mystifica­tions capitalistes ? La réponse, nous la trouvons en partie dans l'article publié par BC n°5 de mars 87 et en Anglais dans la Communist Revue n°5 intitulé "Le CCI et le cours historique : une méthode erronée". Nous avons déjà répondu à cet article dans la Revue Internationale n°50. En particu­lier, nous avons rectifié un certain nombre d'erreurs sur l'histoire du mouvement ouvrier, et notamment sur l'histoire de la Fraction de Gauche du Parti Communiste dont pourtant se réclame en partie le PCInt. Il sera donc inutile d'y revenir longuement ici. Nous nous contenterons de mettre en évidence la complète incompréhension par le PCInt de la notion même de cours historique.

Cours historique ou cours fluctuant ?

Dans cet article, le PCInt écrit :

"Le procédé implicite du raisonnement du CCI est le suivant : pour toutes les années 30 le cours était vers le guerre impérialiste de façon univoque, comme le disait la Fraction en France. Cette période est terminée, révolue : maintenant le cours est de façon univoque vers la révolution (ou vers les af­frontements qui la rendent possible).

C'est sur cette question nodale; ce point méthodologique, que nous divergeons de façon extrêmement profonde... La Fraction (particulièrement sa Commission Exécutive et, en son sein, Vercesi) évaluait dans les années 30 la perspec­tive vers la guerre comme un absolu. Avait-elle raison ? Certes, l'ensemble des faits lui ont donné raison. Mais même alors, le fait de considérer le "cours' comme quelque chose d'absolu a conduit la Fraction à commettre des erreurs poli­tiques...

L’erreur politique fut la liquidation de toute possibilité d'intervention politique révolutionnaire en Espagne avant même que le prolétariat ait été réellement défait...

 

L'erreur de méthode qui la soutenait se situait dans l’"absolutisation" du cours, dans l'exclusion méthodologique de toute possibilité de surgissements prolétariens significatifs dans lesquels pouvaient intervenir les communistes de façon active en vue de la perspective, toujours ouverte dans la phase impérialiste, d'une rupture révolutionnaire. "

Effectivement, c'est là le coeur de la divergence entre le PCInt et le CCI bien que, comme il est normal, le PCInt n'ait pas tout à fait compris notre analyse ([9]). En particulier, nous n'établissons pas une complète symétrie entre un cours à la guerre et un cours aux affrontements de classe, de même que nous ne prétendons pas qu'un cours ne puisse s'inverser :

"...ce que nous voulons dire par cours aux affrontements de classe est que la tendance à la guerre -permanente en déca­dence et aggravée par la crise - est entravée par la contre-ten­dance aux soulèvements prolétariens. Par ailleurs, ce cours n'est ni absolu ni éternel: il peut être remis en question par une série de défaites de la classe ouvrière. En fait, simplement parce que la bourgeoisie est la classe dominante de la société, un cours vers les affrontements de classe est plus fragile et ré­versible qu'un coure à la guerre." (Revue Internationale n°50, "Réponse à Battaglia Comunista sur le cours historique'1)

"L'existence d'un cours vers la guerre, comme dans les années 30, signifie que le prolétariat a subi une défaite décisive qui l'empêche désormais de s'opposer à l'aboutissement bour­geois de la crise. L'existence d'un cours à "l'affrontement de classes" signifie que la bourgeoisie n'a pas les mains libres pour déchaîner une nouvelle boucherie mondiale ; aupara­vant elle devra affronter et battre la classe ouvrière. Mais cela ne préjuge pas de l'issue de cet affrontement, ni dans un sens ni dans un autre. C'est pour cela qu'il est préférable d'utiliser ce terme plutôt que celui de "cours à la révolution"." (Revue Internationale n°35, "Résolution sur la situation internatio­nale" du 5ème congrès du CCI, juillet 83)

Ceci étant rappelé, on peut donc voir facilement où se situe la divergence. Quand nous parlons d'un "cours historique" c'est pour qualifier une période... historique, une tendance globale et dominante de la vie de la société qui ne peut être remise en cause que par des événements majeurs de celle-ci (telle la guerre impérialiste, comme ce fut le cas au cours de la première mondiale avec le surgissement de la vague révolutionnaire de 1917, ou encore une série de défaites dé­cisives, comme au cours des années 20). En revanche, pour Battaglia, qui emploie il est vrai plus souvent le terme "cours" que le terme "cours historique", il s'agit d'une pers­pective qui peut être remise en cause, dans un sens comme dans l'autre, à chaque instant puisqu'il n'est pas exclu qu'au sein même d'un cours à la guerre il puisse intervenir "une rupture révolutionnaire". C'est pour cela également, que ces camarades sont totalement incapables de comprendre les enjeux de la période historique présente et qu'ils attribuent le fait que la guerre généralisée n'ait pas encore eu lieu, bien que ses conditions objectives soient présentes depuis longtemps, à l'absence d'un désarmement nucléaire com­plet ou d'un traité de non-utilisation de l'arme atomique et autres stupidités retentissantes.

Là aussi la vision de Battaglia ressemble à une auberge es­pagnole : dans la notion de cours historique chacun apporte ce qu'il veut. On trouvera la révolution dans un cours vers la guerre comme la guerre mondiale dans un cours aux af­frontements de classe. Ainsi chacun y trouve son compte : en 1981, le CWO qui partage la même vision du cours histo­rique que BC, appelait les ouvriers de Pologne à la révolu­tion alors que le prolétariat mondial était supposé n'être pas encore sorti de la contre révolution. Finalement c'est la notion de cours qui disparaît totalement ; voila où en arrive BC : éliminer toute notion d'une perspective historique.

En fait, la vision du PCInt (et du BIPR) porte un nom : l’immédiatisme. C'est le même immédiatisme qui se trou­vait à l'origine de la proclamation du Parti au lendemain de la seconde guerre mondiale alors que le prolétariat était au plus profond de la contre révolution. C'est ce même immé­diatisme qui explique qu'aujourd'hui les participants au BIPR fassent en permanence la fine bouche devant les combats que mène la classe dans la mesure où ces combats, et c'est normal, ne prennent pas encore une forme révolu­tionnaire et qu'ils continuent à se heurter aux multiples en­traves des syndicats et de la gauche du capital.

La sous estimation des combats présents de la classe ouvrière

Notre appréciation des caractéristiques actuelles du combat prolétarien a été présentée de façon régulière dans la Revue Internationale (de même que dans l'ensemble de la presse territoriale du CCI). Nous n'y reviendrons pas ici. Par contre il est intéressant d'examiner, pour conclure cet ar­ticle, comment le BIPR, à travers un document du CWO publié dans Comunismo n°4, concrétise l'analyse du cours historique qui est la sienne dans la critique de notre appré­ciation de ces luttes.

"... les événements en Europe montrent que la pression vers la lutte n'est pas directement liée à la gravité de la crise ni à la sévérité des attaques contre le prolétariat... Nous ne pensons pas que la fréquence et l'extension de ces formes de lutte indiquent -tout au moins jusqu'à aujourd'hui- une tendance vers leur développement progressif. Par exemple, après les luttes des mineurs britanniques, des cheminots en France, nous avons l'étrange situation dans laquelle les couches agitées sont celles... de la petite bourgeoisie I (docteurs, pilotes d'avion, magistrats, moyens et hauts fonctionnaires et main­tenant, les enseignants)"

Il est déjà significatif que, pour le BIPR, les enseignants du primaire et du secondaire soient des "petits bourgeois" et que la lutte remarquable menée l'an dernier par ce secteur de la classe ne puisse rien représenter du point de vue pro­létarien. On se demande pourquoi certains camarades de Battaglia, qui sont enseignants, ont tout de même jugé utile d'y intervenir (c'est vrai que les militants du CCI ont contribué de façon non négligeable à les réveiller en fusti­geant leur passivité du départ).

S'adressant à Comunismo, le BIPR poursuit :

"Vous avez été probablement influencés par l'emphase mise par le CCI dans les luttes épisodiques des ouvriers en Europe

- emphase hors de toute proportion avec la réalité... à côté d'épisodes de lutte héroïque (en termes de durée et de sacri­fices consentis par les travailleurs) comme ceux des mineurs britanniques, nous voyons, pour notre part, la passivité des autres secteurs de la classe en Angleterre et ailleurs en Eu­rope."

Il ne nous paraît pas utile de rappeler ici tous les exemples donnés dans notre revue et dans notre presse territoriale qui contredisent cette affirmation. Nous y renvoyons le lec­teur, de même que les camarades du BIPR, tout en sachant qu'ils n'y verront pas mieux pour cela : il n'y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Mais poursuivons ces cita­tions pour ce qui concernée les causes de cette triste situa­tion et les conditions de son dépassement :

"Pour expliquer la relative passivité de la classe et son inca­pacité à répondre aux attaques du capital, les boucs émissaires (les syndicats, les partis) ne suffisent pas. Le pouvoir de persuasion des partis et des syndicats n'est pas la cause mais la manifestation du phénomène essentiel, qui est la domination réelle du capital sur la société... L'équilibre sur lequel repose la société bourgeoise existe en­core. Il a été consolidé en Europe pendant près de 2 siècles et un mouvement de la classe puissant, matériel, est nécessaire pour le rompre...

Plus la domination capitaliste devient réelle, et plus elle s'exprime dans la superstructure, renforçant la domination réelle de telle façon que plus elle se cristallise, plus difficile et plus violent sera le processus qui la détruira."

Et voilà ! En jonglant un peu, pour "faire profond" sur le terme de "domination réelle du capital", que Marx utilisait dans un tout autre contexte (voir l'article sur la Décadence du capitalisme dans ce même n° de la Revue), on allonge de bonnes banalités quand ce ne sont pas des tautologies : "aujourd'hui le prolétariat est encore incapable de renverser le capitalisme parce que celui-ci exerce une domination réelle sur la société". Bravo le BIPR ! Voila une thèse qui fera date dans l'histoire du mouvement ouvrier et de la théorie marxiste. De même, l'histoire retiendra les phrases suivantes:

"L'intervention révolutionnaire du Parti est nécessaire pour vaincre toute influence bourgeoise, de quelque forme qu'elle soit, afin de rendre possible le passage des protestations et des revendications vers une attaque frontale contre l'Etat bour­geois...

La condition pour la victoire du programme révolutionnaire dans le prolétariat est la déroute de ce que nous avons défini comme les influences bourgeoises sur et dans la classe".

De nouveau, le BIPR nous propose des banalités agrémen­tées d'un raisonnement qui se mord la queue :

"Il n'existe pas un développement significatif des luttes parce qu 'il n 'existe pas le parti ; et le parti ne pourra exister sans que la classe ne se trouve dans un processus de développement des luttes". Comment peut-on rompre ce cercle vicieux ? Le BIPR ne nous le dit pas. C'est sans doute ce que ces cama­rades, qui sont très friands de formules "marxistes" tape à l'oeil, appellent la "dialectique"

En réalité, en sous estimant complètement la place qu'occupe le prolétariat dès à présent sur la scène de l'histoire, en empêchant le capitalisme de déchaîner une troisième guerre mondiale, la vision du BIPR sous estime de la même façon l'importance des combats actuels de la classe, tant par leur capacité de constituer un frein aux at­taques bourgeoise que par l'expérience qu'elles représen­tent en vue des affrontements décisifs, révolutionnaires, contre l'Etat capitaliste. C'est pour cela que cette organisa­tion, non seulement est conduite, comme on l'a vu plus haut, à tomber dans les pièges les plus grossiers de la pro­pagande bourgeoise sur la "dissuasion nucléaire", mais qu'en plus elle néglige la responsabilité des révolutionnaires à l'heure actuelle-, tant du point de vue du travail de regrou­pement des forces communistes (voir article sur le Milieu politique dansée numéro de la revue) que du pointa vue du travail d'intervention dans les luttes. En particulier, le texte du BIPR est significatif à cet égard :

"Nous, les avant gardes révolutionnaires, nous pouvons seu­lement avoir une influence très limitée -presque inexistante -sur ce processus (de rupture de l’équilibre sur lequel repose le capitalisme), précisément parce que nous sommes en de­hors de la dynamique matérielle de la société"

Si par "dynamique matérielle" le BIPR entend l'évolution de la crise, il est évident que les révolutionnaires n'ont aucun impact là dessus. Mais, il ne peut s'agir uniquement de cela puisque, par ailleurs, le BIPR estime que "l'affrontement de classe est absolument en dessous de celui imposé par la situation objective" : il faut donc supposer que d'après le BIPR, la crise est pour sa part suffisamment développée pour permettre la "rupture" qu'attend cette organisation. En fin de compte, derrière les jeux de mots sur la "domination réelle", etc., derrière le refrain perpétuel sur le "rôle indis­pensable du parti" (idée que nous revendiquons également d'ailleurs), le BIPR ne fait qu'abdiquer devant ses responsabilités. Ce n'est pas en clamant en permanence : "Il faut le Parti ! Il faut le Parti !) qu'on assume son rôle, dans la classe face aux besoins actuels du développement de sa lutte. Il existe un proverbe russe qui dit : "quand il n'y pas de vodka parlons de vodka". En fin de compte, beaucoup de groupes du milieu prolétarien font aujourd'hui la même chose. Seul le dépassement de cette attitude de scepticisme vis à vis des luttes de la classe, et notamment de leur impact sur le cours historique, leur permettra d'assumer réelle­ment la responsabilité qui est celles des révolutionnaires, et contribuer efficacement à la préparation des conditions du parti mondial du prolétariat.

FM



[1] Une autre raison permettant d'expliquer cette convergence des at­taques contre les positions du CCI réside probablement dans le fait que notre organisation, qui depuis la dislocation du Parti Communiste Inter­national (bordiguiste) constitue la formation la plus importante du milieu révolutionnaire international, est devenue de ce fait le point de référence pour tous les groupes et éléments de ce milieu. Ce fait n'est pas pour nous un motif de satisfaction particulière : nous sommes bien trop conscients et préoccupés par la faiblesse générale du milieu révolution­naire vis à vis des responsabilités qui sont les siennes dans la classe pour nous réjouir de cette situation.

[2] Ce n° du Communiste contient un article dont le titre seul : "Une fois déplus... le CCI du côté des flics, contre les révolutionnaires" en dit long sur la teneur.

[3] On peut se reporter en particulier à la Résolution sur la situation in­ternationale adoptée lors de notre 3ème congrès (Revue Internationale n°18) et à l'article "Guerre, militarisme et blocs impérialistes dans la déca­dence du capitalisme" publié dans la Revue Internationale n°52 et n°53.

[4] Voir en particulier "Europe et Amérique".

[5] Il faut remarquer que dans un passage précédent du même article, on explique la "dilatation des temps de préparation de la guerre" par les transformations économiques subies par le capitalisme depuis la seconde guerre mondiale, ce qui est en contradiction flagrante avec la thèse énon­cée dans Prometeo n°ll suivant laquelle "au niveau objectif sont présentes toutes les raisons pour le déclenchement d'une nouvelle guerre généralisée". Quand on s'appuie sur une théorie fausse, il ne faut pas s'étonner de s'enfermer dans toutes sortes de contradictions lorsqu'on essaye de la faire cadrer avec la réalité.

[6] A propos de cet accord, l'article déjà cité de BC de mai 88 souligne avec pertinence qu'il n'affecte que 3,5% du potentiel de destruction des signataires, et qu'il a pour but de leur permettre de "concentrer les efforts (économiques, de recherche, etc.) à la restructuration et la modernisation des armements nucléaires et conventionnels respectifs^. Décidément, les analyses du PCInt ressemblent à une auberge espagnole : il n'y a pas de menu fixe, chaque article de la presse y apporte ses propres conceptions, mêmes si elles sont en contradiction avec celles des autres articles. Il fau­drait que BC et Prometeo accompagnent chacun des articles qui y sont publiés d'une note précisant s'il exprime les positions de l'organisation ou une position particulière d'un camarade afin que le lecteur puisse s'y re­trouver. La même suggestion restant valable lorsque c'est au sein d'un même article qu'on énonce des affirmations contradictoires.

[7] Les camarades de Battaglia estiment que la non utilisation des gaz de combat au cours de la seconde guerre mondiale illustre la capacité de la bourgeoisie à se donner un certain nombre de règles du jeu. Ce qu'illustre en fait leur affirmation c'est qu'ils prennent pour argent comp­tant les mensonges utilisés par la bourgeoisie lorsqu'elle veut démontrer qu'elle est capable de "raison" et d'"humanité" même dans les mani­festations les plus extrêmes de la barbarie de son système. La seconde guerre mondiale n'a pas fait appel à ce type d'armes parce que la pre­mière avait montré qu'il était à double tranchant et pouvait se retourner contre ceux qui l'employaient. Depuis, l'Irak "barbare" dans la guerre du Golfe, et avant lui, les très "civilisés" Etats-Unis au Vietnam, ont fait la preuve qu'avec les moyens modernes on pouvait de nouveau les utiliser "efficacement".

[8] Sur cette question voir l'article "Guerre, militarisme et blocs impéria­listes..."

[9] Il faut en finir avec le mensonge sur "la liquidation par la Fraction de toute possibilité d'intervention politique révolutionnaire en Espagne". La Fraction est intervenue par sa presse de façon publique et dans le milieu prolétarien, pour dénoncer la politique de collaboration de classe sous prétexte de "sauver la République", pour apporter un soutien total à la révolte des ouvriers de Barcelone en juillet 36 et en mai 37, par son sou­tien à la lutte des ouvriers des Asturies en 34. Mais il y a intervention et intervention : intervenir pour combattre "l'alliance républicaine anti-fas­ciste" ou intervenir pour s'intégrer dans les milices pour le soutien de la République bourgeoise. "Battaglia" condamne la position de la majorité de la Fraction (la première) même si elle critique aussi celle de la mino­rité (l'embrigadement anti-fasciste). Qu'elle était finalement la bonne po­sition d'après le PCInt, celle qui a conduit cette organisation à lancer en 45 un "Appel aux comités d'agitation des partis à direction prolétarienne" (en fait les PC, les PS et les anarchistes) pour un "front unique de tous les travailleurs" (voir à ce sujet notre Revue Internationale n°32)

 

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