Quelques questions au CCI‎

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Le texte qui suit est une réponse de la "Communist Workers' Organisation" à l'article "Les confusions politiques de la CWO" paru dans La Revue Internationale n°10. Nous le saluons comme une contribution à la discussion internationale parmi les révolutionnaires et, plus spécifiquement, comme l'expression d'un nouvel intérêt de la CWO pour reprendre un dialogue politique avec le CCI, ceci bien que la CWO n'ait pas changé l'évaluation qu'elle fait du CCI : un groupe "contre-révolutionnaire". Nous publions également une réponse aux points spécifiques et aux critiques que la CWO met en avant dans ce texte.


L'article "Les confusions politiques de la CWO" fait la preuve une fois de plus de l'impasse dans laquelle se trouve le CCI. D'une part on nous dit que la CWO et le CCI partagent les mêmes positions de classe, d'autre part une cri tique de nos "confusions" révèle que nous sommes tout à la fois "près des" ou "virtuellement" substitutionnistes, staliniens et autogestionnaires. Est-ce que ce ne sont pas là des frontières de classe plutôt que des "confusions" compatibles avec les positions du CCI ? C'est seulement en prenant ses désirs pour des réalités ou par opportunisme qu'on peut faire un lien entre affirmer d'une part que nous partageons les mêmes positions de classe et d'autre part que nos confusions nous mènent à frôler les positions contre-révolutionnaires[1]. Comme peu de vos membres hors du Royaume-Uni ou des États-Unis ont pu étudier soit nos positions, soit notre critique de celles du CCI, nous avons pensé qu'il peut s'avérer utile de reprendre quelques uns des points soulevés dans l'article cité ci-dessus et de démontrer les inconsistances du CCI. Une fois établies avec sérieux nos différences avec vous, nous espérons vous inciter à les traiter plus sérieusement que cela n'a été fait dans le passé.

1. L'analyse économique

L'analyse du CCI des contradictions du capitalisme s'oppose à celle présentée par Marx dans "Le Capital". Bien que cette dernière soit incomplète et consacrée inévitablement au capitalisme du 19ème siècle, le contenu fondamental et la méthode de la théorie de Marx peuvent être utilisés pour expliquer tous les phénomènes de la décadence du capitalisme[2]. La CWO reconnaît que l'abandon des idées de Marx mène à diverses erreurs théoriques et pratiques qui peuvent pousser un groupe â la confusion ou même l'amener sur les traces de la contre-révolution[3]. Ainsi, pour la CWO, i n'y a aucun problème sur comment mener l'analyse économique, établir une base de granit pour nos positions et élaborer une perspective politique. Mais qu'en est-i1 dans le CCI ?

"Nous reconnaissons pleinement l'importance de discuter de cette question (à savoir l'analyse économique de la CWO) au sein du mouvement ouvrier". (Revue Internationale10) On ne peut pas prendre au sérieux une telle affirmation puisqu'en neuf ans, depuis la fondation du groupe-père du CCI (Révolution Internationale), l'organisation n'a jamais fourni d'explications publiques et de défense de ses bases économiques qui aillent au-delà d'affirmations journalistiques. Le SEUL texte relativement soli de ("La décadence du capitalisme") ne fait mention de Rosa Luxembourg, dont le CCI prétend se réclamer pour les fondements de son analyse, qu'une seule fois. Malgré son "importance", l'analyse économique est beaucoup plus une addition décorative au marxisme et ne peut pas en elle-même mener a des confusions ou à la contre-révolution ; cette attitude est en effet tout à fait logique. Pourquoi perdre du temps a défendre l'analyse de Luxembourg, si on laisse de côté pour le moment le fait qu'elle est indéfendable[4], puisque celle-ci ou toute autre théorie économique n'a pas d'implications ? Si le CCI reconnaît 1'"importance" de discuter des questions économiques, pourquoi ne l'a-t-i1 jamais fait de façon conséquente ? Plus sérieusement, pourquoi est-i1 "important" de discuter cette "question", si ses implications politiques sont peu importantes ? Ce que vous semblez réellement reconnaître (pour éviter d'être accusés de vulgariser le marxisme), c'est le besoin de dire que vous reconnaissez l'importance de l'analyse économique. Nous ouvrons au CCI notre revue Revolutionary Perspectives pour répondre au texte paru dans le n°6, "The Accumulation of Contradictions, or The Economic Conséquences of Rosa Luxembourg". De plus, nous vous invitons à expliquer pourquoi il est important selon vous de discuter l'analyse économique.

2. La Russie

Ce n'est pas seulement avec les théories économiques de Rosa Luxembourg que le CCI défend l'in défendable ; la même chose s'applique à son analyse du déclin de la vague révolutionnaire et de la fin du pouvoir prolétarien en Russie. Le CCI doit probablement être d'accord qu'en 1919 la classe ouvrière détenait réellement le pouvoir politique en Russie ; i1 est inconcevable autrement qu'ait pu se produire une révolution prolétarienne. Mais derrière un écran de fumée de "fantaisies", le CCI n'a jamais dit quand la classe ouvrière a finalement PERDU ce pouvoir. En effet, si nous sommes d'accord qu'en 1917 la classe détenait ce pouvoir, mais qu'en 1977 il n'en est plus ainsi, il s'en suit logiquement qu'à un moment donné elle a perdu ce pouvoir. Nous avons expliqué maintes fois que mars 1921 a été le Thermidor[5]. (NEP, Kronstadt, le Front Unique) après lequel i1 n'est rien resté de prolétarien dans l'État russe, le Parti Bolchevik et l'Internationale Communiste. La défaite de la révolution mondiale a signifié l'impossibilité de toute autre issue à l'expérience héroïque russe. Le CCI, désireux d'éviter cette conclusion, se voit contraint à une série de convulsions à vous couper le souffle. Pour ne donner qu'un seul exemple, Kronstadt, frontière de classe autrefois, est maintenant excuse puisque les "principes" pour résoudre une telle situation n'avaient pas été essayés et expérimentés. Le prolétariat a-t-il besoin d'établir comme principe que son propre massacre est contre-révolutionnaire ? D'autres problèmes se posent au CCI lorsqu'il s'agit de traiter de la nature de classe des tendances en Russie liées au boucher de Kronstadt, Trotsky. Pourquoi la soi-disant opposition de gauche a-t-elle été une expression (quoique dégénérée) du prolétariat ? A cela aucune réponse n'a été donnée ni n'aurait pu l'être parce que le CCI n'a pas fait d'examen sérieux du programme de l'opposition et de Trotsky. Il est incroyable que le seul argument avancé a été que l'opposition a combattu l'idée d'un socialisme en un seul pays. En fait, le CCI se révèle n'être qu'un pauvre légataire. Comment l'opposition, qui est morte comme mouvement organisé en 1923, a-t-elle pu combattre une théorie qui n'allait apparaître que plus d'un an après ? Peut-être qu'une fois encore le CCI est simplement victime de son manque de clarté sur les faits. Est-ce réellement l'Opposition Unifiée de 1927 (Kamenev et autres) que nous saluerions puisqu'elle s'opposait nommément à la thèse du "socialisme en un seul pays" de Staline ?

Mais quoi qu'il en soit, l'idée que la proclamation du "socialisme en un seul pays" ait signifié que quelque chose avait changé en ce qui concerne la Russie ou le Parti Bolchevik est doublement absurde. En premier lieu, l'adoption de cette théorie n'a rien changé dans la politique des bolcheviks, du Kominterm ou de la Russie, qui étaient aussi contre-révolutionnaires avant qu'après son adoption ; de même elle n'a rien changé en ce qui concerne la position de la classe ouvrière russe. En second lieu, votre propre "méthode" dénonce la théorie de Staline comme une frontière de classe. Le rejet du "socialisme en un seul pays" n'était pas un "principe déjà établi". Comme vous le dites, même le pauvre vieux Marx avait des défaillances dans ce sens (cf."La Guerre Civile en France"), alors que Lénine défendait spécifiquement la possibilité d'une telle réalisation en 1915 (cf."Le Slogan des États-Unis d'Europe"). Ainsi, au mieux vous pouvez dire que le "socialisme en un seul pays", après la tentative qui a été faite et son échec, est devenu une frontière de classe, c'est-à-dire à la fin des années 30 ; en aucune manière, i1 ne pouvait le devenir instantanément lorsqu'il fut proposé par Staline (qui, quoi qu'il en soit, le considérait exactement de la même façon que Lénine considérait la NEP : une opération pour tenir jusqu'à la prochaine vague de la révolution en Occident. Voir Deutscher sur cette question). Vous ne pouvez guère laisser de côté la NEP de cette façon et mettre en avant le "socialisme en un seul pays" qui en fut l'aboutissement. Le CCI coupe en petits morceaux et change sa méthode selon les conclusions auxquelles il veut arriver. Les innovations de Staline ou les trahisons de la Social-démocratie sont instantanément des frontières de classe tandis que Kronstadt, le Front Unique, etc. ne le deviennent qu'après avoir été expérimentés et avoir échoué.

Si vous abandonnez l'idée de 1921 comme Thermidor, il n'y a aucune possibilité d'abandonner une position défaitiste sur la Russie jusqu'en 1940 lorsque celle-ci entre dans la guerre. Qui plus est, si la Russie avait quelque chose de prolétarien, entrer dans la guerre lorsqu'elle était attaquée par l'Allemagne nazie ne pouvait rien y changer, et nous serions forcés de repousser jusqu'en 1944-45, lorsque la Russie devient clairement impérialiste, pour rejeter toute défense de celle-ci. Les dernières publications du CCI montrent en effet clairement des signes dans ce sens et proclament que la défense de la Russie était une question ouverte jusqu'en 1940 (Revue Internationale n°10). Les leçons que nous tirons de 1'expérience russe influencent de façon cruciale ce que nous défendons comme la politique du prolétariat dans la prochaine vague révolutionnaire. Comme le CCI ne comprend pas les premières, i1 est incapable de comprendre la seconde.

3. L'État

Le CCI moralise de façon a-historique sur la question de l'État, ce qui l'amène parfois au bord de l'anarchisme et du libéralisme. Ce premier aspect s'illustre dans sa vision de l'État comme "essentiellement conservateur" et opposé à la "liberté" tandis que le second apparaît dans sa vision de l'État comme un "mal nécessaire" qui existe pour concilier ou servir de "médiation" entre les classes. Les fantômes de Kropotkine et de John Stuart Mill hantent les publications du CCI. Une analyse marxiste de l'État au con traire -tout en reconnaissant les traits communs à toutes les formes d'État- est une rupture avec de telles généralités comme celles qui obsèdent le CCI et voit chaque forme étatique historique comme porteuse de traits spécifiques. "Pour un marxiste, il n'existe pas d'"État" en général". (Karl Korsch, "Pourquoi je suis marxiste").

Si l'on prend comme exemple l'État asiatique ou despotique, on se rend compte qu'il était au début une force révolutionnaire organisant l'expansion des forces productives, regroupant par la force les producteurs dispersés en tribus dans des travaux publics à grande échelle. De même, l'État de la période absolutiste en Europe, était une alliance progressiste entre le monarque et la bourgeoisie pour jeter bas la nobles se féodale guerrière (le règne des Tudor en Grande-Bretagne par exemple). Les généralités a-historiques du CCI, qui refuse de voir ce qu'il y a de spécifique dans chaque forme étatique, se retrouvent dans l'approche qu'ils ont de l'État absolutiste. Dans la brochure sur "La décadence du capitalisme", on nous dit que c'était un organe conservateur destiné a soutenir la société féodale en déclin, un phénomène réactionnaire analogue au renforcement actuel de l'État bourgeois. En suivant la méthodologie de Luxembourg qui con fondait toutes les époques du capitalisme dans le capitalisme "en soi", le CCI confond toutes les formes étatiques dans l'État éternellement conservateur "en soi". Nous sommes ici en présence de l'idéalisme, l'idéalisme des "formes" platoniques.

En fait, l'État ouvrier n'est pas une expression de l'essence éternelle de l'État, mais une arme spécifique de la domination de classe destinée S détruire politiquement les ennemis du prolétariat. Hors de l'État-Conseils de classe, il ne peut y avoir aucun organe de nature politique exprimant les intérêts des classes ennemies. Il peut exister des associations à un niveau technique/économique sous le contrôle des soviets, il peut se créer des appendices de l'État ouvrier au travers desquels il communique avec les autres couches, mais l'idée d'un "État"extérieur aux Conseils Ouvriers est un anathème réactionnaire. Evidemment, dans le passé de tels organes se sont développés et c'était la tâche des communistes et de la classe de les détruire. Ainsi l'Assemblée Constituante en Russie était une expression de toutes les "classes non bourgeoises" particulièrement de la paysannerie. Le CCI critique-t-il maintenant les bolcheviks, comme Rosa Luxembourg, pour avoir dissout la Constituante qui aurait pu être une force de médiation pour éviter les "excès" du communisme de guerre ? Lorsqu'il tente de s'opposer à l'idée de la CWO qu'il peut y avoir un État ouvrier, le texte de la Revue Internationale n°10 nous accuse de faire le silence sur des institutions telles que le Sovnarkom, la Vesenkahn, l'Armée Rouge, de ne pas dire s'ils étaient des "organes de classe" de l'État ouvrier russe. Nous n'avons jamais fait le silence et nous ne le faisons pas : jusqu'au triomphe de la contre-révolution, ils l’étaient certainement. L'arme essentiel le pour détruire la contre-révolution ne sera pas des médiations mais la violence et la terreur.

Dans "L'Accumulation du Capital", Luxembourg verse beaucoup de larmes sur le destin des tribus, des artisans et des paysans précapitalistes. Cependant (malgré les affirmations réitérées du CCI sur le fait que son travail se base sur la loi de la valeur), le prolétariat, dont la plus-value qui lui est extraite assure la reproduction du capitalisme, mérite a peine une mention dans ce travail, encore moins une larme. Derrière la vision du CCI sur l'État dans la période de transition se cache un souci humaniste libéral semblable, pour les couches non-prolétariennes et leur destin. Ceci amène à la défense (au niveau des principes) de concessions politiques et économiques aux masses non-prolétariennes et aux aires économiquement arriérées du globe. Le prolétariat est certainement une minorité de la population mondiale, mais ce n'est pas un argument pour des médiations et pour la nécessité de concessions. Dans les pays où la grande majorité de la.production mondiale industrielle et agricole est concentrée, le prolétariat est une majorité de la population et peut traiter avec les autres couches par la force, la répression ou la dispersion selon le cas. Avec qui y a-t-il besoin d'intermédiaire au coeur du capitalisme ? La petite-bourgeoisie comme les commerçants ? Les couches professionnelles desquelles on peut tout juste s'attendre à ce qu'elles agissent de façon atomisée ? Une analyse de classe erronée, comme celle qui amène invariablement le CCI à ranger les "cols blancs" dans les "classes moyennes" ou même dans la petite bourgeoisie, mène à la vision que ces éléments douteux devront être maintenus dans leurs propres organisations distinctes de celle des ouvriers. Au contraire, l'intégration la plus rapide possible de tels groupes dans le travail productif sera la plus sure garantie contre la contre-révolution qui trouve sa base dans leurs rangs. Comme pour les millions d'êtres humains lumpenisés hors des pays capitalistes avancés, leur seul espoir est de suivre leur propre prolétariat et le prolétariat mondial vers le communisme. Au contraire de la paysannerie du passé, ils ne peuvent même pas se nourrir eux-mêmes et ne constituent certainement pas un grand obstacle au pouvoir prolétarien. Mais si un "État" surgissait réellement tel que le CCI le prévoit, baptisé dans l'eau bénite des groupes vraiment communistes, il servirait certainement de foyer pour la contre-révolution, ouvertement des couches non-prolétariennes, souterrainement du capital lui-même[6].

C'est un argument fallacieux de dire que depuis Bilan qui défendait cette position dans les années 30, elle ne peut pas être une frontière de classe puisque le CCI et la CWO reconnaissent Bilan comme un groupe prolétarien. Si cette position sur l'État est une frontière de classe, demandons au CCI pourquoi Bilan n'est pas contre-révolutionnaire ? Bilan a aussi défendu le caractère prolétarien des syndicats, ce qui pour le CCI est une frontière de classe. On ne peut pas dire que ce fut seulement au cours de la 2ème Guerre Mondiale que cette question a été clarifiée ; comme pour la question de l'État qui a été posée au cours de la révolution et de la contre-révolution des années 1917-23. Ce que nous pouvons étendre aux groupes dans les profondeurs de la contre-révolution ne peut pas être étendu aux groupes émergeant dans une nouvelle situation pré-révolutionnaire. Nous pouvons défendre Bilan et dire que la question de l'État est une frontière de classe, tout comme le CCI peut le défendre bien que la question syndicale soit une "frontière de classe". Ou les syndicats deviendront-ils la prochaine "question ouverte" du CCI ?

4. Le Parti

Le CCI trouve impossible de comprendre les positions de la CWO sur cette question et est horrifié par ce qu'il voit comme nos "tendances substitutionnistes". Ce que le CCI ne saisit pas est que le substitutionnisme, comme 1'"autonomie", est un mot auquel il est impossible d'attribuer un conte nu qui ait un sens. Essayons de démêler le noeud gordien entourant cette question qui n'en est pas une. "Substitutionnisme" est sensé vouloir dire qu'une minorité de la classe tente de prendre en charge les tâches de l'ensemble de la classe. Le terme ne peut pas s'appliquer aux groupes bourgeois ; la domination minoritaire de la bourgeoisie sur les ouvriers n'est pas du substitutionnisme de l’une sur les autres, mais simplement la forme de domination de classe. Aussi, la question ne peut avoir de sens que par rapport aux groupes prolétariens, et en effet le CCI pense que des groupes communistes peuvent franchir les frontières de classe sur la question du "substitutionnisme". Nous devons clairement distinguer deux questions bien séparées.

D'un côté, il y a la position formulée au départ par Blanqui, reprise d'une certaine manière par Lénine et Bordiga ensuite, qu'une minorité communiste bien organisée peut s'emparer du pouvoir au nom de la classe ouvrière et garder le pou voir pour eux. Ceci est certainement une confusion mais ne peut être en aucun cas une frontière de classe. Nous voulons que le communisme évite l'anéantissement de l'humanité, là est le but, peu importe les moyens. Pourrait-i1 se réaliser par des coups de main blanquistes ou pour quoi pas par lévitation, tel serait alors notre programme. La question n'est pas morale. Au contraire, puisque la conscience et la participation active de la classe sont nécessaires pour battre les ennemis de la révolution et construire une nouvelle société, une telle vision de tactiques minoritaires est simplement une lamentable confusion.

L'autre côté de la même pièce sur la question substitutionnistes se situe à un niveau plus sérieux. Selon le CCI, une des "frontières de classe" sur la question de l'État est que le parti politique ne vise pas à prendre le pouvoir. Au lieu de cela, il se contente d'être une"facteur actif de 1'auto-organisation et de 1'auto-démystification de la classe ouvrière", quel que soit le véritable sens de cette phrase creuse. Si la majorité de la classe au travers de ses expériences devient consciente de la nécessité du communisme et est préparée à combattre dans ce but, elle mandate alors les communistes à des postes de responsabilité au sein des organisations générales de la classe. On peut au mieux parler d'une insurrection, pas d'une révolution tant qu'il n'y a pas de majorité communiste dans les organisations de classe. Et ces communistes mandatés ne viennent pas de l'air, ils sont membres du parti communiste (quoi d'autre ?). Par conséquent à son point victorieux, l'insurrection sera transformée en révolution, et le soutien de la majorité pour le communisme s'exprimera par la classe -via le parti dans les conseils- prenant le pouvoir. L'idée que la révolution pourrait réussir alors que la majorité de la classe n'est pas consciente de la nécessité du communisme, ou alors que la majorité des délégués aux conseils ne sont pas communistes, est absurde. Une telle conception ôte à la révolution son aspect vital -la conscience- et la réduit à un acte spontanéiste, conseilliste. Au mieux c'est une insurrection condamnée, pas une révolution. Aussi, si le "substitutionnisme", c'est-à-dire le parti cherchant â s'emparer du pouvoir, est une frontière de classe, alors le CWO a franchi ce Rubicon là depuis longtemps.

5. La théorie

Comme le parti a un rôle vital à jouer, il a besoin de savoir ce qu'il fait. Aussi, son programme et comment il est construit (la théorie) est vital. La théorie n'est pas un hobby ou un ornement des positions que nous connaissons déjà intuitivement, mais le chemin difficile qui nous fait parvenir réellement à ces positions. Nulle part ailleurs le déclin du CCI n'est plus marqué que dans la dégradation de la théorie et la tendance de son travail à devenir de plus en plus journalistique. Comme de plus en plus de problèmes sont considérés comme des "questions ouvertes" (et parallèlement de plus en plus de pourvoyeurs de contre-révolution considérés comme groupes prolétariens "confus"[7], nous sommes sûrs que les tâches auxquelles nous faisons face sont "fondamentalement concrètes" (WR n°5, p.27) ou que les "questions d'interprétation historique" comme la mort du Komintern sont "entièrement hors de propos ?

Les tâches "pratiques" comme l'intervention et le regroupement ne peuvent être séparées de la théorie, de l'élaboration d'un proqramme communiste cohérent. Nous n'écrivons pas des textes théoriques ou des polémiques pour le plaisir de poser des questions, mais pour les résoudre ; c'est ainsi que le regroupement peut se faire, et avec lui l'intervention à une échelle plus large. La question du regroupement ne peut pas être posée dans l'abstrait, séparée des polémiques politiques ; c'est seulement si la discussion résout les points en question que l'existence d'organisations séparées devient injustifiée. C'est dans cet esprit que la CWO a été dans le passé et est aujourd'hui préparée à débattre avec le CCI duquel nous attendons des réponses aux questions soulevées dans cette lettre.

CWO. Octobre 1977

[1] Selon le CCI, la CWO s'oriente vers le "substitutionnisme". Or, ceci est une "frontière de classe" ou pour appeler un chat un chat, contre-révolutionnaire. Bien sûr, de telles conclusions sectaires ne sont jamais directement tirées de ces prémisses.

[2] "Economics of Capitalist décadence" dans Revolutionary Perspectives n°2.

[3] "On implications of luxembourgism" dans RP n°8.

[4] Cette affirmation est démontrée dans "Economic conséquences of Rosa Luxembourg" dans RP n°6.

[5] "Révolution and counter-revolution in Russia" dans RP n°4.

[6] Sur notre position sur la période de transition, voir les textes sous ce titre dans Workers'Voice n° 14 et 15.
[7] Les frontières de classe sont tracées pour délimiter les groupes bourgeois des groupes prolétariens. Toute autre conception les abaisse et les avilit. Aussi, nous ne pouvons que nous opposer à la "nouvelle ligne" du CCI qui baptise toutes sortes de confusionnistes et de contre-révolutionnaires, prolétariens, selon le critère le plus vague. Un cadre qui inclut Programme Communiste (PCI) au sein du camp ouvrier est incapable d'exclure de ce camp le SWP en Grande-Bretagne. En effet, si les frontières de classe ne définissent pas un groupe prolétarien, alors toute la gauche est prolétarienne. Toute cette question sera traitée dans un prochain numéro de Revolutionary Perspectives ; en attendant, nos positions sont tracées dans RP n°8 : "Une réponse de la majorité".

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