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Nation ou classe ? Telle est la question posée par ce capitalisme agonisant. D'un côté, une bourgeoisie enfermée dans ses frontières, prête à défendre ses intérêts nationaux en déchaînant l'enfer de la guerre. De l'autre, un prolétariat qui n'a pas de patrie, qui doit mener une lutte pour défendre ses conditions de vie et qui porte en lui ce sentiment profondément humain de la solidarité. Il ne s'agit pas là de belles grandes phrases théoriques et creuses mais d'une réalité concrète vécue depuis plus d'un siècle, dans leurs chairs, par des millions d'ouvriers.
Tout récemment, en Turquie, le prolétariat en a fait une nouvelle fois l'expérience. La bourgeoisie turque, afin de mener son offensive dans le nord irakien (lire l'article ci-dessus "Une position internationaliste venant de Turquie"), a déversé à grands flots son poison nationaliste. Et pourtant, au milieu de cette hystérie chauvine, des ouvriers ont osé se battre pour réclamer un salaire décent. Comme l'écrivent nos camarades d'EKS, "les ouvriers sont restés en grève en dépit du fait que les médias et divers membres de la classe politique leur répétaient qu'ils agissaient contre les intérêts nationaux". Et quelle grève ! Fin 2007, 26 000 ouvriers de Türk Telekom entraient en lutte. Ils se battront durant 44 jours. Cette perte de 1 100 000 journées de travail en fait la plus grande grève de l'histoire de la Turquie depuis la grève des mineurs de 1991 ! Au final, les grévistes ont obtenu une augmentation de 10 % cette année (un peu plus que le taux officiel d'inflation) et la promesse de 6,5 % (au-dessus de l'inflation) pour l'an prochain alors même que le PDG de Türk Telekom, Paul Doany, affirmait fermement quelques jours auparavant encore : "Aucun employé ne doit compter sur une augmentation au-dessus du taux d'inflation." Pour nos camarades d'EKS : "Arrivant peu de temps après que les travailleurs de THY [compagnie aérienne turque] aient obtenu [eux aussi] une augmentation de 10 %, cela envoie un message clair à tous les travailleurs de Turquie. L'unité et l'action collective sont les seuls moyens de protéger les salaires de l'inflation." Et nous pourrions rajouter, plus largement, que "cela envoie un message clair à tous les travailleurs" du monde entier !
Tous les ouvriers, aux quatre coins du globe, sont touchés aujourd'hui par l'inflation galopante. Partout, une vague de paupérisation est en train de s'abattre. Nos frères de classe de Turquie nous montrent qu'il est possible de se battre même dans des conditions extrêmement difficiles. Ils révèlent par-là même la force de notre classe. Pour la majorité des travailleurs des grands centres industriels à travers le monde, la guerre impérialiste sert de toile de fond tendue en permanence sur le théâtre de nos vies, mais elle n'est pas un enjeu immédiat dans notre quotidien. Par contre, pour les travailleurs de Turquie, la guerre est une réalité immédiate et brûlante. Ces lignes d'EKS en témoignent avec force : "Pour nous, il est tout à fait évident que la classe ouvrière de ce pays a placé les intérêts de la nation avant les siens propres depuis bien trop longtemps. La classe ouvrière a payé la guerre nationale du Sud-Est [de la Turquie] non seulement par des années d'inflation et d'austérité, mais aussi par le sang et la vie de ses enfants. Le temps est venu, en tant qu'ouvriers, de placer nos intérêts en premier."
Le courage dont ont fait preuve les ouvriers de Türk Telekom indique la direction à suivre pour les ouvriers du monde entier. A ce titre, nous encourageons fortement nos lecteurs à lire le débat qui a eu lieu au sein d'EKS sur cette grève, débat publié sous la forme d'une série de quatre articles traduits du turc par les camarades d'EKS et publiés sur notre site (1).
Françoise (3 juillet)
1) Toutes les citations d'EKS qui précédent sont tirées de ce débat.