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Le samedi 21 mai, le CCI a tenu une réunion publique à Paris sur le thème « MOUVEMENT CONTRE LE CPE, une riche expérience pour les luttes futures». Plusieurs dizaines de personnes, salariés, retraités, étudiants de différentes universités parisiennes étaient présents et ont pu participer activement au débat.
L’exposé introductif s’est donné pour objectif de :
- rappeler l’analyse développée dans notre presse sur la signification historique du mouvement des étudiants contre le CPE ;
- souligner ce qui a fait la force de ce mouvement : sa prise en charge par les étudiants eux-mêmes à travers les assemblées générales massives et souveraines, son extension en direction des travailleurs salariés qui a contraint le gouvernement à reculer ;
- tirer les principaux enseignements de cette formidable expérience que viennent de vivre les nouvelles générations de la classe ouvrière ;
- tirer un bilan afin de tracer des perspectives pour les luttes futures.
Le débat qui a suivi la présentation fut très riche et animé. Les étudiants présents dans la salle ont pu non seulement poser des questions mais également apporter des éléments d’information sur la fin du mouvement et les moyens de poursuivre la réflexion au sein des universités. Un étudiant venu pour la première fois à notre réunion publique a exprimé son enthousiasme face à l’intérêt et au soutien que le CCI a apporté au mouvement. Le débat s’est développé principalement autour des questions suivantes :
- Pourquoi le CCI considère-t-il que le mouvement contre le CPE est-il plus mûr que celui de mai 68 alors que les travailleurs ne se sont pas mobilisés massivement comme c’était le cas en 68 où on a vu 9 millions d’ouvriers en grève ?
- Pourquoi n’a-t-on pas vu les chômeurs s’organiser et se mobiliser dans les manifestations ?
- Le CPE était-il une attaque dont la bourgeoisie pouvait se passer ? N’était-ce pas un « test » politique visant à permettre à la bourgeoisie de faire passer par la suite une attaque sur le contrat unique ?
- Quelle est la fonction de l’idéologie altermondialiste véhiculée aujourd’hui par ATTAC ?
- Qu’est-ce qui différencie le CCI des groupes trotskistes, comme LO ou la LCR, qui eux aussi se disent « révolutionnaires » ?
La discussion fut très dynamique car de nombreuses réponses ont été apportées non seulement par le CCI mais également par les participants qui se sont répondus mutuellement avec un état d’esprit très fraternel et dans un souci de convaincre et de clarifier les désaccords. La présence d’étudiants de plusieurs universités qui ont pris la parole pour apporter leurs témoignages et leur point de vue dans le débat a rendu ce dernier très vivant et en prise avec la situation concrète. Mais ce qui a surtout constitué la qualité de cette réunion, c’est le fait que, dans la salle, des éléments de toutes les générations, et de plusieurs pays d’Europe, se sont retrouvés ensemble pour mener le débat. Les participants ont été très émus par la présence de deux sympathisantes du CCI venues d’Allemagne pour apporter leur soutien et leur salut au mouvement des étudiants en France, ce qui a conféré à la discussion une dimension internationale. L’une d’entre elles a commencé son intervention en disant : « En Allemagne, nous ne savions absolument rien de ce qui se passait en réalité en France car la presse et les médias ont fait un black out total. Ils n’ont montré que les affrontements avec les CRS et ont fait croire que le mouvement des étudiants était des émeutes. Lorsque j’ai appris la vérité en lisant les tracts du CCI, j’ai cru que c’était un conte de fées ! » Ces deux sympathisantes du CCI en Allemagne se sont directement adressées aux étudiants présents dans la salle en affirmant : « Votre mouvement, par votre courage, votre sens profond de la solidarité montre l’exemple pour toute la classe ouvrière. La dynamique de vos assemblées générales était une préfiguration des futurs conseils ouvriers. On peut avoir confiance dans les nouvelles générations. C’est votre expérience qui montre partout comment il faut lutter ; votre lutte montre le chemin de l’avenir ».
Suite à ces interventions, des camarades de Belgique se sont inscrits également dans la discussion pour apporter des témoignages du black out des médias et des attaques similaires contre la classe ouvrière de ce pays.
Un étudiant a affirmé à la fin du débat avoir été très heureux d’avoir pu participer à cette réunion car elle lui a permis de comprendre la dimension et les enjeux politiques du mouvement contre le CPE. Un autre étudiant (venu également pour la première fois) a pris la parole à plusieurs reprises pour animer le débat, apporter ses critiques et répondre aux arguments tout en écoutant avec beaucoup d’intérêt notre propre argumentation et celle des autres intervenants. D’autres ont pris la parole également pour mettre en avant que la volonté de poursuivre la réflexion existe dans leur faculté où les étudiants qui ont participé activement au mouvement veulent rester soudés et maintenir des liens avec leurs camarades d’autres universités.
Au cours de la discussion, plusieurs interventions ont exprimé un certain scepticisme sur l’analyse du CCI, suivant laquelle le mouvement contre le CPE était plus mûr que celui de mai 68. En particulier un étudiant a souligné que dans les entreprises les travailleurs ne se sont pas mobilisés massivement comme c’était le cas en mai 68 et que la force de la classe ouvrière réside dans sa capacité à bloquer la production et à paralyser l’économie pour faire pression sur la bourgeoisie.
La discussion a permis de clarifier cette question en soulignant que, contrairement à la situation de la fin des années 1960, les conditions objectives de faillite de l’économie mondiale ont créé les conditions pour une maturation de la conscience au sein de la classe ouvrière. C’est justement cette maturation qu’a exprimé ce premier combat des jeunes générations contre le chômage et la précarité. D’autre part, il a été souligné également que la raison majeure du recul du gouvernement réside dans le fait que de plus en plus de travailleurs salariés, notamment du secteur privé, se sont mobilisés dans les manifestations. Si la bourgeoisie a fini par retirer le CPE, sous la pression du patronat, après la grande manifestation du 4 avril, c’est justement par crainte que ne surgissent des grèves spontanées échappant au contrôle des syndicats dans le secteur privé. Le fait qu’un nombre croissant de travailleurs aient participé aux manifestations et aient boycotté les cortèges syndicaux a constitué un avertissement pour la classe dominante. Ce n’est donc pas le « blocage » des facs qui a obligé la bourgeoisie à reculer, mais bien le fait que certains secteurs de la classe ouvrière parmi les plus directement concernés par les licenciements et la précarité risquaient de partir en lutte spontanément, en dehors des consignes syndicales.
Le débat a permis par ailleurs de rappeler que ce qui a constitué la principale caractéristique du mouvement des étudiants contre le CPE, ce n’est pas la violence comme c’était le cas en mai 68, mais la recherche de la solidarité, le surgissement d’assemblées générales massives au sein desquelles les étudiants ont pu décider collectivement des actions à mener pour étendre la lutte aux travailleurs salariés. C’est aussi le fait que d’emblée les étudiants ont mené leur combat sur un terrain de classe, contre une attaque économique s’inscrivant pleinement dans la lutte de l’ensemble de la classe ouvrière.
Le débat a également mis en évidence que, en mai 68, la bourgeoisie avait été surprise par le resurgissement du prolétariat sur la scène sociale après un demi-siècle de contre-révolution triomphante. C’est justement le manque de préparation de la classe dominante qui avait permis l’explosion d’une grève massive, inédite dans l’histoire, et impliquant 9 millions de travailleurs.
Le scepticisme sur les potentialités de la classe ouvrière s’est exprimé également dans l’intervention d’un participant qui a mis en avant que certains ouvriers de son secteur rêvent de devenir des patrons. Plusieurs interventions ont répondu à cet argument et ont rappelé que la classe ouvrière n’est pas une somme d’individus et que, comme le disait Marx, « Peu importe ce que tel ou tel prolétaire pense à tel ou tel moment. Ce qui importe, c’est ce que le prolétariat sera historiquement contraint de faire. » Il a également été rappelé qu’à la veille de la révolution de 1905 en Russie, les ouvriers défilaient derrière le pope Gapone en brandissant des icônes et en implorant le tsar. Et c’est cette même classe ouvrière qui, pourtant, a été capable de faire surgir les organes de la prise du pouvoir en Russie, les Soviets.
Faute de temps et du fait de la densité des questions soulevées, le débat n’a pu approfondir la question des perspectives. Néanmoins, les participants ont manifesté une volonté de poursuivre la discussion. Les camarades qui sont venus pour la première fois ont particulièrement apprécié l’esprit d’ouverture des interventions du CCI et le caractère fraternel de cette réunion publique. Le fait que plusieurs étudiants de différentes universités soient venus à cette réunion publique du CCI est une confirmation du fait que le mouvement contre le CPE exprime bien une volonté de politisation des jeunes générations de la classe ouvrière.
CCI