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Pour ne pas "se couper" du mouvement social, la gauche a été contrainte de "durcir " peu à peu le ton contre le gouvernement Villepin, son CPE, son CNE et sa loi sur "l'égalité des chances", sous peine de se discréditer aux yeux de la classe ouvrière. Il a été frappant de voir se reconstituer à l'issue de ce mouvement la grande famille de la "gauche plurielle".
La "Sainte-Alliance" de la gauche plurielle
Celle-ci tente de nous refaire le coup du Front populaire en présentant toutes ses forces réunies dans une union sacrée contre le gouvernement comparable à celle de 1936. C’est ainsi qu’à partir de la fin du mois de mars, se sont succédés les déclarations, appels, pétitions, conférences de presse et autres meetings communs à l’initiative de ce beau monde allant du PS jusqu’à la LCR (sans oublier notamment les altermondialistes, la Confédération paysanne, le PCF et les Verts), à l'image de la vaste union syndicale affichée dans le mouvement.
Mais la situation sociale n'est nullement la même qu'à cette époque de contre-révolution triomphante où la gauche avait ainsi embrigadé la classe ouvrière pour l'amener aux massacres de la guerre impérialiste. Elle n'est pas non plus identique aux plus beaux jours de l'union de la gauche et du programme commun. L'histoire, rappelait déjà Marx dans Le 18 Brumaire, quand elle semble se répéter prend souvent la première fois la forme d'une tragédie, et la seconde fois celle de la comédie. Et dans cette farce, toute la gauche a joué les intermittents du spectacle : pendant les manifestations et les AG, on ne les voyait ni entendait guère alors qu'elle occupait bruyamment la scène pour recueillir les applaudissements et s'approprier le mérite du retrait du CPE. Tous ces gens-là n'ont certes pas le même programme mais ils se retrouvent ensemble dans une "union sacrée" dès qu'il s'agit de faire face à la classe ouvrière et à ses luttes.
En effet, le programme du PS, du PC et consorts, on le connaît. Le PS au gouvernement (avec ou sans le PC) a mené une politique antiouvrière. Même aujourd'hui, au sein du PS, l'ancien gauchiste Julien Dray, rêve ouvertement de briguer le ministère de l'Intérieur en 2007. La politique tant décriée de la droite a toujours été en continuité de la politique de la gauche, la seule différence c'est que les uns tendent à parler franc et ne n'embarrassent pas de fioritures pour mener leurs attaques tandis que les autres enrobent les mêmes attaques d'un discours idéologique mystificateur. C'est d'ailleurs le vote protestataire contre la politique de Jospin qui a permis l'élection de Chirac en 2002.
Les contorsions hypocrites de LO
Au milieu de ces meetings de la dernière heure, on pouvait remarquer la présence inattendue, de l’organisation trotskiste Lutte Ouvrière, d’ordinaire plus discrète et distante à l’égard de ses congénères sociaux-démocrates et staliniens. Fait que nous illustrons ci-contre par la reproduction d’un tract diffusé lors de la manifestation du 28 mars à Toulouse. Il faut souligner que de semblables appels étaient lancés simultanément à Lyon, à Rouen et dans de nombreuses villes de province annonçant la tenue, le lendemain, d’un " meeting unitaire de l’ensemble des forces de gauche ", comme l’indique la guirlande de signatures, apposée au bas de ces tracts. Ne manque même pas le MRG de Tapie (jadis tenu pour un parti totalement bourgeois auquel LO avait toujours refusé de s'associer jusqu'ici, notamment au temps de l'union de la gauche justifiant ainsi son refus de s'associer au programme commun).
Evidemment, l’organisation d’Arlette Laguiller n’a pas tenu à faire une trop grande publicité dans sa presse au sujet de cette "Sainte Alliance". Et pour cause, on comprend bien que tremper trop souvent dans le même jus que des partis tels le PC ou le PS, qui, lorsqu'ils étaient au gouvernement n’ont eu de cesse d’attaquer les conditions de vie de la classe ouvrière, peut être préjudiciable à une organisation qui se prétend "prolétarienne".
Tout ceci est-il fait pour nous étonner ? Pas le moins du monde. LO, malgré ses flots de paroles pleines de " radicalité" et "d’intransigeance" vis-à-vis de la gauche s’est toujours débrouillée pour soutenir sociaux-démocrates et staliniens.
On se souvient parfaitement (et à son grand dam) de ses appels, en première page, à voter " sans réserve" pour Mitterrand en 1974 et 1981 (voir RI n°365).
Il faut savoir sauver les apparences…
C’est pourquoi LO, passée maître dans l’art de l’hypocrisie et du double langage, nous tient d’un côté un discours radical à l’encontre de la gauche pour, de l’autre, s’associer avec elle publiquement (mais pas trop quand même…). D'ailleurs, à Paris, LO n'est apparu à la tribune aux côtés des autres partis de gauche dans les "débats" organisés dans les universités que dans l'enceinte de quelques amphithéâtres.
Tout au long du mouvement contre le CPE, le journal Lutte Ouvrière a justement rappelé le pedigree des gouvernements de gauche en matière de précarisation :
" …c’est véritablement à partir de 1981, après l’élection de François Mitterrand, que le nombre des emplois précaires a explosé…Le premier gouvernement Mauroy a d’abord institué, dès 1981, les "stages 16-18", destinés aux apprentis, offrant ainsi de la main d’œuvre quasi gratuite aux employeurs. Ces stages avaient été surnommés les stages Rigoud, du nom du ministre communiste à la formation professionnelle […] " (LO du 17/02/2006).
Puis viendront en 1990 avec Rocard les CES et en 1997 avec Jospin les "emplois jeunes".
Conclusion : " Pour inventer des formules de contrats précaires les dirigeants du PS en connaissent un rayon…" (LO du 7/04/2006). Plus directement encore, Arlette Laguiller n’a pas hésité à dire, lors de son meeting du 7 avril à Grenoble (qui n’était pas en commun celui là !) que "…les partis de droite comme les partis de gauche sont des partis bourgeois car ni les uns ni les autres ne veulent toucher l’ordre existant mais, au contraire, le gérer tel qu’il est…" Pourtant, c’est avec ces mêmes partis, acquis depuis belle lurette à la cause du capital, que LO s’attable et s’affiche et pas seulement de façon "occasionnelle". C’est la LCR qui, dans son journal Rouge du 6 avril, crache le morceau avec un article au titre long mais lourd de signification :
" Riposte contre la droite : les travaux pratiques
Face au contrat première embauche, la gauche se rassemble pour réclamer le retrait de la mesure gouvernementale. De LO au PS, des réunions se tiennent régulièrement. La LCR en est partie prenante. " (souligné par nous).
L'absence de LO dans les débuts du mouvement anti-CPE a été telle que lors de la manifestation du 18 mars, des vieux copains d'Arlette, surpris par l'ampleur de la mobilisation, affolés et complètement dépassés par la situation, se sont rangés sur le bord du trottoir, se sont contentés de gonfler leurs ballons et de coller précipitamment à la sauvette des badges sur les manifestants en leur demandant s'ils viendraient à la prochaine fête de LO le week-end de Pentecôte. Dans la lutte contre le CPE, la LCR et LO, qui avaient discrètement planqué leur drapeau en se fondant dans la masse pendant le mouvement ont pris ouvertement ensuite le relais des chefs syndicaux Thibault, Mailly et Chérèque A LA FIN DU MOUVEMENT pour entraîner les étudiants dans des actions minoritaires et jusqu'au-boutistes et appeler d'autres ouvriers à rejoindre la lutte à ce moment-là.
Lors de la récente commémoration des 10 ans de la mort de Mitterrand, on pouvait lire dans Lutte Ouvrière du 13 janvier ce passage plein de bon sens et qui résonne aujourd’hui, à l’heure des meetings communs, comme un écho ironique : " A côté des ex-ministres socialistes, étaient également présents au cimetière de Jarnac le directeur de cabinet de Chirac, un de ses ministre en exercice et son ancien Premier ministre, Raffarin. ‘Qui se ressemble s’assemble’ ! "
Et bien oui, "qui se ressemble s’assemble" et ça marche aussi dans l’autre sens "qui s’assemble se ressemble".
Pour le coup, LO n’aura jamais été aussi proche de la vérité, en théorie comme en pratique !
Azel (15 avril)