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L’article que nous publions ci-dessous a été rédigé avant les élections palestiniennes dont la tenue avait été auparavant unanimement saluée par toutes les grandes démocraties occidentales comme un pas important pour la démocratie au Moyen-Orient. La victoire retentissante du Hamas intégriste, évince d’emblée du pouvoir un Fatah profondément divisé et largement discrédité dans la population qui n’y a vu qu’un régime corrompu et rendu responsable d’années de misère et de répression. Cette victoire-surprise d’une fraction "extrémiste" jusqu’ici partisane d’une lutte à mort contre l’Etat d’Israël et dont la branche armée a signé les attentats-kamikazes les plus meurtriers et sanglants de ces dernières années, inquiète les principales puissances démocratiques de la planète. D’une part, cet événement constitue d’abord une illustration supplémentaire de l’enfoncement de cette région du monde dans l’engrenage d’une barbarie et d’un chaos que les grandes puissances ont de plus en plus de difficultés à contrôler. D’autre part, il représente en lui-même un puissant facteur d’accélération de ce chaos.
La disparition maintenant certaine de la scène politique d’Ariel Sharon, avant même sa mort effective, ont donné lieu à un véritable concert de louanges de la part de la bourgeoisie : partout il est proposé à la classe ouvrière de pleurer "cet homme de paix". Le 7 janvier nous pouvions lire dans Libération : "Le successeur d’Ariel Sharon aura-t-il les épaules assez larges pour relancer le processus de paix. La question semble tarauder depuis mercredi soir tous les états-majors politiques qu’ils soient palestinien, arabe, occidental ou bien sûr israélien." Le président américain, pour sa part, n’a pas fait dans la nuance : "C’est un homme bon, un homme fort, qui avait une vision de la paix." Tout ceci n’est qu’un ramassis de mensonges et d’hypocrisie. Si la bourgeoisie des plus grands pays verse aujourd’hui des larmes de crocodile, c’est qu’elle trouve son intérêt à mettre en scène la mort politique de l’un des siens. La classe bourgeoise poussée dans une fuite en avant impérialiste et guerrière, dont elle maîtrise de moins en moins le déroulement, tente une nouvelle fois, à travers cette campagne idéologique, de faire croire à la classe ouvrière qu’il peut exister un avenir de paix dans cette société capitaliste pourrissante.
Ariel Sharon, grand serviteur de la bourgeoisie
Cet "homme de paix" commence sa brillante carrière militaire en tant qu’officier dès l’age de 28 ans. Il y commande alors en 1956, pendant la guerre de Suez, la 202e brigade. Sharon participe activement à l’offensive militaire menée conjointement par Israël, l’Angleterre et le France contre l’Egypte et qui aboutit après de violents affrontements à un échec retentissant. le Likoud. Commence alors parallèlement à une élection comme député du Likoud sa carrière de chef de guerre à la solde de l’Etat hébreu. Pendant la guerre du Kippour à la fin des années 1970, il se rendra célèbre en tant que commandant des blindés, dans son affrontement avec la 11e armée égyptienne. Les aviations égyptiennes sont mises hors de combat en quelques heures. La péninsule du Sinaï et la Cisjordanie sont totalement occupées. Les conditions de l’enfoncement dans la barbarie sont ainsi mises en place au Moyen-Orient. En 1982, Sharon est le chef incontesté de l’armée israélienne qui assiège Beyrouth au Liban. Les troupes israéliennes pénètrent dans la capitale en septembre, laissant les phalanges chrétiennes massacrer près de 1500 personnes. Il sera reconnu "indirectement" responsable par la commission d’enquête dirigée par le juge en chef Yizhak Kahan, de la cour suprême, du massacre de ces populations civiles palestiniennes des camps de réfugiés de Sabra et Chatila. Il sera alors momentanément obligé de démissionner de son poste de ministre de la défense. Mais Sharon ne terminera pas là sa triste histoire politique. Sa présence provocatrice sur l’esplanade des Mosquées est le facteur déclencheur de la 2e Intifada. Elle traduit une volonté d’attiser la haine entre Palestiniens et Israéliens, après l’échec des négociations de Camp David à l’été 2000.
Réélu premier ministre de l’Etat d’Israël en mars 2003, il ne cessera depuis de mener la politique guerrière et barbare de l’Etat israélien en Cisjordanie et à Gaza. Au cours des trois dernières années, l’administration Sharon, tout en poursuivant raids et bombardements aériens sur les zones de population civile, ira jusqu’à légaliser les "attentats ciblés" : meurtres programmés et organisés par l’administration israélienne.
Le départ d’Ariel Sharon du Likoud il y a quelques mois et la fondation d’un nouveau parti entièrement rassemblé autour de sa personne ne traduisaient en rien une volonté de paix de la part du chef israélien. La politique internationale menée par son gouvernement est au contraire la politique impérialiste la mieux adaptée à la défense des intérêts d’Israël. Lorsque Gaza a été évacuée l’été dernier, les médias bourgeois pouvaient parler d’un pas important effectué en direction de la paix. On voit aujourd’hui ce qu’il en est réellement. Gaza est un territoire encerclé, coupé du monde et plongé dans une totale anarchie où les bandes armées privées font régner leur loi. Ce retrait israélien de la Bande de Gaza, orchestré par Sharon, correspondait au besoin d’un renforcement de la présence d’Israël en Cisjordanie. Le mur bâti autour de cette région et dont le tracé a été modelé par la bourgeoisie israélienne va permettre l’implantation de nouvelles colonies ; il permet également l’isolement total de Jérusalem-Est. Les limites d’Ariel Sharon n’étaient ni les exigences de l’Autorité palestinienne, ni celles de la communauté internationale. L’accord d’une majorité de la bourgeoisie israélienne et de l’administration Bush lui étaient seuls nécessaires.
Pour le Financial Times, la réalité est encore plus clairement affichée. La politique de Sharon n’est en rien compatible avec un minimum de stabilisation dans cette partie du Moyen-Orient, "car sa conception de la sécurité d’Israël est incompatible avec l’avènement d’un cadre de vie pour les Palestiniens."
Chaque jour en Israël, à Gaza, en Cisjordanie, connaît son lot de violence et d’attentats. La crise au sein de l’Autorité palestinienne ne cesse de s’aggraver. Comme nous l’avions déjà écrit dans notre presse, la mort de l’ancien leader palestinien Arafat ne pouvait être qu’un facteur d’accélération du chaos et de la barbarie.
L’enfoncement dans la barbarie guerrière, seule perspective au Moyen-Orient
Pour la bourgeoisie israélienne, comme pour la bourgeoisie palestinienne, il n’existe pas d'autre choix que la fuite en avant dans l’affrontement. La perspective de la restauration d’une autorité forte en territoires palestiniens, embryon d’un futur Etat est une pure illusion. Quant à Israël, sa perspective de fuite dans la barbarie impérialiste n’est pas dépendante du "centrisme" affiché du nouveau parti d’Ariel Sharon, comme de la radicalisation à droite du Likoud de Netanyahou, pas plus qu’à la propagande pacifiste d’une partie de la gauche israélienne. Depuis la fin du 2e conflit mondial, jamais la guerre n’a cessé au Moyen-Orient, dont l'histoire est ponctuée par des affrontements impérialistes caractérisés, avec la guerre de Suez en 1956, celles des Six Jours en 1967, du Kippour en 1973 et du Liban en 1982.
Depuis mai 2003, les négociations ont repris autour "d’une feuille de route", proposé par les Etats-Unis, l’ONU, l’Union Européenne et la Russie. Mais le développement féroce des intérêts impérialistes toujours plus divergents entre ces grandes puissances est la garantie dramatique de l’aggravation de la barbarie dans cette région du monde. Il n’y a pas de paix possible dans le capitalisme.
Tino (19 janvier)