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Début décembre dernier, lors du dernier sommet franco-africain à Bamako, Chirac a fait le grand show de l’impérialisme français, meilleur défenseur mondial de l’Afrique. Reprenant le bon vieux ton du pays traditionnellement "protecteur" du continent, appelant à la "modernisation" des liens avec ce dernier, le bilan de la visite est mince. Il faut dire que ce 23e sommet, institué sous de Gaulle pour mieux maîtriser et diriger les chefs d’Etat placés aux ordres de la France, a été marqué par l’absence non négligeable et significative d’un certain nombre de dirigeants des régions d’Afrique qui participaient traditionnellement à ce sommet bisannuel : il en est ainsi du chef d’Etat guinéen, de ceux du Congo, du Burundi, du Rwanda, et de l’Angola, et chose à noter, de celui de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo. Mais plus significative encore est l’absence des chefs d’Etat algérien, tunisien et marocain. Il est vrai que la France avait bien préparé le terrain avec la publicité faite autour de l’adoption de la loi du 23 février qui fait en sorte que les programmes scolaires "reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord".
A l’heure où la France se trouve en situation de réelle difficulté pour conserver un minimum d’influence en Afrique, et où les Etats-Unis, mais aussi des pays comme l’Allemagne ou même la Chine, exercent une pression importante pour, non seulement marcher sur ses plate-bandes, mais aussi et surtout l’évincer de l’Afrique noire, ce ne sont pas les beaux discours humanitaires qui vont changer la donne. Ce que cachent en réalité ces événements c'est l’entrée dans une politique de plus en plus musclée de la France face à ses rivaux et au chaos qui s’aggrave, dans le but de conserver un minimum de positions sur ce continent.
Il y a un an, le 6 novembre 2004, des avions ivoiriens larguent des roquettes sur le camp français de Bouaké, tuant 9 soldats de l’armée tricolore. Aussitôt, cette dernière réplique en détruisant entièrement l’aviation ivoirienne, provoquant de ce fait des affrontements armés et des massacres au sein des populations locales, de même qu'un début de pogrome contre les ressortissants français qui seront évacués massivement par les autorités françaises.
Quelle est la situation aujourd’hui ?
Depuis un an, la situation en Côte d'Ivoire est plus fragile que jamais, menaçant d'exploser à tout moment, alors que le pays est d'ores et déjà coupé en deux. On assiste épisodiquement à des tueries et des règlements de compte entre les forces armées en présence en particulier entre les soldats français et ceux de Gbagbo. Ainsi, un officier ivoirien, sortant d’une "cérémonie officielle" à l’ambassade de France à Abidjan, a été accusé de "complot" et mitraillé par les hommes du pouvoir ivoirien. En même temps, le chef d’état-major de l’armée ivoirienne est en fuite et, depuis l’étranger, jure de chasser le régime en place par tous les moyens. Pour sa part, l’armée française sur place est accusée régulièrement d’exactions, ou de crimes masqués, comme par exemple la mort par étouffement d’un chef de bande local, qualifié de "coupeur de routes". Pendant ce temps, la population s’enfonce dans la misère la plus atroce tandis que l’insécurité règne partout, à Abidjan comme dans les autres villes du pays. La Côte d'Ivoire est en guerre permanente, divisée entre le Nord et le Sud depuis les affrontements sanglants de septembre 2002 (voir RI n°327).
Face au chaos qui menace, les puissances impérialistes étalent leur cynisme et leur hypocrisie en brandissant une énième "nouvelle résolution" sur la Côte d’Ivoire, pour "instaurer la paix". En effet, devant la fin du mandat présidentiel de Gbagbo, le Conseil de Sécurité de l’ONU a voté le 21 octobre dernier une résolution qui, d’une part, prolonge d’un an le mandat du président ivoirien et, d’autre part, charge deux des parrains locaux des belligérants (l'Afrique du Sud et le Nigeria) de mener des consultations "en vue de la nomination d’ici au 31 octobre 2005, d’un nouveau premier ministre(de transition) acceptable par toutes les parties ivoiriennes (…), qui exercera pleinement son autorité sur son cabinet(…) et disposera de tous les pouvoirs nécessaires".
En fait, ce "nouveau plan de paix" de l’ONU (proposé par la France) ressemble comme deux gouttes d’eau au précédent plan dit des "accords de Marcoussis", rédigé par le gouvernement Chirac en mars 2003, et qui n’a fait qu’aggraver la situation de chaos (voir RI n°332). Dans le cadre de son "plan de paix" initial, le gouvernement français avait fixé au 30 octobre 2005 l’organisation d’une élection présidentielle. Mais face à la situation qui règne en Côte d’Ivoire, les parrains impérialistes ont dû se résoudre à reporter le scrutin en fixant des nouvelles échéances. Personne ne se fait en réalité la moindre illusion sur la faisabilité de ce nouveau "chiffon". En effet, fort de son expérience du précédent "plan de Marcoussis", le président Gbagbo fait semblant d’accepter le nouveau plan de l’ONU pour gagner du temps, mais sans aucune réelle intention de passer la main à un rival quelconque.
De leur côté, les forces rebelles rejettent en toute logique la résolution de l’ONU qui prolonge le mandat de Gbagbo et proposent de nommer un de leurs chefs, Guillaume Soro, premier ministre du futur "gouvernement de réconciliation". Autrement dit, les "parties ivoiriennes" dont parle l’ONU, ne sont pas prêtes à se soumettre au "nouveau plan de paix", au contraire, elles se préparent à de nouveaux affrontements guerriers.
La récente nomination au poste de premier ministre d'un homme de la France, Charles Konan Banny, qui a pour mission de rassembler au sein du futur gouvernement toutes les tendances politiques ainsi que des représentants de la rébellion, n'annonce qu'une monstrueuse foire d'empoigne et le prétexte à de nouvelles flambées de violence. Son prédécesseur, Seydou Diarra, avait mis plus de trois mois pour former un "gouvernement de réconciliation" nationale après Marcoussis, avec le résultat que l'on sait.
La responsabilité criminelle des parrains impérialistes
Non seulement les bourgeoisies locales pillent les matières premières pour s’armer, mais les parrains impérialistes n'hésitent pas à fournir des armes pour tenter d'influer sur le rapport de forces. L’hypocrisie criminelle du Conseil de Sécurité est évidente. D'une part, il fait semblant d’instaurer un embargo sur les armes à destination de la Côte d’Ivoire et, de l'autre, laisse les forces de l’ONU sur place fermer les yeux sur l’entrée massive d'engins de mort en provenance ou en transit des pays voisins. Il en est ainsi des avions de chasse de type Mig-23, des hélicoptères de combat, et d’autres armes, qui passent par la Guinée, le Togo, le Libéria, le Burkina. Voilà une démonstration éclatante de la responsabilité directe des puissances impérialistes dans les massacres.
Mais derrière cela, il y a aussi les luttes d’influence que se livrent dans la région les petites et grandes puissances entre elles. Par exemple, celles qui profitent de l’affaiblissement de l’impérialisme français en Côte d’Ivoire pour s’y faire une place. C’est d’abord le cas de l’impérialisme américain, bien content de voir son rival français se noyer dans le bourbier ivoirien, qui poursuit son objectif d’évincer définitivement la France de son ancien bastion colonial.
Il y a encore la poussée des puissances moyennes "émergentes", telle l’Afrique du Sud (accusée de "rouler" pour Gbagbo), qui avait réussi à s’emparer du "parrainage" des négociations de "paix" entre les cliques ivoiriennes, avant d’échouer à son tour devant l'opposition du Sénégal, du Nigeria et, bien sûr, de la France. Tandis que la Grande Bretagne et les Etats-Unis sont de la "mêlée" à travers leur parrainage du "Groupe international de travail" (GIT) sur la Côte d’Ivoire. Il n’ y a pas moins de 16 pays impliqués quasi-directement dans la situation ivoirienne, tous concurrents à des degrés divers : un répugnant panier de crabes.
En guise de plan de "paix", tous ces gangsters impérialistes se préparent en réalité à une nouvelle boucherie.
Quel terrible cynisme de la part des représentants des grandes puissances impérialistes, qui montrent qu’ils se fichent complètement du sort des populations, premières victimes non seulement des carnages mais aussi pillées, violées, spoliées, rackettées par toutes ces bandes armées qui ratissent la région.
Soumises à l'horreur des exactions guerrières, éreintées par la soldatesque, vivant dans des conditions de misère et d'insalubrité effroyables, crevant du paludisme et du sida : c'est cela la perspective qu'offre aux Ivoiriens et plus largement aux populations de toute l'Afrique la foire d'empoigne des capitalistes rivaux.
Amina (10 décembre)