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En l’espace de quelques mois et dans plusieurs arrondissements, Paris, a été le tragique théâtre de plusieurs incendies d'immeubles vétustes, habités en majorité par des familles ouvrières, d’origine africaine. Plus de cinquante personnes sont mortes, la plupart carbonisées ou asphyxiées, dont une majorité d’enfants. S'y ajoutent des dizaines de blessés et des familles meurtries à jamais. Pour prévenir de nouveaux drames et protéger les populations, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux que d’envoyer ses flics, expulsés manu militari les familles vivant dans des squats et autres immeubles insalubres. Au passage, il en a profité pour faire la chasse aux sans-papiers et remplir plusieurs charters supplémentaires pour les ramener dans leur pays d'origine. Le meilleur hommage que l’on puisse rendre aux victimes de ces incendies et de la répression policière, c’est non seulement de faire entendre notre colère et notre indignation, mais aussi de dénoncer les responsables de telles tragédies.
L’hypocrisie, le cynisme et l’incurie des politiciens bourgeois
Après l’incendie de l'immeuble du boulevard Vincent-Auriol, dans le 13e arrondissement, qui a fait 17 morts dont 14 enfants, fin août, les politiciens de tout bord se sont empressés de se montrer devant les caméras sur les lieux du drame, rivalisant de déclarations apitoyées et débordant de promesses de tout faire pour éviter d'autres tragédies. Deux jours plus tard, c’est un autre immeuble qui brûlait dans le 3e arrondissement faisant 7 nouvelles victimes. Ce dernier sinistre a relégué alors les larmes de crocodile de ces responsables au second plan, pour laisser place à une polémique entre élus parisiens de droite et de gauche, Ceux-ci ont cherché sans vergogne à se renvoyer la responsabilité de ne pas avoir fait le nécessaire pour résorber l’habitat insalubre, ou à prétendre que, contrairement à l’autre camp, ils ont toujours eu la politique du logement comme priorité quand ils géraient la municipalité. Non seulement cette guerre des bilans entre cliques politiciennes est révélatrice du cynisme de ces gens là, mais en plus c’est une bande de menteurs, car la dégradation des conditions de logement est le produit de l’accumulation des politiques anti-ouvrières menées depuis des années, de l’incurie des principaux responsables qui se sont succédés, des Mitterrand, Jospin, Chirac, Villepin, Borloo, Delanoë et tant d’autres. Le problème du logement n’est pas un phénomène nouveau pour la classe ouvrière, même s’il s’accroît du fait de l’augmentation de la pauvreté. La plupart des familles ouvrières africaines qui vivaient dans l’immeuble qui a flambé dans le 13e arrondissement faisait partie en 1992 du collectif des "Maliens de Vincennes". Pendant des mois, ce groupe de travailleurs africains avaient occupé sur l’esplanade de Vincennes, le chantier de la bibliothèque de France. Déjà à l’époque, ils protestaient contre leur expulsion d’immeubles vétustes et l’absence de proposition de relogement. Sur ordre du chef de l’Etat, Mitterrand en personne, le gouvernement "socialiste" expulsa sans ménagement les 682 malheureux sans-abri maliens de Vincennes qui trouveront refuge dans de nouveaux immeubles vétustes, ceux-là mêmes qui se sont transformés en brasiers ces dernières semaines. Plus de 14 ans se sont écoulés et rien n’a changé ! C’est avec le même cynisme que la droite voudrait nous faire croire, comme Mitterrand auparavant, que ces nouvelles expulsions ont pour but de "protéger les familles ouvrières". Quant aux protestations actuelles de la gauche radicale et associative, regroupée autour du PCF, il est bon de rappeler que ce même PCF, en juillet 1992 avançait les mêmes arguments pour expulser des ouvriers immigrés à Montreuil en Seine-Saint-Denis, alors qu’il participait comme tout parti bourgeois à faire raser les quartiers ouvriers pour réaliser en fait des profits dans la construction immobilière. La clique stalinienne n’en était pas à son coup d’essai, puisqu’en 1979, déjà, elle avait utilisé un bulldozer à Vitry-sur-Seine contre un foyer de Maliens qui refusaient de se laisser expulser. Effectivement, rien ne change du point de vue des méthodes brutales de la bourgeoisie envers les plus démunis ! Non seulement les familles ouvrières sont parquées comme du bétail et vivent dans des conditions inhumaines, mais en plus elles peuvent crever à tout moment. En effet, d’autres drames risquent de se produire car non seulement des centaines d’immeubles insalubres sont toujours occupés dans Paris et dans d’autres grandes villes, mais il y en aura de plus en plus. Contrairement à ce que les médias, sociologues et hommes politiques osent dire, ces conditions d’existence précaires ne sont pas réservées à certaines familles immigrés d’Afrique de l’Ouest, aux sans papiers ou aux bénéficiaires des minima sociaux qui s’entassent dans des hôtels-taudis. Si ces parties les plus pauvres de la classe ouvrière font la Une de l’actualité, c’est l’arbre qui cache la forêt.
La dégradation des conditions de logement touche l’ensemble de la classe ouvrière
Face à la crise économique, la survie du capitalisme passe par une exploitation toujours plus féroce de la classe ouvrière. Avec une brutalité inouïe, la bourgeoisie jette des masses grandissantes d’ouvriers dans la pauvreté et le dénuement le plus extrême. Parmi les conditions de misère qu’elle leur impose, la dégradation des conditions de logement tient une place de premier plan. Au cours des 20 dernières années, les loyers ont doublé dans le parc locatif privé et ont augmenté de 50% dans le parc locatif social/public. L’augmentation de la précarité professionnelle, du chômage et de la pauvreté salariale conjuguée à la hausse continue des loyers a entraîné une paupérisation grandissante pour une grande partie de la classe ouvrière. Ainsi en France, selon un rapport de la Fondation Abbé Pierre publié en mars 2002, trois millions de personnes sont mal logées, dont 86 000 sans domicile, 200 000 personnes sont hébergées "durablement" en hôtel, en habitat de fortune ou par des parents et amis, un demi-million de personnes vivent en habitat temporaire ou précaire et deux millions de gens ont des logements dépourvus du confort sanitaire de base. En 2004, plus de 100 000 jugements d’expulsions de logement ont été prononcés en France, majoritairement pour des impayés de loyer. L’extrême pauvreté touche, selon l’INSEE, un foyer parisien sur huit. Un tiers des sans domicile fixe de la capitale déclarent avoir un emploi. Ces "salariés pauvres" se retrouvent aussi dans l’administration parisienne, puisque plusieurs dizaines d’agents de la ville de Paris sont sans domicile fixe. Avec plus de 100 000 demandes de logements sociaux non satisfaites pour la seule ville de Paris et une pénurie chronique dans la construction de logements à loyers modérés, les familles ouvrières les plus démunies, n’ont pas d’autre choix que de s’entasser dans des hôtels-taudis, dans des immeubles vétustes, dans des squats où le saturnisme infantile fait des ravages, en étant à tout moment, à la merci du bon vouloir des marchands de sommeil et autres promoteurs véreux qui gèrent ce juteux commerce de la précarité. Ce sont ces conditions épouvantables et l’insalubrité de ces immeubles qui ont provoqué ces dramatiques incendies. C’est le capitalisme qui est responsable de cette tragédie et c’est toute la bourgeoisie qui organise cette paupérisation des conditions d’existence d’une partie toujours plus importante de la classe ouvrière. Face à la dégradation des conditions de logement, les ouvriers doivent rejeter les discours populistes qui tendent à établir des divisions au sein de la classe ouvrière, à montrer du doigt certaines minorités ethniques ou les sans-papiers comme des "fardeaux" pour la société. Quel que soit le niveau de sincérité et de dévouement de ceux qui les animent, les associations qui prétendent aider les plus mal logés ne servent qu'à semer des illusions sur la possibilité d’un capitalisme à visage plus humain, quand elles ne gèrent pas elles-mêmes des immeubles insalubres comme la Freha, émanation de Emmaüs qui s’occupait de l’immeuble du boulevard Vincent-Auriol.
La dégradation croissante des conditions de logement au sein de la classe ouvrière est une des expressions les plus criantes de la faillite ouverte du capitalisme. Elle fait partie d'une détérioration générale des conditions de vie et d'exploitation de l’ensemble des prolétaires et de leurs familles. Face à la crapulerie de la classe dirigeante, la lutte des ouvriers pour obtenir des conditions de logement et donc d’existence décente s’inscrit dans la lutte plus générale pour renverser le capitalisme. Les conditions de logement épouvantables, les incendies meurtriers et maintenant les expulsions, sont autant de coups portés à toute la classe ouvrière et c’est donc au prolétariat dans son ensemble d'y répondre en développant ses luttes sur son terrain de classe.
Donald (23 septembre)