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Dans l’interminable liste des anniversaires macabres viennent de prendre place, le 11 juillet dernier, les 10 ans du massacre de Srebrenica, perpétrés au cours de la guerre dans les Balkans de 1991-1996.
Lors de ce conflit, les principales puissances impérialistes régleront leurs comptes par cliques slaves interposées afin de défendre leurs intérêts nationaux respectifs. Ainsi, l’Allemagne, pour s’ouvrir un accès aux ports dalmates de la côte adriatique, allumera la mèche de l’explosion yougoslave en soutenant les indépendantistes slovènes et croates. De leur côté, la France et la Grande-Bretagne appuieront le verrou serbe afin d’endiguer la percée allemande. Les Etats-Unis, quant à eux, dans ce contexte de remise en cause de leur statut de première puissance, s’inviteront dans cette foire d’empoigne par l’intermédiaire de la Bosnie puis de la Croatie (cf. RI n°248). Ainsi, les rivalités entre grands requins impérialistes feront à nouveau exploser la poudrière des Balkans qui conduira, entre autres, au massacre de Srebrenica dont le degré de barbarie donne à lui seul un aperçu des horreurs subies par les populations civiles tout au long de cette guerre.
Suite à la prise de l’enclave de Srebrenica par l’armée serbe du général Mladic, près de 8000 Bosniaques seront exécutés à la mitrailleuse en 5 jours, du 13 au 17 juillet 1995 !
Outre l’aspect massif de cette boucherie, reste le plus frappant. Ce concentré de barbarie s’est produit dans une "zone de sécurité" protégée par 450 casques bleus néerlandais, sous commandement franco-britannique, mandatés par le symbole même de la défense des droits de l’homme et de la civilisation, l’ONU et sa "communauté internationale".
Le malaise est à ce point perceptible que diverses missions d’enquête parlementaire, comme en Hollande ou en France, ont été constituées juste après le conflit afin de fournir les éléments d’explication nécessaire… à la déculpabilisation des grandes puissances, cela va sans dire.
Ainsi, le récent rapport du NIOD (institut hollandais de documentation militaire) rejette toute responsabilité des Pays-Bas et de leurs alliés. De même, pour les parlementaires français, la passivité manifeste de la Forpronu (force armée de l’ONU) n’est que le fruit "d’une chaîne de commandement et des procédures lourdes et complexes" ainsi que "des carences dans le renseignement". Bref, c’est l’éternelle rengaine des candides : "on ne pouvait pas savoir" ou "nous l’avons su mais trop tard".
Alors, tout en nous promettant de faire mieux la prochaine fois, les grandes nations démocratiques dans un élan de contrition hypocrite, lors des journées de commémorations organisées à Srebrenica au mois de juillet, ont versé leurs larmes de caïmans pour "rendre hommages aux victimes innocentes" (pour reprendre les termes du ministre britannique Jack Straw). Et pour compléter le concert cynique de la bourgeoisie, le ministre français des affaires étrangères, Douste-Blazy, a solennellement affirmé que le génocide bosniaque "est une plaie ouverte sur le flanc de l’Europe qui nous impose le devoir de mémoire et l’exigence du souvenir." Or, si l’on se souvient bien, le duo des bouchers serbes, Mladic-Karadzic, n’est certainement pas le seul coupable de l’élimination des poches de Srebrenica et Zepa.
Les grandes puissances en ouvrant les portes de Srebrenica aux troupes serbes du Drina Corps, ont pris une part de responsabilité incontestable dans les assassinats de masse qui vont suivre. C’est un véritable massacre sur ordonnance qui a été organisé. En effet, depuis 1993, Srebrenica est une zone de sécurité désarmée en échange de la protection de l’ONU. Cependant, lorsque sonne la charge serbe du 6/7 juillet, la Forpronu refuse de redonner leurs armes aux Bosniaques au nom de l’accord de démilitarisation. Quant aux casques bleus, ils n’opposeront aucune résistance à la progression serbe. D’ailleurs, Mladic avait pu être largement rassuré de ce côté par le général français Janvier lors de leur rencontre à Zvornik le 4 juin 1995. D’après Franck Westerman, un proche collaborateur de Janvier, deux militaires français dont Bertrand de La Presle aurait avalisé, sur ordre du président Chirac, ces négociations garantissant la non-agression aérienne des troupes serbes.
En conclusion, l’écrasement de Srebrenica n’a pas été le résultat d’une malheureuse indifférence. Les contorsions ridicules des parlementaires français dans leur rapport d’information sont ici pour le moins édifiantes : "Srebrenica n’est pas tombée contre la volonté des gouvernements occidentaux qui, pour autant, n’ont pas voulu la chute de Srebrenica".
Le fait est que tout au long des attaques menées par les serbes, les troupes de la Forpronu, dirigées par les français et les britanniques, ont fait preuve d’une "impuissance" plus que complice avec leur allié en coulisse, la Serbie. Ce n’est pas par fantaisie que Mitterrand disait "Moi vivant, on ne fera pas la guerre aux Serbes".
La prise de l’enclave bosniaque était bien une chute planifiée. Mais cela n’empêche pas la bourgeoisie, confite d’hypocrisie et les mains encore rouge des massacres, de nous soutenir que les conséquences atroces pour les civils bosniaques étaient imprévisibles. C’est là encore un mensonge éhonté. Dès 1993, l’ambassadeur de France en Bosnie-Herzégovine, dans l’ambiance de pogrom des nationalismes serbe et bosniaque, se souvient avoir intitulé une série de télégrammes adressés au Quai d’Orsay "chronique d’un nettoyage ethnique annoncé". Aussi, en juin 1995, les services secrets de plusieurs pays avaient notés la concentration du Drina Coprs au sud de Srebrenica et la présence des hommes d’Arkan, chef paramilitaire, connu comme spécialiste des opérations d’épuration ethnique.
Malgré ces éléments, aucun plan d’évacuation de la population en cas d’attaque serbe ne sera proposé par nos défenseurs patentés de la paix et des droits de l’homme.
Quant le génocide commence, il n’y a plus aucune sorte de "mystère" sur les intentions de Mladic. D’autant que les massacres ont lieu sous le nez des forces armées de l’ONU. Pourtant, là encore, aucune évacuation ne sera prévue pour la poche de Zepa nettoyée juste après celle de Srebrenica. Ainsi, d'après un télégramme envoyé le 12 juillet 1995 par une représentation diplomatique auprès des organisations humanitaires : "Le HCR et le CICR n’entendent pas participer ou organiser l’évacuation de la population qui s’inscrit dans la politique bosno-serbe de "nettoyage ethnique", sauf si le gouvernement bosniaque leur en fait expressément la demande et à la condition que les civils de Zepa souhaitent quitter les villages de l’enclave." (cf. le rapport d’information des députés français)
Finalement, ce sont bien les grandes puissances capitalistes,
à travers leurs sanglantes rivalités impérialistes qui ont encouragé les
opérations de "nettoyage" et de "purification ethnique"
pratiquées par les cliques nationalistes rivales sur le terrain.
La Shoah, les bombardements de Dresde et de Hambourg, ceux d’Hiroshima et de Nagasaki ont aussi été commémorés cette année avec le même cynisme (cf. Revue Internationale n°121). En chaque occasion, la bourgeoisie a jeté un voile idéologique hypocrite pour tenter de masquer les responsabilités directes des grandes démocraties dans ces crimes et ces horreurs ainsi que sur la barbarie de son système.
Ce ne sont nullement des reliques du passé mais l’expression même de l’avenir que le capitalisme nous réserve tant que la classe ouvrière n'aura pas entrepris de le renverser et de le détruire.
Azel (28 juillet)