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Jamais une élection
présidentielle américaine n’aura été autant mise en scène par les
médias bourgeois français que celle qui vient de se dérouler aux Etats-Unis
entre le candidat démocrate J. Kerry et celui du parti républicain
G. W. Bush.
La victoire de Bush relance la campagne antiaméricaine en France
Tous les jours, nos journaux, nos écrans de télévision ont été envahi de reportages et de commentaires destinés à nous persuader de l’importance vitale de cette élection, pour notre avenir et celui du monde. Tout cela, cette propagande mensongère et éhontée n’était pas le fruit du hasard ou de la simple motivation de quelques directeurs de l’information trop zélés. Cette campagne idéologique a été le produit d’une orchestration, organisée et dirigée par l’Etat français. Le contenu du message à faire passer à la classe ouvrière était parfaitement clair. Toutes les émissions, tous les articles mettaient en avant un J. Kerry, certes un peu terne et manquant d’envergure, mais plus honnête et surtout moins belliciste et guerrier que G. Bush. Cette propagande avait pour but, à partir des élections aux Etats-Unis, de poursuivre implacablement la propagande anti-américaine nécessaire à l’impérialisme français. Dans l’affrontement permanent et toujours plus féroce de toutes les forces impérialistes de la planète, l’affrontement entre la France et les Etats-Unis est, sans aucun doute, un des plus importants de cette période de décomposition et de faillite du capitalisme mondial que nous vivons actuellement. Au contraire de ce qui était affirmé par les médias bourgeois tout au long de la campagne et une fois les résultats connus, la bourgeoisie française ne pouvait être que totalement satisfaite de la réélection de G. Bush à la présidence américaine. Depuis l’invasion américaine de l’Irak, la propagande idéologique de l’Etat français n’a jamais cessé de rendre responsable G. Bush et les faucons de l’administration américaine de l’état de guerre en Irak, ainsi que du développement du terrorisme en direction des pays occidentaux. G. Bush a été présenté comme irresponsable, extrémiste et dangereux. Tout était bon pour mettre en avant l’irrationalité de la politique de l’administration Bush. Ainsi ce n’était plus le capitalisme en faillite qui était devenu irrationnel et radicalement mortel pour la survie de l’humanité, mais seulement l’actuelle administration Bush. La réélection de G. Bush, le maintien au pouvoir des secteurs les plus archaïques du parti républicain vont permettre d’autant mieux à la bourgeoisie française de continuer à orchestrer avec encore plus d’ampleur sa campagne anti-américaine. Campagnes idéologiques de mystification nationaliste contre la classe ouvrière en France qui ne pourront qu’être renforcées par l’utilisation de plus en plus importante de la force militaire de la part des Etats-Unis, englués dans le bourbier irakien et confrontés au processus irréversible d’affaiblissement de leur leadership mondial. Ces campagnes idéologiques, tout en étant le produit des tensions inter-impérialistes entre la France et les Etats-Unis, permettent en même temps à l’Etat français de camoufler ses propres visées guerrières dans le monde.
La réélection de Bush :
expression de l’affaiblissement en cours de la première puissance mondiale
L’ensemble des commentateurs et autres politologues bourgeois américains avaient tous analysé que, par-delà l’absence totale d’envergure des deux candidats, et le peu de différenciation de leur programme respectif, y compris sur les plans économiques et sociaux, J. Kerry aurait gagné les élections présidentielles s’il avait remporté la victoire dans l’Etat de l’Ohio. Il y a peu de temps encore, cet Etat américain possédait la plus grande concentration d’activité industrielle par habitant de tous les Etats-Unis, pour connaître, au cours des dernières années, une désindustrialisation de plus en plus rapide et brutale laissant sans ressource et sans emploi une grande partie de la population. Malgré une très importante mobilisation de l'électorat démocrate, l’Ohio a finalement voté majoritairement conservateur, véritable microcosme électoral de ce qui s’est passé au niveau national. La carte électorale de ces élections aux Etats-Unis montre une vaste étendue dominée par le vote républicain, et quelques zones démocrates regroupées sur les franges littorales de l’Atlantique et du Pacifique, dans des grandes villes portuaires telles que New York, Boston, Baltimore ou San Francisco. Dans ce qu’il est convenu d’appeler "l'Amérique profonde", les appels de J.Kerry à voter démocrate n’ont guère rencontré d’écho favorable. Comme l’affirment les commentateurs bourgeois eux-mêmes, les deux candidats ont menti dans leurs campagnes, d’une manière plus caricaturale que jamais sans que cela n’ait d’incidence sur une mobilisation électorale relativement plus forte que lors du précédent scrutin présidentiel, pas plus que sur le choix des votes. Les motivations électorales d’une majorité d’électeurs américains se sont trouvées déterminées par des facteurs faisant appel à tout, sauf à la raison et à la lucidité. G. Bush s’est présenté comme le défenseur intransigeant de la morale chrétienne, de la force et de la grandeur du peuple américain. Le New York Times relève que "de nombreux Américains affirment ne pas avoir voté en fonction des questions politiques, mais en fonction des valeurs. Ils ont voté pour celui qui partageait leur croyance et leur mode de vie. Les mots qui reviennent régulièrement lors des enquêtes réalisées dans tout le pays auprès des électeurs sont ainsi : foi, famille, intégrité et confiance." L’Amérique profonde, les secteurs ruraux, soumis par les effets de la crise à une misère croissante, à la démoralisation et à l’absence totale de perspectives ont été particulièrement perméables à ces thèmes mystiques, permettant de diaboliser l’étranger (le musulman fanatique !) comme le responsable de tous les maux. Par-delà la médiocrité d’ensemble de la campagne électorale, en l’absence de luttes d’envergures du prolétariat, et à défaut d’une alternative visible face à la décomposition de la société, c’est le repli sur soi ou sur sa communauté, qui l’a emporté. L’irrationalité, produit de la peur et de l’impuissance, a dominé ces élections.
L’affaiblissement de la cohérence d’ensemble de la bourgeoisie américaine afin de défendre au mieux l’intérêt national américain s’est également exprimé dans le contenu programmatique électoral du candidat démocrate : "Tout au long de la campagne, les électeurs n’ont pas su pourquoi se présentait J.Kerry. Ils voulaient connaître la façon dont il voyait le monde. Et il ne leur a jamais dit." (Le New York Times). "Les républicains ont utilisé l’argument que Kerry ferait un président trop indécis pour protéger le pays.", estime le Los Angeles Times. Si J. Kerry n’a pas exprimé une vision du monde différente de celle tristement attachée à la personne de G. Bush, c’est que tout simplement J. Kerry et les démocrates ne pouvaient pas en avoir. Sur la question irakienne, qui en est l’actualisation présente la plus dramatiquement spectaculaire, l’enfoncement inéluctable de l’impérialisme américain dans le bourbier irakien, l’absence de toute solution alternative à la fuite en avant guerrière, ont nécessairement rendu impossible au candidat démocrate de proposer une autre politique que celle de Bush. Il lui était en effet aussi impossible d'envisager un retrait des forces armées américaines en Irak, que d'entraîner, les puissances rivales, telles la France ou l’Allemagne, dans ce bourbier, même à travers l’ONU. Même si une majorité de la bourgeoisie américaine avait choisi de soutenir le candidat Kerry, ce qui s'était entre autres traduit par des attaques contre Bush provenant parti républicain lui-même, une telle totale absence de réelle politique alternative ne pouvait que laisser le chemin libre à la montée des plus vieux réflexes archaïques et ouvrir ainsi la voie à la victoire de G. Bush.
Comme nous l'avons déjà développé (voir en particulier RI n° 351), l'élection de l'un ou l'autre de deux candidats ne constituait pas un enjeu majeur pour la bourgeoisie américaine. Néanmoins, le fait que le candidat de son choix n'ait pas été élu à cause d'une difficulté à canaliser cette partie de l'électorat particulièrement perméable aux thèmes les plus archaïques et obscurantistes, constitue une expression de l'affaiblissement la puissance américaine. En effet, l'impasse face à laquelle est confronté le leadership américain sur la scène mondiale rejaillit dans une certaine difficulté de la bourgeoisie américaine à contrôler son jeu politique.
Face à la politique impérialiste des Etats-Unis qui ne peut de toutes manières s’exprimer et se développer autrement que dans une direction militaire et guerrière, le resserrement de l’équipe Bush pour les quatre ans à venir dessine une évolution de la situation mondiale toujours plus dramatique et barbare. Au regard d’une telle réalité, l’impérialisme français, lui-même enlisé dans le conflit en Côte d'Ivoire, ne manquera pas de se réfugier derrière une campagne anti-américaine qui sera orchestré avec toujours plus d’ampleur. La classe ouvrière n’a rien à attendre des élections bourgeoises aux Etats-Unis comme dans n’importe quel pays du monde. Elle a par contre tout à craindre de l’enfoncement du capitalisme dans le chaos et la barbarie.
Tino (18 novembre)