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Pour chaque prolétaire, la prise de conscience de l’aggravation,
souvent dramatique, de la crise économique ne passe pas par les
discours idéologiques dont l’abreuvent les médias,
pas plus que par les courbes, les chiffres, les statistiques froides
des spécialistes de l’économie, mais par les problèmes
de survie qu’il subit au quotidien avec ses angoisses du lendemain.
Même hors du cercle familial, il retrouvera chez ses camarades
de travail, ses voisins, ses amis, le reflet de la détérioration
accélérée de ses propres conditions d’existence :
partout les conditions de vie de la classe ouvrière, soumises
à un pilonnage incessant d’attaques depuis des années,
se dégradent mois après mois.
Cette situation n’est pas le résultat d’une politique
particulière d’une équipe gouvernementale de droite
ou de gauche, pas plus qu’elle n’est propre à la France
mais elle est le résultat d’une aggravation de la crise
mondiale du capitalisme, système moribond et sans issue. L’exacerbation
de la concurrence internationale ne laisse pas d’autre choix aux
bourgeoisies nationales que d’attaquer partout plus durement les
conditions de vie de la classe ouvrière. Les ouvriers sont les
premiers touchés par la remise en cause du salaire social, par
les restrictions budgétaires à répétition
et l’intensification de l’exploitation, à travers la
précarisation et la flexibilité accrues de l’emploi.
Chaque prolétaire est victime de la pression grandissante de
l’insécurité des conditions d'existence, du chômage
et des licenciements, comme des restrictions apportées à
l’indemnisation du chômage et de la hausse du coût
de la vie. Derrière les fins de mois impossibles à boucler,
l’endettement croissant, les privations de plus en plus conséquentes,
les difficultés grandissantes à se nourrir, à se
loger, à se soigner décemment, les prolétaires
s’enfoncent dans une paupérisation croissante.
C’est à cette situation que la bourgeoisie voudrait bien
que la classe ouvrière se résigne. Et c’est pour
cela qu’elle ne promet plus la "sortie du tunnel" mais
pousse les ouvriers à s’adapter à des conditions
sociales plus difficiles, à s’habituer à une misère
plus forte. C’est parce qu’en fait la bourgeoisie n’a
aucun remède pour résoudre sa crise, aucun sort meilleur
à apporter aux ouvriers, qu’elle cherche à les entraîner
dans la passivité, pour les paralyser et les dissuader d’entrer
en lutte. Et si la bourgeoisie française se permet, du bout des
lèvres, d’afficher encore avec optimisme une "reprise
sans emplois", en même temps elle s’engage résolument
dans la voie du chantage et de l’intimidation pour accentuer sa
pression, pour imposer la poursuite de ses attaques qui participent
d’une offensive anti-ouvrière générale.
L’accentuation des pressions exercées contre la classe ouvrière
D’ores et déjà, la réduction massive des
budgets sociaux, la poursuite des suppressions des rares subsides que
l’Etat accordait encore aux ouvriers précipitent de plus
en plus de familles ouvrières dans la détresse. Après
le passage en force de la violente attaque sur les retraites en France
en 2003, le gouvernement est parvenu à imposer en souplesse pendant
l’été un train de mesures remettant en cause la Sécurité
Sociale qui donne le cadre pour de futures attaques beaucoup plus lourdes.
C’est en ce sens que, suite à une "indiscrétion"
savamment divulguée par le ministère de l’Economie
et des Finances montrant que, malgré les mesures du plan actuel,
il faudra encore combler un déficit évalué entre
7,5 et 15 milliards d’euros en 2007, le ministre de la Santé,
Douste-Blazy, a posé un jalon pour la prochaine étape
de cette attaque : l’institution d’une franchise sur
les soins médicaux à la charge de chaque assuré
de l’ordre de 100 euros par an.
De plus, les coups portés actuellement aux ouvriers se distinguent
particulièrement dans "la tendance" à l’allongement
de la durée du travail sans compensation salariale imposé
à travers un chantage à la délocalisation et aux
licenciements. Ces attaques viennent donner la dimension réelle
à la flexibilité maximum introduite par les 35 heures.
Il est d’ailleurs significatif que l’Allemagne, premier pays
qui avait eu recours à la semaine de 35 heures (voire de 32 heures
dans le cas de Volkswagen) sert aujourd’hui de modèle pour
imposer des heures supplémentaires sans compensation salariale
avec le même type de chantage (voir l’article sur Daimler-Chrysler
et Siemens en page 3). Ainsi, les 800 salariés de chez Bosch
à Vénissieux ont été contraints en juillet
dernier de signer, le couteau sous la gorge, sous peine de licenciement,
un avenant à leur contrat de travail, les obligeant à
travailler une heure de plus par semaine sans compensation salariale,
avec suppression d’un pont et d’un jour férié,
blocage des salaires, "gel" du plan d’intéressement
des salariés aux bénéfices de l’entreprise
pendant 3 ans et des horaires de nuit majorés de 20% au lieu
de 25%. Et encore, cette clause ne doit permettre de "sauver"que
190 emplois sur les 300 menacés. Dans la foulée, une série
d'entreprises ont repris cette "méthode". Entre autes
exemples :
- le groupe Sediver (production d’isolateurs électriques) menace de fermer le site de Saint-Yorre et d’installer une usine en Chine si les salariés n’acceptaient pas une baisse de salaires de l’ordre de 30% ;
- l’usine Snappon de Chartres (équipementier automobile) a été déménagée sous protection policière et réimplantée en République tchèque, entraînant à terme le licenciement de 225 salariés ;
- le volailler Doux a annoncé la suppression de 23 jours de récupération
par an et licencie 300 salariés. Et le même exemple se
propage activement en Belgique.
La loi Aubry sur les 35 heures n’a nullement servi à créer
des emplois durables mais a donné une orientation qui a permis
d’introduire une flexibilité maximum dans les contrats de
travail. Elle avait également permis de développer une
hausse significative des cadences, de rogner sur les pauses tout en
masquant le poids du chômage et son ampleur, contrairement à
l’image mystificatrice avancée depuis des années
par la gauche qui cherche encore à présenter les 35 heures
comme un acquis social et qui tente de se faire mousser en criant à
la remise en cause de sa loi. Martine Aubry elle-même doit reconnaître
que "grâce aux 35 heures, nos entreprises ont gagné
de la flexibilité et du coup ont augmenté leur productivité."
(propos rapportés par Lutte Ouvrière du 9 juillet). L’extension
actuelle de l’attaque correspond au fait que, une fois la flexibilité
maximum introduite par les 35 heures, la bourgeoisie peut maintenant
se permettre de rallonger librement la durée du travail tout
en réduisant les coûts salariaux pour faire face à
la crise. Aujourd’hui, l’évolution de la crise pousse
la bourgeoisie à passer à un autre stade pour augmenter
la compétitivité des entreprises en rognant au maximum
sur les salaires (il s’agit d’ailleurs d’une nouvelle
directive du FMI, évoquée dans Le Nouvel Observateur du
19 juillet). Et le chantage à la délocalisation comme
à l’emploi apparaît donc comme une tendance générale
de l’évolution du capitalisme qui permet de faire baisser
partout le coût de la force de travail. Cette attaque frappe non
seulement les ouvriers des pays les plus développés mais
elle implique aussi une surexploitation renforcée et une misère
accrue pour les prolétaires du tiers-monde. Par ces méthodes,
la bourgeoisie pousse chaque prolétaire à se poser en
concurrent de ses frères de classe.
La dégradation des conditions de travail a entraîné
une augmentation sensible des accidents de travail et des maladies professionnelles
au cours de la dernière décennie. Selon un rapport publié
en 2002 par le Bureau International du Travail (BIT), on dénombrait
270 millions de victimes par an dans le monde en 2000 dont 2 millions
de cas mortels. Cette hausse serait selon lui imputable au fait que
le nombre de cas de cancers et de maladies respiratoires d'origine professionnelle
a fortement progressé. Le rapport notait également que
les arrêts de travail pour troubles respiratoires et musculaires
ainsi que les troubles psychiques (stress, harcèlement, dépressions
nerveuses) avaient explosé. Depuis, si d'autres chiffres n’ont
pas été publiés, il ne fait aucun doute que l’accélération
de la productivité et la logique capitaliste qui poussent à
négliger les normes de sécurité pour produire et
rentabiliser avec un coût de revient le plus bas possible n’ont
pu qu’aggraver cette situation.
La hausse constante du coût de la vie, la flambée du prix
des loyers et des produits de première nécessité,
contribuent également à la détérioration
des conditions d'existence.
Les mystifications de la bourgeoisie
L’élargissement de l’Europe ou la mondialisation est
invoquée comme responsable de la crise. L’Union européenne
sert ainsi à désigner de nouveaux boucs-émissaires
comme responsables de la crise. Comme naguère les "Arabes",
ce seraient les Tchèques ou les Polonais qui viendraient "manger
le pain des Français". La réalité, c’est
que la main-d’oeuvre d’Europe de l’Est ou dans les pays
soi-disant "émergents" principalement d’Asie ou
d’Amérique latine est amenée à accepter les
pires conditions de travail pour un salaire de misère incapable
même d’entretenir leur survie, c’est une pression, un
chantage énorme pour faire baisser partout les salaires.
La bourgeoisie a également recours à une série
de pièges idéologiques visant à faire croire qu’une
gestion différente pourrait changer la donne. Les syndicats,
les partis de gauche tout comme Attac mettent le plus souvent possible
l’accent sur la possibilité de trouver des solutions gestionnaires
pour continuer "à produire français" en élaborant
des plans de rechange pour sauver telle ou telle entreprise, ou réduire
le nombre de licenciements, "sauver des emplois" (GIAT-Industries,
Altadis, Alstom, Sony, etc.) qui n’ont d’autre fonction que
de chercher à masquer, auprès des ouvriers, la faillite
ouverte du capitalisme tandis que continuent de plus belle les plans
sociaux ou les fermeture d’entreprises avec ou sans rachat (Tati,
Nestlé-Perrier, Peugeot-Motocycles, etc.).
Les ouvriers sont poussés par ces mêmes syndicats et cette
même gauche à se battre contre la privatisation, pour la
défense du service public. Ceux-ci sont les premiers à
leur faire croire qu’ils doivent se réfugier sous l’aile
protectrice de l’Etat. On tend chaque fois des pièges qui
poussent les ouvriers vers la défense du service public et à
s’en remettre à l’Etat pour se défendre.
C’est non seulement une impasse mais un leurre qui prépare
le terrain à une recrudescence des attaques. On voit aujourd’hui
le résultat des "actions" animées et encouragées
par les syndicats en juin/juillet contre la réforme du statut
des employés d’EDF. Le caractère impopulaire des
coupures de courant à EDF et la paralysie des transports publics
qu’elles ont entraînées (alors que la mobilisation
et les "actions" dans ce secteur ont déjà été
utilisées il y a deux mois pour détourner l’attention
de toute la classe ouvrière des attaques sur la Sécurité
Sociale) resservent encore aujourd’hui à la bourgeoisie.
Elles lui ont permis d'entreprendre une vaste campagne d’intimidation
afin de tenter de dissuader un maximum d’ouvriers d’entrer
en lutte en préparant l’instauration d’un service minimum
dans l’ensemble des services publics.
En fait, non seulement l’Etat est un patron comme les autres mais
c’est aussi souvent l’Etat-patron qui donne le ton au développement
des attaques actuelles. Ainsi, on assiste à l’amputation
du budget et à la réduction des postes dans la fonction
publique (suppression de 8 à 10.000 emplois de fonctionnaires)
soi-disant grâce au non-remplacement d’un départ à
la retraite ou d’une mutation sur deux. La Poste projette de fermer
6.000 bureaux principaux appelés "de plein exercice"
sur 12.000 et de supprimer 60.000 emplois sur 289.000
salariés du secteur (20% des effectifs) d’ici 2012. A la
SNCF, la mise en place des guichets automatiques devrait entraîner
une large réduction des effectifs. D’ores et déjà,
les CDD employés pour aider les voyageurs dans les gares sont
privés de prime quand ils travaillent le week-end.
La faillite du système capitaliste
La classe ouvrière ne peut plus se permettre d’entretenir
la moindre illusion : le capitalisme non seulement est incapable
d’améliorer le sort des prolétaires mais l’avenir
qu’il leur réserve sera pire. Si la classe ouvrière
prêtait l’oreille et se laissait anesthésier par le
matraquage idéologique qui l’invite à toujours plus
de "sacrifices", cela ne constituerait qu’un encouragement
pour la bourgeoisie à taper toujours plus fort et plus violemment.
Seul le développement des luttes et l’union grandissante
des ouvriers peut permettre à la classe ouvrière de résister
et de freiner les attaques de la bourgeoisie. C’est le seul moyen,
pour elle, de prendre confiance en ses propres forces, de s’armer
efficacement pour le développement de ses combats de classe.
La classe ouvrière doit reprendre conscience qu’elle est
la seule classe porteuse d’un avenir pour toute l’humanité
en étant la seule capable d’assumer une transformation radicale
des rapports de production et des rapports sociaux.