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Les assassinats des principaux responsables du groupe terroriste Hamas : le cheikh Yassine le 22 mars dernier et son successeur Abdelaziz Al-Rantissi, à la mi-avril, par l'armée de Tsahal, constituent une nouvelle étape dans l'affrontement meurtrier que se livrent depuis plusieurs décennies, les belligérants israéliens et palestiniens.
En tuant, à quelques semaines d'intervalle, le leader islamiste Yassine, puis son héritier, symboles de la résistance armée palestinienne, le gouvernement Sharon enterre de nouveau les "espérances" de paix que la bourgeoisie internationale avait claironné à grand renfort médiatique, notamment l'initiative de la "conférence de paix" de Genève en décembre dernier, ainsi que la fameuse "feuille de route" de l'été 2003, sous la houlette de l'administration Bush. D'ores et déjà, la population israélienne vit dans la peur des inévitables représailles que la mort de ces chefs terroristes va entraîner, d'autant plus que les bandes armées du Hamas se sont alliées pour la circonstance aux brigades du Fatah d'Arafat, au Djihad islamique et aux milices chiites du Hezbollah, avec pour objectif majeur, d'envoyer des dizaines d'innocents, transformés pour les besoins de la cause en "martyrs", commettre des attentats, des bains de sang parmi la population et la classe ouvrière israélienne.
Vers un embrasement du Proche-Orient
La barbarie de ces cliques terroristes n'est plus à démontrer, néanmoins,
après l'utilisation de femmes porteuses d'explosifs, ces gangsters vont plus
loin encore dans l'horreur en utilisant des adolescents et des enfants pour le
transport de ces charges de la mort. En liquidant les chefs historiques du
Hamas, notamment le cheik Yassine[1] dont
l'autorité politique permettait de juguler les affrontements entre les
différentes cliques palestiniennes, la bande à Sharon sait pertinemment qu'elle
provoque un séisme dans la mouvance terroriste. L'aile militaire du Hamas a
pris la direction du mouvement, ce qui ne peut signifier que davantage
d'attentats suicides contre Israël. Le risque est réel d'un embrasement dans
plusieurs parties du Proche-Orient. Pour la première fois de son histoire, le
sommet de la Ligue arabe prévu en Tunisie, fin mars, a été reporté, compte tenu
des divergences sur le conflit israélo-palestinien et de l'hostilité rampante
envers les Etats-Unis de la part des principaux pays arabes. En Egypte et en
Jordanie, alors que les manifestations sont interdites, le pouvoir politique
n'a pas pu empêcher des manifestations importantes, organisées par les
mouvements islamistes, de même qu'au Liban, les Chiites et le Hezbollah ont
appelé à la guerre sainte contre Israël. De façon plus générale, cette escalade
dans le conflit israélo-palestinien est la conséquence directe de
l'affaiblissement du leadership américain et de son incapacité à imposer son
autorité politique, notamment auprès de Sharon, compte tenu de son enlisement
dans le bourbier irakien. L'enfoncement vers toujours plus de chaos et de
barbarie dans cette région du monde ne fait que confirmer ce que nous
défendions déjà à ce propos, en octobre 2003 :
"L'échec actuel de la bourgeoisie américaine en Irak constitue en effet
un handicap vis-à-vis de la politique de mise au pas de son turbulent allié
israélien pour lui faire respecter une "feuille de route" qu'il n'a
de cesse de saboter. De telles difficultés de la bourgeoisie américaine pour imposer
ses exigences à Israël ne sont pas nouvelles et expliquent en partie l'échec
des différents plans de paix tentés depuis 10 ans. Néanmoins, elles n'ont
jamais été aussi lourdes de conséquences qu'aujourd'hui. C'est ce qu'illustre
la politique à courte vue qu'un Sharon est capable d'imposer au Moyen-Orient,
basée exclusivement sur la recherche de l'escalade dans la confrontation avec
les palestiniens en vue de les chasser des territoires occupés. Même si, à
l'image du reste du monde, il n'y a pas de paix possible dans cette région, la
carte jouée par Sharon, ne pourra qu'aboutir à des bains de sang qui ne
régleront pas pour autant, pour Israël, le problème palestinien. Au contraire,
celui-ci reviendra, tel un boomerang, notamment à travers une recrudescence du
terrorisme encore plus incontrôlable qu'actuellement. Un telle issue ne pourra
que rejaillir négativement sur les Etats-Unis qui, évidemment, ne pourront pas
pour autant lâcher leur meilleur allié dans la région." ( Revue
Internationale n°115, page 4)
Les Etats-Unis affaiblis
Les récents assassinats des chefs du Hamas et les représailles terroristes à venir, s'inscrivent complètement dans ce cadre d'analyse. C'est dans ce contexte particulièrement défavorable à Washington, que Sharon est venu, mi-avril, pour faire entériner auprès de Bush son projet de "séparation unilatérale" d'avec les Palestiniens. Même si, en acceptant le plan Sharon, Bush espère récupérer les voix des Juifs américains aux prochaines élections, c'est surtout l'incapacité américaine actuelle à imposer sa "paix" au Proche et Moyen-Orient qui oblige l'Oncle Sam à avaliser, en attendant des jours meilleurs, un accord pro-israélien qui représente une véritable déclaration de guerre contre les intérêts de l'Autorité palestinienne. Ainsi, Sharon propose un retrait de l'armée israélienne de la bande de Gaza avec maintien du contrôle militaire sur les accès aérien et maritime, notamment de la frontière avec l'Egypte. En Cisjordanie, en plus du mur de séparation en construction, il maintient les principales colonies juives et prône leur extension, autrement dit, chasser progressivement les Palestiniens de cet endroit et y interdire le retour des réfugiés qui croupissent dans des camps, exilés dans plusieurs pays arabes. Pour ne pas être hors-jeu, Bush salue le retrait de Gaza et laisse entendre à son allié israélien que ce plan est compatible avec la "feuille de route", et en réponse aux critiques du monde arabe et des Européens, il propose de réunir le Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie et Nations unies) qui a élaboré la "feuille de route" affirmant que son accord au plan ne préjuge pas des négociations sur le statut final entre Israéliens et Palestiniens. Ce numéro d'équilibriste sur le plan diplomatique est de la poudre aux yeux et comme le souligne la presse bourgeoise à propos de la politique américaine : "L'élimination de Saddam Hussein devait ouvrir la voie à la résolution du conflit israélo-palestinien. Force est de constater, un an après, que l'Irak est mal parti, que les "progrès" entre Israéliens et Palestiniens sont à sens unique. On ne s'y prendrait pas autrement pour faire du Moyen-Orient une bombe à retardement." (Libération du 19 avril). En effet, la situation est particulièrement grave et la spirale de violence ne semble plus avoir de limites. Aux meurtres des dirigeants du Hamas, les Palestiniens en retour promettent "un volcan de vengeance" et Israël surenchérit en préparant des actions militaires contre les responsables politiques du Hamas qui vivent en Syrie, au risque de faire basculer le Proche-Orient dans la guerre, ce qui ne peut qu'aggraver la situation dans tout le Moyen-Orient. Face à cette accélération vers toujours plus de barbarie et de chaos, les prolétaires palestiniens et israéliens sont soumis à davantage de terreur et de misère et ont tendance à être entraînés derrière le nationalisme palestinien ou celui de l'Etat hébreu. Le poison du nationalisme et l'accumulation de haine consécutifs aux exactions et violences quotidiennes rendent de plus en plus difficile la possible et nécessaire solidarité de classe entre ouvriers israéliens et palestiniens. En l'absence aujourd'hui, au Proche-Orient, d'une possible réponse de classe à la barbarie du capitalisme, c'est aux prolétaires des pays centraux du capitalisme d'affirmer par le développement de leurs combats de classe que c'est la seule réponse possible pour en finir avec la misère, les guerres, le terrorisme et le nationalisme, véritables fléaux d'un système capitaliste en pleine décomposition.
Donald (20 avril)[1] Le "paradoxe" de cet assassinat du dirigeant du Hamas, c'est que celui-ci était à la fois le donneur d'ordres des attentats perpétrés en Israël et en même temps le principal interlocuteur pour négocier les accords de cessez-le-feu avec l'Egypte, l'Union européenne "ou encore avec les observateurs américains résidant sur place. Et, bien plus encore, l'Etat d'Israël !" (Courrier International du 25 au 31 mars 2004). Non seulement le cheik Yassine était un "partenaire" de discussion pour l'Etat hébreu mais il faut rappeler qu'il a même été soutenu par celui-ci. En 1967, Yassine intègre le mouvement des Frères musulmans qui est réprimé par l'Egypte de Nasser. Il se réfugie à Gaza, occupée alors par Israël et fonde une organisation religieuse, Al-Moujammaa al-Islam, ancêtre du Hamas. Israël encourage et favorise cette organisation islamiste dans la mesure où elle concurrence et fait contrepoids aux différents mouvements nationalistes et à ses dirigeants, notamment Yasser Arafat.