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L'arrestation
de l'ancien boucher et président irakien Saddam Hussein a provoqué
immédiatement une mobilisation générale des états-majors
politiques des principales puissances impérialistes du monde.
Toutes ont salué l'événement mais, pour les principales
rivales des Etats-Unis, c'était bien à contre cœur
puisque, à travers celui-ci, la première puissance mondiale
a pu redorer son blason. Et la plupart d'entre elles font une nouvelle
fois la preuve de leur veulerie en vouant aux gémonies celui
qui, hier encore, était un allié respectable, voire un
pion sur lequel on misait particulièrement (comme Chirac) alors
qu'il était déjà un boucher et un " dictateur
".
Les images d'un despote hier encore tout puissant dans son pays, étaient remplacées par celles d'un homme hirsute, les yeux hagards, véritable clochard ne s'étant même pas défendu au moment de sa capture par les forces de la coalition. Ces images diffusées sur toutes les télévisions du monde n'étaient pas fortuites. Elles ont été choisies et sélectionnées avec soin par l'administration américaine de Bush.
Les Etats-Unis marquent un point
Le message est clair, les Etats-Unis ont été au bout
de leurs intentions, ils ont renversé et fait prisonnier un des
pires dictateurs sanguinaires de la planète. Plus encore, dans
la guerre contre le terrorisme international, Bush et les siens ont
eu raison, ils ont vaincu un des leaders important du front terroriste
contre les démocraties. En septembre dernier, Bush ne déclarait-il
pas : "L'Irak est le front central de la guerre contre le terrorisme."
Cette arrestation tombe tellement bien pour l'administration américaine,
que l'on ne peut s'empêcher de se demander si celle-ci n'était
pas prévue, mise au point depuis déjà un certain
temps, sa réalisation concrète ne dépendant en
fin de compte que du choix du moment le plus propice pour l'Etat américain,
lui permettant de l'exploiter le plus efficacement.
Le monde entier était en train d'assister depuis plusieurs mois
à l'enlisement de plus en plus important de l'armée américaine
dans le bourbier irakien. Il ne se passait pas un jour sans que l'armée
de la coalition ne soit la cible de groupes terroristes. Les attentats,
tuant de nombreux soldats américains, se succédaient à
un rythme régulier s'étendant même au delà
de l'Irak et gagnant progressivement toute la région (Arabie
saoudite, Turquie, etc.). L'impuissance grandissante de l'impérialisme
américain à stabiliser la situation se révélait
ainsi au grand jour. Cette situation d'enlisement des Etats-Unis en
Irak avait conduit l'administration américaine a adopté
un profil bas au plan diplomatique par rapport à ses principaux
rivaux impérialistes que sont notamment l'Allemagne, la France
et la Russie. C'est ce qui les a obligés à demander par
l'intermédiaire de Colin Powell un engagement supplémentaire
de "leurs alliés" pour leur permettre d'opérer
un désengagement en douceur avant novembre 2004. Même un
" faucon " tel que Donald Rumsfeld a été amené
publiquement à soutenir cette demande, la décision devant
être prise les 28 et 29 juin 2004 au sommet de l'OTAN à
Istanbul. Si des pays comme la France, l'Allemagne ou la Belgique n'ont
pas réagi publiquement en défaveur de cette demande américaine,
ils se sont empressés d'affirmer que " celle-ci avait été
présentée comme une idée qui mérite réflexion
". Pendant ce temps, à Bruxelles, à la réunion
de l'OTAN, les tractations apparaissaient au grand jour : la participation
des forces armées françaises, allemandes et belges devait
pouvoir se faire à condition que Washington accepte la création
de structures européennes indépendantes au sein de l'OTAN.
Et ce ne sont pas les déclarations de Wolfowitz (secrétaire
d'Etat adjoint à la défense) et de Bush sur l'exclusion
de la France, de l'Allemagne, de la Russie ou du Canada de la "
reconstruction " de l'Irak qui pouvaient masquer la perte d'initiative
de l'impérialisme américain dans l'affrontement inter-impérialiste
mondial.
Avec l'arrestation de Saddam Hussein, Bush peut savourer une revanche
immédiate. Cette arrestation donne le beau rôle à
l'Amérique. La ligne " dure " de l'administration Bush
incarné par Rumsfeld et Wolfowitz va sans aucun doute en sortir
renforcée. Comme le dit Hubert Vedrines, ancien ministre français
des Affaires Etrangères, "avec cette capture, les Américains
retrouvent une autorité politique et une légitimité."
Cela leur permet également de reprendre l'initiative en matière
diplomatique. L'administration Bush est pour un certain temps dans une
position plus favorable pour pousser des Etats comme la France à
accepter un gel ou un moratoire sur les dettes irakiennes. C'est elle
qui peut plus librement imposer les conditions d'une participation éventuelle
des entreprises allemandes ou françaises à la reconstruction
en Irak. Même le conseil intérimaire de gouvernement irakien
piloté en grande partie par les Américains se trouve ainsi
revalorisé aux yeux de l'opinion publique internationale. Et
cela, même si le nouveau plan américain de transition politique
pour l'Irak relève d'un compromis avec la Fatwa du grand ayatollah
de Nadjaf, Ali Sistani, chef religieux chiite le plus influent en Irak.
Plus directement en Europe, l'Espagne et la Pologne qui étaient
accusées d'avoir fait capoter la réforme des institutions
européennes vont pouvoir bénéficier d'un regain
de crédibilité en lien avec les pays européens
ayant participé (telles l'Angleterre ou l'Italie) à la
guerre en Irak. C'est ponctuellement le couple franco-allemand qui se
trouve affaibli. Il n'y a aucun doute à avoir : cette arrestation
tombe à pic pour l'impérialisme américain et comme
l'affirme Seguillon, journaliste à LCI : "C'est en effet
quasiment en direct et selon un scénario préparé,
pensé et calibré, que le Pentagone a donné à
voir au monde entier et plus particulièrement au monde arabe
le terrible spectacle de la mise à mort médiatique de
l'ancien tyran irakien."
En Irak, comme partout ailleurs,
le capitalisme ne peut entraîner l'humanité que dans la
barbarie
Cependant, il n'a pas fallu attendre longtemps pour assister à
de nouveaux attentats en Irak. Ceux-ci ont été perpétrés
dès le lendemain de l'annonce de l'arrestation de Saddam Hussein.
Quels que soient les protagonistes de ces attentats, ceux-ci viennent
rappeler que rien n'est résolu en Irak. Les rivalités
entre Sunnites, Chiites et Kurdes, libérées par l'effondrement
du gouvernement Saddam et attisées par la présence militaire
massive américaine, ne pourront que continuer à se développer
dans l'avenir. La population irakienne ne doit pas s'attendre à
bénéficier des retombées éventuelles de
la reconstruction. Celle-ci sera extrêmement limitée, très
certainement, aux infrastructures étatiques et routières,
ainsi qu'à la remise en ordre, pour des raisons stratégiques,
des champs pétroliers. En Irak, la guerre va se poursuivre et
s'amplifier, les attentats se multiplier. Dans cette situation de chaos
grandissant, malgré le renforcement ponctuel de l'impérialisme
américain, la perspective qui s'offre en Irak est celle de la
misère et la désolation. Ce qui attend l'Irak, c'est la
situation qui règne en Afghanistan ou au Liban depuis le début
des années 1980.
Quant au renforcement ponctuel actuel de la position américaine,
il pourrait bien, dans le futur, se tourner en son contraire. En effet,
le chaos que les Etats-Unis seront incapables d'endiguer ne pourra plus
être imputé à la main d'un Saddam Hussein agissant
dans l'ombre. Il risque alors d'apparaître de façon encore
plus évidente comme étant le résultat de l'intervention
américaine, ce que ne manqueront pas d'exploiter les bourgeoisies
rivales des Etats-Unis. En tout état de cause, quelle que soit
la forme que sera amenée à prendre la présence
militaire américaine en Irak, quelle que soit l'implication militaire
que des puissances européennes pourront éventuellement
avoir dans une force de " maintien de la paix ", les enjeux
et les tensions guerrières entre les Etats-Unis et leurs rivales
européennes ne pourront que s'accroître dramatiquement
dans la région.
Il revient aux organisations révolutionnaires de dénoncer
clairement tous les discours hypocrites faisant croire que la stabilité
et la paix sont possibles dans cette société. Si la classe
ouvrière n'est pas en mesure pour le moment d'empêcher
le développement des guerres et de la barbarie, elle n'en est
pas moins la seule force sociale capable par la révolution communiste
de s'opposer à la destruction à terme de toute l'humanité.