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L'attaque contre
les retraites en France qui vient d'être officialisée à
travers l'adoption par le parlement de la loi Fillon a constitué,
par son ampleur et sa profondeur, une expression particulièrement
significative de la faillite du système capitaliste, contraint
d'amputer toujours davantage les dépenses d'entretien des exploités.
Son objectif n'est pas tant de faire travailler plus longtemps les ouvriers
que de leur supprimer, ni plus ni moins, leur retraite.
Seuls les ouvriers sont capables, à travers leur mobilisation,
de s'opposer à cette logique. C'est pourquoi les luttes ouvrières
massives du printemps dernier revêtent une signification toute
particulière. En effet, elles démontrent que de nouveau
le prolétariat est en train de retrouver sa capacité à
se reconnaître en tant que classe luttant pour des intérêts
communs, et ce malgré l'impact négatif très important
qu'ont eu sur sa conscience les campagnes idéologiques massives
sur "la fin de la lutte de classe" pendant toutes les années
1990, suite à l'effondrement du stalinisme. Une telle dynamique
de la lutte de classe est porteuse de luttes de plus en plus massives
et surtout d'un développement de la conscience de la faillite
du capitalisme, de la possibilité de lutter contre ce système
jusqu'à son renversement. Une telle perspective implique aussi
de la part de la classe ouvrière qu'elle tire les leçons
de ses défaites en apprenant à combattre son ennemi et
à déjouer ses pièges. C'est une nécessité
vitale comme l'illustre le fait que c'est sans avoir été
inquiétée que la bourgeoisie a pu faire passer son attaque
contre les retraites et cela malgré la forte mobilisation des
enseignants. C'est en permanence que la bourgeoisie manœuvre contre
son ennemi mortel, de manière à affaiblir ses ripostes.
Cette fois-ci, elle a su habilement focaliser le mouvement sur une revendication
spécifique à l'Education Nationale, la lutte contre la
décentralisation, de manière à empêcher le
développement d'une lutte massive de tous les secteurs contre
la réforme des retraites. Quant à l'encadrement de la
lutte elle-même, il a pu être assumé sur le terrain
sans difficulté par les syndicats et des organismes divers, dont
des coordinations autoproclamées, mis sur pied par les gauchistes.
Malgré sa victoire, la bourgeoisie ne pouvait néanmoins
pas laisser les choses en l'état et se devait d'occuper le terrain
afin de faire obstacle à la réflexion des ouvriers sur
ce qui venait de se passer. Alors que le mouvement des enseignants agonisait,
les projecteurs médiatiques se braquaient, dès le 27 juin,
sur la lutte des intermittents du spectacle. Pendant une bonne partie
du mois de juillet et de façon récurrente le mois suivant,
l'annulation ou le maintien des festivals ont tenu le public du petit
écran en haleine. Tout le battage sur ce conflit, lui accordant
une importance aussi grande que les mobilisations du printemps dont
elle apparaissait constituer le prolongement, n'avait d'autre objet
que de dénaturer la lutte de classe en renvoyant une image de
celle-ci fortement emprunte de l'individualisme et des préjugés
élitistes et petit-bourgeois propres aux artistes. De même,
le rendez-vous altermondialiste (du 8 au 10 août) dans le Larzac
devenu pour l'occasion la "Mecque de la contestation sociale"
a fait lui aussi l'objet de toute l'attention des médias. Ce
type de rassemblement constitue également une offensive idéologique
contre la classe ouvrière en substituant à sa lutte sur
un terrain de classe un fatras de luttes interclassistes, citoyennes
à qui mieux, réclamant l'amélioration de la démocratie
bourgeoise.
Un autre spectacle a été monté en grandes pompes
par la bourgeoisie cet été, face à une situation
dont il lui était impossible de dissimuler la réalité,
l'hécatombe en vies humaines provoquée par la canicule.
Là aussi, il s'est agi pour la bourgeoisie de détourner
les consciences de la signification profonde d'un événement
qui est le produit des coupes claires effectuées depuis plus
de vingt ans, par tous les gouvernements, dans les budgets de santé
et sociaux, et qui constitue une illustration accablante de l'impasse
dans laquelle se trouve le capitalisme, tout juste bon à préparer
nos cercueils. A cette fin, nous avons eu droit à d'interminables
bavardages sur le devoir d'alerte, la responsabilité ou non du
gouvernement, et à une entreprise de culpabilisation de la population
sur le thème de "l'égoïsme qui nous fait abandonner
nos aînés", celle-ci préparant le terrain au
projet d'une nouvelle attaque des conditions de vie de la classe ouvrière
visant à lui enlever un jour par an de congés pour financer
des mesures en faveur des plus vieux.
L'aggravation de la crise économique mondiale, est illustrée,
par exemple, par la récession ouverte qui frappe des puissances
comme l'Allemagne et la Hollande. Et c'est bien entendu à la
classe ouvrière que la bourgeoise compte faire payer la note.
La période estivale ayant toujours été mise à
profit pour faire passer un maximum d'attaques contre la classe ouvrière,
l'été 2003 ne pouvait d'autant moins déroger à
cette règle : hausse des tarifs des services publics (transports,
gaz, électricité, téléphone, etc.) ; cascade
ininterrompue de plans sociaux, les vacances étant le moment
tant attendu par les entreprises pour lâcher la bonde du licenciement.
Depuis juin, ce sont plus de 8000 emplois qui se retrouvent sur la sellette
dans tous les secteurs : automobile, électronique, chimie, aérospatiale,
prêt-à-porter … Et pour que l'économie réalisée
par le capital sur le dos des prolétaires licenciés soit
plus conséquente, le calcul de leur indemnisation est révisé
en leur défaveur suite à un décret du 27 juillet
paru au Journal Officiel. Ainsi, le plafond maximum des indemnités
a été divisé par deux.
Dans le secteur public, les plans de suppressions de postes sont de
plus en plus agressifs. Ainsi le budget 2004 prévoit une suppression
de 5000 postes de fonctionnaires. Après avoir annoncé
au printemps le chiffre astronomique de 30 000, le gouvernement est
revenu au mois de juillet à un ordre de grandeur plus "raisonnable".
Quel soulagement ! D'abord on vous annonce l'amputation d'un bras et
finalement la main suffira. C'est tout l'art de couper une main en en
faisant presque une bonne nouvelle. Pour l'heure, la rentrée
scolaire 2003, avec la suppression de postes de surveillants et d'aides-éducateurs,
prétendument compensée par des assistants d'éducation,
se fera au bout du compte avec un déficit de 10 000 postes.
L'aggravation de la crise atteint un tel niveau que la bourgeoisie ne
se limite pas à se débarrasser d'une main-d'œuvre
devenue pléthorique. Aujourd'hui, elle n'est même plus
capable de maintenir son système de protection sociale qui agissait
jusqu'à présent comme un frein à une explosion
tous azimuts de la pauvreté. Les ouvriers au chômage, malades
ou retraités, tous ceux dont la force de travail n'est plus exploitable,
tous ceux dont le capitalisme ne peut extraire de la plus-value seront
de plus en plus abandonnés à leur propre sort, la misère.
C'est toute la signification du programme de réformes du gouvernement
Raffarin baptisé "agenda 2006" en écho à
celui de Schröder en Allemagne.
Le prochain dossier, celui de la réforme de la Sécurité
sociale, quant à lui, relève de la même logique.
Déjà 617 médicaments avaient vu leur taux de remboursement
passer de 65 à 35%, en plein week-end de Pâques, pour cause
de Service Médical Rendu (SMR) "faible". Le 17 juillet,
le ministre de la santé, Mattei, poursuivait en rendant public
une liste de 84 médicaments qui ne seront plus remboursés
car cette fois le SMR est "insuffisant" et, d'ici 2005, 650
autres médicaments subiront le même traitement. "Cette
décision est la conséquence directe de la réévaluation
des 4500 médicaments de la pharmacopée commandée
par Martine Aubry en 1999" d'après Mattei. Et oui, c'est
bien le gouvernement Jospin qui a mis en place cette notion de SMR avec
l'idée que "les médicaments à SMR insuffisant
sortiront du remboursement…", annonce faite par Aubry en septembre
2000. Comme pour les retraites, il existe une véritable continuité
entre gauche et droite pour préparer et mettre en œuvre
les mesures anti-ouvrières nécessaires au capital. Face
à celles-ci, les ouvriers qui le pourront vont de plus en plus
être contraints de payer, en plus de leurs cotisations sociales
actuelles, des cotisation à des "mutuelles" afin de
ne pas se trouver dans le plus complet dénuement face à
la maladie ou la vieillesse.
Parmi les milliers de dépôts de bilan d'entreprises qui
émaillent la plongée dans la crise, l'un au moins, et
pas des moindres, aura participé de remettre les pendules à
l'heure par rapport à tous les mensonges véhiculés
sur le prétendu rôle de rempart joué par l'Etat
contre les abus du libéralisme, en particulier si le gouvernement
est de gauche. En effet, Alstom vient d'être sauvé de la
faillite début août par l'Etat, désormais détenteur
d'un tiers du capital du groupe. Ainsi, comme au Japon ou aux Etats-Unis,
c'est un gouvernement de droite qui intervient directement dans les
affaires d'un capital privé pour le nationaliser en d'autres
termes, et met la main à la poche, non pas pour faire des cadeaux
à des actionnaires, mais bien pour maintenir en vie un secteur
jugé stratégique pour le capital national. Pas non plus
pour sauver des emplois, puisque le projet d'en supprimer 5000 est maintenu.
Ainsi donc, c'est bien l'Etat capitaliste comme un tout qui est le représentant
suprême des intérêts du capital, et non pas la fraction
particulière de celui-ci que constitue le patronat. Et c'est
contre lui, comme un tout, que les ouvriers doivent diriger leurs luttes.
La corde passée autour du cou du prolétariat par un système
capitaliste moribond se resserre inexorablement chaque jour. Face à
la dégradation brutale de ses conditions de vie, la classe ouvrière
n'a pas d'autre alternative que de lutter, contrairement à ce
que veut lui faire croire la bourgeoisie. C'est encore un message de
ce type que celle-ci a envoyé dés le mois de juin avec
l'annonce de la retenue sur le salaire des personnels de l'Education
Nationale du paiement des samedis, dimanches et jours fériés
lorsqu'ils ont été encadrés par des jours de grève.
Revenue dans l'actualité vers la fin août, à travers
la question de savoir si les dimanches et jours fériés
seront effectivement concernés, cette nouvelle attaque, dont
la raison d'être n'est pas économique mais bien politique,
est de faire mordre la poussière à des salariés
exténués part plus d'un mois de grève. C'est aussi
un avertissement à toute la classe ouvrière : "lutter
peut vous coûter très cher!"
Si la classe dominante cherche à ce point à démoraliser
et à détourner le prolétariat de la lutte, c'est
qu'elle y perçoit très nettement une menace pour la survie
de son système.
Et pour cause, c'est à travers le développement de luttes
massives que la classe ouvrière retrouvera confiance en elle,
renouera avec sa perspective révolutionnaire, tout en prenant
conscience du rôle anti-ouvrier des syndicats, des gauchistes
de toutes nuances.