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Lors de ses "bons"
vœux exprimés "aux Français" le 6 janvier,
et particulièrement en direction de la classe ouvrière
que le chef de l'Etat a appelé à "l'effort partagé
et juste" et à "renouer avec les fils de la solidarité",
Jacques Chirac donnait le coup d'envoi à une accélération
du "chantier" des retraites, qui devra être achevé
au mois de juin.
En ce sens, on a donc vu le gouvernement Raffarin se préparer
à mettre les bouchées doubles pour faire travailler plus
longtemps les ouvriers en leur faisant payer toujours plus le prix fort
de la crise et du chômage.
Et si les salariés du secteur privé avaient vu passer
en 1993 le nombre d'annuités ouvrant les droits à la retraite
à 40 ans, les gouvernements successifs, de droite et de gauche,
n'avaient pas achevé leur sale besogne dans le secteur de la
fonction publique.
Ainsi, c'est Raffarin qui, en l'occurrence, va s'efforcer de réaliser
le but de Jospin de réformer les retraites des fonctionnaires
et des régimes spéciaux.
Ces derniers, EDF et GDF en première ligne, vont justement servir de ballon d'essai et de tremplin pour généraliser l'attaque à tout le secteur public. Et ce ne sont bien évidemment pas les grandes phrases démagogiques de Chirac ou la détermination affichée des Raffarin et autres Fillon, pas plus que les provocations du Medef sur les "nantis" de la fonction publique, qui vont faire avaler la pilule aux prolétaires, mais le travail de sabotage des syndicats au sein même de la classe ouvrière. Déjà, la manifestation des agents d'EDF et de GDF du 3 octobre 2002, appelée par l'ensemble des syndicats sur le thème de "Tous ensemble pour le secteur public nationalisé" et à laquelle avait été conviées d'autres entreprises du public (SNCF, La Poste, Air France, France Telecom), a constitué un moment fort de ce sale travail syndical. En mettant l'accent sur la "défense du service public", les syndicats enfonçaient le clou de la division entre les ouvriers du privé et les "privilégiés" du secteur public accrochés à leurs prérogatives et entraînaient encore ces derniers sur le terrain particulièrement pourri de l'opposition à la privatisation pour la défense du secteur nationalisé, esquivant la question centrale des attaques d'ampleur contre toutes leurs conditions de vie et de travail, et dont les retraites sont un axe principal (voir RI n°328).
La mascarade du vote organisé à EDF et GDF en janvier
dernier a vu éclater toute la duplicité syndicale pour
faire passer la réforme des retraites. Mis sur pied par la CGT
et en accord avec le gouvernement, soi-disant pour avoir l'avis des
salariés et pour servir de "test" à l'avenir
de la réforme dans les autres entreprises publiques et chez les
fonctionnaires, le "non" des agents a eu pour résultat…
une détermination accrue du Premier ministre déclarant
que ce prétendu "revers majeur" (selon le PS) ne "remettait
nullement en cause le choix du gouvernement de réformer les retraites"
! Il ne pouvait en être autrement car il y avait là tous
les ingrédients pour le rassurer sur la voie royale ouverte par
les syndicats. Ceux-ci se sont en effet partagés le travail afin
de semer le maximum de confusion et de tuer dans l'oeuf toute tentative
de riposte des agents d'EDF-GDF.
Tout d'abord, le travail de sabotage de la CGT, sous prétexte
de se mettre à l'écoute de la base, a consisté
à enfermer les ouvriers dans l'isoloir, chacun avec son bulletin
de vote, seul et atomisé, écartant la tenue d'assemblées
générales, seuls lieux à même de développer
une véritable expression de la réflexion collective de
la classe ouvrière. Ensuite, le prétendu cafouillage de
la CGT qui, tout en étant à l'initiative de la consultation
électorale, s'était prononcée auparavant, par la
voix de son leader à EDF-GDF, en faveur de l'accord, puis qui,
par souci "démocratique", s'est ralliée au vote
majoritaire du "non", a permis d'entretenir le désarroi
et le déboussolement.
A ce travail de sape de la CGT sont venues s'ajouter les déclarations
de Blondel s'étant opposé dès le début à
l'accord, non pas en soi contre celui-ci, mais parce que la "réforme
des retraites était le préalable nécessaire à
l'ouverture du capital d'EDF". Autrement dit, attaquer le système
de retraites, oui, mais si EDF reste nationalisée, poussant les
ouvriers dans le faux choix mortel : être nationalisés
ou privatisés. Et pour jeter un peu plus le trouble dans la réflexion
des ouvriers, la CFDT qui, quant à elle, soutient la réforme
gouvernementale, se chargeait de rajouter une couche de confusion en
regrettant haut et fort que "les salariés se soient trompés
sur l'objectif du texte (de la réforme) qui visait à alléger
l'entreprise des charges de retraite à un moment où l'on
ouvre le marché à la concurrence".
On a ainsi vu de la part des syndicats se mettre en place tout l'éventail des positions possibles de façon à éparpiller autant que faire se peut la réflexion des ouvriers. Et les partis de gauche et d'extrême gauche ne se sont pas privés d'apporter leur aide active à cette opération de sabotage. Ainsi, le PS à travers François Hollande se félicitait que les salariés aient dit "non à l'ouverture du capital d'EDF" pour conseiller au gouvernement de "traiter globalement (le dossier général des retraites) et non pas par bouts comme il a tenté de la faire". En clair : plus fort, plus vite et plus large pour attaquer la classe ouvrière !
Dans ce concert tonitruant des ennemis des ouvriers, la LCR voyait même que "le vote des salariés de l'énergie montre que l'on peut battre la politique de régression sociale du gouvernement". Ben voyons ! C'est tout le contraire qui est vrai : une accumulation de mauvais coups plus pernicieux les uns que les autres contre les ouvriers, dont le vote à EDF-GDF a été une phase particulière afin de provoquer le désarroi dans toute la fonction publique et au-delà dans toute la classe ouvrière. Car ce "ballon d'essai" a eu pour objectif d'offrir l'image d'une classe ouvrière impuissante et déboussolée, incapable de s'organiser, de façon à mieux faire passer l'attaque à venir contre tous les autres secteurs et toutes les catégories d'ouvriers.
Il ne faut pas être dupe. Toute cette opposition de façade n'a aucunement l'intention d'empêcher le gouvernement de réformer les retraites. Elle est tout au contraire sur le devant de la scène pour lui préparer le terrain. La manifestation et la journée d'action du 1er février prochain auxquelles appellent les syndicats comme les partis de gauche et d'extrême gauche contre la réforme Raffarin et du Medef va s'avérer être un moment de plus dans le sabotage du terrain de la riposte ouvrière. Et demain, comme pour les 35 heures, ils viendront nous dire pour les uns que la réforme des retraites est une bonne chose pour la solidarité ouvrière, pour les autres qu'ils n'en voulaient pas mais en rendront responsables les ouvriers eux-mêmes, incapables de s'y opposer.
Mulan (21 janvier)