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Depuis le mois de janvier, les bobards racontés par la classe dominante
sur la "bonne santé de l'économie" et le "bon moral
des Français" n'ont cessé d'être ouvertement contredits
par les faits. Des faits criants de vérité : le capitalisme est
bel et bien en crise et les bourgeois sont bien obligés aujourd'hui de
le reconnaître. La seule chose que ce système capitaliste soit
capable de faire, ce n'est pas d'apporter de plus en plus de "prospérité"
à l'espèce humaine -comme on essaie encore de nous le faire croire-,
mais au contraire toujours plus de misère et de chômage, toujours
plus de barbarie guerrière. Et, pour ceux qui se révoltent, la
répression la plus bestiale, comme en Algérie où les récents
événements nous donnent aujourd'hui un avant-goût de ce
qui arrivera ici lorsque le prolétariat se soulèvera face à
l'Etat bourgeois. Voilà le vrai visage du capitalisme.
Et le seul moyen qu'ait ce système de "gérer" sa crise, c'est de taper toujours plus fort sur ceux qu'il exploite : les salariés, les prolétaires, ceux qui travaillent pour un toujours plus maigre salaire et dont c'est pourtant le travail qui fournit l'essentiel de la richesse sociale. Derrière leurs discours hypocrites, l'Etat et son gouvernement sont, dans tous les pays, les principaux orchestrateurs de ces attaques anti-ouvrières. En France, sous couvert de "réduction du temps de travail", le gouvernement de la gauche plurielle a réussi à imposer partout une aggravation des conditions de travail et des pressions toujours plus fortes sur les salaires. C'est encore lui, en parfaite complicité avec le patronat, qui organise les réductions de remboursements de sécurité sociale, l'attaque contre les chômeurs, les menaces de plus en plus précises sur les retraites, etc.
Jusqu'à présent, c'est par petits paquets que la bourgeoisie et
son Etat ont réussi à faire passer leurs attaques contre les conditions
d'existence des prolétaires. Ainsi, la mise en place des accords de RTT
et leur cortège d'aggravation des conditions de vie s'est faite, non
seulement branche par branche mais même boîte par boîte. Dans
une entreprise "publique" comme la Poste, c'est ville par ville et
même bureau par bureau qu'on a mis en oeuvre les "réorganisations"
liées aux 35 heures. Ce qui fait que la riposte, malgré le fait
qu'elle n'a épargné aucun secteur, privé comme public,
s'est trouvée d'entrée éparpillée, saucissonnée
et donc impuissante. Ceci avec l'active complicité des syndicats qui
ont tout fait pour maintenir ces luttes dans l'isolement.
Mais aujourd'hui la nouvelle plongée dans la crise économique
ne permet plus à la classe dominante de déguiser ses attaques
derrière de prétendues "mesures sociales", ni de les
présenter comme quelque chose de spécifique, s'attaquant à
tel ou tel "corporatisme" ou "privilège" (!) particulier,
ni même de les étaler dans le temps. Non. Les annonces à
répétition de "plans sociaux" (hypocrite vocable pour
désigner les charrettes de licenciements) de ces derniers mois, à
Danone, AOM-Air Liberté, Marks & Spencer, Pechiney, Motorola, Valeo,
Moulinex, Bosch, Alsthom, et derniers en date Philips et Alcatel, ne sont plus
des attaques isolées contre telle ou telle catégorie ouvrière.
C'est une offensive directe, frontale, avouée, contre la classe ouvrière
toute entière. Et cela ne se passe pas seulement en France mais en même
temps, dans tous les pays, et notamment dans tous les pays les plus développés
de la planète. Plus encore, aujourd'hui, chaque prolétaire peut
d'ores et déjà se douter, même si aucun "plan social"
n'est encore annoncé dans "sa" boîte, qu'elle risque
d'être la prochaine à faire la Une des journaux avec en face un
chiffre : combien d'usines à fermer, combien de milliers d'emplois à
supprimer.
La bourgeoisie n'est pas en train d'attaquer des "postiers", des "sages-femmes", des "Pechiney", des "cheminots" ou des "Lu", elle s'attaque à la classe ouvrière toute entière. Et cela pose au prolétariat la question d'une riposte ouvrière à la hauteur de la massivité de cette offensive. La nécessité de rompre avec l'isolement, de se battre ensemble sur notre terrain de classe est contrainte, qu'on le veuille ou non, de commencer à faire son chemin dans les têtes. C'est bien pourquoi toute la bourgeoisie de gauche bien pensante, les représentants de l'Etat, et avec eux les syndicats, n'ont eu de cesse d'essayer de contrer ce besoin et, quand il ne peuvent plus le contrer, de tout faire pour le dévoyer vers des impasses.
La "loi de modernisation sociale" et la manif du 9 juin : fausses réponses et vrais amortisseurs sociaux
Ainsi, le premier souci de la classe dominante quand elle cogne sur les ouvriers, c'est d'épargner l'Etat de la colère ouvrière et de toute critique de son rôle de garant de l'ordre bourgeois. C'est pourquoi tout est fait pour nous dire que les plans de licenciements sont le fait de patrons particuliers, de la "cupidité" des actionnaires et du "libéralisme sauvage", tandis que l'Etat, lui, n'y est pour rien. Non seulement il n'y est pour rien, nous dit-on, mais... il est contre ! La preuve, le gouvernement vient de nous pondre une "loi de modernisation sociale" qui est censée empêcher ce fameux "libéralisme sauvage" de frapper trop "sauvagement". Tu parles !
En fait d'intervention de l'Etat sur la réglementation des licenciements, la "loi Guigou" n'est déjà dans sa forme initiale qu'un bla-bla juridique autour de la procédure qui va accompagner et légaliser les licenciements dans les entreprises. Là-dessus, on assiste à un grand barouf du PCF qui lui reproche "de ne pas aller assez loin" dans la protection sociale des salariés licenciés. Le PC menace alors de mettre le gouvernement en minorité en votant contre l'adoption de cette loi au parlement. Ce qui permet au PCF de lancer un appel national à tous les ouvriers menacés par les plans de licenciements pour descendre dans la rue le 9 juin. Et c'est Arlette Laguiller et ses bataillons de LO qu'on a vu défiler une nouvelle fois au coude-à-coude avec Robert Hue. Mieux, outre le PCF et les gauchistes, ce sont presque tous les syndicats mais aussi les Verts, la plupart des mouvements associatifs et citoyens, et jusqu'au Club de la Gauche Socialiste (courant de la gauche du PS) qui ont appelé à se mobiliser "tous ensemble". Pour réclamer quoi ? Une loi plus sociale du gouvernement. Contre quoi ? "Les abus du libéralisme" et les "licenciements boursiers". Ainsi, la Gauche Socialiste pouvait déclarer dans un tract : "Se mobiliser aux côtés des salariés dont l'emploi est menacé sans véritable motif économique, ce n'est pas seulement manifester de la solidarité, c'est protester contre le libéralisme à tout crin, c'est défendre l'intervention de l'Etat en matière de régulation du marché". Nous y voilà !
Ainsi, on nous a présenté le 9 juin comme "un grand moment
de mobilisation unitaire contre les plans sociaux", alors qu'on a poussé
à l'inverse les ouvriers à se rassembler derrière la défense
d'un "vrai gouvernement de gauche" et donc derrière l'Etat
bourgeois. Tout cela pour voir finalement le PCF voter le 13 juin la loi Jospin-Guigou
assortie d'amendements parfaitement bidons. Ces amendements nous ont pourtant
été présentées comme "une victoire de la mobilisation
de la rue", selon la propagande du PCF. Or, ce qui s'est passé,
c'est tout, sauf une riposte de la classe ouvrière sur son terrain de
lutte. C'est en fait une mesure de la bourgeoisie uniquement destinée
à renforcer ses amortisseurs sociaux au moment où l'accélération
de la crise économique la contraint à des plans de licenciements
massifs contre la classe ouvrière.
D'ailleurs, depuis que la loi Jospin-Guigou
est passée, des nouveaux licenciements ont été annoncés
chez Philips ou Alcatel, sans que cela change quoi que ce soit pour les ouvriers
concernés. En fait, la "mobilisation exemplaire" du 9 juin
ne visait pas autre chose qu'à donner une fausse réponse à
un besoin d'unité et de politisation bel et bien présent dans
les rangs de la classe ouvrière. Mais ce besoin d'unité et de
politisation n'a de sens que dans la seule perspective possible d'un point de
vue prolétarien : le renversement du capitalisme. En aucun cas, ce ne
peut être pour réclamer ou attendre des lois de la part du gouvernement
et de l'Etat.
Cela signifie que pour atteindre cette unité et cette politisation
dans le développement de ses luttes, la classe ouvrière doit prendre
conscience que ceux qui prétendent la défendre sont des ennemis
de classe qui l'entraînent systématiquement dans des impasses stériles.
Les ouvriers doivent assimiler peu à peu l'idée qu'ils ne peuvent
compter que sur leurs propres forces, qu'ils ont besoin de prendre en charge
eux-mêmes leurs luttes à travers des assemblées générales
souveraines, des délégués de grève élus et
révocables en permanence, assurant l'extension vitale de la lutte à
d'autres entreprises, à d'autres secteurs, contre toutes les forces d'encadrement
que sont les partis de gauche et les syndicats. Voilà quels sont les
véritables besoins d'unité et de politisation de la lutte ressenties
au sein de la classe ouvrière.