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Nous avons reçu un courrier d’un lecteur qui, entre autres questions nous transmet la remarque suivante : "(…) Je suis en train de lire les brochures et livres que j’ai pris lors de la dernière réunion [publique du CCI] (Décadence, Gauche Italienne, RI…). Je le dis franchement, j’ai beaucoup de sympathie pour vos idées; par contre j’ai une petite critique (constructive) à faire. Même si je ne suis pas trotskiste, je crois que le ton qu’emploie RI envers les trotskistes est trop dur et que ça vous donne une image de "sectaire" et de "donneur de leçons". Mais je suis d’accord avec le fait que leur support de l’URSS soit une trahison, que leur défense des syndicats n’est pas vraiment mon idée préférée..."
Tout d’abord, nous voulons saluer le souci qu’exprime le camarade qui, au delà des sympathies qu’il a pour nos positions, n’hésite pas à poser ses questionnements ou ses critiques. Nous le saluons d’autant plus que la question qu’il pose ici est fondamentale, puisqu’elle soulève la problématique de ce que nous appelons les frontières de classe entre le camp bourgeois et le camp prolétarien.
Le camarade caractérise avec justesse le soutien des trotskistes à l’URSS, pendant la Seconde Guerre mondiale, de "trahison". Nous ne pouvons qu’être d’accord avec cette position, mais il faut en tirer les conséquences. En effet, Trotski lui-même avait émis l’hypothèse que l’URSS stalinienne comporterait encore en elle des résidus prolétariens de la révolution de 1917, en parlant d’un "Etat ouvrier dégénéré". Cette position avait été combattue par les courants de la Gauche communiste qui avaient mis en évidence que la révolution d’Octobre avait été battue par la bourgeoisie internationale. L’Etat soviétique était donc un Etat bourgeois. Cependant, en véritable marxiste, Troski avait laissé l’histoire trancher en étant explicitement prêt à réviser sa position si l’URSS devait participer à la guerre impérialiste mondiale qui s’annonçait. Sa mort ne lui permit pas de constater le jugement de l’histoire. Quant aux trotskistes qui continuèrent de se réclamer de sa pensée, ils ne s’embarrassèrent pas d’une telle démarche et continuèrent face aux évidences, à soutenir l’URSS jusque dans la guerre, c’est-à-dire à soutenir un camp impérialiste contre un autre (1). Cette trahison est fondamentale, car elle remet en cause une position qui sépare le camp du prolétariat de celui de la bourgeoisie : l’internationalisme.
Jamais les organisations trotskistes, telles LO ou la LCR, ne remirent en cause ce soutien, même si elles l’ont fait de façon "critique". On peut encore entendre Lutte Ouvrière, aujourd’hui, défendre les "acquis ouvriers" de la Russie contemporaine.
Dès lors qu’une organisation trahit l’internationalisme, elle franchit le Rubicon et passe définitivement dans le camp bourgeois. C’est pour cela que, étant devenues des organisations de l’extrême-gauche du capital, leur fonction consiste à s’appuyer sur leur passé ouvrier pour mystifier le prolétariat. Ainsi, les trotskistes mènent systématiquement campagne pour toutes les élections bourgeoises en se portant eux-mêmes candidats à des postes institutionnels ; ils prennent toujours position pour un camp contre un autre dans les conflits impérialistes (voir par exemple le soutien au camp palestinien) ; ils soutiennent en permanence les syndicats derrière une critique radicale des "appareils" ou des "directions", etc. (2)
C’est justement parce les trotskistes ont trahi la classe ouvrière, et sont devenus des ennemis du prolétariat que les révolutionnaires se doivent de les dénoncer avec la plus grande fermeté et sans la moindre concession. Leurs positions ne sont pas des "divergences", sur lesquelles nous pourrions mener un débat fraternel et polémiquer (comme c’est le cas au sein des organisations du camp prolétarien). Il doit être clair que les organisations trotskistes appartiennent à l’appareil politique de la bourgeoisie et c’est comme telles que les révolutionnaires doivent les traiter.
Nous ne nions pas pour autant qu’au sein même de ces organisations gauchistes, et qui plus est autour d’elles, il y ait des éléments sincères, persuadés de mener un combat juste pour l’émancipation du prolétariat. Notre lecteur peut être amené à penser qu’une attitude trop ferme par rapport à ces éléments risque de nous décrédibiliser et fermer la porte à la discussion avec nous. Mais nous savons aussi que pour ces éléments, toute évolution vers des positions prolétariennes doit toujours passer par une rupture radicale avec l’idéologie bourgeoise en général, et donc avec le trotskisme. Les révolutionnaires ont donc la responsabilité de pousser à la clarification au sein de l’ensemble de la classe ouvrière, et de ses minorités les plus combatives qui tombent facilement dans les pièges des trotskistes et se laisse berner par leurs discours "radicaux" et pseudo-"révolutionnaires". Toute concession à une quelconque idéologie étrangère au prolétariat, même dans un but qui pourrait sembler a priori louable d’adopter une attitude ouverte, serait une grave erreur. Les révolutionnaires doivent par l’intransigeance de leur dénonciation du trotskisme permettre aux éléments sincères de rompre définitivement avec le trotskisme en posant clairement les frontières de classe. Nous devons montrer à ces éléments comment les positions qu’ils défendent vont à l’encontre du but qu’ils poursuivent.
Quand nous dénonçons des positions bourgeoises, nous ne posons pas la question de la sincérité de celui qui les exprime. Nous dénonçons ces positions car, quelle que soit cette sincérité, elles font de celui qui les diffuse un ennemi, éventuellement malgré lui, de la classe ouvrière.
G
(1) Pour plus de détails sur cette question, nous renvoyons nos lecteurs à Révolution Internationale n° 351 et 352 : " Réponse à un groupe Trostkiste (CRI) : les prolétaires n’ont pas de patrie "
(2) Lire notre brochure Le Trotskisme contre la classe ouvrière.