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Révolution Internationale n°450 - janvier février 2015

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Attentats sanglants à Paris: le terrorisme, une manifestation de la putréfaction de la société bourgeoise

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Cabu, Charb, Tignous, Wolinski, ces quatre noms parmi la vingtaine de morts inscrits au bilan des tueries de Paris des 7 et 9 janvier sont un symbole. Ce sont eux qui étaient visés en priorité. Et pour quelle raison ? Parce qu'ils représentaient l'intelligence contre la bêtise, la raison contre le fanatisme, la révolte contre la soumission, le courage contre la lâcheté1, la sympathie contre la haine, et cette qualité spécifiquement humaine : l'humour et le rire contre le conformisme et la grisaille bien-pensante. On pouvait rejeter et combattre certains de leurs positionnements politiques (dont certains étaient parfaitement bourgeois).2 Mais ce qui était frappé, c'est justement ce qu'ils avaient de meilleur. Ce déchaînement barbare de violence contre de simples dessinateurs ou d'inoffensifs clients d'un supermarché cacher, abattus tout simplement parce qu'ils étaient juifs, a provoqué une émotion considérable, non seulement en France mais dans le monde entier, et c'est normal. L'utilisation que font aujourd'hui de cette émotion tous les représentants patentés de la démocratie bourgeoise ne doit pas occulter le fait que l'indignation, la colère et la profonde tristesse qui ont saisi des millions d'hommes et de femmes, et qui les a fait descendre spontanément dans la rue le 7 janvier, était une réaction saine et élémentaire contre cet acte ignoble de barbarie.

Un pur produit de la décomposition du capitalisme

Le terrorisme ne date pas d'hier.3 La nouveauté, c'est la forme qu'il a prise et le fait qu'il s'est fortement développé à partir du milieu des années 1980 pour devenir un phénomène planétaire sans précédent. La série d'attentats aveugles qui a frappé Paris en 1985-86, et qui, de façon claire, n'était pas le simple fait de petits groupes isolés mais portait la signature d'un État, inaugurait une période nouvelle dans l'utilisation du terrorisme qui, depuis, a pris une extension inconnue dans l'histoire faisant un nombre croissant de victimes.

Les attentats terroristes perpétrés par des fanatiques islamistes ne sont pas chose nouvelle non plus. L'histoire de ce début de siècle en est régulièrement le témoin, et avec une ampleur bien plus grande que celle des attentats de Paris début janvier 2015.

Les avions-kamikazes contre les Twin Towers de New York le 11 septembre 2001 ont ouvert une nouvelle époque. Pour nous il est clair que les services secrets américains ont laissé faire et même favorisé ces attentats qui ont permis à la puissance impérialiste américaine de justifier et déchaîner la guerre en Afghanistan et en Irak tout comme l'attaque japonaise contre la base navale de Pearl Harbor en décembre 1941, prévue et voulu par Roosevelt, avait servi de prétexte pour l'entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale.4 Mais il est clair aussi que ceux qui avaient pris les commandes des avions étaient des fanatiques complètement délirants qui pensaient gagner le paradis en tuant massivement et en faisant le sacrifice de leur vie.

Moins de trois ans après New York, le 11 mars 2004, Madrid a été le théâtre d'un massacre effroyable : des bombes "islamistes" ont provoqué 200 morts et plus de 1500 blessés dans la gare d'Atocha ; des corps humains étaient tellement déchiquetés qu'ils n'ont pu être identifiés que par leur ADN. L'année suivante, le 7 juillet 2005, c'est Londres qui est frappée : quatre explosions également dans les transports publics ont fait 56 morts et 700 blessés. La Russie également a connu plusieurs attentats islamistes au cours des années 2000, dont celui du 29 mars 2010 qui a fait 39 morts et 102 blessés. Et bien entendu, les pays périphériques n'ont pas été épargnés à l'image de l'Irak depuis l'intervention américaine en 2003 et comme on a pu le voir encore tout dernièrement au Pakistan, à Peshawar, où en décembre dernier 141 personnes, dont 132 enfants, ont péri dans une école.

Ce dernier attentat, où ce sont spécifiquement des enfants qui sont la cible, illustre, dans toute son horreur, la barbarie croissante de ces adeptes du "Djihad". Mais l'attentat de Paris du 7 janvier, bien que beaucoup moins meurtrier et atroce que celui du Pakistan, exprime une dimension nouvelle dans la barbarie.

Dans tous les cas précédents, aussi révoltant que soit le massacre de populations civiles, et notamment d'enfants, il y avait une certaine "rationalité" : il s'agissait d'exercer des représailles ou de tenter de faire pression sur des États et leurs forces armées. Le massacre de Madrid de 2004 était censé "punir" l'Espagne pour son engagement en Irak à côté des États-Unis. De même pour les attentats de Londres en 2005. Dans l'attentat de Peshawar, il s'agissait de faire pression sur les militaires pakistanais en massacrant leurs enfants. Mais dans le cas de l'attentat de Paris du 7 janvier, il n'y a pas le moindre "objectif militaire", même illusoire, de cet ordre. On a assassiné les dessinateurs de Charlie Hebdo et leurs collègues pour "venger le prophète" dont ce journal avait publié des caricatures. Et cela, non pas dans un pays ravagé par la guerre ou soumis à l'obscurantisme religieux, mais dans la France "démocratique, laïque et républicaine".

La haine et le nihilisme sont toujours un moteur essentiel dans l'action des terroristes, et particulièrement de ceux qui font délibérément le sacrifice de leur vie pour tuer le plus massivement possible. Mais cette haine qui transforme des êtres humains en machines à tuer froidement, sans la moindre considération pour les innocents qu'ils assassinent, a pour cible principale ces autres "machines à tuer" que sont les États. Rien de ça le 7 janvier à Paris : la haine obscurantiste et le désir fanatique de vengeance sont ici à l'état pur. Sa cible est l'autre, celui qui ne pense pas comme moi, et surtout celui qui pense parce que moi j'ai décidé de ne plus penser, c'est-à-dire d'exercer cette faculté propre à l'espèce humaine.

C'est pour cette raison que la tuerie du 7 janvier a provoqué un tel impact. D'une certaine façon, on est confronté à l'impensable : comment des cerveaux humains, pourtant éduqués dans un pays "civilisé", ont-ils pu formuler un tel projet barbare et absurde qui ressemble à celui des nazis les plus fanatiques brûlant les livres et exterminant les juifs ?

Et le pire n'est pas encore là. Le pire, c'est que l'acte extrême des frères Kouachi, d'Amedy Coulibaly et de leurs éventuels complices n'est que la pointe émergée d'un iceberg, de toute une mouvance qui prospère de plus en plus dans les banlieues pauvres, une mouvance qui s'est exprimée lorsqu'un certain nombre de jeunes ont exprimé l'idée que "Charlie Hebdo l'avait bien cherché en insultant le prophète", et que l'assassinat des dessinateurs était quelque chose de "normal".

C'est là aussi une manifestation de l'avancée de la barbarie, de la décomposition au sein de nos sociétés "civilisées". Cette plongée d'une partie de la jeunesse, et pas seulement celle issue de l'immigration, dans la haine et l'obscurantisme religieux est un symptôme, parmi beaucoup d'autres mais particulièrement significatif de la crise extrême, du pourrissement de la société capitaliste.

Aujourd'hui, un peu partout (en Europe aussi et particulièrement en France), de nombreux jeunes sans avenir, au parcours chaotique, humiliés par des échecs successifs, par la misère culturelle et sociale, deviennent les proies faciles des recruteurs sans scrupules (souvent liés à des États ou expressions politiques comme Daesh) qui drainent dans leurs réseaux ces paumés aux conversions aussi inattendues que soudaines, les transformant en des tueurs à gages potentiels ou en chair à canon pour le "djihad". Avec l'absence de perspective propre à la crise actuelle du capitalisme, une crise économique mais aussi sociale, morale et culturelle, avec le pourrissement sur pied de la société qui sue la mort et la destruction par tous les pores, la vie de bon nombre de ces jeunes est devenue à leurs propres yeux sans objet et sans valeur. Elle prend souvent et très rapidement la coloration religieuse d'une soumission aveugle et fanatisée qui inspire toutes sortes de comportements irrationnels et extrêmes, barbares, alimentés par un nihilisme suicidaire puissant. L'horreur de la société capitaliste en décomposition, qui a fabriqué ailleurs des enfants soldats en masse (par exemples en Ouganda, au Congo ou au Tchad particulièrement depuis le début des années 1990), génère maintenant au cœur même de l'Europe de jeunes psychopathes, tueurs professionnels au sang-froid, totalement désensibilisés et capable du pire sans même attendre une rétribution pour cela. Bref, cette société capitaliste en putréfaction, laissée à sa propre dynamique morbide et barbare, ne peut qu'entraîner progressivement toute l'humanité vers le chaos sanglant, la folie meurtrière et la mort. Comme le montre le terrorisme, elle ne cesse de fabriquer toujours plus nombreux des individus totalement désespérés, broyés et capables des pires atrocités ; fondamentalement ces terroristes, elle les façonne à son image. Si de tels "monstres" existent c'est parce que la société capitaliste est devenue "monstrueuse". Et si tous les jeunes qui sont affectés par cette dérive obscurantiste et nihiliste ne s'enrôlent pas dans le "Djihad", le fait que beaucoup d'entre eux considèrent comme des "héros" ou des "justiciers" ceux qui ont franchi ce pas constitue bien une preuve du caractère de plus en plus massif du désespoir et de la barbarie qui envahit la société.

L'odieuse récupération "démocratique"

Mais la barbarie du monde capitaliste actuel ne s'exprime pas seulement dans ces actes terroristes et la sympathie qu'ils rencontrent dans une partie de la jeunesse. Elle s'exprime aussi dans l'ignoble récupération que la bourgeoise est en train de faire de ces drames.

Au moment où nous écrivons cet article, le monde capitaliste, avec à sa tête les principaux dirigeants "démocratiques", s'apprête à accomplir une des opérations les plus sordides dont il a le secret. A Paris, le dimanche 11 janvier, se sont donné rendez-vous pour une immense manifestation de rue, autour du Président Hollande et de tous les dirigeants politiques du pays, toutes couleurs confondues, Angela Merkel, David Camerone, les chefs de gouvernement d'Espagne, d'Italie et de bien d'autres pays d'Europe, mais aussi le Roi de Jordanie, Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, et Benyamin Netanyahou, Premier ministre d'Israël.5

Alors que des centaines de milliers de personnes descendaient spontanément dans la rue, le soir du 7 janvier, les politiciens, à commencer par François Hollande, et les médias français ont commencé leur campagne : "c'est la liberté de la presse et la démocratie qui sont visées", "il faut se mobiliser et s'unir pour défendre ces valeurs de notre république". De plus en plus, dans les rassemblements qui ont suivi ceux du 7 janvier, on a pu entendre l’hymne national français, la "Marseillaise", dont le refrain dit : "Qu'un sang impur abreuve nos sillons !". "Unité nationale", "défense de la démocratie", voilà les messages que la classe dominante veut faire entrer dans les têtes, c'est-à-dire les mots d'ordre qui ont justifié l'embrigadement et le massacre de dizaines de millions de prolétaires dans les deux guerres mondiales du XXe siècle. Hollande l'a d'ailleurs bien dit dans son premier discours : en envoyant l'armée en Afrique, notamment au Mali, la France a déjà engagé le combat contre le terrorisme (tout comme Bush avait expliqué que l'intervention militaire américaine en 2003 en Irak avait le même objectif). Les intérêts impérialistes de la bourgeoisie française n'ont évidemment rien à voir avec ces interventions !

Pauvres Cabu, Charb, Tignous, Wolinski ! Des fanatiques islamistes les ont tués une première fois. Il fallait qu'ils soient tués une deuxième fois par tous ces représentants et "fan" de la "démocratie" bourgeoise, tous ces chefs d'État et de gouvernement d'un système mondial pourrissant qui est le principal responsable de la barbarie qui envahit la société humaine : le capitalisme. Des dirigeants politiques qui n'hésitent pas à employer eux-aussi la terreur, les assassinats, les représailles contre des populations civiles quand il s'agit de défendre les intérêts de ce système et de sa classe dominante, la bourgeoisie.

La fin de la barbarie dont les tueries de Paris de janvier 2015 sont l'expression, ne pourra certainement pas venir de l'action de ceux qui sont les principaux défenseurs et garants du système économique qui engendre cette barbarie. Elle ne pourra résulter que du renversement de ce système par le prolétariat mondial, c'est-à-dire par la classe qui produit de façon associée l'essentiel des richesses de la société, et de son remplacement par une véritable communauté humaine universelle non plus basée sur le profit, la concurrence et l'exploitation de l'homme par l'homme mais basée sur l'abolition de ces vestiges de la préhistoire humaine. Une société basée sur "une association où le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous"6, la société communiste.

RI (11/01/2014)

 

Dessin de Wolinski de l’année 1968. Les ouvriers appellent à la révolution, le responsable syndical répond : "Vous êtes fous !

 

 


1 Depuis des années déjà, ces dessinateurs recevaient régulièrement des menaces de mort.

2 Wolinski le soixante-huitard n'avait-il pas ensuite collaboré à « l'Huma » pendant plusieurs années ? Lui-même avait d'ailleurs écrit : "Nous avons fait mai 68 pour ne pas devenir ce que nous sommes devenus"

3 Au XIXe siècle, de petites minorités révoltées contre l’État y avaient recours, comme les populistes en Russie et comme certains anarchistes en France ou en Espagne. Ces actions violentes stériles ont toujours été utilisées par la bourgeoise contre le mouvement ouvrier pour justifier la répression et des "lois scélérates".

4 Lire notre article sur notre site : Pearl Harbor 1941, les 'Twin Towers' 2001 : le machiavélisme de la bourgeoisie. (https://fr.internationalism.org/french/rint/108_machiavel.htm [3]).

5 L’appel à ce rassemblement "d’Union nationale" est unanime de la part des syndicats et des partis politiques (seul le Front national n’en sera pas) mais aussi de la part des médias. Même le journal sportif L’Équipe appelle à manifester !

6 Marx, Le Manifeste communiste, 1848

 

 

Rubrique: 

Décomposition du capitalisme

Sur le “miracle” asiatique: l’envers du décor

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La bourgeoisie a coutume de nous présenter sous les jours les plus favorables la situation du capitalisme mondial en s’appuyant sur les résultats économiques de l’Asie du Sud-Est, qui sont effectivement positifs et semblent témoigner de la bonne santé économique de cette région. Il en découle évidemment d’après la propagande de la classe dominante que, si l’économie des vieilles puissances capitalistes bat quelque peu de l’aile, le capitalisme comme un tout a encore un futur : il est en Asie. La dernière démonstration de cette affirmation est l’annonce que la production de la Chine dépasse désormais en valeur celle des États-Unis 1.

L’autre message que la bourgeoisie veut faire passer aux exploités des vieilles économies développées, c’est que les apparents succès des économies du Sud-Est asiatique sont avant tout dus au fait que la classe ouvrière de ces pays accepte de travailler plus. Le message est clair : tant que les prolétaires d’Europe ou des États-Unis défendront aussi égoïstement leurs “intérêts personnels” face à la collectivité, l’économie de leurs pays stagnera ou régressera. La bourgeoisie essaie de nous faire croire que les conditions d’exploitation infernales qui règnent en Asie du Sud-est sont acceptées, voire souhaitées par les prolétaires d’Asie, et même qu’elles sont indispensables à la prospérité commune !

L’économie chinoise, une expression de la décadence du capitalisme

En réalité, l’Asie du Sud-Est n’est aucunement épargnée par la crise historique du capitalisme, elle en est même une expression. Les taux de croissance de l’économie chinoise correspondent en effet à un véritable cancer économique, le développement d’une tumeur qui ne fait que pomper l’énergie vitale du corps social comme un tout pour exister. Sans la crise de surproduction et l’absolue nécessité dans laquelle se trouve la bourgeoisie de rétablir des marges de profit en trouvant une main-d’œuvre particulièrement bon marché et acceptant des conditions de travail infernales, il n’y aurait jamais eu de développement de l’économie chinoise, laquelle ne constitue en aucune façon une expansion du marché mondial ou une porte de sortie de la crise historique du capitalisme. L’économie chinoise s’est contentée de siphonner les productions industrielles de nombreux pays développés pour les poursuivre en rétablissant un taux de profit acceptable, du fait d’une moindre mécanisation et de l’emploi massif d’une main-d’œuvre sous-payée. Ce qui nous rappelle au passage que ce n’est pas sur les machines que le capital fait du profit, mais à travers l’exploitation de la force de travail.

De plus, un certain nombre d’économistes se posent non seulement des questions sur la réalité d’une croissance chinoise essentiellement tirée par des investissements d’État dans le bâtiment et un endettement massif, mais aussi sur la réalité des chiffres avancés par le National Bureau of Statistics of China (le bureau national de statistiques chinois). Des économistes bourgeois aussi reconnus qu’Olivier Delamarche ou Patrick ­Artus mettent ouvertement en doute dans la presse spécialisée les chiffres de la croissance du PIB chinois, qui ne sont aucunement corroborés par une croissance équivalente de la consommation d’énergie et de matières premières, ou de la demande intérieure qui stagne. En d’autres termes : non seulement l’économie chinoise est dopée par des investissements à perte et une production en partie sans perspectives immédiates de vente, mais les chiffres mêmes de production fournis par l’État chinois sont falsifiés ! De fait, il semble que si l’économie chinoise tousse, le thermomètre n’indiquerait que la moitié de la fièvre réelle !

Le chômage de masse, une réalité aussi en Asie

Le chômage de masse est l’une des marques les plus spectaculaires et révélatrices de la décadence du système capitaliste à l’échelle mondiale. Or, ce fléau endémique frappe aussi la plupart des pays asiatiques, particulièrement chez les jeunes. D’après le Forum économique mondial, il y aurait 357,7 millions de jeunes travailleurs au chômage dans le monde et 62 % se trouveraient en Asie du Sud et de l’Est 2.

En Inde, 10 millions de jeunes par an arrivent sur le marché du travail, 1 million rien qu’en Indonésie. Le chômage des jeunes entre 15 et 24 ans est estimé à 20 % en Indonésie, 9,4 % en Inde, 10,1 % au Myanmar et 13,6 % aux Philippines. Et ces chiffres, de l’aveu même d’économistes bourgeois, sous-estiment totalement la réalité du phénomène puisqu’ils ne prennent pas en compte les jeunes sous-employés dans les pays à bas revenus. La Chine, notamment, a bien un taux de chômage officiel particulièrement bas (4,1 %, chiffre stable depuis plusieurs années), mais il ne prend aucunement en compte les jeunes ruraux dans un pays où l’émigration intérieure vers l’exploitation forcenée des usines de la côte est la seule option permettant d’échapper quelque peu à une misère encore plus noire. Le caractère désespéré de cette émigration massive des jeunes ruraux vers les bagnes industriels de Shanghai, de Shenzhen ou de Pékin, montre assez que les chiffres officiels ne rendent pas compte de la réalité d’une misère terrible et d’un sous-emploi massif.

Au total, ce sont officiellement 14,2 % des jeunes qui sont au chômage en Asie du Sud et de l’Est, chiffre au-dessus de celui qui est retenu pour l’ensemble du globe qui n’est “que” de 13,1 %. Pour une région qui se porterait économiquement mieux que le reste du monde, il est quand même curieux que le chômage des jeunes y soit plus élevé qu’ailleurs !

Tandis que la bourgeoisie constate que des efforts ont été faits dans ces pays pour élever le niveau de qualification de la jeunesse, elle est parfaitement consciente du potentiel de frustration qui existe chez ces jeunes, encouragés à faire des études et de ce fait appâtés par des salaires potentiellement plus élevés, et constatant à la fin de leurs études qu’il n’y a tout simplement pas assez de travail pour eux. En Chine, si les besoins de main-d’œuvre non-qualifiée sont toujours importants, l’intégration des jeunes devient de plus en plus problématique car, au lieu de rester quelques années à travailler en usine en acceptant des conditions de travail à nulle autre comparable en termes de précarité et de brutalité pour retourner ensuite dans leur région rurale d’origine, totalement épuisés, la jeune génération paysanne commence à massivement envisager de s’installer en ville et de garder son travail dans l’industrie, mais les conditions de travail “à la chinoise” sont évidemment dans ce contexte insupportables. En Chine, la jeune génération demande des métiers plus qualifiés, mieux payés, avec plus de droits et de protection sociale, ce que bien évidemment le patronat peine un peu à accorder. Les derniers conflits du travail sont considérés par les observateurs de la réalité chinoise comme d’une qualité différente de ceux que l’on avait vus se développer auparavant : la jeune génération chinoise refuse de plus en plus les conditions de travail imposées à leurs aînés. Or les fondements du succès de “l’atelier du monde” se trouvaient justement dans cette exploitation forcenée de cette main d’œuvre à bas coût.

La bourgeoisie est particulièrement consciente de la contradiction qui existe dans le fait d’instruire des millions de jeunes, de les former de mieux en mieux pour répondre à l’élévation croissante du niveau technique requis pour intégrer le marché du travail, et en même temps de ne pas pouvoir leur proposer de travail au niveau de leurs qualifications, alors même que ces jeunes ont souvent sacrifié des années de leur vie dans la perspective d’un travail plus qualifié, mieux rémunéré, leur offrant des perspectives d’avenir plus intéressantes que celles qu’ont pu avoir leurs parents, espéraient-ils. La bourgeoisie, par l’intermédiaire du coordinateur de l’emploi des jeunes pour l’Asie au sein de l’Organisation internationale du travail, le reconnaît sans ambages : “beaucoup de jeunes en Asie font face au même problème : survivre. Lorsque dans de nombreux pays il n’existe pas la protection d’une sécurité sociale, ils ne peuvent rien faire d’autre que survivre. Cela perpétue un cycle de travail informel et de pauvreté. La grande majorité des travailleurs en Asie se trouve dans le secteur informel”. Nous sommes ici bien loin du futur radieux que nous vante la bourgeoisie en nous parlant de la “croissance” en Asie…

Un montée de la combativité ouvrière en Asie

Si l’on écoute la bourgeoisie, les jeunes travailleurs qui ont la “chance” d’avoir un travail et sortiraient donc de la situation de misère à laquelle leurs parents ont été condamnés, accepteraient les conditions de travail et de salaires en vigueur dans les “ateliers du monde asiatique”, que ce soit en Chine, en Indonésie, en Inde ou au ­Bangladesh. Ils le feraient parce que ce serait une façon d’assurer leur propre futur. Ces assertions sont absolument démenties par les faits : non seulement les conditions d’exploitation terribles qui existent dans ces pays sont contestées par la classe ouvrière sur place, mais les ouvriers d’Asie acceptent de plus en plus mal d’être sous-payés, voire pas payés du tout par des patrons qui sont souvent des escrocs et dans une société marquée par la hausse continue des prix des produits de première nécessité, du logement et des transports.

La concentration d’usines et d’ouvriers dans des villes géantes pose évidemment la possibilité pour les ouvriers de constater l’unification de leurs conditions de vie et de travail, la possibilité de résister à l’exploitation féroce dont ils sont victimes. Il y a eu ces derniers temps des mouvements de grèves géants en Chine, comme en avril dernier où 40 000 ouvriers de l’usine de chaussures de sport Yue Yuen à Dongguan ont fait grève pendant 12 jours pour obtenir le paiement par le patron de la totalité des cotisations sociales, mais aussi des retraites et des arriérés de salaire. En réaction, l’État chinois, comme dans le cas de l’entreprise Yue Yuen, souffle le froid et le chaud, en lançant ses chiens de garde policiers contre les “meneurs” tout en poussant la direction de l’entreprise à accepter certaines revendications des grévistes : privée de syndicats et autres “amortisseurs sociaux”, la Chine ne peut se permettre d’affronter trop directement la colère ouvrière et en même temps, ces concessions aux luttes ouvrières peuvent pousser les investisseurs étrangers à déménager de Chine pour d’autres cieux. Dans le cas de l’usine Yue Yuen, la firme Adidas, cliente de l’usine, a d’ores et déjà annoncé ne plus vouloir travailler avec elle.

D’après Reuters, le nombre de grèves en Chine avait pour les premiers mois de l’année 2014 augmenté d’un tiers sur un an. Début décembre, ce sont les instituteurs de la région de Harbin qui se sont mis en grève pour des augmentations de salaires 3 et le paiement de leurs cotisations retraites par l’État. L’importance de la question des cotisations-retraites doit être soulignée : c’est leur avenir que les prolétaires chinois défendent à travers cette revendication.

Mais les prolétaires chinois ne sont pas les seuls à lutter : une grève des employés de banque pour leurs salaires a touché le Bangladesh en mars 2014. Une autre grève dans le secteur bancaire menace en Inde, toujours pour une question de salaires ; un million d’ouvriers ont cessé le travail et manifesté dans toute l’Indonésie pour obtenir de meilleurs salaires. Tous ces mouvements montrent à l’évidence qu’en Asie, malgré ce que la bourgeoisie nous dit, les ouvriers ne sont pas plus résignés à se laisser surexploiter qu’ailleurs.

La réalité de l’impasse mondiale du capitalisme

La classe ouvrière d’Asie, qui a jusqu’ici connu une expansion numérique représentant une manière d’échapper à la misère noire de la paysannerie pauvre, va devoir gagner en expérience, en maturité. Elle va elle aussi, après une expansion rapide, connaître encore davantage de chômage : la surproduction mondiale ne peut être stoppée et surtout pas par une demande aussi faible que celle des pays émergents d’Asie. Les grèves qui se sont déroulées en Asie en 2014 nous montrent à la fois le potentiel de combativité d’une classe ouvrière qui vit dans des dictatures plus ou moins féroces, mais aussi tout le chemin que ces ouvriers tout neufs ont à faire politiquement pour comprendre les pièges que leur tend la bourgeoisie : la revendication d’un “syndicalisme libre”, que l’on retrouve derrière tous les mouvements de grève en Asie, est l’expression d’une illusion très profonde non seulement sur la possibilité d’un syndicalisme qui défende réellement les intérêts des exploités, mais aussi sur la possibilité d’un État démocratique “juste”, sans corruption, sans répression policière brutale, d’une démocratie qui prendrait à cœur les revendications ouvrières et permettrait de les satisfaire dans le sens d’une plus grande justice sociale.

C’est pourquoi sera toujours fondamental l’apport du prolétariat des grands pays développés – et il faut bien souligner ce que nous appelons prolétariat, c’est-à-dire l’ensemble des salariés qui ne touchent que le prix de leur force de travail pour salaire, qu’ils soient du secteur privé ou du secteur public, de l’industrie ou du secteur des services comme les employés des hôpitaux, des banques, de l’énergie ou de l’éducation – qui a une expérience de deux siècles de luttes, l’expérience des pièges idéologiques et des manœuvres les plus sophistiqués et machiavéliques du syndicalisme “libre” et de l’État démocratique bourgeois. Cette expérience manque cruellement dans la majeure partie des pays d’Asie où ne sont tolérés que des syndicats ouvertement inféodés à l’État, lequel ne tolère pas les élections “pluralistes”. Il faut souligner que l’émergence de cette classe ouvrière asiatique plus éduquée, combative et qui s’ouvre sur le monde du fait de la mondialisation des échanges est une excellente chose pour le combat de la classe ouvrière mondiale, mais en même temps que l’expérience et la conscience de la classe ouvrière des vieux pays développés sera fondamentale dans le développement du combat de classe vers le communisme. Pour l’instant, d’ailleurs, dans pratiquement tous les pays asiatiques émergents, la classe ouvrière reste minoritaire dans la population totale. Ce n’est pas le cas dans les vieux pays développés.

Le fléau du chômage de masse qui commence à poindre le bout de son nez inquiète beaucoup la bourgeoisie qui voit en Asie aussi toute perspective d’un futur capitaliste radieux s’estomper ; en Asie comme ailleurs, le capitalisme n’a que la misère, le chômage ou la surexploitation à proposer. Plus le temps passera, et plus les prolétaires d’Asie se rapprocheront de leurs frères de classe des vieux pays développés dans un combat commun pour renverser le vieux monde capitaliste.

TH, décembre 2014

1 Libération du 8 décembre 2014

2 Tous les chiffres sur cette question du chômage en Asie sont tirés du China Daily Asia Weekly du 24 au 30 octobre 2014.

3 La radio nationale chinoise a rapporté qu’un instituteur comptant 25 ans d’ancienneté gagnait l’équivalent de moins de 400 $ par mois.

 

 

Rubrique: 

Situation sociale et économique

Immigration: xénophobie de droite ou de gauche, le même cynisme

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Nous publions ci-dessous la traduction d’un article réalisé par World Revolution, organe de presse du cci en Grande-Bretagne.

Un “grand débat” sur l’immigration agite la planète. Il consiste la plupart du temps en arguments sur la façon de la limiter. L’immigration est présentée comme néfaste pour les économies vulnérables, érodant la culture des pays et aggravant nos conditions de vies. Contre ces arguments, il y a ceux qui affirment que l’économie tire toujours un bénéfice net des nouveaux arrivants, que la diversité culturelle est enrichissante et que les pays les plus attractifs ont la responsabilité d’accueillir ceux qui fuient la persécution, la pauvreté et la guerre.

Chaque jour la presse s’étale sur ce thème. Aux États-Unis, le président Obama propose de renforcer la sécurité aux frontières tout en présentant un projet de citoyenneté pour les immigrants sans papiers. Au Royaume-Uni, le Premier ministre Cameron expose les grandes lignes de nouvelles restrictions et des moyens de dissuader les émigrants potentiels. Le gouvernement australien, dans les pas de ses prédécesseurs travaillistes, a adopté des mesures de protection de ses frontières aussi sévères que coûteuses et inhumaines. En Suisse, un référendum a rejeté des mesures proposées pour réduire drastiquement l’immigration ; les opposants à ces restrictions argumentant que cela serait mauvais pour... l’économie. En Méditerranée, il y a régulièrement des annonces de sauvetages et de naufrages de réfugiés et d’émigrants sur des bateaux en route pour l’Italie et la Grèce. Amnesty International a critiqué la réponse “pitoyable” des pays les plus riches à l’accueil de millions de réfugiés fuyant les conflits en Syrie.

D’odieuses campagnes idéologiques de la bourgeoisie sont dominées par l’idée d’une menace étrangère et de la nécessité de renforcer les frontières et de dissuader les envahisseurs. En tant que forme de nationalisme, elles mettent en avant l’idée d’un patrimoine national qui risque de s’appauvrir, de subir des influences étrangères et un affaiblissement culturel. Depuis Aube Dorée, ouvertement nazie, en Grèce, jusqu’à la montée du Parti de l’Indépendance du Royaume-Uni en Grande Bretagne, et à la résurgence du Front National en France, il y a toute une série de partis populistes de droite qui expriment des idées racistes, xénophobes d’une manière qui n’était jusqu’à récemment pas considérée comme “respectables”. En retour, les libéraux et la gauche y opposent hypocritement un arsenal juridique (interdits et droits limités pour ces partis, criminalisation de la discrimination raciale) et leur propre version du nationalisme.

Le référendum sur l’indépendance de l’Écosse a été couvert internationalement et beaucoup de ceux qui soutenaient la séparation de l’Écosse le faisaient sur la base de l’autodétermination nationale. Au cours du siècle passé, cela s’est avéré n’être qu’une version de gauche du même poison nationaliste. Les bourgeoisies mondiales ont envié la bourgeoisie anglaise, capable d’organiser cette “confrontation démocratique” entre variétés différentes du même nationalisme.

Le racisme est-il naturel ?

En admettant qu’“une certaine xénophobie” avait marqué le “débat” sur l’immigration, le maire de Londres disait que “tous les êtres humains sont en proie à ce sentiment… cela fait partie de la nature humaine. Cela ne veut pas dire que les gens sont mauvais, ok ?”. S’il s’agit d’une remarque au pied levé, elle propage insidieusement le message que la classe dominante veut nous faire ingurgiter : avoir des préjugés est supposé être “naturel”. Le mensonge répugnant est précisément celui-ci : nous serions nés, naturellement, avec la méfiance à l’égard de tout ce qui est différent ou ne nous est pas familier.

En réalité, alors qu’il y a eu des périodes dans lesquelles l’immigration a été activement encouragée par l’État capitaliste 1 (et même aujourd’hui ceux qui ont “du talent” ou “travaillent dur” sont les bienvenus partout), la concurrence entre capitaux nationaux dans sa phase actuelle de décadence a poussé la classe capitaliste à intensifier les campagnes habituelles contre les étrangers. Quelques fois, cela prend la forme particulièrement hypocrite d’un “débat” sur l’immigration, quelques fois de racisme flagrant, et d’autres fois celle de la menace que représenteraient d’autres religions. Les arguments mis en avant pour valoriser les bénéfices de l’immigration sont eux aussi cyniquement basés sur la défense de l’économie nationale : les immigrants ne sont pas un fardeau, ils ont une valeur pour l’économie capitaliste.

Un autre aspect de la campagne de la bourgeoisie est le tour de passe-passe sur l’ethnicité. Tout en dénonçant le nationalisme de l’État capitaliste et ceux qui le soutiennent, certains encouragent les gens à se réfugier dans les groupes ethniques. Dans la pratique, beaucoup de recensements statistiques nationaux ont des questions qui portent sur les aspects ethniques.

L’antiracisme est un autre phénomène que la bourgeoisie utilise contre le développement de la conscience de classe. L’antiracisme demande constamment à l’État de freiner le racisme, de s’attaquer aux racistes et de faire respecter la justice. C’est ce qu’on voit aux États-Unis dans les protestations contre le meurtre d’une personne noire par des flics blancs. On en appelle toujours à la justice, oubliant ou voulant faire oublier par là que l’État est en réalité l’appareil de la classe dominante et qu’il n’y a que la classe ouvrière unie qui peut l’affronter et le détruire. Un exemple classique de la réalité de l’antiracisme d’État fut le gouvernement travailliste anglais à la fin des années 1960. Les gens qui connaissent cette période pensent à Enoch Powell 2 et à son discours sur des “fleuves de sang” en 1968, prophétisant un conflit ethnique. En réalité, le gouvernement travailliste était arrivé au pouvoir en 1964 avec un manifeste engagé qui disait que “le nombre d’immigrants qui entrent au Royaume Uni doit être limité” (et il a montré ce que ça voulait dire en 1968 avec des restrictions draconiennes à l’égard des Kenyans originaires d’Asie qui fuyaient les persécutions 3. Un autre engagement du manifeste de 1964 était de “légiférer contre la discrimination et la provocation raciale dans les lieux publics” qui a conduit à la Loi sur les relations entre les races en 1965 et à la formation d’un Bureau des relations entre les races (devenu par la suite la Commission pour l’égalité des races). L’État pouvait dire qu’il s’était engagé à traiter le racisme, alors qu’en même temps, il menait des politiques racistes contre différents groupes d’immigrants qui essayaient de s’installer au Royaume-Uni. L’État pouvait avoir le beurre et l’argent du beurre.

La morale de la classe ouvrière

L’idée que la xénophobie serait quelque chose de naturel va à l’encontre de l’expérience réelle de l’humanité. Si on examine les dizaines de milliers d’années de la société de chasseurs-cueilleurs, avant le développement de l’agriculture et de la société de classe, il est clair que les rapports basés sur la solidarité mutuelle ont été à la base de la survie dans la communauté communiste primitive. De plus, l’humanité n’aurait pas dépassé le stade de la horde si les communautés particulières n’avaient pas développé des relations “exogamiques” avec d’autres groupes humains.

Mais alors qu’un instinct social est au cœur de ce qui fait de nous des humains, la fragmentation de l’humanité, l’aliénation, l’individualisme et le nationalisme alimentés par le système capitaliste ont mis en avant d’autres aspects de la personnalité humaine. Les marxistes ont montré à juste titre de quoi le capitalisme est responsable : un système d’exploitation qui a conduit aux guerres impérialistes et aux génocides. Mais, tout en voyant les révoltes, les rébellions et les révolutions contre la domination de la classe capitaliste, nous devons aussi reconnaître le poids du conformisme, de l’obéissance et de l’acceptation du capitalisme et de ses idéologies. Les campagnes de propagande sur l’immigration ont un impact ; les gens croient souvent qu’il y a une menace qui doit être affrontée, et “l’étranger” parmi nous est souvent le premier bouc-émissaire à qui l’on attribue la responsabilité de nos conditions misérables.

La classe ouvrière est souvent profondément divisée par ces préjugés et ces idéologies. Mais cela ne doit pas porter atteinte à sa nature historique unique. C’est une classe exploitée par le capitalisme et qui subit le poids de l’idéologie capitaliste. C’est aussi une classe révolutionnaire avec la capacité de renverser le capitalisme et de développer de nouveaux rapports de production basés sur la solidarité. La révolution de la classe ouvrière n’est pas seulement une révolte provoquée par les privations et la répression ; si elle doit réussir, elle doit avoir une conscience du monde que nous devons quitter et le projet du communisme. En tant que telle, la vision de la classe ouvrière n’est pas seulement une critique de la société, c’est aussi une vision morale, dans laquelle les besoins immédiats de parties de la classe sont subordonnés à un but historique. Le racisme bourgeois classique tout autant que l’antiracisme de la gauche bourgeoise crée des illusions et provoque des divisions au sein de la classe ouvrière. Pour que la classe ouvrière fasse une révolution, elle a besoin d’une unité qui vient d’une conscience de ses intérêts communs au niveau international. Contre le racisme, le nationalisme et la xénophobie, la classe ouvrière offre la perspective du communisme, une société basée sur l’association, pas sur le renforcement de la séparation.

Car, 6 décembre 2014

1 Pour un article de fond sur beaucoup d’aspects de la question de l’immigration, voir sur notre site Internet : “L’immigration et le mouvement ouvrier”.

2 Politicien britannique connu pour ses positions contre l’immigration.

3 Jusqu’en 1962 tout citoyen d’un pays du Commonwealth avait le droit d’entrer en Grande-Bretagne sans restrictions. A partir de 1962, ce droit fut de plus en plus limité : en 1968 le gouvernement travailliste de l’époque réagit à un premier exode de personnes d’origine indienne habitant au Kenya mais détenteurs de passeports britanniques, qui fuyaient la persécution qui les visait, en limitant le droit d’habiter en Grande-Bretagne aux personnes ayant une “connexion proche” avec le pays. Dans les faits, on inventa une catégorie de citoyens britanniques ayant le droit d’habiter… nulle part. Le Commonwealth Immigration Act fut encore renforcé en 1971 pour faire face à un nouvel exode, cette fois d’Indiens ougandais fuyant les persécutions d’Idi Amin Dada

 

 

Récent et en cours: 

  • Immigration [5]

Rubrique: 

Décomposition du capitalisme

XXIe Congrès de RI: une crise douloureuse mais salutaire pour l’avenir de l’organisation révolutionnaire

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La section du CCI en France a tenu récemment son XXIe Congrès qui s’est déroulé en deux sessions. La première, consacrée aux débats sur les problèmes organisationnels de la plus vieille section du CCI, s’est tenue au cours de notre Conférence internationale extraordinaire en mai dernier 1. La seconde session de ce Congrès, était consacrée à deux questions :

1) L’analyse du rapport de forces entre les classes dans la situation sociale en France à partir de l’examen critique de nos difficultés d’analyse dans le mouvement contre la réforme des retraites de l’automne 2010. Les débats sur cette question ont donné lieu à l’adoption par le Congrès de la “Résolution sur la situation sociale en France” disponible sur notre site Internet et que nous publierons dans le prochain numéro de ce journal.

2) La défense de l’organisation face aux attaques pogromistes et de nature policière (alimentées par certains réseaux sociaux, blogs et sites internet) dont nous sommes la cible comme principal courant de la Gauche communiste, organisées à l’échelle internationale.

La "culture de la théorie" : arme indispensable pour le redressement intellectuel et moral de l’organisation

Comme le met en évidence l’article que le CCI a publié sur sa troisième Conférence internationale extraordinaire, “La nouvelle de notre disparition est grandement exagérée”, la section du CCI en France a été l’épicentre de la crise “intellectuelle et morale” que l’organisation a traversée. Cette crise (qui n’avait pas été identifiée à l’époque) a émergé au grand jour lors de la discussion de la Résolution d’activités du XX Congrès de RI qui insistait sur la nécessité de la culture marxiste de la théorie et mettait en évidence les faiblesses de la section en France et du CCI sur ce plan dans nos débats internes. Le diagnostic de “danger de sclérose” et de “fossilisation”, voire de “dégénérescence organisationnelle”mis en avant dans cette Résolution d’activité avait provoqué une levée de boucliers de la part d’un cercle affinitaire de militants (avec des attaques personnelles dirigées contre une camarade qui avait défendu et soutenu cette orientation de l’organe central du CCI). Des démarches émotionnelles et totalement irrationnelles ont émergé, animées par une forte tendance à la personnalisation des questions politiques (avec l’idée absurde que cette Résolution d’activités “visait” certains jeunes militants qui ont des difficultés à lire des textes théoriques). Face à cette situation aberrante et de crise ouverte, l’organe central de la section en France a mené un combat politique visant au redressement de cette section après qu’il a identifié la nature de cette crise. Parmi les faiblesses de la section en France, l’organisation a identifié le manque de discussion et de débat approfondi sur l’esprit de cercle 2. Du fait de la prédominance du bon sens commun, de la “religion de la vie quotidienne” et de la méfiance inhérente à l’esprit de cercle et de clan, ce texte d’orientation adopté lors de la crise de 1993 avait été interprété à tort par certains militants comme une arme contre tel ou tel individu (ou “copain” de l’époque) alors qu’il s’agissait d’une question politique qui avait été discutée dans le mouvement ouvrier (en particulier au sein de la Première Internationale et au sein du Parti ouvrier social-démocrate de Russie en 1903).

Ce manque de culture de la théorie allait nécessairement de pair avec des démarches émotionnelles et des conceptions affinitaires, familialistes de l’organisation (conçue comme un groupe de copains ou une grande famille, unie par des liens affectifs et non par des principes politiques communs). La résurgence de la mentalité pogromiste du clan qui allait fonder la FICCI (et dont l’apothéose a été la constitution d’un “groupe politique” de nature policière : le “GIGC”) trouve ses racines dans l’absence de discussion théorique sur un texte d’orientation soumis à la discussion après la crise de 2001 : “Le pogromisme et la barbarie capitaliste”. L’idée répandue à l’époque était celle d’un “retour à la normale”, au fonctionnement routinier de l’organisation, avec l’illusion que le “mal” avait été éradiqué avec l’exclusion des membres de la FICCI après qu'ils se soient conduits comme des mouchards. Se répandait également l'idée qu’il n’était pas nécessaire de se “prendre la tête” à discuter du pogromisme comme phénomène du capitalisme décadent qui, avec la décomposition de la société bourgeoise, tend à envahir toutes les sphères de la vie sociale (non seulement dans les guerres impérialistes, comme on l’a vu en Ukraine, mais également chez les jeunes dans les banlieues, dans les établissements scolaires, et même sur les lieux de travail).

Le XXI congrès de la section en France devait donc prendre un caractère de congrès extraordinaire. Il s’agissait pour cette section de tirer le bilan du travail de son organe central et du combat qu’il a mené ces deux dernières années pour mettre en évidence les conceptions affinitaires et familialistes de l’organisation qui existaient encore dans la section en France et qui sont le terreau le plus fertile pour le développement de la mentalité pogromiste (à travers l’esprit de vendetta familiale ou de bande de copains).

Tous les militants de la section se sont inscrits activement dans les débats pour soutenir et saluer le travail de l’organe central qui a permis d’éviter que cette crise intellectuelle et morale ne débouche sur une explosion de la section ou sur la constitution d’un nouveau groupe parasitaire (avec comme principale motivation la défense de son orgueil blessé ou celui de ses “amis”, ce que Lénine appelait “l’anarchisme de grand seigneur”). L’attachement au CCI comme corps politique, la volonté de comprendre et de réfléchir aux causes profondes des graves dérives dans lesquelles ont été embarqués certains camarades, la loyauté à l’organisation et la volonté de ne pas capituler face à la “main invisible du Capital” (selon l’expression d’Adam Smith) ont permis aux militants de la section en France de s’engager pleinement dans les orientations du XXee Congrès de RI, notamment l’importance fondamentale du travail d’assimilation du marxisme et d’élaboration théorique des organisations révolutionnaires. Pour pouvoir surmonter cette crise intellectuelle et morale dans la section en France, le seul antidote était de développer une véritable culture marxiste de la théorie contre l’idéologie de la classe dominante, contre l’aliénation et la réification où, dans la société capitaliste, les rapports entre les hommes prennent la forme de rapports entre les choses.

Une des faiblesses du Congrès a été de n’avoir pu mener une discussion de fond sur les deux conceptions de l’organisation qui coexistaient depuis de longues années dans la plus vieille section du CCI, et qui sont de façon récurrentes la source de clivage et de fractures : une conception “familialiste” affinitaire, de groupe d’amis où les positions politiques des militants sont motivées par des loyautés ou des sympathies personnelles, et une conception où c’est l’adhésion des militants aux mêmes principes organisationnels qui constitue le ciment de l’organisation.

Si ces deux années de crise ouverte qui ont frappé la section RI ne se sont pas soldées par une nouvelle scission parasitaire, c’est aussi grâce à la capacité de l’organe central de la section en France à impulser, animer la vie de la section et à mettre en application les orientations du XXe Congrès, notamment en organisant des journées d’études et de discussions pour combattre le danger de sclérose, de perte des acquis du CCI, et développer cette culture marxiste de la théorie au sein de l’organisation et chez tous les militants. Ceci afin de combattre la paresse intellectuelle, le dilettantisme, la perte du goût pour la lecture et pour la théorie de même que la persistance de conceptions hiérarchiques, élitistes consistant à considérer que le travail de réflexion théorique est l’affaire de “spécialistes”. La section en France a ainsi organisé plusieurs journées d’études ces deux dernières années sur différents thèmes en lien avec les problèmes organisationnels qui ont émergé de nouveau de façon encore plus dangereuse que par le passé :

– la conception de l’“individu” chez Marx, de l’“association” et du travail associé contre la conception stalinienne du “collectif” anonyme ;

– le Congrès du POSDR de 1903 : l’esprit de cercle comme manifestation de l’idéologie de la petite-bourgeoisie dans l’ancienne rédaction de l’Iskra et les divergences entre Lénine et Martov sur le paragraphe 1 des Statuts du POSDR ;

– le Livre I du Capital et notamment la question du fétichisme de la marchandise, de la “forme valeur”, les concepts marxistes de réification et d’aliénation dans l’analyse de la marchandise en lien avec nos difficultés organisationnelles récurrentes ;

– l’histoire des Statuts des organisations du mouvement ouvrier depuis la Ligue des Communistes ;

– la dernière journée d’études de RI (qui s’est tenue après le XXIe Congrès, en présence de la délégation internationale présente à ce Congrès) a porté sur un aspect des “Thèses sur la morale” (soumises au débat international par l’organe central du CCI) : la “révolution exogamique” dans l’histoire de la civilisation humaine et le principe “endogamique” du pogromisme (mis en évidence, par exemple, par les lois antisémites du régime nazi).

La crise qui a secoué la section en France et dont l’onde de choc s’est répercutée dans l’ensemble du CCI a été une crise salutaire : elle aura permis de faire émerger une question fondamentale du marxisme et du mouvement ouvrier qui n’avait jusqu’à présent jamais pu être abordée de façon théorique par le CCI : la “dimension intellectuelle et morale” de la lutte du prolétariat.

La “nouvelle” de notre disparition annoncée triomphalement par l’“Appel” pogromiste et djihadiste du “GIGC” est donc grandement exagérée.

La réappropriation de la méthode marxiste dans l’analyse de la lutte de classe

La session du Congrès consacrée à l’analyse du rapport de forces entre les classes s’est donnée comme objectif de comprendre les causes profondes du calme social depuis le mouvement contre la réforme des retraites de l’automne 2010 et les erreurs d’analyses de la section en France. Ces erreurs se sont reflétées dans certains articles de notre presse que nous avons dû passer au crible de la critique. En réalité, la crise organisationnelle était déjà potentiellement contenue dans la perte de la boussole de la méthode du marxisme, la perte de nos acquis théoriques pour analyser la dynamique de la lutte de classe. L’impatience, l’immédiatisme et la perte de vue de la fonction de l’organisation se sont manifestés par des tendances activistes dans l’intervention dans les luttes immédiates au détriment des discussions approfondies sur les mouvements sociaux. Le Congrès a mis en évidence que le mouvement de l’automne 2010 contre la réforme des retraites était en réalité une manœuvre de la bourgeoisie qui a su remettre en selle ses syndicats pour infliger une défaite cuisante à la classe ouvrière et faire passer ses attaques économiques.

Le calme social depuis plus de quatre ans révèle que le prolétariat en France n’a pas encore digéré cette défaite. Pour comprendre cette manœuvre de la bourgeoisie et l’ampleur de la défaite de 2010, le Congrès a mis en évidence que notre impatience nous a fait oublier le b.a.ba du marxisme : tant que ne s’est pas encore ouverte une période révolutionnaire, une situation de “double pouvoir”, c’est toujours la classe dominante qui est à l’offensive, la classe exploitée ne pouvant que développer des luttes défensives, de résistance aux attaques qu’elle subit. Pour comprendre comment la bourgeoisie a pu mener des attaques économiques, politiques et idéologiques contre la classe ouvrière en France, le Congrès de RI a dû prendre du recul sur les événements immédiats et réexaminer la dynamique de la lutte de classe depuis le “tournant” de 2003 en la resituant dans le cadre historique et international déterminé par l’effondrement du bloc de l’Est et des campagnes idéologiques sur la “faillite du communisme”, la “fin de la lutte de classe” et la "disparition du prolétariat" comme seule force sociale capable de changer le monde.

Ce “tournant” de 2003, marqué par la recherche de la solidarité dans la lutte et entre les générations, avait révélé que la classe ouvrière en France comme à l’échelle internationale était en train de retrouver le chemin de la lutte après le coup de massue et le profond recul qu’elle a subis avec l’effondrement du bloc de l’Est et des régimes soi-disant “communistes”. Ainsi, en 2006, la lutte des étudiants contre le CPE, qui a surpris la bourgeoisie, menaçait de s'étendre aux autres générations et aux salariés actifs, obligeant de ce fait la bourgeoisie à retirer son projet à cause des risques réels de développement d'une solidarité plus affirmée et du risque de contagion à l'ensemble des salariés. C'est pour cela que dès 2007, la bourgeoisie est passée à la contre-offensive, elle ne pouvait tolérer cette défaite et se devait d'essayer d'en effacer toute trace : l’attaque des régimes spéciaux a en effet été orchestrée pour tenter de s'attaquer spécifiquement à cette dynamique de solidarité en cours au sein de la classe ouvrière.

Les débats du Congrès ont également mis en évidence que la section en France a été victime de la campagne des médias bourgeois sur la “crise financière” de 2008 destinée à semer un “vent de panique” dans l’ensemble de la société et notamment au sein de la classe ouvrière afin de lui faire accepter les sacrifices en lui faisant croire qu’il s’agit d’une crise du “système financier” (qu’on peut assainir par des réformes) et non pas une nouvelle secousse de la faillite historique d’un système mondial basé sur la production de marchandises et sur l’exploitation de la force de travail des prolétaires.

Ce “vent de panique” qui a touché également le CCI et particulièrement sa section en France a nécessité que le Congrès remette les pendules à l’heure, notamment en se réappropriant notre analyse sur le “machiavélisme” de la bourgeoisie, sa capacité à utiliser ses médias aux ordres comme moyen d’intoxication idéologique destiné à obscurcir la conscience des masses exploitées. La conscience étant la principale arme du prolétariat pour le renversement du capitalisme et l’édification d’une nouvelle société, il est normal que la classe dominante cherche en permanence à désarmer son ennemi mortel par des campagnes idéologiques et médiatiques.

Le Congrès a fait le constat que la désorientation de la section en France, et ses tendances activistes dans les luttes immédiates au détriment de notre activité sur le long terme comportait le danger d’entraîner l’organisation dans de dangereuses aventures en particulier en tombant dans le piège de l’“ouvriérisme” et du “gauchisme radical”. Comme nous l’avions souvent mis en évidence, l’immédiatisme est la voie royale vers l’opportunisme et le révisionnisme, vers l’abandon des principes prolétariens.

Le Congrès a souligné que la perte de vue de la méthode et des acquis du marxisme dans l’analyse de la lutte de classe est liée à une sous-estimation :

– de la nécessité pour les organisations révolutionnaires d’étudier le fonctionnement du capitalisme et la vie politique de la classe dominante ;

– des difficultés du prolétariat à retrouver son identité de classe révolutionnaire dans le contexte historique ouvert par l’effondrement du bloc de l’Est et des régimes staliniens ;

– de la capacité de la bourgeoisie à garder le contrôle de la situation aussi bien sur le plan économique que sur le plan politique malgré la décomposition sociale de son système.

La Résolution sur la situation sociale en France, adoptée par le Congrès, ne pouvait intégrer et développer toutes les questions abordées dans les débats qui devront se poursuivre dans l’organisation (en particulier celle du renforcement des mesures de capitalisme d’État qui ne concerne pas seulement la situation en France).

Le combat pour la défense de l’organisation révolutionnaire

Le rapport présenté au Congrès sur la question de la défense de l’organisation visait à synthétiser l’expérience du CCI et de sa section en France face aux méthodes de destruction de l’organisation qui avaient été identifiées par notre camarade MC, membre fondateur du CCI, notamment lors de la crise de 1981 et qui a nécessité une opération de récupération de notre matériel volé par la “tendance Chénier” (machines à écrire, ronéo, etc.). Face aux tergiversations et aux résistances petites-bourgeoises qui existaient à l’époque dans RI (et notamment dans la section de Paris), c’est sur l’organe central de la section en France que MC a dû s’appuyer pour que l’organisation puisse récupérer son matériel et par la suite dénoncer publiquement les mœurs de voyou de cette prétendue “tendance” (avec un communiqué sur l’exclusion de Chénier afin de mettre en garde et protéger les autres groupes du milieu politique prolétarien contre les agissements de cet élément trouble).

L’organisation révolutionnaire étant un corps étranger à la société bourgeoise, Marx disait du prolétariat : “c'est une classe de la société civile qui n'est pas une classe de la société civile, c'est un ordre qui est la dissolution de tous les ordres”. Il voulait dire par là que le prolétaire ne peut jamais réellement trouver sa place dans la société bourgeoise. Le prolétariat et la bourgeoisie sont deux classes antagoniques. C'est pourquoi, comme organisation du prolétariat, il n’était pas question, évidemment, d’aller porter plainte au commissariat de police (qui nous aurait ri au nez !). Ce matériel volé n’était pas la propriété privée d’un individu mais appartenait à un groupe politique et avait été acheté avec l’argent des cotisations des militants. C’était donc un devoir, basé sur un principe moral prolétarien, de le récupérer afin de ne pas tolérer les mœurs de gangsters et de la voyoucratie au sein d’une organisation communiste.

Les débats du Congrès se sont développés essentiellement autour d’une question centrale : pourquoi l’organisation révolutionnaire est-elle un corps étranger à la société bourgeoise ? Les militants qui s’engagent dans une organisation communiste doivent assumer leur engagement en rompant radicalement avec les mœurs de la société bourgeoise et de toutes ses couches sociales sans devenir historique (notamment la petite-bourgeoisie et le lumpen). C’est justement parce que l’organisation révolutionnaire, bien que vivant au sein du capitalisme, est un corps étranger à ce système que la classe dominante et ses serviteurs les plus zélés cherchent en permanence à la détruire. C’est aussi pour cela que les organisations communistes sont toujours mises sous surveillance par les services spécialisés de l’État capitaliste pour leurs idées “extrémistes” (y compris évidemment par les patrouilles de décryptage informatique). Et dès qu’elle le peut, la classe dominante ou certains de ses secteurs (qui ne sont pas forcément liés directement à l’appareil d’État et aux services de police officiels) cherchent aussi à les infiltrer, comme l’a révélé toute l’histoire du mouvement ouvrier. Seuls les opportunistes et les conciliateurs de tout bord (qui vénèrent la démocratie bourgeoise comme les enfants de chœur vénèrent le bon Dieu) s’imaginent que, sous prétexte que nos idées sont très minoritaires dans la société et n’ont aucune influence dans les masses exploitées, l’appareil de répression de l’État bourgeois se moque royalement de cette petite “secte” d’illuminés qui “voient des ennemis partout” avec sa “théorie du complot”.

Les débats du Congrès ont mis en évidence que, pour continuer à défendre ce corps étranger au capitalisme qu’est l’organisation révolutionnaire, celle-ci doit lutter contre le localisme et faire vivre son unité internationale face aux attaques visant soit à la détruire, soit à constituer un “cordon sanitaire” autour d’elle pour empêcher que de nouveaux éléments à la recherche d’une perspective de classe puissent s’en approcher.

Nous savons que les campagnes de calomnie contre le CCI ne vont pas cesser, même si elles peuvent momentanément être mises en sourdine. Ce sont les méthodes classiques de la classe dominante contre le mouvement révolutionnaire depuis que Marx a mis en évidence que le prolétariat est le fossoyeur du capitalisme. Depuis les calomnies de Herr Vogt (un agent de Napoléon III) contre Marx jusqu’aux appels au pogrom contre les spartakistes qui ont culminé dans l’assassinat lâche et bestial de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, l’histoire a démontré que la répression des organisations révolutionnaires a toujours été préparée par la calomnie. La haine que suscite le CCI (dans un petit milieu philistin animé par une “amicale d’anciens combattants du CCI” recyclés), c’est la haine de la bourgeoisie pour le mouvement révolutionnaire du prolétariat, celle des Thiers, Mac Mahon et Galliffet face à la Commune de Paris, celles des Noske, Ebert et Scheidemann face à la menace d’extension de la Révolution russe en Allemagne.

Face au déchaînement d’une mentalité pogromiste contre l’organisation, le XXIe Congrès de RI a dégagé une orientation claire de défense de l’organisation dans le cadre de la dimension “intellectuelle et morale” de la lutte du prolétariat.

“La classe ouvrière seule, comme l’a dit Engels, a conservé le sens et l’intérêt de la théorie. La soif de savoir qui tient la classe ouvrière est l’un des phénomènes intellectuels les plus importants du temps présent. Au point de vue moral, la lutte ouvrière renouvellera la culture de la société” (Rosa Luxemburg, “Arrêt et progrès du marxisme”, 1903).

Révolution internationale

1 Voir notre article “Conférence internationale extraordinaire du CCI: la “nouvelle” de notre disparition est grandement exagérée !”, Revue internationale no 153, et sur notre site web.

2 “La question du fonctionnement de l’organisation dans le CCI”, Revue internationale no 109, développe amplement notre analyse de la question des clans et du clanisme.

 

 

Vie du CCI: 

  • Défense de l'organisation [6]

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Vie du CCI

Le marxisme et les intellectuels (courrier de lecteur)

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Nous publions ci-dessous la courte prise de position que nous a adressée un sympathisant du CCI choqué par le comportement de petit-bourgeois des individus, tel Philippe Bourrinet (sur le parcours et les agissements duquel nous consacrons un article disponible sur le site internet du CCI), qui s’imaginent pouvoir faire main basse sur les productions du mouvement ouvrier sous prétexte qu’ils se sont déjà vendus eux-mêmes corps et âme à la classe dominante. Nous saluons vivement le soutien qui nous est apporté par le camarade dans sa lettre. L’indignation morale et la solidarité sont au cœur de ce courrier et sont les meilleures armes du prolétariat dans son combat pour le communisme.

RI, décembre 2014

On assiste aujourd’hui à une montée des intellectuels de tous bords qui commencent à parler de Marx et Engels et de la Gauche communiste ; ils écrivent notre histoire et ils viennent nous la vendre avec les droits d’auteurs et la propriété privée intellectuelle, la pire forme de propriété.

Nous tenons à préciser, tout d’abord, que Marx, Engels, Rosa, Lénine, Trotski, Bordiga, Gorter, Mattick, Pannekoek… et les autres militants de la Gauche communiste, n’ont jamais été des intellectuels : c’étaient des “militants communistes”.

Nous ne sommes pas contre la théorie, nous sommes pour la théorie, produite par des militants, au sein d’un parti ou d’une organisation communiste.

Nous sommes pour l’adhésion des intellectuels aux organisations communistes et aux partis communistes mais, à ce moment-là, ils cessent d’être des “intellectuels” et ils deviennent des “militants communistes”.

Ce qu’ils vont écrire au sein de l’organisation ou du parti n’est plus leur propriété mais la propriété du prolétariat.

Leurs œuvres sont une œuvre collective impersonnelle, en dehors de toute propriété privée intellectuelle, la pire forme de propriété.

Quand les foules quittèrent Jean-Baptiste pour suivre Jésus, Jean-Baptiste avait dit : “Il est temps que je disparaisse dans l’ombre et que Jésus vienne prendre sa place sur le devant de la scène”. Jean-Baptiste savait qu’il était un simple intendant, gérant des biens du propriétaire pendant son absence mais prêt à lui céder la place dès son retour.

Il est de même pour les anciens militants de la Gauche communiste et ceux d’aujourd’hui. Ils ne sont que des simples intendants, gérant un patrimoine du prolétariat pendant son absence.

Ils avaient la garde des biens du prolétariat pendant un certain temps afin d’accomplir sa révolution.

Les militants de la Gauche communiste ne sont pas propriétaires et maîtres de toutes ces expériences qui leurs ont été confiées par le prolétariat pour un dessein précis.

Les anciens militants de la Gauche communiste et ceux d’aujourd’hui ne sont pas appelés à assumer une position importante, ils ont seulement un patrimoine à sauvegarder et à diffuser car il ne leur appartient pas. C’est ça leur vraie responsabilité et la valeur de leur mission.

Ils sont les administrateurs des expériences que le prolétariat leur a confiées en attendant son retour. Ils n’ont aucun droit d’auteur à réclamer, sinon nous appellerons Marx, Engels, Rosa, Lénine, Bordiga, Trotski, Gorter, Mattick, Pannekoek, etc., pour réclamer les droits d’auteurs.

R.

 

Vie du CCI: 

  • Courrier des lecteurs [7]

Rubrique: 

Défense de la Gauche communiste

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