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ICConline - janvier 2013

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Espagne: les mesures du gouvernement contre les expulsions ne sont pas une solution mais une escroquerie !

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Nous publions ci-dessous de larges extraits d’un article d’Acción Proletaria, section du CCI en Espagne, au sujet de l’agitation hypocrite du gouvernement espagnol qui ne résout rien des situations dramatiques consécutives aux expulsions massives. La version originale du texte est disponible sur notre site en langue espagnole.

Le 9 novembre dernier, à Baracaldo, près de Bilbao, une femme s’est suicidée en se jetant dans la rue depuis le balcon de sa maison, pendant que la police pénétrait dans son logement pour l’expulser. Quelques semaines auparavant, des faits similaires s’étaient déroulés, faisant deux autres victimes à Burjassot (dans la région de Valence) et à Grenade. Combien de cas semblables existent-ils en réalité ? Il est impossible de se prononcer parce que, dans bien des situations, les causes des suicides apparaissent confuses, attribuées à la dépression, à des conflits familiaux, etc.

Face à “l’émotion sociale” et, surtout, aux réactions de rage immédiates et spontanées des voisins des victimes et de beaucoup de personnes qui ont exprimé leur solidarité, plusieurs représentants de l’appareil d’État garantissant “l’ordre” capitaliste ont inondé les bulletins d’informations de leurs jérémiades et de leurs condoléances, en promettant des mesures pour “empêcher les pertes en vies humaines”, et autres bla-bla-bla, démontrant ainsi pour la énième fois que la répugnante hypocrisie de nos exploiteurs ne connaît plus de limites.

Un cynisme révoltant

Ainsi, nous avons vu défiler dans les médias les banquiers des victimes, arborant leur mine la plus compassée, pour se justifier, racontant qu’ils avaient “le moins possible” fait procéder à des expulsions et, qu’en tous cas, ils l’avaient fait, nous ont-ils dit, pour sauvegarder les intérêts des autres clients de la banque. On sait cependant que la banque nationalisée a accéléré la procédure d’une authentique avalanche de demandes de mesures d’expulsion pour nettoyer sa balance de paiements de créances douteuses qui la faisaient passer pour une “mauvaise banque”. Nous avons aussi entendu des juges qui, depuis 2008, ont prononcé des arrêtés d’expulsion pour près de 400 000 familles en Espagne, et mis en cause “les politiques” parce qu’ils sont les seuls à détenir le pouvoir de changer les lois. Nous avons écouté des policiers qui ont sorti par la force les expulsés de leur maison et qui ont rossé tous ceux qui se rassemblaient pour s’y opposer, racontant “qu’ils pleuraient aussi” (sic!) même s’ils devaient “accomplir leur devoir en obéissant aux juges”. Nous avons lu les déclarations très suivies dans les médias de “communiqués”, demandant aux politiques qu’ils se mettent d’accord entre eux pour limiter les ravages de la crise parmi les populations les plus défavorisées ; même si, c’est évident pour eux, il fallait tenir compte des véritables limites de ce qui serait “déjà la fragile stabilité du système financier”, la “crédibilité de l’Espagne face aux investisseurs étrangers” (…). Nous avons vu le Parti Populaire (parti de droite actuellement au pouvoir) se vanter du fait qu’à la différence de l’inutile Zapatero, ils avaient, eux, pris des mesures pour protéger les plus défavorisés, bien que ces mesures aient été impulsées par la banque elle-même, qui en avait annoncé les grandes lignes dix jours avant le pompeux décret de Rajoy, et qui a reçu les bénédictions de la “troïka” elle-même. (1) Mais le pompon du cynisme doit revenir surtout au PSOE, le parti qui a gouverné le plus longtemps l’Espagne post-franquiste et qui n’a jamais modifié la loi hypothécaire de 1946, adoptée par le même régime dictatorial tellement honni par le PSOE. Le “parti qui a créé 5 millions de chômeurs” est aussi celui qui a fait procéder à 300 000 expulsions entre 2007 et 2011. Et c’est ce parti là qui se plaint aujourd’hui de l’impact limité des mesures de Rajoy, qui a aussi applaudi à tout rompre le dénommé “Code de bonne conduite des banques” approuvé en mars de cette année et qui a pu être appliqué en tout et pour tout à 130 familles dans tout le pays. Le même Rubalcaba (2), qui a envoyé la police contre les rassemblements qui sont organisés depuis le 15 mai pour s’opposer aux expulsions, demande à l’heure actuelle que la police municipale des mairies “socialistes” ne collabore pas à leur exécution. Il y a quelques jours, Maria Antonia Trujillo, ex-ministre du logement de Zapatero, déclarait de manière provocatrice : “Celui qui contracte des dettes doit les payer. Sinon, il ne devait pas s’endetter.” Et celui qui est aujourd’hui le bras droit de Rubalcaba lui a répliqué : “Où as-tu balancé ton âme socialiste ?”. Si l’arrogance de la première est répugnante (…), le cynisme du second est proprement révoltant.

Avec cette nauséabonde campagne de fausse solidarité, le crocodile capitaliste exhibe de fausses larmes pour que nous, ses victimes, ayons confiance en sa “bonne volonté”. Il veut que nous croyions que son goût du lucre, son appât du gain cesse quand il se heurte aux droits humains les plus élémentaires. Comme si ne figurait pas déjà dans la Constitution le droit de vivre dignement et celui au travail ! (…) Si la Troïka et le gouvernement ont accordé un moratoire de deux ans pour des familles aux revenus inférieurs à 19 000 euros annuels, dont plus de la moitié sont couverts de dettes hypothécaires et qui, en plus, sont au chômage sans toucher la moindre allocation, ce n’est nullement parce que leur “bonté d’âme” s’est finalement imposée à leur nature capitaliste. Mais c’est parce que l’immense majorité des familles dans cette situation sont insolvables, et que les jeter à la rue ne permettra aucun bénéfice. Bien au contraire : cela ne ferrait que grossir le stock de logements que la banque et le gouvernement ne parviennent pas à écouler. En échange du “droit” de rester deux années de plus dans leur maison, les familles “bénéficiaires” verront d’ailleurs augmenter leur dette d’un “raisonnable” 30 % supplémentaire. Et si au cours de ce moratoire, un “bénéficiaire” décroche un contrat de travail ou recueille le moindre petit ballon d’oxygène pour sa survie, il devra reprendre le paiement de ses traites ou accepter l’expulsion définitive.

Le vrai visage du capitalisme et la véritable lutte contre les expulsions

Le président de l’Association espagnole des Banques a déclaré récemment que la “solution” aux expulsions était de “construire plus de logements, d’accepter davantage de crédits et d’hypothèques”, comme si le capitalisme agissait pour satisfaire les besoins humains. Mais c’est complètement faux ! Le capitalisme vit pour transformer les besoins humains, comme tous les aspects de la vie qui vont de la santé aux loisirs en passant par le logement, en marchandises qui s’échangent contre d’autres marchandises, comme la force de travail qui s’échange contre un salaire dans n’importe quelle circonstance. Le capitalisme ne sacrifie jamais cette valeur d’échange au profit de la valeur d’usage que peuvent avoir ces “marchandises” pour les travailleurs qui les ont créées. C’est pour cela qu’il existe aujourd’hui en Espagne un million de logements vides, pendant que les familles s’entassent dans les maisons des grands-parents (3), ou que les jeunes ne peuvent pas s’émanciper avant l’âge de trente ans en moyenne ! Comme nous l’avons signalé dans un autre article d’Acción Proletaria (“Débat sur la question du logement”), la crise actuelle du logement est, sur ce plan, le problème le plus représentatif des maux capitalistes infligés à l’humanité : c’est une crise de surproduction, dont les lois du marché sont établies pour des acheteurs solvables et sans aucun égard pour les besoins humains.

C’est une illusion de croire que le capitalisme peut résoudre le problème du logement, comme tant d’autres, en partant des besoins humains ou en fonction d’une justice égalitaire pour les prêteurs et les emprunteurs. C’est une funeste mystification. Une de nos principales critiques à des plateformes revendicatives comme celle des « Victimes de la Loi Hypothécaire » (PAH) ou celle de « Halte aux Expulsions » ! (Stop Desahucios) est la suivante : si ces plateformes ont bien organisé des assemblées, qui ont effectivement donné lieu à un authentique mouvement de solidarité envers les victimes des expulsions, elles tombent dans une analyse et des propositions venant d’un stérile réformisme “radical” (…).

En dernière instance, l’avalanche d’expulsions est inséparable de l’appauvrissement toujours plus brutal et très rapide de la classe ouvrière. Pour les prolétaires, cela implique de ne jamais séparer la lutte contre les expulsions de la lutte contre les licenciements, contre les coupes claires dans le système de santé, ou contre les coups de hache sur les salaires. C’est une lutte des exploités contre la survie de ce système d’exploitation.

Les psychologues qui assistent aux assemblées qui regroupent les expulsés disent qu’ils les voient chaque fois arriver plus démoralisés, et qu’une partie très importante de ceux qui ont des tendances suicidaires se présentent à eux avec le sentiment qui accompagne les expulsions de vivre cela comme “un échec personnel”. Nous avons déjà vu la même chose chez les chômeurs, ou les cas de suicides au travail (4) qui ont explosé, par exemple, en France ces dernières années. C’est l’autre visage de la supposée “liberté” de l’individu dans la société capitaliste : convertir en échec personnel ce qui, en réalité, est l’incapacité du mode de production d’assurer, derrière ses valeurs d’équilibre budgétaire, ses marchandises, son profit et son accumulation, la satisfaction des besoins humains les plus élémentaires. Pour que l’humanité puisse survivre, il faut que le capitalisme soit balayé de la surface de la terre.

Dámaso, (20 novembre 2012)

 

(1) La Troïka désigne les experts représentant la Commission Européenne, la Banque Centrale Européenne et le FMI, chargés d'auditer la situation économique des pays européens en difficulté, comme la Grèce ou l’Espagne, et notamment l'état de leurs finances publiques dans le cadre de l'accord de refinancement négocié de leur dette en mai 2010 (NdT).

(2) Alfredo Perez Rubalcaba, déjà membre du gouvernement de Felipe Gonzalez dans les années 1990, a été, entre autres, ministre de l’intérieur de 2006 à 2010, puis vice-premier ministre et porte-parole du gouvernement “socialiste” entre 2010 et 2012. Nommé secrétaire général du PSOE depuis février 2012, il se présente aujourd’hui comme le “chef de file de l’opposition” (NdT).

(3) On estime qu’aujourd’hui, en Espagne, 600 000 familles vivent sur la pension des anciens dont le logement déjà payé se transforme en refuge auquel ont recours les expulsés ou les familles qui ne peuvent payer leur loyer.

(4) Voir pour le premier cas, notre article sur : es.internationalism.org/book/export/html/2407. Et pour le second : fr.internationalism.org/ap/2000s/2010s/2010/213_suicides

Géographique: 

  • Espagne [1]

Rubrique: 

Décomposition du capitalisme

Le grand absent du film «Après Mai»: l’expérience ouvrière

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Au mois de novembre 2012 est sorti le film Après Mai  du réalisateur Olivier Assayas. En grande partie autobiographique, Olivier Assayas retrace la vie d’un groupe de jeunes pris dans l'effervescence politique de l’après-Mai 68. Le réalisateur fait ainsi revivre son expérience politique de l’époque : les manifestations, les collages d’affiches, les distributions de tracts, les divisions entre trotskistes, maoïstes et anarchistes... Par petites touches, le film montre les impasses dans lesquelles ces organisations gauchistes vont entraîner cette jeunesse de l’après-Mai. Le féminisme est ainsi montré à travers le refus de la soumission d’une personne vis-à-vis de son compagnon. Le film met en exergue les luttes de libération nationale, notamment à travers une réunion sur une place publique en Italie où un film est projeté par des éléments qui semblent appartenir au mouvement maoïste et où on glorifie la « lutte d’un peuple » (difficile de savoir lequel) qui a « chassé l’impérialisme américain » tant honni. L’anti-fascisme est également très présent à travers la confrontation entre des jeunes et des individus qu’ils stigmatisent comme « fascistes ». La question de l’autogestion, à travers une discussion dans un chalet, est également explorée sans oublier la question du pacifisme, que l’on voit à travers des réunions festives, où le  peace and love s'affirme dans le sillage du mouvement étudiant qui avait surgi aux États-Unis « contre la guerre » et pour «la paix au Vietnam ». Le besoin de se réaliser individuellement, de « jouir sans entraves », notamment à travers l’expression artistique, sont soulignés par l'image. Un des jeunes, qui semble être le réalisateur du film, lit en effet le manifeste de l’Internationale situationniste1. Tout ceci constitue un bon tableau de ce qu’a été « l’après-Mai ».

Par contre, est complètement absent dans ce film ce qui a fait peur à la bourgeoisie à l'époque : la lutte massive de la classe ouvrière ! Pas une seule fois dans les discussions qu’ont entre eux les protagonistes du film n’est abordée ce qui fut la plus grande grève de l’histoire du mouvement ouvrier : neuf millions de grévistes ! Pas une réflexion pour comprendre la signification historique de cette grève ! Certainement que ce manque a du frustrer certains (es) qui sont allés voir ce film, ou en étonner d’autres. Mais doit-t-on être surpris par ce manque ? En réalité, pas vraiment, car les organisations gauchistes faisaient tout pour que la réflexion n’ait pas lieu. S’appuyant sur l’illusion très présente à l’époque au sein de la jeunesse que la révolution était « au coin de la rue », ils arrivaient à entraîner celle-ci dans des impasses, dans l’activisme qui allait mener à la démoralisation, voire au suicide, comme le montre un autre film de Romain Goupil : Mourir à trente ans.

Est-ce pour cela que dans une interview donnée au journal l’humanité datée du 14 novembre Olivier Assayas déclarait : « L’obsession de la politique était partout… Et c’est vrai qu’après un tel événement, elle formait une espèce de surmoi qui pouvait être étouffant. Il y a quelque chose de violent et de triste dans le gauchisme… »

Face à un « oubli » de taille, ce film doit être l’occasion de revenir sur l’après-Mai 68 mais du point de vue des révolutionnaires. Comme dit plus haut, Mai 68 fut la plus grande grève de l’histoire du mouvement ouvrier. Cette reprise de la lutte ouvrière n’a pas eu lieu qu’en France. Cette dernière était partie intégrante d’un mouvement international en réaction aux premiers effets de la crise économique ouverte : "Dans tous les pays industriels, en Europe et aux Etats-Unis, le chômage se développe et les perspectives économiques s'assombrissent. L'Angleterre, malgré une multiplication de mesures pour sauvegarder l'équilibre, est finalement réduite fin 1967 à une dévaluation de la Livre Sterling, entraînant derrière elle des dévaluations dans toute une série de pays. Le gouvernement Wilson proclame un programme d'austérité exceptionnel : réduction massive des dépenses publiques..., blocage des salaires, réduction de la consommation interne et des importations, effort pour augmenter les exportations. Le premier janvier 1968, c'est au tour de Johnson [Président des États-Unis] de pousser un cri d'alarme et d'annoncer des mesures sévères indispensables pour sauvegarder l'équilibre économique. En mars, éclate la crise financière du dollar. La presse économique chaque jour plus pessimiste, évoque de plus en plus le spectre de la crise de 1929 (...) Mai 1968 apparaît dans toute sa signification pour avoir été une des premières et une des plus importantes réactions de la masse des travailleurs contre une situation économique mondiale allant en se détériorant" (Révolution Internationale, ancienne série n° 2, printemps 1969).

C’est ainsi qu’il y aura des luttes en Argentine et en Italie en 1969, en Allemagne et en Pologne en 1970, en Espagne en 1974, en Angleterre dans les années 1970, etc. Ce resurgissement des luttes à l’échelle internationale signifiait la fin de la contre-révolution faisant suite à l'échec de la Révolution en Russie dans les années 1920 et à l’ouverture d’une perspective vers des affrontements de classes qui allaient progressivement tendre à se généraliser.

Dans le même temps, ces premières luttes allaient voir timidement renaître les forces révolutionnaires à l’échelle internationale. Le mouvement massif de la classe ouvrière a remis à l’ordre du jour l’idée de la révolution communiste dans de nombreux pays. Le mensonge du stalinisme qui se présentait comme « communiste » et « révolutionnaire » a commencé à se lézarder. Comme le montre le film, cela allait profiter dans un premier temps aux groupes maoïstes et trotskistes. Et le développement des luttes suivi de l'effondrement du bloc de l'Est, les débuts de la remise en cause de l'emprise des syndicats, de la fonction de la farce électorale et démocratique comme instruments de la domination bourgeoise, allaient amener une petite minorité à se tourner vers les courants politiques qui, par le passé, avaient dénoncé le plus clairement le rôle contre-révolutionnaire des syndicats et la mystification parlementaire. Vers ceux qui avaient le mieux incarné la lutte contre le stalinisme : les groupes issus de la Gauche Communiste. C’est ainsi que va réapparaître sur les étals des librairies politisées qui ouvraient à l’époque, les écrits de Pannekoek, Görter, Rosa Luxembourg… De nouveaux groupes vont apparaître qui vont se pencher sur cette expérience de la Gauche Communiste et ses courants divers : les conseillistes, la Gauche italienne ou allemande... La notion de Parti faisant trop penser au stalinisme, ce sont davantage les positions conseillistes qui auront dans un premier temps un relatif succès. Cette effervescence politique allait voir surgir des groupes conseillistes en plus de ceux déjà présents, avec un certain succès en Europe : par exemple ICO en France, Solidarity en Grande-Bretagne. Une conférence internationale sera même organisée en Scandinavie en septembre 1977. Ce renouveau des positions de la Gauche Communiste allait se manifester aussi par la naissance et le développement de notre organisation, le Courant Communiste International2.

Dans l’interview citée plus haut, Olivier Assayas poursuivait en disant : « Mais, en même temps, la jeunesse avait foi dans le futur, dans la transformation possible de la société. Est-ce dépassé aujourd’hui ? Aux jeunes de se poser la question, de confronter leur jeunesse à la nôtre ».

Vis-à-vis des questions que pose Assayas, la réalité a montré ces dernières années que la jeunesse ne baissait pas les bras, qu’elle ne courbait pas l’échine vis-à-vis des attaques que lui imposait la bourgeoisie. On l’a vu, par exemple, lors de la lutte contre le CPE en 20063. Dernièrement, on a vu encore cette nouvelle génération très présente dans le mouvement des « Indignés », en Tunisie, Egypte, Israël, Etats-Unis, Espagne, Grèce, etc. Outre le fait de résister aux attaques liées à la crise historique du capitalisme, ces luttes ont fait surgir tout un tas de questionnements nourris par l’indignation face au capitalisme. Ceci s’est traduit par des discussions voulant comprendre le pourquoi de cette crise, comprendre qui pouvait changer la société et comment, pour quel futur. Ces questions ne sont pas nouvelles ! On peut les retrouver parmi la jeunesse de mai et de l'après- Mai 68. Mais, aujourd’hui, elles se posent avec encore plus d’acuité dans le contexte de no future que le capitalisme impose à l’ensemble de l’humanité. Se poser ces questions, comme la nouvelle génération se les pose (et pas seulement la nouvelle génération), c’est déjà les prémices permettant de dire qu’une transformation de la société est possible. Il ne s’agit pas, comme le dit Assayas, de confronter une jeunesse à une autre qui a fait mieux que l’autre ou pas.

« Le développement du chômage et des attaques contre toutes les conditions de vie de la classe ouvrière, de même que le déchaînement de la barbarie guerrière dans les pays de la périphérie, ne peuvent que continuer à balayer le mythe d’un capitalisme ‘à visage humain’ et les dernières illusions sur la possibilité de reformer ce système décadent. C’est aux nouvelles générations de la classe ouvrière qu’il revient de reprendre le flambeau des combats menés par leurs aînés en sachant en tirer les principaux enseignements pour que la future vague révolutionnaire mondiale soit victorieuse et permettre l’édification d’une nouvelle société sans classe, sans guerre et sans exploitation : la société communiste mondiale. Ce sont les nouvelles générations qui doivent faire vivre dans la pratique de leurs combats massifs et solidaires le vieux mot d’ordre du mouvement ouvrier : prolétaires de tous les pays, unissez- vous ! » (Citation de la brochure Mai 68 et la perspective révolutionnaire)4.

Anselme (15 janvier)

 

1 fr.internationalism.org/rinte80/debord.htm

2 fr.internationalism.org/rinte80/20ans.htm et fr.internationalism.org/rint/123_30ans

3 fr.internationalism.org/ri368/cpe.htm

4 fr.internationalism.org/files/fr/mai_68.pdf

 

Rubrique: 

Culture

Manifestations du 1er décembre à Mexico: derrière le triomphe de Peña Nieto, la provocation et la répression

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Le jour même de l’investiture du nouveau président du Mexique et alors que se déroulaient des manifestations contre lui, de violents affrontements avec la police ont eu lieu en plein centre de Mexico, quadrillé par un service d’ordre impressionnant, sous l’impulsion de provocateurs infiltrés dans des groupes de jeunes manifestants, et notamment en excitant de petits groupes anarchistes. Les charges policières très violentes se sont soldées par un mort, plusieurs dizaines de blessés et près d’une centaine d’arrestations arbitraires. Aujourd’hui, encore une quinzaine d’inculpés victimes de cette répression restent en prison dans l’attente de leur procès. Notre section au Mexique a rapidement publié un article que nous reprenons ici pour tenter de tirer les principales leçons de ces événements pour notre classe.

Le 1er décembre, alors que Peña Nieto était investi comme nouveau président du Mexique1, des manifestations hostiles à son arrivée au pouvoir se déroulaient dans les rues. La pesante campagne électorale de la bourgeoisie avait réussi à ce que de larges masses d’exploités nourrissent l’espoir de voir les partis de la bourgeoisie, la démocratie et les élections, comme des instruments encore utiles pour s’opposer aux malheurs qu’impose le capitalisme. Cette confusion, qui empêche de voir le fond du problème et de désigner le capitalisme comme le véritable ennemi, a en même temps engendré un sentiment d’impuissance. Ce dernier se transforme parfois en bouillon de culture et se traduit par des actes de désespoir ouvrant ainsi la porte à toutes sortes de provocations.

Il est certain que le mécontentement et le ras-le-bol face à l’action des gouvernements se poursuivent et continuent à croître. Mais ceci, d’une manière qui ne favorise pas (du moins dans l’immédiat) une prise de conscience et une dynamique d’unité. D’un côté existe l’idée permanente qu’une force sociale alternative pourrait émerger sous la forme d’un “mouvement citoyen”, de l’autre, celle consistant à orienter cette rage exclusivement à travers des actions aveugles et désespérées. Ces dernières, même si elles se prétendent radicales, n’expriment rien d’autre qu’un volontarisme propre aux classes sans perspective historique. Ni l’une ni l’autre de ces deux formes d’expression ne conduisent à stimuler l’unité de la lutte. Au contraire, ces phénomènes sont les produits d'une perte d’identité politique et de l’infiltration d’idéologies étrangères au prolétariat, renforçant la confusion, l’impuissance et la division. C’est pour cela que le capital lui-même assure en maintes occasions la promotion de ces deux formes de manifestations.

Confusion et division, une ambiance propice à la provocation

Dans ce contexte, les manifestations du 1er décembre expriment un véritable mécontentement et un rejet ouvert de la politique qui prépare des coups plus forts contre les conditions de vie des exploités, mais ne trouvent pas les chemins qu’il faudrait emprunter pour y répondre. La bourgeoisie a donc su profiter de cette confusion de manière à ce que les forces de police du nouveau gouvernement fédéral, en lien avec celles du gouvernement de gauche de la capitale, se partagent les tâches pour monter une véritable provocation. Ils ont travaillé de manière coordonnée : d’abord, une de ces forces policières a préparé un scénario d’intimidation une semaine auparavant, en dressant des barrières métalliques pour fermer les avenues et les stations de métro. Après, les deux corps de police sont intervenus, profitant des actions confuses des manifestants, pour donner en réponse un assaut plus violent utilisant massivement des gaz éternuant et des balles en caoutchouc, causant des blessés, suscitant aussi l’indignation et la peur. Ils ont ensuite profité de la situation pour encercler et emprisonner de façon arbitraire les manifestants (y compris de simples passants). Parmi tout ce désordre, on notait la présence importante de groupes d’agents provocateurs en civil armés de chaînes (comme l’ont mis en évidence les photos diffusées par les réseaux d’Internet), qui se sont consacrés non seulement à repérer et ficher les manifestants mais de plus à les exciter à casser des vitres.

Ce qui s’est passé le 1er décembre a donc été un piège très bien planifié par la bourgeoisie. Il a été rendu possible par la confusion et le désespoir engendrés par la campagne électorale. Le stratagème cherchait non seulement à discréditer les protestations de jeunes qui continuent à rejeter le président élu (même si ces protestations restent très confuses) mais, surtout, à envoyer un avertissement intimidant à tous les travailleurs. L’intention est de les prévenir qu’au moment des attaques plus brutales envers leurs conditions de vie et de travail en général, les mobilisations ne seront pas tolérées. Elles devront s’attendre à être très mal reçues par un appareil répressif qui a déjà sorti ostensiblement les crocs ; appareil répressif provenant à la fois du gouvernement fédéral et du gouverneur de la capitale2, montrant une fois de plus que les partis se différencient seulement par la couleur qu’ils arborent et le verbiage qu’ils utilisent, mais se retrouvent unis dans leur chair pour défendre les intérêts du capital. Effectivement, le PRI ne doit pas revenir au pouvoir sans que tous les partis, comme toujours, n’activent leur union sacrée pour protéger la gouvernance qui convient à leurs petites affaires capitalistes.

Les affrontements et les dégâts qui se sont déroulés comme réponse au retour du PRI au gouvernement, ont pu faire les titres de première page des quotidiens, capter l’attention des porte-paroles officiels et mettre sans doute en évidence l’attitude bestiale de ceux qui nous gouvernent, que ce soit le PRI ou le PRD. En quoi ces moyens ont-ils permis de faire avancer la prise de conscience ? Quel rôle peuvent jouer les exploités et en particulier la classe ouvrière dans ce type d’expressions ? Quelle différence existe t-il entre les appels à suivre un genre de messie comme López Obrador et suivre une minorité jetant des pierres et des cocktails Molotov ?

Le mécontentement qui se nourrit de la misère qu’impose le capital et la colère face à l’action prédatrice des gouvernements, réclament des ripostes massives et conscientes dans lesquelles les exploités et les opprimés ne seraient pas de simples pions aveugles ou des victimes de la répression, mais des sujets actifs, capables de prendre en mains leur propre combat et définir leurs buts.

Comment peuvent lutter les exploités

La seule classe qui puisse transformer le monde que le capital est en train de détruire à toute vitesse, maintenant dans l’exploitation et la misère des millions de personnes, c’est le prolétariat. Mais cette classe se voit soumise à un bombardement idéologique incessant qui cherche à éviter que ne se consolident les armes principales sur lesquelles elle peut compter, à savoir : sa conscience et son organisation. La bourgeoisie tente donc de la domestiquer, de la réduire à la condition de citoyenneté, à lui faire espérer tout du vote et du cadre institutionnel comme elle le fait avec les autres classes, telles que la petite-bourgeoise, elle aussi opprimée par la classe dominante mais qui n’a pas de perspective d’avenir. C'est pour cela qu’elle la fait cohabiter dans son schématisme social avec le prolétariat, pour essayer de le contaminer de son désespoir, de son manque de confiance et ainsi encourager des ripostes aveugles et désespérées. Non seulement ces dernières n’aident en rien le processus de prise de conscience et le renforcement de la lutte contre le capital, mais se retournent en terrain propice pour que se glissent les provocations.

C’est pourquoi l’infiltration de l’idéologie bourgeoise ou petite-bourgeoise dans les rangs des prolétaires est un problème avec lequel on doit se confronter, c’est un danger qui nécessite qu’on le prenne en considération et que l’on y réfléchisse de manière ouverte.

Le résultat des charges policières du 1er décembre a eu pour conséquence la capture d’un peu moins d’une centaine de personnes qui se sont vues intenter des procès, qui ont subi des tortures et des vexations. Cela a permis en plus de lancer une campagne contre les anarchistes et contre quiconque ne se laisse pas encadrer dans les normes de leur démocratie, enfonçant davantage le clou de la confusion.

Face aux agressions contre les conditions de vie des travailleurs, comme celle de la “réforme du travail” menaçant d’augmenter les impôts, les prix et la répression, l’unique voie dont disposent les exploités est la lutte. Mais cela, sans tomber ni dans les illusions derrière les partis de gauche de la bourgeoisie (y compris le PRD, le PT, le Morena…)3, ni en menant des actions désespérées prônées par des groupes contaminés par l’idéologie petite-bourgeoise. Le véritable combat prolétarien nécessite des expressions massives et conscientes qui permettent le débat et la réflexion collective ouverte.

Nous ne prétendons défendre ni le pacifisme ni le légalisme. Le marxisme, dans son analyse matérialiste de l’histoire, peut comprendre que le prolétariat est l‘unique classe révolutionnaire capable de détruire le système capitaliste. Pour réussir cela, il devra recourir à la violence, mais pas de manière aveugle et comme produit du désespoir. C’est une violence consciente qui sera utilisée par les masses4. Cette conscience prolétarienne n'émerge pas comme imitation ou produit d’actions individualistes, même si elles se prétendent "héroïques" mais provient de la réflexion et de la compréhension de la condition d’exploité. De cette compréhension, elle tire sa force, son organisation, son unité, sa conscience. Elle possède ses propres méthodes de lutte, tout à fait contraires aux actions stériles que nous avons pu identifier dans les mouvements récents de protestation.

Revolution Mundial (5 décembre 2012)

 

1 L’investiture d’Enrique Peña Nieto au Mexique signe le retour au pouvoir du PRI- dénommé Parti Révolutionnaire Institutionnel (sic !) depuis 1946, ex-PNR (parti national révolutionnaire) puis PRM (parti de la révolution mexicaine) qui se réclame de l’héritage de la révolution nationale mexicaine de 1910 et a exercé la fonction gouvernementale de façon quasiment ininterrompue depuis 1928, à l’exception de la période entre 2000 et 2012 où c’est le PAN, parti de “droite” plus marqué par une politique d’alliance avec son puissant voisin, les Etats-Unis, qui a pris les rênes du pouvoir sous Fox entre 2000 et 2006 puis Calderon entre 2006 et 2012(NdT).

2 La municipalité de Mexico est, elle, dirigée par le PRD (Parti de la Révolution Démocratique), parti “de gauche” qui provient d’une scission du PRI depuis 1989. Il est d’ailleurs significatif de noter que, lors de l’investiture de Peña Nieto, les trois partis, le PRI, le PAN et le PRD viennent de cosigner un “Pacte social” qui consacre leur volonté de travailler ensemble “pour le bien de la Patrie”, c’est-à-dire pour mener des attaques plus féroces contre les travailleurs… (NdT)

3 Le PT (Parti du Travail) est une des composantes de la gauche de tendance “gauchiste”. Quant au MORENA (Mouvement de Régénération Nationale), animé par l’ex-candidat du PRD, López Obrador, il fait désormais figure de gauche parlementaire plus radicale dans son opposition au gouvernement, à l’instar de Die Linke en Allemagne ou du Front de Gauche de Mélenchon en France (NdT).

4 Voir notre article “Terreur, terrorisme et violence de classe”, in Revue Internationale numéro 14, 3e trim. 1978 et le texte de notre résolution sur le même sujet publié dans le numéro 15 de notre Revue.

 

Géographique: 

  • Mexique [3]

Rubrique: 

Campagnes idéologiques

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