Il
n'y a aucun doute à avoir. Cet été, la bourgeoisie va asséner
de rudes coups sur la tête de la classe ouvrière. Elle profite
toujours de la période estivale et de la dispersion des travailleurs
pour passer en catimini ses mesures d'austérité. Et cette année,
les attaques s'annoncent particulièrement brutales.
Voici ce qui nous attend d'ici la rentrée de septembre :
• La réforme du code du travail va impliquer encore plus de flexibilité et d'insécurité. En particulier, la durée du temps de travail sera bientôt fixée "entreprise par entreprise". Il s'agira donc de "Travailler plus pour mourir plus vite" (1) !
• La durée de cotisations va une nouvelle fois s'allonger (de 40 à 41 annuités). Tous ceux qui partent à la retraite constatent avec amertume la maigreur de leurs pensions. Les petits contrats précaires, la mise au chômage prématurée des "seniors", la faiblesse des salaires... tout cela induit des pensions minables (souvent proches des 800 euros). Dans l'impossibilité de vivre avec si peu, et avec l'augmentation drastique du coût de la vie, de plus en plus nombreux sont les retraités qui reprennent un travail... à 65 ou 70 ans ! Car l'allongement de la durée de cotisation ne va pouvoir encore qu'aggraver la paupérisation des retraités.
• Dans le public, une pluie de suppressions de postes va s'abattre dès la rentrée sur les agents hospitaliers et des impôts, sur les enseignants et le personnel éducatif, etc. Dans le privé, les plans de licenciements s'amoncellent comme de gros nuages noirs. Chez Altadis, 2440 emplois sont d'ores et déjà menacés en Europe (dont 1060 en France) et plusieurs sites vont probablement fermer. Les ouvriers des secteurs de l'automobile et des banques risquent d'être particulièrement touchés par les conséquences de la crise économique mondiale qui ne cesse de s'aggraver. Bref, quoi qu'en disent les statistiques gouvernementales (2), le chômage va atteindre de nouveaux sommets.
• La bourgeoisie se prépare à durcir encore un peu plus le "droit des chômeurs". Les chômeurs seront bientôt contraints d'accepter une "offre" d'emploi "raisonnable" ; étant jugé "raisonnable" tout travail situé dans un rayon de 60 km ou à 2 heures de transport du domicile. L'ouvrier aura donc le choix entre perdre toute allocation ou dépenser la maigre paye de son nouveau boulot en transport. Ce véritable chantage s'appuie, de surcroît, sur une propagande idéologique absolument répugnante considérant les chômeurs comme des fainéants, des assistés ou des parasites.
• L'accès aux soins va lui aussi continuer de se dégrader. Fin juin, le directeur de la Sécurité sociale a proposé de diminuer la part de remboursement de 100 à 35 % pour les médicaments dits "de confort" (sic !) (3) pour les 8 millions de malades atteints d'affections graves de longue durée (ALD). Momentanément, le gouvernement a désavoué ce directeur, mais cela indique clairement de quel tonneau frelaté vont sortir les mesures prévues vers le 15 juillet.
• Le
gouvernement ose aujourd'hui faire passer sans vergogne à la
télévision des publicités ayant comme slogan :
"C'est mois après mois que nous gagnons la bataille du pouvoir
d'achat." Un site
a même été tout spécialement conçu :
www.mesurespouvoirdachat.gouv.fr [1]. Il est vrai que depuis longtemps,
la bourgeoisie a fait sienne la maxime du chef de la propagande nazie
Joseph Goebbels, "Plus le mensonge est gros, mieux il passe",
mais tout de même ! Quand la réalité vient démentir à chaque
instant la propagande, certaines tromperies laissent un goût
toujours plus amer en bouche. Entre mille exemples, les tarifs de la
SNCF vont augmenter d'environ 15 %, ceux de la RATP de 3 %, et
ceux du gaz de 9 % (après celle de 4 % en janvier et de 5,5 %
en avril). Et les prix du pétrole et des produits alimentaires vont
continuer de flamber inexorablement !
Ces
attaques peuvent être ressenties comme un coup de massue. Mais, pour
reprendre Karl Marx, il ne faut pas voir "dans la misère que la
misère". Au contraire ! Aujourd'hui, toutes les conditions
sont réunies pour que la lutte se développe. Il ne s'agit pas là
d'un vœu pieux mais d'une possibilité réelle. Partout dans le
monde, la colère et la combativité de notre classe grandissent. A
Dubaï, au Bengladesh, en Egypte, au Vietnam, en Roumanie, en
Allemagne, aux Etats-Unis, etc. partout des grèves éclatent,
partout les ouvriers se battent pour leur dignité (4).
Dans ce journal, nous rendons compte d'une lutte à Turk Telekom,
la plus importante en Turquie depuis 20 ans (lire page 5). Et cette
dynamique est également vraie en France. En 2003, la lutte des
enseignants contre la réforme des retraites annonçait le retour de
la combativité ouvrière à l'échelle internationale. En 2006, en
refusant un énième nouveau contrat précaire (le désormais célèbre
CPE), les nouvelles générations étaient rejoints dans leurs
manifestations par une large partie de la classe ouvrière et
diffusaient en son sein un profond sentiment de solidarité. Elles
indiquaient par-là même une méthode de lutte authentiquement
ouvrière et porteuse d'unité : les assemblées générales
souveraines ! Cette lutte est aujourd'hui encore un point de
référence pour les ouvriers en lutte aux quatre coins du globe (5).
En 2007, les lycéens s'appuyaient sur cette expérience pour
s'organiser contre la loi LRU. Ils tentèrent en particulier de
créer des passerelles en direction des cheminots, en lutte au même
moment. Enfin, même si cette année 2008 n'a pas encore été
marquée par une lutte d'ampleur, elle a connu une véritable
effervescence sociale avec des grèves un peu partout et de multiples
manifestations, confirmant ainsi le raz-le-bol généralisé dans les
rangs ouvriers.
Aujourd'hui, la conscience de la nécessité de se battre tous ensemble grandit peu à peu. Il s'agit là d'un élément important, voire vital, pour la classe ouvrière. Il est de plus en plus évident que tous les secteurs et toutes les générations sont touchés. Se battre chacun dans son coin apparaît donc stérile, absurde et égoïste. Mais pour que ce sentiment de solidarité se concrétise dans la lutte, une chose est sûre, il ne va pas falloir compter sur les syndicats. Eux qui se présentent comme "les spécialistes de la lutte" ne sont rien d'autre, en réalité, que les chiens de garde du capital. Ils n'ont de cesse de nous diviser pour que leur maître règne. Le simple bilan de ces douze derniers mois en constitue une preuve édifiante.
A l'automne dernier, la connivence entre la CGT, la CFDT et Sarkozy fut si évidente qu'elle en ébranla même les troupes syndicales des cheminots qui huèrent copieusement Chérèque et Thibault lors de la manifestation du 20 novembre. Alors que la colère ouvrière était immense (chez les cheminots, mais aussi chez les enseignants, les infirmiers, les lycéens...), les syndicats ont freiné des quatre fers et ont fini par signer à la hâte des "accords" et à appeler à la reprise du travail. Le salut de Sarkozy aux organisations syndicales, lors de ses vœux de fin d'année, pour leur sens des responsabilités, en disait suffisamment long sur leur travail de sape des luttes ouvrières ! Ainsi, au printemps 2008, les syndicats ont divisé tant qu'ils ont pu en lançant tous azimuts des appels à diverses journées d'actions. Les secteurs ont été mobilisés les uns après les autres, le plus souvent chacun dans leur coin : les lycéens d'abord, puis les enseignants, puis les agents des impôts, etc. Les syndicats n'avaient qu'une seule peur : que les ouvriers se retrouvent ensemble dans la rue avec des revendications communes. Ils ont donc tout fait pour que cela n'arrive pas (6). Les manifestions du 10 et 17 juin sont venues clôturer cette longue série de mobilisations stériles en ne rassemblant que très peu d'ouvriers. Cette fin de mouvement atone et en ordre dispersé avait pour but d'écœurer et de décourager, en laissant traîner un sentiment d'impuissance et de résignation. Il ne s'agit pas là d'erreurs de stratégie mais d'une volonté claire et consciente. Ce sabotage systématique correspond à la nature profonde du syndicalisme. Les syndicats sont intégrés corps et âme au camp du capital depuis près d'un siècle ! C'est pourquoi la CGT peut bien annoncer, torse bombé, vouloir s'inscrire déjà "dans la mobilisation internationale du 7 octobre prochain pour porter toutes les revendications des salariés autour du thème du travail décent", nous pouvons être sûrs qu'à la rentrée, les syndicats vont continuer à nous poignarder dans le dos. Pour résister aux attaques, non seulement il ne faudra leur accorder aucune confiance, mais il faudra aussi oser prendre en main nos luttes, oser organiser nous-mêmes les assemblées générales, oser former des délégations pour aller à la rencontre de nos frères de classe dans les usines, les établissements scolaires, les administrations, les hôpitaux voisins.
Face
aux attaques du capital,
prenons nos luttes en main.
Vive la lutte !
Vive la solidarité ouvrière !
Pawel (4 juillet)
1)
Comme l'avaient déjà si bien dit, en juin 2007, les ouvriers en
grève de l'usine Kronenbourg à Obernai, en réponse au fameux
slogan de la campagne électorale de Sarkozy : "Travailler
plus pour gagner plus" !
2)
Comme le disait Mark Twain, l'écrivain et humoriste américain :
"Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les
sacrés mensonges et les statistiques".
3)
Il s'agit, par exemple, des anti-nauséeux ou des anti-douleurs
pour les cancers.
4)
Lire sur notre site web (www.internationalism.org [2])
les articles "La
classe ouvrière multiplie ses combats dans le monde entier" [3]
et "Une
seule classe, un seul combat !" [4].
5)
Tout récemment encore, par exemple, des étudiants en lutte au
Maroc nous ont écrit pour savoir plus précisément et concrètement
comment les étudiants en France s'étaient organisés au
printemps 2006.
6) Pour connaître de façon plus détaillée les manœuvres syndicales de ce printemps, lire l'éditorial du journal de juin "Pour qui travaillent les syndicats ?" [5].
Le 21 juin dernier, un détenu est retrouvé décédé d'une crise cardiaque dans l'enceinte du centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes. A l'intérieur, la colère monte chez les sans-papiers en instance d'expulsion. L'ambiance dégénère et le 22 juin un incendie se déclare, et finit par ravager le centre. Rapidement, les associations et comités de soutien aux sans-papiers, dont certains soupçonnent l'utilisation de fusils Taser (pistolets électriques) par la police pour maintenir l'ordre dans le centre, se mobilisent devant le bâtiment. Les forces de l'ordre tentent de maintenir les personnes "retenues" sous contrôle et de récupérer les fuyards. Une répression policière brutale s'abat alors sur les sans-papiers.
Les CRA sont des installations spécifiques de "rétention" de toute personne dont la situation ne permet pas, ou plus, de résider sur le territoire. Aujourd'hui, la quasi-totalité de leurs occupants sont des personnes sans-papiers arrêtés par la police et en attente de jugement sur leur éventuelle reconduite à la frontière. La durée de leur rétention ne doit pas excéder 32 jours (alors qu'elle est de 18 mois sur l'ensemble de l'Europe), mais la durée moyenne de séjour est d'à peu près dix jours, ce qui ne laisse le plus souvent pas de temps aux "sans-papiers" pour organiser des recours. Le CRA de Vincennes était réputé parmi les plus "accueillants" du pays, autrement dit celui dont les conditions d'hygiène et de promiscuité étaient qualifiés "d'acceptables". Pour autant, cet environnement "acceptable" ne peut cacher les conditions inhumaines dans lesquelles vivent ceux que l'on qualifie de "migrants illégaux". En effet, ce n'est pas seulement sur le plan matériel que ces prolétaires souffrent, mais bien plus encore sur le plan moral. Vivant en permanence traqués, leur persécution ne s'arrête pas avec leur arrestation.
Parqués comme du bétail, les "retenus" dans ces centres sont non seulement considérés comme des "détenus", mais comme des délinquants ou des criminels alors que leur seul "crime" est d'avoir voulu fuir la misère et la mort dans leur pays d'origine. Ils doivent attendre leur sort, la plupart du temps loin de leur famille, de leurs enfants, sans savoir ce qu'il est advenu d'eux. Les visites sont acceptées au compte-goutte, les laissant sans nouvelles et sans même savoir si, au cas où la justice leur permettrait de rester en France, ils pourraient les retrouver et vivre à nouveau avec eux. La situation qu'ils ont fui les attend à leur retour, s'ils ont la "chance" d'être acceptés par leur pays d'origine (1). Et ce, toujours sans savoir s'ils reverront un jour leur conjoint et leurs enfants, sans savoir quel sera le traitement qui leur sera réservé. Et quand la sentence tombe, quand l'expulsion se dessine, c'est vers une mort probable qu'ils sont renvoyés.
Si la droite a surfé sur les événements de Vincennes pour développer à satiété un discours raciste et nauséabond, ces derniers ont été aussi l'occasion pour les ténors de la gauche de "dénoncer" la politique d'expulsion des sans-papiers menée par Sarkozy et consorts, en se posant en véritables défenseurs des immigrés. Il est vrai que les conditions actuelles sont particulièrement écœurantes et intolérables. Les mesures mises en place et la notion même de quota (26 000 expulsions programmées pour 2008) expriment tout le mépris de la bourgeoisie envers la vie humaine. Cette "politique du chiffre" et ces centres de rétention, qui sont au fond des camps de concentration où sont retenus prisonniers des êtres humains fautifs de ne pas être nés Européens, font penser de plus en plus à ceux des nazis (et à leur quota planifié de morts) et des staliniens. A la différence que si les nazis gazaient les non-Aryens et que les staliniens faisaient crever de faim et de maladie les dissidents au régime, la bourgeoisie française (à l'instar de ses consœurs européennes (2)) les renvoie à la mort qu'ils tentent de fuir. Mais la droite actuelle est loin d'être seule à avoir utilisé cette pratique. Car si la notion de "rétention administrative" pour les immigrés date de 1980 (avec les lois Bonnet et Peyrefitte), c'est à partir de 1981 et surtout de 1984, à l'époque où Pierre Joxe était ministre de l'Intérieur, que la création des CRA fut effective et connut une impulsion sans précédent. Aussi, Sarkozy peut-il dire merci à la gauche. Une gauche dont les discours de l'époque n'ont pas grand-chose à envier à la droite actuelle. Ainsi, Defferre en 1982, alors ministre de l'Intérieur, déclarait que "les grands principes, c'est bien joli, mais le développement de l'immigration clandestine pose de graves problèmes dans les grandes villes. Les municipales approchent et il faut y prendre garde." Mitterrand en 1989 avertissait que : "le seuil de tolérance est dépassé" Et Rocard en 1990, alors Premier ministre, prévenait : "nous sommes également à la veille, si nous n'y prenons pas garde, d'une nouvelle vague massive, venant du Sud plus lointain, d'un Est plus incertain. Et je le dis clairement, cette vague doit être endiguée." Ces discours préparaient et accompagnaient les actes d'une gauche qui, au gouvernement, a pleinement participé à la mise en place du cadre "légal" des mesures contre l'immigration clandestine depuis les années 1980. A travers les lois Pasqua lors de la première cohabitation (1986-1988) et les lois Joxe après 1988, c'est dans une même dynamique que la répression se développe. La gauche a beau jeu aujourd'hui de crier au scandale face à Sarkozy et son ministre-"aide de camp" Hortefeux, ces deux-là ne font que rajouter leurs pierres, à un mur dont on compte beaucoup de "briques socialistes".
Contre la propagande de la droite qui justifie sa politique en prétendant que ces "migrants illégaux volent le travail des ouvriers", contre celle de la gauche qui, derrière ses larmes de crocodile, les renvoient hypocritement à leur condition de Noir ou d'Arabe, rappelons qu'il s'agit avant tout de prolétaires, d'ouvriers qui, pour beaucoup, avaient un emploi avant leur arrestation. Si un patron leur a donné cet emploi, c'est bien qu'il y trouvait un intérêt. Cet intérêt, c'est celui de disposer d'une main-d'œuvre à bon marché principalement dans des secteurs où la concurrence est forte (le bâtiment, les travaux publics, etc.). Ces ouvriers ne volent l'emploi de personne, ils ne sont en position que d'accepter ce qu'on leur donne, et en aucun cas de voler quoi que ce soit à quiconque. Ils répondent à une réalité économique, celle de secteurs où l'emploi non qualifié manque et où le recours à l'emploi clandestin permet de baisser les coûts de production et de répondre ainsi aux appels d'offre de façon concurrentielle. Victimes de la misère et souvent de la répression de leur pays d'origine, ces prolétaires atterrissent loin de chez eux pour y trouver l'exploitation sans fin dans un climat de peur permanente. Ils restent ici les victimes qu'ils étaient chez eux, et certainement pas les profiteurs que la bourgeoisie nous dépeint.
De telles conditions d'existence soulèvent l'indignation et, naturellement, des gestes de solidarité se développent. Il est de plus en plus fréquent de voir des voisins faire barrage aux forces de l'ordre dans un immeuble, des parents d'élèves cacher et garder des enfants clandestins, des collègues débrayer à l'issue d'une rafle policière sur un chantier, des voyageurs refuser d'embarquer sur un vol charter emportant des immigrés menottés. Ces gestes expriment la solidarité propre à la classe ouvrière, qui voit en ces hommes traqués et persécutés leurs frères de classe, dont les conditions de vie renvoient à leur propre condition dans le monde capitaliste en crise, une condition de bêtes de somme corvéables à merci et dont on se débarrasse quand on ne peut plus rien en tirer.
Et c'est cette condition commune qui pousse et poussera toujours plus les ouvriers du monde entier à lutter de façon solidaire, unie, au-delà des questions de races, de religion ou de nationalités, contre les conditions de misère et d'horreur que leur font subir le capitalisme en crise et sa bourgeoisie.
GD (2 juillet)
1) De plus en plus de pays n'acceptent pas le retour des émigrants suite à une expulsion du pays d'accueil.
2) Voir sur www.monde-diplomatique.fr/cartes/atlas-sanctuaire [7] l'explosion du nombre de centres de rétention avant expulsion pour immigrés dans l'espace Schengen comme dans l'ensemble des pays membres de l'Union européenne.
Nous publions ci-dessous un courrier de lecteur envoyé par un témoin direct de la répression qui s'est abattue il y a quelques jours sur des enseignants en lutte à Nantes. Ce camarade y dénonce la violence dont peut faire preuve la bourgeoisie envers les travailleurs qui osent se battre pour défendre leur condition de travail. De plus, en saluant le réflexe des agents des impôts qui sont venus spontanément aux côtés des enseignants matraqués, il met en lumière l'importance de la solidarité ouvrière, seule arme contre la répression de l'Etat policier.
Le mercredi 11 juin, des enseignants du premier degré manifestent devant l'inspection académique à Nantes. Ils protestent contre les attaques que constituent les mesures Darcos. Alors qu'une partie des manifestants reste devant le bâtiment avec les enfants, les autres envahissent pacifiquement les couloirs et les escaliers en demandant à rencontrer Gérard Prodhomme, l'inspecteur d'Académie, pour lui présenter leurs doléances. La réponse de ce haut fonctionnaire de l'État ne se fait pas attendre, il appelle la police.
Très vite les forces de l'ordre apparaissent aux portes des escaliers dans lesquels sont stationnés les manifestants. Sans aucune sommation, les policiers se jettent sur eux pour les obliger à rebrousser chemin vers la sortie. Ces policiers n'ont pas de protection individuelle parce que les enseignants ne sont pas assez nombreux pour nécessiter une intervention lourde. Mais ce sont des fonctionnaires de la sécurité publique, l'une des unités les plus violentes et parfaitement préparée à ce genre d'intervention.
La vidéo qui a circulé sur Internet montre bien la violence du choc (retrait-mesures-darcos.over-blog.com/article-20393355.html [9] (1)). L'objectif est clair : il faut couper le souffle des manifestants, leur faire mal, les impressionner. Sans ménagement, hommes et femmes sont poussés dans les escaliers, il y a des habits déchirés, certains tombent les uns sur les autres au milieu des cris et des pleurs. Ceux qui s'accrochent à la rampe sont pris à la gorge, on leur tord les doigts pour qu'ils lâchent prise. Telle est la violence déterminée de la classe dominante lorsqu'elle défend ses privilèges, cette classe qui, sous les uniformes bien coupés de la gauche ou de la droite, parade au sénat, au parlement et autres institutions de l'État avec ses bonnes manières et son langage châtié. C'est pourtant cette classe qui, par l'intermédiaire de ses sbires, matraque sans merci les travailleurs qui cherchent à se défendre contre des attaques injustes et répétées.
Après la violence viennent les mensonges. La presse publie un communiqué de la Préfecture annonçant qu'il y aurait eu trois blessés parmi les policiers dont l'un s'est vu attribuer vingt et un jours d'incapacité. Il faudrait leur conseiller de ne pas taper si fort, les pauvres, ça leur fait mal. Mais l'objectif n'est pas difficile à deviner : il faut préparer le terrain pour des poursuites judiciaires, complément indispensable des violences policières afin d'imposer l'ordre et la soumission, la crainte et la démoralisation.
L'un des enseignants placé au premier plan et qui, comme les autres, essaie de se protéger des coups reçus, se fait attraper par les policiers qui le tirent en arrière, l'immobilisent au sol, genou sur le visage et sur la poitrine, avant de le menotter. Il est placé en garde à vue. Les manifestants se portent alors vers le commissariat central aux cris de "Libérez Samy !" Notre collègue est libéré dans la soirée mais il est convoqué pour interrogatoire le vendredi à 9 heures. Par téléphone et par mail, ceux qui étaient présents informent les écoles et appellent à un rassemblement devant ce commissariat. Le jour dit, les enseignants sont 200 devant la porte, la colère et le sentiment de solidarité grandissent d'heure en heure. Ils sont bientôt 300 et 600 l'après-midi. Pour montrer à leur collègue qu'ils sont là et qu'ils le soutiennent, ils frappent dans leurs mains, crient des slogans et tapent pendant de longues heures avec des bouts de bois contre une palissade métallique d'un chantier voisin. Dans les écoles, les enseignants se relaient par trois ou quatre pour garder les élèves dans la cour pendant que les autres se précipitent au rassemblement.
Les agents des impôts qui travaillent dans le bâtiment d'à côté décident de débrayer pour venir apporter leur solidarité aux enseignants. L'un d'eux intervient au mégaphone pour expliquer que, eux aussi, ont subi une violence extrême de la part de la police lors des dernières manifestations. Une clameur et des applaudissements s'élèvent pour saluer cette intervention.
Au bout de six heures d'interrogatoire, Samy sort du commissariat, il est à bout. Depuis longtemps, les policiers français utilisent les mêmes méthodes inhumaines que la Stasi dont on voit les exactions dans le film La vie des autres. La pression psychologique est énorme, les policiers doivent lui faire avouer à tout prix qu'il a bien résisté aux forces de l'ordre. Ils lui passent et repassent la vidéo qui, si on la regarde objectivement, prouve non pas la culpabilité de notre collègue mais bien l'agressivité des policiers. Mais il craque. Le magistrat décide alors de le faire passer en correctionnelle pour violence envers les forces de l'ordre, le procès est prévu pour le 23 février 2009. S'il est condamné, il sera alors révoqué de l'Education nationale. La violence, les mensonges et la justice, voilà les piliers d'un ordre fondé sur le profit et l'exploitation, un ordre qui, toujours plus explicitement, tourne le dos à toute forme d'humanité.
Tous les témoignages concordent : les accusations envers Samy sont toutes fausses et nous montrent le vrai visage de la démocratie bourgeoise. Sans scrupule, elle ment, elle brutalise, pour elle tous les moyens sont bons. Il est clair que l'isolement est une faiblesse qui nous livre sans défense aux coups de la répression. Comme les enseignants, les travailleurs des impôts et du CHU luttent en ce moment chacun dans leur coin alors que s'ils étaient tous unis, ils représenteraient une force énorme. La seule façon de se défendre efficacement a été montrée par l'attitude de solidarité des enseignants et des agents des impôts pendant l'interrogatoire de Samy. Mais cette solidarité ne doit pas être ponctuelle. C'est par l'unité dans la lutte commune dès le début, en se serrant les coudes entre les différents secteurs qui sont tous confrontés aux mêmes attaques, en présentant des revendications unitaires avec des négociations au grand jour, contrôlées par les assemblées générales, que nous pourront faire reculer la bourgeoisie et nous protéger de la répression.
A. E.
1) Ce site reprend le journal télévisé diffusé par la chaîne locale Nantes7 le 11 juin au soir (la lutte des enseignants est le deuxième sujet traité par ce JT, il faut donc patienter quelques minutes pour apercevoir les images de la répression policière).
Entre mai et juin 2008, près d'une centaine de travailleurs immigrés sont morts, victimes de pogroms perpétrés par des bandes armées dans les bidonvilles de Johannesburg. Des groupes munis de couteaux et d'armes à feu s'introduisent à la nuit tombée dans les quartiers délabrés à la recherche de "l'étranger" et se mettent à frapper, à tuer, même à brûler vifs des occupants et à chasser des milliers d'autres.
Les premiers massacres ont eu lieu à Alexandra, dans un immense bidonville (township) se situant au pied du quartier d'affaires de Johannesburg, capitale financière de l'Afrique du Sud, avec ses buildings de luxe tapageur. Les attaques xénophobes se sont étendues progressivement dans les autres localités sinistrées de cette région dans l'indifférence totale des autorités du pays. En effet, il a fallu 15 jours de tueries pour que le gouvernement du président Thabo Mbeki se décide à réagir mollement (cyniquement en fait) en envoyant les forces de l'ordre s'interposer dans certaines localités tout en laissant les massacres se poursuivre ailleurs. La plupart des victimes sont originaires des pays de la région (Zimbabwe, Mozambique, Congo, etc.), pauvres hères qui viennent tenter leur chance en Afrique du Sud, première puissance économique du continent dont le développement repose largement sur l'exploitation de la main-d'œuvre immigrée.
Ils sont près de 8 millions dont 5 millions de Zimbabwéens qui sont poussés à fuir leur pays d'origine, comme le montrent des témoignages rapportés par Courrier international du 29 mai 2008 : "Nous mourons de faim et nos voisins sont notre seul espoir. (...) S'ils ne peuvent rien faire pour améliorer notre situation politique, nous ne pensons pas que ce soit trop leur demander de nous laisser acheter de la nourriture chez eux" ; "Cela ne sert à rien de travailler au Zimbabwe. On n'y gagne même pas assez pour se loger dans les pires banlieues de Harare (la capitale du Zimbabwe). Nous sommes prêts à prendre des risques en Afrique du Sud" ; "C'est notre vie à présent. Nous passons beaucoup de temps sur la route qui mène en Afrique du Sud. Voyager dans ces cars est risqué. Mais si nous ne le faisons pas, nous mourrons quand même." ; "Le pain coûte aujourd'hui 400 millions de dollars zimbabwéens (0,44 euro) et un kilo de viande 2 milliards (2,21 euros). Il n'y a plus de bouillie de maïs dans les magasins, et les gens qui travaillent ne peuvent plus vivre de leur salaire". Voilà l'enfer dans lequel les responsables politiques de cette région ont plongé la population. La seule politique du gouvernement de Pretoria envers les immigrés illégaux, notamment du Zimbabwe, consiste à les arrêter massivement puis à les reconduire à la frontière manu militari en les livrant ainsi à la famine et à la répression.
De surcroît, quand ils ne sont pas expulsés, les immigrés sont harcelés tous les jours par la propre police de Mbeki qui profite de leur extrême précarité pour les racketter tout en les tabassant systématiquement. Mugabe s'est comporté en parfait complice de son "camarade" sud-africain en se contentant d'annoncer l'envoi de quelques véhicules pour rapatrier les Zimbabwéens blessés lors des pogroms. D'où les réactions indignées de la population qu'exprime ce ressortissant zimbabwéen : "Nous sommes choqués que le gouvernement ne reconnaisse pas qu'il a contraint une partie de sa population à devenir des réfugiés au risque de leur vie. D'autres Zimbabwéens vont sacrifier leur vie en recherchant en Afrique du Sud ce qui leur est refusé chez eux : le droit de vivre."
Il est clair que derrière les massacres à caractère xénophobe se cache la misère extrême dans laquelle s'enfoncent des millions de miséreux sud-africains dont nombre d'entre eux ont participé directement aux pogroms en accusant les travailleurs étrangers de leur "voler" leurs emplois. En effet, comme le reconnaissent d'ailleurs certains médias bourgeois, c'est bien la misère produite par la crise capitaliste qui est à l'origine de la chasse à l'étranger : "On aurait tort de penser que cette explosion de xénophobie est une simple réaction face à une immigration incontrôlée. C'est aussi la conséquence de l'envol des prix des produits alimentaires, de la chute du niveau de vie, d'un taux de chômage dépassant 30 % et d'un gouvernement qui paraît aveugle à la situation des plus pauvres" (Jeune Afrique du 25 mai 2008). Voilà la réalité, une société qui, frappée de plein fouet par la crise économique mondiale, n'a rien à offrir à la population que misère et détresse. En effet, comme partout dans le monde, les entreprises licencient massivement pendant que le gouvernement, lui, laisse augmenter les prix tout en se chargeant de prélever impôts et taxes. C'est bien cette même crise qui a poussé au désespoir un grand nombre de sans-travail et autres précaires, ce sont eux les premières victimes de la décomposition sociale du système capitaliste. Dès lors, il n'est pas étonnant de voir certains d'entre eux rejoindre les rangs des gangs qui sèment la terreur dans les quartiers misérables. Il y a bien un lien direct entre les violences xénophobes et la misère économique qui frappe aussi bien les victimes des pogroms que ceux qui les commettent ; les premiers vrais responsables sont précisément les dirigeants capitalistes des deux pays, Mugabe et Mbeki.
En
Afrique du Sud, la pauvreté touche plus de la moitié de la
population et le sida frappe plus de 5 millions de personnes, ce qui
se traduit par un fort recul de l'espérance de vie, passant de 48
ans en 2000 à 44 ans en 2008. Le gouvernement, se comportant en
parfait criminel, a longtemps nié l'importance de ce phénomène
en empêchant même la mise en place d'une politique
sanitaire (1) !
Au Zimbabwe, pays en total délabrement économique qui a connu une
inflation atteignant (selon le FMI) 150 000 % en janvier 2008
(record mondial), le taux de chômage frappe 80 % de la population
active (un autre record). C'est l'horreur absolue pour la
population et la classe ouvrière et le gouvernement lui-même est
bien obligé de reconnaître l'existence de 3 millions d'affamés.
Du côté sanitaire, des sources avancent le chiffre de 2 millions de
séropositifs, tandis que l'espérance de vie se situe autour de 40
ans. Face à la misère extrême que subit la quasi-totalité de la
population, Mugabe, quant à lui, a choisi carrément la fuite en
avant dans la guerre, la corruption et la répression la plus féroce
pour se maintenir coûte que coûte au pouvoir.
Loin de se soucier du sort de leurs populations en détresse, les gouvernements sud-africain et zimbabwéen rivalisent avec les puissances impérialistes qui cherchent à contrôler les régions d'Afrique australe et des Grands Lacs, en s'auto-proclamant "gendarmes locaux". Ainsi, tous les deux se sont massivement impliqués dans les guerres qui ont ravagé cette zone dans les années 1990/2000 et qui ont engendré plus de 8 millions de morts. C'est dans cette optique que le régime de Robert Mugabe s'est lancé dans la guerre en RDC (ex-Zaïre) en y expédiant quelques 15 000 hommes, avec un coût économique exorbitant évalué à 1 million de dollars par jour (soit 5,5 % de son PIB), cela durant plusieurs années. Cette aventure militaire désastreuse n'a pu que constituer un facteur accélérateur de la ruine totale de son économie, alors que le Zimbabwe était considéré jadis comme le "grenier" de l'Afrique australe, jusque dans les années 1990 où il était encore exportateur net de céréales.
Les médias de la bourgeoisie mondiale ont déclenché une gigantesque campagne idéologique anti-Mugabe pour présenter les élections au Zimbabwe comme un enjeu entre la "démocratie" et la "dictature" ; il s'agit en réalité d'une mascarade derrière laquelle se cachent essentiellement des luttes d'influence impérialiste. D'un côté, Mugabe, soutenu sur tous les plans (notamment militaire) par la Chine, a programmé sa victoire quoi qu'il arrive tout en disant à la population : "Votez pour moi sinon vous êtes complices des impérialistes qui nous affament" (ceux qui lui ont imposé un embargo total). De l'autre côté, les puissances impérialistes "démocratiques" (Etats-Unis et Grande-Bretagne en tête) disent aux Zimbabwéens : "Votez contre le dictateur qui vous gouverne, sinon on vous laisse crever de faim." Quelle hypocrisie car si Mugabe bâillonne, emprisonne et tue ses opposants, il a été soutenu dans cette entreprise par tous ceux qui le condamnant aujourd'hui !2 En clair, la population est prise en otage par Mugabe, ses opposants et leurs soutiens impérialistes respectifs, avec le risque que le processus électoral ne débouche sur un scénario où les électeurs vont être poussés à s'entretuer pour le compte des cliques politiciennes criminelles qui se disputent le pouvoir.
En définitive, "démocrate" ou "autocrate", "chouchou" ou "bête noire" des grandes démocraties occidentales, les dirigeants de l'Afrique du Sud et du Zimbabwe ne se comportent ni plus ni moins qu'en criminels bourgeois, agents du capitalisme qui exploitent et oppriment la classe ouvrière et les populations, avec la complicité active des grandes puissances.
Amina (18 juin)
1)
Ainsi, son ministre de la Santé a pu se permettre de se moquer
cyniquement des malades en préconisant pour eux "la saine
nourriture, y compris la pomme de terre africaine", plutôt que
ceux des médicaments anti-rétroviraux, dont bénéficie
aujourd'hui une infime minorité des malades.
2)
On a encore vu les pays de l'Union Africaine réunis à Charm
El-Cheikh (Egypte) l'accueillir en chef d'Etat dès le lendemain
du simulacre électoral qu'il avait organisé malgré sa défaite
au premier tour.
Nous publions ci-dessous de très larges extraits d'un article du groupe turc Enternasyonalist Komünist Sol (EKS) qui analyse les rivalités impérialistes sous-jacentes aux récentes incursions de l'armée turque dans le Nord de l'Irak. Nous voulons souligner son importance à plusieurs titres. Avant tout, son analyse se situe d'un point de vue clairement prolétarien et internationaliste. EKS se prononce contre tout nationalisme turc ou kurde dans une région du monde où toutes les fractions bourgeoises font leur possible pour exciter les haines nationalistes à seule fin d'utiliser les ouvriers comme chair à canon. Cet article exprime aussi les profonds sentiments d'indignation et de révolte des ouvriers de Turquie envoyés au front et répond aux mensonges de la bourgeoisie qui répand, en Turquie comme ailleurs, le poison de sa propagande "d'union sacrée" pour la guerre.
Le 21 février, 10 000 soldats ont traversé la frontière du Nord de l'Irak. Lors de cette incursion, des combats sanglants ont eu lieu le long des régions frontalières avec la Turquie. Le bilan des victimes de l'opération qui s'est achevée au bout de 8 jours est controversé. Les forces armées turques ont déclaré 21 morts côté turc et 237 côté PKK (2). Le PKK prétend avoir perdu 9 de ses hommes et assure qu'une centaine de soldats des forces armées turques sont morts. Une chose est par contre certaine, des centaines d'enfants d'ouvriers ont été poussés à s'entre-tuer durant ces huit jours !
Ce n'est pas la première opération conduite par l'armée turque en Irak. Pour les besoins de la guerre qu'elle mène contre le PKK, la Turquie est entrée en Irak 24 fois, avec notamment une incursion de 7000 hommes en 1983, de 15 000 en 1990, de 35 000 en 1995 et 1997, de 10 000 en 1998. Cependant, il y a une différence entre ces incursions et le dernier conflit. Auparavant, l'impérialisme turc opérait librement en Irak et sans la moindre réaction négative du régime de Saddam Hussein. Mais cette fois, en lançant cette dernière opération militaire, l'impérialisme turc a pris le risque réel d'une guerre plus sérieuse et totale avec les autorités locales. Massoud Barzani (3) a déclaré que "si l'armée turque visait des civils kurdes ou des structures civiles, nous ordonnerons une résistance large et générale" et le parlement irakien a voté pour la fermeture des bases des forces armées turques dans le Nord de l'Irak qui abritent 2000 soldats. Si la Turquie était restée plus longtemps en Irak, un conflit bien plus explosif aurait surgi. La véritable raison de l'invasion de l'impérialisme turc n'était pas l'attaque contre le PKK. Le prétexte "d'éradiquer le terrorisme" invoqué pour justifier cette guerre n'est qu'un mensonge. Alors pourquoi la Turquie est-elle entrée en Irak cette fois-ci ? Le porte-parole du gouvernement, Cemil Cicek, avait déclaré que "l'opération" durerait jusqu'à la destruction du PKK, tandis que le gouvernement désignait comme cible les Monts Kandil (4), ajoutant que l'armée ne partirait pas avant que le "boulot ne soit fait". Pourquoi l'impérialisme turc a-t-il subitement fait marche arrière alors qu'il se vantait que personne ne pouvait s'opposer à son intervention en Irak ?
Afin
de répondre à ces questions, il faut remettre la dernière
offensive de la Turquie en Irak dans le contexte des rapports
impérialistes à l'échelle mondiale. Les relations entre le
gouvernement turc et les Etats-Unis étaient très tendues avant
l'opération (Washington soutient l'aile iranienne du PKK, le
PJAK, contre le régime iranien et parle de reconnaître
éventuellement le génocide arménien). Avec cette offensive turque,
les relations ont encore empiré, l'Amérique voyant d'un très
mauvais œil ce risque de déstabilisation du Kurdistan alors que le
bourbier irakien est déjà totalement instable. C'est pourquoi les
Etats-Unis ont constamment répété que la Turquie devrait quitter
l'Irak dans les plus brefs délais. La Turquie a d'ailleurs
immédiatement arrêté l'opération dès le lendemain de la
réunion entre le chef d'état-major de l'armée turque, le
général Buyukanit, et le gouvernement américain. Quoi qu'il en
soit, le gouvernement kurde en Irak a accusé, à juste titre, les
Américains d'avoir autorisé l'invasion turque. Le problème
principal de la bourgeoisie américaine dans cette région est
l'Iran. Toutes les forces impliquées, l'armée turque comme le
PKK, sont des alliés potentiels des Etats-Unis, au moins localement
contre l'Iran et globalement contre la Russie. Les Etats-Unis ne
veulent pas que la dernière "pièce" stable du territoire
irakien, le Kurdistan, soit déstabilisée ; ils ne veulent pas que
ces forces soient impliquées dans une guerre ouverte et soient
amenées à s'entre-détruire, comme ils ne veulent pas qu'elles
leur tournent le dos à cause de leurs conflits entre elles.
L'activité du PKK dans le Nord de l'Irak a créé des tensions
entre la Turquie et le gouvernement autonome kurde, dont les intérêts
sont déjà incompatibles, et a créé des conditions de
rapprochement entre la Turquie et l'Iran du fait de leur combat
commun contre le PKK. Si on examine les localisations géographiques
des camps du PKK au Nord de l'Irak, on peut voir que le camp Zap
était très proche des frontières turques et de la ville d'Hakkari,
donc très facile à investir. Cependant, les Monts Kandil, cible
officielle du gouvernement turc, sont proches de la frontière
iranienne. Le fait que les forces armées turques se soient dirigées
immédiatement sur Zap indique que leur objectif réel était de
pousser le PKK à se replier vers Kandil, c'est-à-dire vers
l'Iran. Il est certain que l'impérialisme turc a envahi l'Irak
avec la permission de l'Amérique et il est probable que non
seulement la fin mais la conduite d'ensemble de l'attaque s'est
effectuée selon les vœux des Etats-Unis (5).
La 25e aventure de l'impérialisme turc dans le Nord de l'Irak a pris fin, amenant des centaines de cadavres en seulement huit jours. Cependant, la guerre entre le PKK et l'armée turque continue à forcer des ouvriers à se massacrer entre eux. L'invasion de l'Irak et la guerre qui perdure en Turquie sont des conflits internes à la bourgeoisie. Les victimes de ces conflits sanglants et barbares sont des ouvriers turcs et kurdes qui sont poussés à s'entre-tuer, à mourir et perdre ceux qu'ils aiment alors que leurs intérêts sont communs. La seule force sociale qui puisse arrêter cette guerre, tout comme la seule force qui puisse arrêter toutes les guerres impérialistes du monde, c'est la classe ouvrière. Ni le pacifisme, ni la lutte démocratique, ni les appels à la clémence de la bourgeoisie ne peuvent arrêter les guerres. Celles-ci sont partie intégrante du capitalisme et ne finiront que lorsque les ouvriers "transformeront la guerre impérialiste en guerre révolutionnaire civile" comme ils l'ont fait en mettant fin à la Première Guerre mondiale. Il est donc nécessaire de connaître les réactions de la classe ouvrière à cette guerre, en particulier parmi les ouvriers qui ont le plus souffert : ceux qui ont été contraints d'aller au front et les familles de ceux qui en sont morts.
Le grand-père du soldat Bayram Guzel, mort en novembre 2007 : "Ce sont toujours les enfants des pauvres qui meurent. [...] Pourquoi ce ne sont pas les enfants des patrons et des généraux les 'martyrs' ?" La mère de Burak Okay, mort en septembre 2006 : "Mon fils ne pouvait même pas tuer une mouche et ils l'ont envoyé dans les montagnes pour tuer des êtres humains. Mon fils n'est pas un martyr et il est mort pour rien. Je n'accepte pas que mon fils ait été sacrifié." Le père de Cengiz Evranos, décédé le même mois : "Je ne dis pas ‘Tout pour le bien du pays' (6). Je dis aux politiciens : envoyez vos enfants à Darbogaz aussi." La mère de Sahin Abanoz, mort en avril 2006 : "Il y a une différence entre les riches et les pauvres. Y-a-t-il un seul enfant de député [sur le champ de bataille] ? Y a-t-il un seul enfant de président ? Ils envoient les enfants des pauvres, les enfants des infortunés." Le fils d'un soldat qui a été une des premières victimes de la guerre entre le PKK et l'armée turque en 1980 : "Mes voisins me regardent d'un mauvais œil parce que je ne mets pas de drapeau sur mon balcon. Ils ne savent pas que le drapeau turc dans la maison n'a pas été acheté dans un magasin ou remis en promotion publicitaire d'un journal : on me l'a donné accroché au cercueil de mon père. Comment pourrais-je brandir ce drapeau ? Et combien de mètres carrés de drapeaux, de défilés militaires ou de discours chauvins pourraient apaiser ma peine ? Non, je n'ai pas mis de drapeau et je n'en mettrais pas. Peut-être que ces martyrs ne sont pas morts par millions, mais nombre d'entre nous y ont perdu pères, fils et frères. Et ils meurent d'une telle façon que notre chagrin sera sans fin. Je ne sais pas comment les autres familles réagissent, mais si j'avais un autre père, je ne voudrais jamais qu'il se sacrifie pour ce pays." Un soldat, dont le "service" s'est achevé en 1998, déclare dans une interview anonyme : "Tous les régimes qui sont responsables de la continuation de la guerre devraient être brisés. Le capitalisme lui-même si c'est ce qu'il fait." Quelqu'un qui a été soldat à Van en 1997 explique aux soldats ses sentiments ainsi : "Si je dois être à nouveau soldat, [...] je ficherais le camp. Je rendrais définitivement cet uniforme vert et je serais emprisonné [...] Je hais ceux qui nous ont menés à cette guerre et ceux qui en tirent profit." Un ancien soldat de 1996 à Bingol déclare encore : "Le PKK est détesté des gens qui ont été au front autant que l'armée turque, l'Etat, les autres forces ou la police." Un ancien soldat de 1995 à Siirt raconte : "Je voulais savoir qui était mon ennemi avant d'aller là-bas. A présent, je ne me pose plus la question. La classe dominante bien sûr, qui d'autre cela peut-il être ?" Un soldat de 1992 à Mardin explique : "Je n'ai jamais vu d'enfant de riche là-bas, ils n'envoient que les enfants des pauvres. Beaucoup se révoltaient alors, demandant pourquoi ils ne voyaient pas les enfants des riches, je pense que ceux qui se révoltaient avaient raison."
La bourgeoisie craint cette réaction des soldats qui sont envoyés à la mort ou des familles auxquelles on demande de clamer "Tout pour le bien du pays" alors que leurs enfants sont morts. Et elle essaie de cacher cette réaction, de la condamner à tout prix et d'intimider ceux qui s'expriment. Chaque jour, la bourgeoisie cherche à cacher aussi les luttes ouvrières. Cependant, ces tentatives de la bourgeoisie ne peuvent masquer le fait que la lutte de classe se développe en Turquie comme dans l'ensemble du monde. Elles ne peuvent anéantir la volonté de la classe ouvrière de s'opposer aux obstacles que ses exploiteurs mettent en travers de sa route. Cette potentialité est suffisante pour égratigner sérieusement le pouvoir idéologique de la classe dominante, comme lorsque les enfants d'ouvriers, envoyés à la mort par les dirigeants des Forces armées turques ou du PKK, comprennent que l'ennemi n'est pas le prolétaire qu'ils ont en face d'eux mais ceux qui donnent les ordres. Lorsque la classe ouvrière commencera à agir et à lutter de façon unie, sur son propre terrain de classe et internationalement, la bourgeoisie sera balayée.
Enternasyonalist Komünist Sol
1)
L'intégralité de cet article est disponible en anglais
ici [11].
2)
Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK - en kurde :
Partiya Karkerên Kurdistan), formé en 1978 par Abdullah Öcalan,
est une organisation armée se présentant comme un mouvement de
guérilla. Le PKK est actif surtout en Turquie et, plus
épisodiquement, en Irak, Iran et Syrie.
3)
Actuel président du gouvernement autonome kurde en Irak et chef du
Parti démocratique du Kurdistan depuis 1979.
4)
Située à une centaine de kilomètres en territoire irakien, cette
région est aujourd'hui considérée comme "le quartier général"
du PKK.
5)
NDLR : En résumé, les États-Unis, ont encouragé cette
intervention turque pour tenter de nuire à l'Iran en poussant
vers lui le PKK. Il fallait néanmoins que cette opération soit de
courte durée pour ne pas risquer de déstabiliser l'ensemble du
Kurdistan, d'où l'insistance américaine pour l'arrêt rapide
de l'offensive turque.
6) "Tout pour le bien du pays" est un slogan nationaliste courant que l'Etat voulait entendre de la part des familles de soldats tués.
Nation ou classe ? Telle est la question posée par ce capitalisme agonisant. D'un côté, une bourgeoisie enfermée dans ses frontières, prête à défendre ses intérêts nationaux en déchaînant l'enfer de la guerre. De l'autre, un prolétariat qui n'a pas de patrie, qui doit mener une lutte pour défendre ses conditions de vie et qui porte en lui ce sentiment profondément humain de la solidarité. Il ne s'agit pas là de belles grandes phrases théoriques et creuses mais d'une réalité concrète vécue depuis plus d'un siècle, dans leurs chairs, par des millions d'ouvriers.
Tout récemment, en Turquie, le prolétariat en a fait une nouvelle fois l'expérience. La bourgeoisie turque, afin de mener son offensive dans le nord irakien (lire l'article ci-dessus "Une position internationaliste venant de Turquie"), a déversé à grands flots son poison nationaliste. Et pourtant, au milieu de cette hystérie chauvine, des ouvriers ont osé se battre pour réclamer un salaire décent. Comme l'écrivent nos camarades d'EKS, "les ouvriers sont restés en grève en dépit du fait que les médias et divers membres de la classe politique leur répétaient qu'ils agissaient contre les intérêts nationaux". Et quelle grève ! Fin 2007, 26 000 ouvriers de Türk Telekom entraient en lutte. Ils se battront durant 44 jours. Cette perte de 1 100 000 journées de travail en fait la plus grande grève de l'histoire de la Turquie depuis la grève des mineurs de 1991 ! Au final, les grévistes ont obtenu une augmentation de 10 % cette année (un peu plus que le taux officiel d'inflation) et la promesse de 6,5 % (au-dessus de l'inflation) pour l'an prochain alors même que le PDG de Türk Telekom, Paul Doany, affirmait fermement quelques jours auparavant encore : "Aucun employé ne doit compter sur une augmentation au-dessus du taux d'inflation." Pour nos camarades d'EKS : "Arrivant peu de temps après que les travailleurs de THY [compagnie aérienne turque] aient obtenu [eux aussi] une augmentation de 10 %, cela envoie un message clair à tous les travailleurs de Turquie. L'unité et l'action collective sont les seuls moyens de protéger les salaires de l'inflation." Et nous pourrions rajouter, plus largement, que "cela envoie un message clair à tous les travailleurs" du monde entier !
Tous les ouvriers, aux quatre coins du globe, sont touchés aujourd'hui par l'inflation galopante. Partout, une vague de paupérisation est en train de s'abattre. Nos frères de classe de Turquie nous montrent qu'il est possible de se battre même dans des conditions extrêmement difficiles. Ils révèlent par-là même la force de notre classe. Pour la majorité des travailleurs des grands centres industriels à travers le monde, la guerre impérialiste sert de toile de fond tendue en permanence sur le théâtre de nos vies, mais elle n'est pas un enjeu immédiat dans notre quotidien. Par contre, pour les travailleurs de Turquie, la guerre est une réalité immédiate et brûlante. Ces lignes d'EKS en témoignent avec force : "Pour nous, il est tout à fait évident que la classe ouvrière de ce pays a placé les intérêts de la nation avant les siens propres depuis bien trop longtemps. La classe ouvrière a payé la guerre nationale du Sud-Est [de la Turquie] non seulement par des années d'inflation et d'austérité, mais aussi par le sang et la vie de ses enfants. Le temps est venu, en tant qu'ouvriers, de placer nos intérêts en premier."
Le courage dont ont fait preuve les ouvriers de Türk Telekom indique la direction à suivre pour les ouvriers du monde entier. A ce titre, nous encourageons fortement nos lecteurs à lire le débat qui a eu lieu au sein d'EKS sur cette grève, débat publié sous la forme d'une série de quatre articles traduits du turc par les camarades d'EKS et publiés sur notre site [13] (1).
Françoise (3 juillet)
1) Toutes les citations d'EKS qui précédent sont tirées de ce débat.
Nous avons reçu, en Espagne, un courrier d'un camarade qui s'interroge sur la réalité de la crise écologique : "Quelle est la part de vérité dans tout cette mise en scène mondiale à propos du changement climatique ? N'y aurait-il pas des intérêts cachés ? [...] Etant donné la situation réelle de destruction du monde (Quelle est-elle ? Le savons-nous précisément ?), peut-on et doit-on continuer avec le niveau de consommation atteint par les masses ? Le système peut-il changer son modèle de production et de consommation ? Qui est, du prolétariat ou de la bourgeoisie, la classe la plus touchée par les catastrophes climatiques qui s'annoncent ? Sont-elles imminentes ?". Le camarade se demande si nous sommes face à un grave problème écologique ou si, au contraire, ce ne serait qu'une propagande de plus pour nous faire accepter les mesures d'austérité sous prétexte de "sauver la planète".
Il est tout à fait vrai que le capitalisme n'hésite pas à s'habiller en vert pour en tirer des bénéfices. Les entreprises exhibent aujourd'hui partout leur publicité "verte". Le cynisme de cette esbroufe peut d'ailleurs se vérifier par un exemple entre mille : l'entreprise espagnole d'électricité Endesa qui, dans ses publicités, se montre extrêmement respectueuse de la nature, vient d'engager au Chili un vaste plan de centrales hydroélectriques qui menace de détruire irrémédiablement les forêts, les fleuves, les lacs et les glaciers de la Patagonie chilienne (le Monde diplomatique, édition espagnole, février 2008) ! Il est aussi particulièrement répugnant de voir les tentatives que font tous les gouvernements pour nous culpabiliser. On en vient à croire que la mauvaise habitude d'aller travailler en voiture, de se doucher régulièrement, de produire des ordures, etc., serait la cause des maux environnementaux.
Mais sous cet amoncellement de propagandes ignobles, un problème réel très grave demeure tout de même : le capitalisme est en train de détruire irréversiblement la planète. Dans notre article de la Revue internationale no 104, intitulé "Seule la révolution prolétarienne sauvera l'espèce humaine", nous constations déjà que : "Tout au long des années 1990, le saccage de la planète s'est poursuivi à un rythme effréné : déforestation, érosion des sols, pollution toxique de l'air, des nappes phréatiques ou des océans, pillage des ressources naturelles fossiles, disséminations de substances chimiques ou nucléaires, destruction d'espèces animales et végétales, explosion des maladies infectieuses, enfin augmentation continue de la température moyenne à la surface du globe (7 des années les plus chaudes du millénaire se sont produites dans les années 1990)". Nous citions dans ce même article l'analyse d'un rapport de l'IPCC sur le changement climatique : "De nouvelles analyses indiquent que le xxe siècle a probablement connu le réchauffement le plus important de tous les siècles depuis mille ans dans l'hémisphère nord [...] diminution de l'épaisseur de la glace de 40 % en Arctique [...] le niveau moyen des mers s'est élevé de 10 cm à 20 cm pendant le xxe siècle [...] le rythme d'élévation des mers pendant le xxe siècle a été environ dix fois plus important que pendant les derniers trois mille ans." Notre article citait aussi la revue Manière de voir : "La capacité reproductrice et infectieuse de nombre d'insectes et rongeurs, vecteurs de parasites ou de virus, est fonction de la température et de l'humidité du milieu. Autrement dit, une hausse de la température, même modeste, donne le feu vert à l'expansion de nombreux agents pathogènes pour l'homme et l'animal. C'est ainsi que des maladies parasitaires - telles que le paludisme, les schistosomiases et la maladie du sommeil - ou des infections virales - comme la dengue, certaines encéphalites et fièvres hémorragiques - ont gagné du terrain ces dernières années. Soit elles ont fait leur réapparition dans des secteurs où elles avaient disparu, soit elles touchent à présent des régions jusque là épargnées. [...] Les projections pour l'an 2050 montrent que le paludisme menacera 3 milliards d'êtres humains. [...] Pratiquement disparu d'Amérique latine à partir de 1960, le choléra a fait 1 368 053 victimes entre 1991 et 1996".
Nous pensons donc qu'il faut répondre affirmativement aux questions que se pose le camarade sur les dangers du changement climatique. On peut aussi affirmer que les travailleurs et les masses laborieuses seront les plus affectés, mais la question est plus globale et profonde : il s'agit d'une menace de destruction pure et simple du milieu naturel dans lequel nous vivons !
Une question élémentaire se pose : quel est le rapport entre l'homme et la nature ? Dans la Dialectique de la nature, Engels précise que "l'animal utilise seulement la nature extérieure et provoque en elle des modifications par sa seule présence ; par les changements qu'il y apporte, l'homme l'amène à servir à ses fins, il la domine. Et c'est en cela que consiste la dernière différence essentielle entre l'homme et le reste des animaux" (1). Les sociétés humaines tentent d'adapter le milieu naturel à leurs besoins et d'exploiter au maximum ses richesses. Un double rapport s'est donc établi tout au long de l'histoire entre l'humanité et la nature : transformation mais aussi déprédation (c'est-à-dire un pillage entraînant la destruction). Sous les modes de production qui ont précédé le capitalisme (le communisme primitif, l'esclavagisme et le féodalisme), la nature exerçait une domination écrasante sur l'homme et la capacité de ce dernier à la modifier était très limitée. Ce rapport s'inverse radicalement avec le capitalisme. En premier lieu, les forces productives (machines, moyens de transport, les évolutions industrielles et agricoles) ont atteint une importance inédite. En second lieu, le capitalisme se répand dans le monde entier, soumettant tous les pays au pouvoir de son mode de production. Enfin, l'exploitation des recours naturels (agriculture, pêche, minerai, bétail...) devient systématique et extensive, altérant profondément les cycles et processus naturels (climat, régénération des terres cultivées, forêts, cours d'eau...). Pour la première fois, l'homme développe ainsi des forces productives qui épuisent les ressources naturelles existantes et les transforment irrémédiablement.
Cette capacité de la société humaine à transformer son milieu naturel constitue un progrès historique très important. Mais le capitalisme fait que ce progrès se manifeste fondamentalement par son côté négatif et destructeur. Les transformations réalisées par le capitalisme s'opèrent de façon chaotique et anarchique, oeuvrant dans le court terme, sans prendre en compte les conséquences à plus long terme. De plus, le capitalisme a développé les forces productives dans un carcan monstrueux : la division en classes et la concurrence féroce entre nations et entre entreprises. Il ne peut donc qu'engendrer, par nature, des dégâts sur le système écologique mondial dont les résultats catastrophiques commencent à être évidents et annoncent une perspective encore plus dramatique.
En tant que produit d'une longue évolution historique, les forces productives ont certes atteint un développement fantastique avec le capitalisme mais ce système reste profondément destructeur. Engels rappelle, dans l'œuvre précédemment citée, que "nous avons dompté les forces de la nature et les avons contraintes au service des hommes ; nous avons ainsi multiplié la production à l'infini, si bien qu'actuellement un enfant produit plus qu'autrefois cent adultes. Et quelle en est la conséquence ? Surtravail toujours croissant et misère de plus en plus grande des masses, avec, tous les dix ans, une grande débâcle". Le corps et l'esprit des travailleurs souffrent des ravages du capitalisme : destruction physique et psychologique, misère morale et matérielle, concurrence farouche, atomisation, parcellarisation extrême des capacités humaines, monstrueusement développées dans certains cas et castrées non moins monstrueusement dans d'autres. On arrive à un paradoxe terrible : "A mesure que l'humanité maîtrise la nature, l'homme semble devenir l'esclave de ses pareils ou de sa propre infamie. Même la pure lumière de la science semble ne pouvoir luire autrement que sur le fond obscur de l'ignorance. Toutes nos découvertes et tous nos progrès semblent avoir pour résultat de doter de vie intellectuelle les forces matérielles et de dégrader la vie humaine à une force matérielle" (2).
Le camarade qui nous écrit s'interroge sur la capacité du capitalisme à empêcher à temps la catastrophe qu'il a provoquée. Nous pensons que les lois et les contradictions internes du système non seulement l'empêchent d'y mettre un terme mais qu'il ne peut que l'aggraver, encore et encore. Le besoin de produire pour produire, d'accumuler pour accumuler, pousse le capitalisme à s'embourber dans des contradictions insolubles : "Aiguillonné par la compétition, par la rivalité anarchique des unités capitalistes luttant pour le contrôle des marchés, il obéit à une force interne pour s'étendre aux limites les plus lointaines possibles, et dans sa marche sans trêve vers son auto-expansion, il ne peut pas s'arrêter pour prendre en considération la santé ou le bien-être de ses producteurs, ou les conséquences écologiques de ce qu'il produit et comment il le produit" (3).
Tous ces phénomènes se retrouvent dès la naissance du capitalisme, mais ils atteignent un paroxysme durant sa période de décadence. Quand la majeure partie de la planète est incorporée au marché mondial, au début du XXe siècle, la décadence du capitalisme commence et alors "la destruction impitoyable de l'environnement par le capital prend une autre dimension et une autre qualité [...]. C'est l'époque dans laquelle toutes les nations capitalistes sont obligées de se concurrencer dans un marché mondial sursaturé ; une époque, par conséquent, d'économie de guerre permanente, avec une croissance disproportionnée de l'industrie lourde ; une époque caractérisée par l'irrationnel, le dédoublement inutile de complexes industriels dans chaque unité nationale, le pillage désespéré des ressources naturelles par chaque nation" (Revue internationale no 63).
Déjà, durant la période ascendante du capitalisme, au xixe siècle, Marx et Engels avaient, en de nombreuses occasions, dénoncé la façon dont la soif de profit de ce système empoisonnait les conditions de travail et d'existence de la classe ouvrière. Ils considéraient même que les grandes cités industrielles étaient dès cette époque devenues trop grandes pour fournir des bases de communautés humaines viables et ils considéraient "l'abolition de la séparation entre les villes et la campagne" comme une composante à part entière du programme communiste. Ce problème s'est dramatiquement aggravé pendant la décadence, période pendant laquelle nous avons vu la prolifération de mégapoles de 10 ou 20 millions d'êtres humains, qui entraînent de gigantesques problèmes de pollution, d'approvisionnement en eau, d'élimination des ordures, d'épuration des eaux résiduelles, etc., ce qui donne naissance à de nouvelles sources de destruction de l'équilibre écologique, de maladies, de malformations, etc. Mais la décadence du capitalisme ajoute aussi un autre phénomène qualitativement nouveau. Durant des siècles, l'humanité a souffert des stigmates de la guerre, mais les guerres du passé ne peuvent en rien se comparer aux guerres des xxe et xxie siècles, que les marxistes qualifient d'un terme qui reflète leur nouveauté historique : la guerre impérialiste. Ne pouvant ici approfondir ce thème (4), nous nous limiterons à signaler que ses effets sur l'environnement sont dévastateurs : destructions nucléaires, développement d'agents pathogènes à travers l'utilisation d'armes bactériologiques et chimiques, altération brutale de l'équilibre écologique par l'usage massif de combustibles fossiles et d'armements nucléaires, etc. Le solde de plus d'un siècle de guerres impérialistes sur l'environnement reste à évaluer, puisqu'il est pour l'instant nié ou radicalement sous-estimé par la bourgeoisie (5).
Les problèmes écologiques globaux demandent une solution globale. Mais en dépit de toutes les conférences internationales, en dépit de tous les vœux pieux sur la coopération internationale, le capitalisme est irréductiblement fondé sur la compétition entre des économies nationales. Nous ne pouvons rien attendre du capitalisme. Il est significatif que le livre de l'ancien vice-président des Etats-Unis, pays le plus pollueur de la planète, Al Gore, ne propose essentiellement, sous un titre apparemment "audacieux" (Une vérité qui dérange), que des mesures aussi grotesques que de manger moins de viande, laver la vaisselle à la main, d'utiliser des étendoirs pour sécher le linge ou de travailler depuis chez soi !
Face à un problème aux dimensions planétaires qui dérive, comme nous l'avons vu, du rapport entre l'organisation sociale et l'organisation de la nature, ce Monsieur ne fait que révéler l'impuissance des représentants du capital qui sont incapables de proposer autre chose qu'un catalogue de "bonnes mœurs citoyennes" aussi ridicules qu'inutiles. Al Gore nous propose "d'adopter une conduite verte irréprochable" et, en rejetant la responsabilité du désastre écologique sur le "citoyen", tente de nous rendre responsables de tous les maux de la terre pour, en fin de compte, innocenter le véritable coupable des désastres qui nous menacent.
Nous devons crier bien haut, à l'encontre d'Al Gore et autres propagandistes de la pensée "verte", cette vérité dérangeante pour le capitalisme : "Dans la phase actuelle de décomposition avancée, la classe dominante perd de plus en plus le contrôle de son système social. L'humanité ne peut plus se permettre de laisser le sort de la planète entre les mains des bourgeois. La "crise écologique" est une preuve de plus que le capitalisme doit être détruit avant qu'il n'entraîne l'ensemble du monde dans l'abîme" (Revue internationale no 63).
La révolution prolétarienne doit supprimer les Etats et les frontières nationales, éliminer la division de la société en classes, en finir avec la production marchande et l'exploitation de l'homme par l'homme, détruire le système qui conduit tant à l'anéantissement du genre humain qu'à celle de l'environnement écologique de la planète. La société à laquelle aspire le prolétariat se base sur la communauté humaine mondiale, qui planifie consciemment la production sociale et qui porte en elle un rapport harmonieux avec le milieu naturel. Les rapports de fraternité et de solidarité, de conscience collective, que contient la communauté humaine mondiale, s'étendent naturellement aux rapports avec l'environnement.
CCI (24 février 2008)
1) Engels précise aussi dans cet ouvrage que l'humanité fait partie intégrante du milieu naturel et n'est en aucun cas un élément extérieur : "Et ainsi les faits nous rappellent à chaque pas que nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger, comme quelqu'un qui serait en dehors de la nature, mais que nous lui appartenons avec notre chair, notre sang, notre cerveau, que nous sommes dans son sein et que toute notre domination sur elle réside dans l'avantage que nous avons sur l'ensemble des autres créatures de connaître ses lois et de pouvoir nous en servir judicieusement".
2) Marx, Discours lors de l'anniversaire du People's Paper, 1856.
3) Revue internationale no 63, "C'est le capitalisme qui pollue la planète" [14].
4) Lire "Qu'est-ce que l'impérialisme ?" [15] .
5) Lire par exemple "Irak, Afghanistan, Kosovo : sur les ravages des armes à l'uranium appauvri". [16]
L'article publié ici nous a été envoyé par les camarades du groupe Internasyonalismo des Philippines. Il nous montre ce que valent vraiment les larmes de crocodile que verse la classe dominante philippine, aussi bien au pouvoir que dans l'opposition, sur les souffrances de la population dues à la crise alimentaire. Cette crise est le résultat, non pas de mauvaises récoltes, mais de la soif insatiable de profit de l'économie capitaliste. Les premières victimes sont la classe ouvrière et les masses déshéritées, frappées de plein fouet par l'augmentation massive des prix des denrées alimentaires. Et ce fléau n'est pas prêt de s'arrêter puisque l'irresponsabilité cynique de la classe capitaliste détruit progressivement le système écologique dont dépend la production de nourriture de l'humanité.
L'analyse
de l'article se concentre sur le rôle de la production de
biocarburants et la dégradation des zones productrices de riz par la
surexploitation agricole. A notre avis, un point devrait être
ajouté : le rôle joué par le détournement de capitaux
spéculatifs du marché immobilier aux Etats-Unis et en Europe, vers
les marchés de biens de consommation - et, en particulier, les
futurs marchés de denrées alimentaires. Selon Jean Ziegler,
rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation,
30 % de l'augmentation peuvent être directement attribués à la
spéculation.
n'a attiré que très récemment l'attention des médias, mais c'est un phénomène qui s'est développé régulièrement depuis des décennies. Les émeutes de la faim de Haïti au Bengladesh, du Pakistan à l'Egypte, peuvent avoir amené au premier plan de l'attention mondiale l'élévation vertigineuse des prix des matières premières, mais le fait reste que c'est le résultat direct de décennies de ravages du capitalisme. Pendant un temps, les gouvernements nationaux, comme celui d'Arroyo, ont essayé d'ignorer les signes de la crise en gestation, même quand les prix du riz sur le marché public grimpaient de façon vertigineuse (jusqu'à 34 % d'augmentation par an aux Philippines).1La présidente des Philippines a même ironisé sur le fait qu'il n'y avait rien qui ne ressemblait à une pénurie de riz puisque "c'est un phénomène physique dans lequel les gens font la queue dans les rues pour acheter du riz. Voyez-vous des queues aujourd'hui ?" (2). Le monde connaît actuellement une inflation des prix des denrées alimentaires sans précédent à l'échelle mondiale, affectant en particulier les produits de base les plus importants comme le maïs, le riz et le blé. Selon la FAO (Food and Agricultural Organization des Nations-Unies), entre mars 2007 et mars 2008, les prix ont augmenté de 88 % pour les céréales, de 106 % pour les huiles et les graisses et de 48 % pour les produits laitiers. Un rapport de la Banque Mondiale souligne par ailleurs que dans les 36 mois précédant la fin février 2008, le prix global des denrées alimentaires avait augmenté de 83 % et s'attend à ce que la plupart des prix de ces denrées reste jusqu'à 2015 bien au dessus des niveaux de 2004 (3). En Thaïlande, la variété de riz la plus populaire, qui se vendait 198 dollars la tonne il y a 5 ans, a atteint un record avec plus de 1000 dollars la tonne le 24 avril 2008 (4). Le même phénomène se répète dans le monde entier. Rien qu'aux Philippines, le prix au détail du riz est passé de 60 centimes de dollar par kilo il y a un an à 72 cents le kilo aujourd'hui. Dans un pays où 68 millions de ses 98 millions d'habitants vivent avec 2 dollars par jour ou moins (5), c'est devenu un horrible cauchemar.
La crise alimentaire est le résultat inévitable de la crise permanente du capitalisme depuis la fin des années 1960. Les différentes économies nationales se battent pour rester à flot dans un monde où la concurrence est intense sur un marché mondial déjà saturé. En conséquence, les gouvernements adoptent des politiques destinées à favoriser la croissance des industries qui vont injecter plus de dollars dans leur économie plutôt que de couvrir les besoins de leur population. Avec la combinaison de l'utilisation sans limite des ressources naturelles et de la carte de la production industrielle pour le profit, qui augmente les niveaux de pollution et l'émission de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale, la recette capitaliste fournit à l'humanité les ingrédients de sa propre destruction. Dans le domaine de la production agricole, l'utilisation de produits azotés et la surexploitation des sols pour doper les productions agricoles ont détruit la productivité des centres autrefois fertiles. S'il est vrai que l'application de méthodes de culture plus élaborées au début des révolutions vertes a conduit dans le monde entier à des accroissements de productivité, nous avons vu aussi des chutes graduelles de la production agricole dans beaucoup de parties du monde. Selon un rapport de l'Institut des sciences dans la société, basée à Londres : "En Inde, le rendement en céréales par unité d'engrais utilisé a diminué des deux tiers pendant les années de la Révolution Verte. La même chose se produit partout. Entre 1970 et 2000, l'augmentation annuelle de l'emploi d'engrais pour le riz a dépassé de 3 à 40 fois l'augmentation du rendement en riz. [...] Cependant, c'est la chute absolue des rendements malgré les injections massives d'engrais qui a finalement fait éclater la bulle de la Révolution Verte. Dans les années 1990, après des augmentations spectaculaires dans les premiers temps de la Révolution Verte, les rendements ont commencé à baisser. Dans le Luzon Central (Philippines), les rendements du riz ont régulièrement augmenté pendant les années 1970, plafonné au début des années 1980 et ne font que décroître depuis. Des schémas similaires sont observés dans les systèmes de culture de riz et de blé en Inde et au Népal. [...] Depuis 2000, les rendements ont encore diminué à tel point que sur 6 des 7 dernières années, la production de blé est tombée en dessous du niveau de la consommation" (6).
La
quête du profit dans un système décadent pris dans son propre
réseau de contradictions a entraîné la destruction de la fertilité
naturelle des sols. Ils sont épuisés. S'il est vrai que
l'économie mondiale produit encore plus de nourriture que ce dont
le monde a besoin, une bonne quantité de ce qui est produit et
distribué par le commerce capitaliste mondial est détérioré avant
d'arriver sur le marché, et quand elle arrive, des millions de
gens n'ont pas de quoi l'acheter. En dernière analyse, le point
final de cette crise est la paupérisation de la classe ouvrière et
la chute de la majeure partie de l'humanité dans la pauvreté
abjecte et dans le dénuement. Mais après tout, le souci premier du
capitalisme a toujours été d'accumuler de la plus-value, jamais
de satisfaire les besoins de la société.
Selon Arturo Yap, secrétaire du Département d'Agriculture des Philippines, "nous n'avons pas une crise alimentaire mais plutôt une crise du prix du riz. Tous, nous cherchons des solutions innovatrices dans notre pays - comment résoudre non seulement la question de l'approvisionnement mais aussi celle du prix, comment arriver à ce que les familles pauvres puissent manger". Il dit qu'il y a cinq problèmes essentiels à la "crise du riz" actuelle aux Philippines que le gouvernement doit essayer de résoudre : premièrement, une demande accrue du fait de l'augmentation de la population ; deuxièmement, les effets des changements climatiques ; troisièmement, la demande de biocarburants qui a explosé ; quatrièmement, la conversion continuelle de terres agricoles en terres pour d'autres usages ; enfin, le mauvais entretien des systèmes d'irrigation. A première vue, on peut trouver valables en tant que telles les prétendues causes de "la crise du riz" aux Philippines. Mais le fait est que, derrière tout cela, il y a une vérité indéniable : le cadre réel dans lequel sont apparues toutes les raisons énumérées qui est, en dernière analyse, leur cause fondamentale - c'est bien le système capitaliste mondial de production. Premièrement, la "demande accrue du fait de l'augmentation de population" n'est rien d'autre qu'une excuse pour cacher que ce qui est produit par l'économie capitaliste mondiale est plus axé sur la production de plus-value que sur la satisfaction des besoins de l'humanité. Deuxièmement, les effets des changements climatiques sur la production agricole sont aussi le résultat direct du système de production capitaliste. Par exemple, ce n'est pas l'industrialisation en elle-même qui est responsable des changements climatiques, mais "la recherche d'un profit maximal et l'indifférence qui en découle vis-à-vis des besoins écologiques et humains" (7). Tous les Etats, y compris celui des Philippines qui reconnaît que la dégradation de l'environnement pèse lourd, sabotent la recherche de sources d'énergies alternatives, plus favorables pour l'environnement. Troisièmement, la demande croissante en biocarburants sur la production agricole est en elle-même une conséquence de la politique de tous les Etats, y compris celle du gouvernement Arroyo, qui recherche des énergies alternatives pour soulager le poids de la dépendance de leur production industrielle vis-à-vis de l'approvisionnement extérieur en pétrole. Par-dessus le marché, abaisser les dépenses en pétrole pour des "motifs sociaux" augmente aussi la capacité de chaque Etat de dépenser plus pour la production militaire et pour la guerre. Ce n'est pas tant une préoccupation pour l'environnement qui mène à la politique de développement des biocarburants, mais le besoin de chaque capital national de se rendre indépendant vis-à-vis du pétrole. Il est intéressant de noter que dès la Seconde Guerre mondiale, les biocarburants avaient déjà été utilisés dans les efforts de guerre autant par les puissances alliées que par celles de l'Axe, comme les Etats-Unis ou l'Allemagne nazie. Aux Philippines, la transformation de la production agricole selon les besoins de l'industrie des biocarburants correspond aux efforts du gouvernement philippin de produire des récoltes à plus haute valeur afin de rechercher des sources supplémentaires de revenus en dollars. Quatrièmement, la transformation continuelle de terres cultivables en parcelles, terrains de golf, complexes industriels, est aussi le résultat direct de la politique gouvernementale en matière d'agriculture, en particulier aux Philippines. Les décennies du vieux CARP (Comprehensive Agrarian Reform Program) ont été à la fois un échec et un désastre. A l'époque où l'intense concurrence capitaliste sur le marché mondial détruit la petite production agricole à cause du coût élevé des cultures et de l'endettement croissant, les fermiers sont obligés soit d'abandonner leurs terres, soit de se soumettre à des arrangements précaires en tant que cultivateurs sous contrat avec de gros consortiums, une pratique qui est celle qui prévaut dans la région de Mindanao aux Philippines (8). En ce qui concerne le problème récurrent de la négligence absolue au niveau du système d'irrigation aux Philippines, la mauvaise gestion et la corruption, du gouvernement sont une expression de la décomposition des formes idéologiques dans la décadence capitaliste, dans laquelle le "chacun pour soi" règne en maître.
Comme
on pouvait s'y attendre de la part d'un Etat bourgeois confronté
à une crise de grande ampleur au sein de la décadence capitaliste,
l'Etat philippin, avec le régime Arroyo, a répondu au problème
sous la forme d'une intervention active de l'Etat - un
changement qui est soutenu et fortement mis en avant par toutes les
formations gauchistes aux Philippines. La gauche et la droite du
capital sont unies pour brandir le slogan selon lequel il n'y a
plus que l'Etat qui puisse sauver les ouvriers et les plus pauvres
parmi les pauvres des affres de la faim et du dénuement. Elles
passent complètement sous silence le fait que l'Etat, qu'elles
encouragent à plus intervenir, est le véritable organe qui impose
la dictature bourgeoise, qui protège la source même de l'esclavage
et des souffrances - le capitalisme. En essayant d'être plus
"radicaux", en parole et en contenu, les différents courants
gauchistes font pression pour que le contrôle de l'Etat sur la
société soit absolu et agressif. La "critique" gauchiste selon
laquelle ce que ferait l'Etat ne serait pas "suffisant" -
"relever" le budget pour l'agriculture, donner des "subsides
pour le riz" aux "plus pauvres des pauvres", concurrencer les
commerçants privés en achetant et en vendant du riz - et qu'il
manque une "volonté politique", tout cela montre clairement que
les gauchistes veulent un contrôle absolu de l'Etat. Ils en
arrivent même à brandir le vieux dogme de la dictature du parti et
du totalitarisme - le contrôle complet, englobant toute la vie, de
l'Etat comme dans les pays dits "socialistes" qu'ils
soutiennent comme étant des "vestiges" de la Révolution
d'Octobre.
La gauche et la droite du capital sont unies pour mettre en avant des programmes mystificateurs qui cachent le fait qu'il n'y a pas de solution à la crise dans le cadre de ce système. Les contradictions entre les forces et les rapports de production sont déjà à leur summum. Il n'y a pas d'intervention réformiste et temporaire de l'Etat pouvant changer le fait que, quelle que soit la solution qui puisse être avancée dans le cadre du capitalisme, elle ne fera que conduire à une crise et à une destruction plus intense de l'environnement. Toute solution effective que l'Etat peut avancer ne représentera qu'un fardeau encore plus lourd pour la classe ouvrière et les masses travailleuses. Même si l'Etat exerçait un contrôle absolu sur la vie économique de la société, la crise continuerait à s'intensifier, du fait de la saturation du marché mondial et de l'incapacité de la population à absorber toute la production de biens de consommation en excès dans un système qui ne vit que de la concurrence et du profit. L'histoire a déjà prouvé que le capitalisme d'Etat et le totalitarisme sont de vaines réponses du capital confronté à une crise permanente qui s'intensifie. La chute de l'URSS et de l'Europe de l'Est dans les années 1990 en est un témoignage irréfutable.
La solution de la crise ne se trouve pas dans un système agonisant, mais en-dehors de lui. Elle est dans les mains de la seule classe révolutionnaire qui détient les germes de la future société communiste, la classe ouvrière. La solution n'est pas sur la voie du capitalisme, ni dans la voie des réformes et de la transformation pacifique du capitalisme en socialisme. La solution ne se trouve pas dans le contrôle absolu de l'Etat sur la vie économique de la société, mais dans la destruction du capitalisme lui-même et de l'Etat bourgeois qui lui sert d'appareil de domination. En d'autres termes, la solution à la crise alimentaire, c'est de détruire le système de production basé sur le profit et d'établir un système dont la production toute entière sera réalisée pour les besoins de l'humanité. La première étape dans cette direction et vers la transformation révolutionnaire de la société n'est pas la démarche réformiste des différentes organisations gauchistes, pas plus qu'elle n'est représentée par l'intervention absolutiste de l'Etat. Elle n'est pas sur la route pacifique et "légaliste" des "lakbayan" (marches de protestation) popularisées par les formations gauchistes aux Philippines. Elle n'est pas sur la route du syndicalisme non plus. Elle se trouve entre les mains de la classe ouvrière elle-même (9), qui se confronte aux attaques du capital sur son propre terrain, avec ses propres organes unitaires de lutte - les assemblées ouvrières, la préfiguration des conseils ouvriers.
Travailleurs du monde entier, unissez vous ! Ce n'est que sur ce chemin de l'unité de la classe que pourra se produire le plus haut moment inévitable du mouvement prolétarien : la révolution prolétarienne mondiale.
Internasyonalismo (7 mai 2008)
1)
Voir Environment News Service pour un rapport en anglais ou
le site des Nations-Unies pour un rapport en français
2)
Gil C. Cabacungan Jr., Mise en garde d'Arroyo sur la crise du
riz, Philippine Daily Inquirer, 24 mars 2008.
3)
Rising Food Prices : Options Politiques et Réponse de la
Banque Mondiale, page 2, (souligné par nous).
4)
"Bangkok, 24 avril - les prix du riz thaï benchmark ont fait
un bond de plus de 5 % avec un record à plus de 1000 dollars la
tonne jeudi, et les traders chez les principaux exportateurs du
monde espéraient de meilleurs gains encore si les acheteurs d'Iran
et d'Indonésie viennent sur le marché" (dépêche de
l'agence Reuters citée dans Flex News)
5)
Office national des statistiques, Le revenu familial et les
dépenses en 2006, publié le 11 janvier 2008.
6)
Beware the News
"Doubly Green Revolution", ISIS Press Release, 14/01/08.
7)
"Chaos impérialiste, désastre écologique, le capitalisme en
perdition", Revue internationale no 129.
8)
"L'association Soyapa Farms Growers emploie 360 ouvriers
contractuels, des adultes et des enfants. L'association s'est
formée à l'initiative de Stanfilco il y a six ans, quand elle a
convaincu ses membres de faire pousser des bananes. Ce n'est pas
une coopérative - chaque éleveur garde la propriété de son
lopin individuel et chacun a un contrat individuel pour vendre ses
bananes à Dole" ("La guerre de la banane aux Philippines",
8 juillet 1998, Melissa Moore sur www.foodfirst.org [18]).
9) "L'émancipation de la classe ouvrière sera l'œuvre de la classe ouvrière elle-même, la lutte pour l'émancipation des classes travailleuses ne signifie pas lutter pour des privilèges de classe et de monopoles, mais pour l'égalité des droits et des devoirs et l'abolition de toute domination de classe", Association Internationale des Travailleurs, Règles générales, octobre 1864, souligné par nous.
Links
[1] http://www.mesurespouvoirdachat.gouv.fr
[2] http://www.internationalism.org
[3] https://fr.internationalism.org/ri390/editorial_la_classe_ouvriere_multiplie_ses_combats_dans_le_monde_entier.html
[4] https://fr.internationalism.org/ri390/une_seule_classe_un_seul_combat.html
[5] https://fr.internationalism.org/ri391/pour_qui_travaillent_les_syndicats.html
[6] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[7] https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/atlas-sanctuaire
[8] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/immigration
[9] http://retrait-mesures-darcos.over-blog.com/article-20393355.html
[10] https://fr.internationalism.org/en/tag/geographique/afrique
[11] https://en.internationalism.org/icconline/2008/05/turkey-iraq
[12] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/257/turquie
[13] https://fr.internationalism.org/icconline/2008/un_debat_a_eks_sur_la_greve_a_turkish_telekom_en_turquie.html
[14] https://fr.internationalism.org/rinte63/ecologie.htm
[15] https://fr.internationalism.org/ri372/imperialisme.html
[16] https://fr.internationalism.org/ri390/sur_les_ravages_des_armes_a_l_uranium_appauvri.html
[17] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/crise-economique
[18] http://www.foodfirst.org