Depuis qu'en dépit de ses promesses électorales de la campagne présidentielle sur le pouvoir d'achat, Sarkozy a déclaré "les caisses sont vides", alors qu'il s'est octroyé une substantielle augmentation de salaire et qu'il bénéficie de vacances de luxe payées par ses amis milliardaires, sa côte de popularité s'est effondrée.
Chacune de ses initiatives provoque désormais un tollé et le fait dégringoler davantage dans les sondages. Ainsi, il a provoqué la grève la plus suivie depuis 1974 dans l'audiovisuel public en annonçant que les chaînes publiques seraient prochainement privées de leurs recettes publicitaires.
De même, il a suscité une levée de boucliers, surtout chez les parents d'élèves et les enseignants, choqués par sa décision que chaque enfant de 10 ans devrait porter dans les écoles le poids de la mémoire d'un enfant mort victime de la Shoah.
Avec son intervention ainsi que celle d'un de ses fils dans "l'affaire de l'investiture de Neuilly", il a réussi à s'aliéner une partie de son électorat de droite en agissant comme un oligarque.
A la veille des élections municipales et cantonales en France, les effets d'annonces du gouvernement se multiplient pour tenter d'enrayer cette chute de popularité du président et de prévenir une débâcle électorale du gouvernement. Alors que la gauche n'a rien à dire sur l'essentiel parce qu'elle se propose d'appliquer exactement le même programme que l'actuel gouvernement (auquel d'ailleurs participe directement nombre de ses représentants patentés), cette esbroufe masque mal de nouvelles arnaques. On veut nous faire croire que le fameux "travailler plus pour gagner plus", ça marche. En fait, le paiement majoré des "heures sup" ne concerne en grande partie qu'une minorité qui les cumulait déjà (en particulier les cadres supérieurs et les ingénieurs ).
Les "rachats de journées RTT" dans l'administration sont en fait payés moins que les heures normales. De plus, seulement 38 % des salariés du secteur privé peuvent en bénéficier.
L'augmentation des petites retraites est aussi de la poudre aux yeux : en fait la prime de 200 euros suite à la promesse de hausse de 25 % en 5 ans ne touche que 600 000 personnes qui perçoivent le "minimum vieillesse" (soit 628 euros mensuels), laissant en particulier sur la touche plus de 4 millions d'anciens travailleurs à bas salaire qui continueront à percevoir moins de 580 euros mensuels.
Les annonces de créations de 300 000 emplois en 2007 sont de la même eau : ce sont pour la plupart des emplois précaires, des temps partiels ou d'embauches dans d'éphémères "créations d'entreprise" dont moins de 10 % peuvent survivre au-delà d'une année....
Et surtout, le gouvernement signe un aveu d'impuissance sur le plan économique et social lié à l'accélération de la crise mondiale : 50 000 emplois ont été perdus en 2007. Effet de la crise financière et de la récession mondiale, les annonces de plans de licenciements se multiplient partout dans tous les secteurs, dans des entreprises de toutes tailles. Depuis le début de l'année 2008, déjà des dizaines de milliers de licenciements sont annoncés : fermetures de sites dans la sidérurgie avec Arcelor Mittal à Gandrange (où les déclarations de Sarkozy de voler à leur secours ne sont pas prises au sérieux), Chaussures Charles Jourdan à Romans, chez Flextonics à Canejan en Aquitaine, à Dax chez Sony, à Sanmina-SCI en Normandie, chez Kodak à Chalon sur Saône, l'usine Baxter à Orléans, Arkema à Marseille, l'Imprimerie Nationale en banlieue parisienne tandis que la cessation d'activité de Kléber-Michelin à Toul en Lorraine d'ici fin 2009 va entraîner la perte de 826 emplois. D'autres suppressions d'emploi sont prévues simultanément pour Sony et chez Dow Chemical en Alsace, pour SKF sur son site vendéen, pour Miko-Unilever à Saint-Dizier, chez Arc International à Arques (Nord) d'ici fin 2010 et à la même échéance l'usine Ford de Blanquefort en Aquitaine devrait de solder par une perte de 2000 emplois. Le repreneur du fabricant de jouets Smoby ayant jeté l'éponge, 1350 ouvriers se retrouvent sans emploi dans le Jura alors qu'à Alcatel Lucent, la précédente vague de licenciements n'est pas achevée et on annonce déjà une nouvelle charrette de 400 personnes sur le site de Velizy. Peugeot annonce d'autres licenciements.
Dans leurs tentatives pour minimiser la gravité de la crise, les économistes et les médias s'interrogent désormais sur la "désindustrialisation" du pays, masquant le caractère international de ce phénomène (voir l'article "Derrière la prétendue purge de l'économie, la généralisation de la misère ouvrière"). Dans les banques et les assurances, les suppressions massives d'emploi, précipitées par la crise financière mondiale commence à produire ses effets : les assurances AGF ouvrent le bal en annonçant le "sacrifice" de 1500 à 2000 emplois dans les prochains mois. Et des dizaines de milliers d'emplois sont menacés dans les banques.
Pendant ce temps, la mise en œuvre des nouvelles franchises médicales depuis le 1er janvier pèse déjà lourdement sur de nombreuses familles ouvrières.
Les prix qui continuent de s'envoler sur tous les produits alimentaires de première nécessité comme la flambée des tarifs des loyers, du gaz, de l'essence entraînent une forte dégradation du pouvoir d'achat. Malgré des statistiques trafiquées, les pouvoirs publics sont contraints d'avouer une inflation au plus haut niveau depuis 16 ans ainsi qu'une chute de la consommation des ménages de 1,2 % en janvier (pourtant en pleine période de "soldes").
L'énième "plan banlieues" (incapable d'être budgétisé) concocté par Fadela Amara et annoncé par Sarkozy à grands renforts de publicité a fait un "bide" retentissant.
Autre pétard mouillé, la plupart des 316 mesures du rapport Attali pour "moderniser et dynamiser l'économie" sont déjà enterrées car trop d'intérêts particuliers s'opposent à leur mise en œuvre.
La seule promesse tenue, c'est le renforcement de l'arsenal répressif de l'appareil d'Etat. Là-dessus, le savoir-faire en matière "sécuritaire" du président ex-ministre de l'Interieur est éclatant : durcissement de la loi contre la délinquance et développement d'une "cyberpolice".
Mais le plus grand zèle de l'Etat en ce domaine est réservé à la partie la plus démunie de la classe ouvrière : les travailleurs immigrés clandestins avec le renforcement des contrôles d'identité, les squatters délogés manu militari, et surtout l'intensification des rafles contre les travailleurs "sans papiers" arrachés à leurs familles, cueillis n'importe où, y compris à la sortie des écoles, avec la multiplication des "expulsions musclées" dont le chiffre devrait passer de 25 000 l'an dernier à 27 000 en 2008, emprisonnement de ces "clandestins" en attente d'expulsion dans des centres de rétention où ils sont traités pire que du bétail (comme à Vincennes, Palaiseau ou dans la banlieue rouennaise), provoquant à plusieurs reprises des mouvements de révolte vite réprimés...
Malgré leur vigueur, la bourgeoisie fait preuve d'une certaine "retenue" dans ses attaques, mais sitôt les municipales passées, elle leur lâchera la bride sans retenue, n'ayant plus d'échéance électorale proche dans les deux ou trois ans à venir. Elle s'apprête à taper très fort. Face à l'aggravation de la crise, la bourgeoisie n'a fondamentalement qu'une seule politique, attaquer la classe ouvrière à travers :
Réduire cette lourdeur bureaucratique baptisée "réforme" de l'Etat est devenue une des priorités du gouvernement Sarkozy - que la gauche avait naguère tenté de commencer avec le projet de réforme Sautter. Cependant, le non remplacement officiel d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux est déjà largement dépassé dans la réalité. Le gouvernement a déjà commencé à tailler dans le vif dans certains secteurs centraux avec des effets désastreux dans la Fonction publique : fusion ANPE-Unedic, suppression de tribunaux, suppression de 9000 postes dans l'Education nationale en 2008 et de 80 000, y compris d'éducateurs spécialisés, entre 2009 et 2012. De plus en plus d'enseignants sont contraints de donner des heures de travail administratif non payées et d'accepter d'enseigner deux matières ; la « refonte » en cours de l'administration fiscale avec la fusion des services des impôts et du trésor regroupés en pôle unique (DGFP : Direction générale des finances publiques), sous prétexte de simplification pour les usagers et de modernisation des services, va éliminer de nombreux postes. En échange, la négociation avalisée par une majorité de syndicats sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires est une vaste fumisterie : promesse de 0,5 point d'indice en plus en mars (aumône de 7 euros environ) et 0,3 % en octobre.
S'y ajoute la fermeture des services publics les moins "rentables" : hôpitaux, maternités, bureaux de postes tandis que la SNCF "sacrifie" ses branches les plus déficitaires avec 6000 emplois en moins dans le fret en 2008.
La conséquence majeure de cette situation est une plongée dans la misère de secteurs de plus en plus larges de la classe ouvrière à laquelle les prolétaires ne peuvent s'opposer que par un développement de la lutte de classe.
Une réelle combativité très forte s'exprime déjà à travers une prolifération de réactions ouvrières concernant aussi bien des revendications de revalorisation des salaires que des oppositions aux plans de licenciements. Ainsi, pour canaliser la colère, les syndicats ont été contraints pour la première fois le 1er février dernier une grève nationale des caissières et des employés dans la grande distribution qui a affecté toutes les grandes surfaces (Auchan, Carrefour, Centres Leclerc, Casino, Champion, Hyper U, Intermarché, Ed, Atac mais aussi Ikea, Picard, Darty, Leroy-Merlin, Monoprix...) où le salaire moyen à temps complet (entre 27 et 34 heures hebdomadaires) oscille entre 600 et 800 euros. Le conflit s'est prolongé 16 jours au Carrefour des quartiers Nord de Marseille, le syndicat majoritaire CFDT ayant appelé à une reprise du travail après des concessions dérisoires (le chèque déjeuner passant de 3,05 à 3,50 euros et quelques emplois à temps partiel de 16 heures sont prolongés de 2 ou 3 heures) alors que la revendication principale d'une prime de 250 euros n'a pas été accordée. Une grève des contrôleurs aériens contre un regroupement des sites et pour des hausses de salaire a fortement perturbé le trafic des aéroports parisiens. Dans le groupe Safran-Snecma, chez Goodyear-Dunlop, chez Whirlpool, sur le site de L'Oréal France à Clichy-la-Garenne, dans le groupe de presse Prisma, une série de grèves a eu lieu pour réclamer de meilleurs salaires comme contre la détérioration des conditions de travail.
A Toul, les ouvriers de Kléber-Michelin ont relâché deux cadres d'entreprise retenus dans l'usine pendant 5 jours en échange d'une promesse de renégociation du plan social (la plupart des syndicats acceptant une prime de départ de 2500 euros). Sitôt après, les salariés de Ford à Blanquefort se sont mis en grève à leur tour. Les ouvriers de l'Imprimerie nationale sont en grève depuis un mois pour tenter de s'opposer à la fermeture du site. Lors d'une manifestation d'un millier de personnes à Saint-Dizier contre les licenciements chez Miko, noyée dans un régionalisme interclassiste avec le "soutien" des élus locaux de toutes tendances et des petits commerçants, une tendance vers l'émergence d'une solidarité ouvrière encore fortement encadrée par les syndicats s'est exprimée à travers la présence dans le cortège de délégations venus non seulement d'autres usines appartenant au même groupe Unilever (Amora ou Knorr) mais aussi d'ouvriers de toute la région, de Michelin ou d'Arcelor confrontés aux mêmes attaques (2).
Le signe le plus tangible et le plus encourageant aujourd'hui de la maturation de ce sentiment de solidarité de classe s'exprime à travers l'hébergement de plus en plus répandue de travailleurs clandestins et de leurs familles alors que les familles d'accueil encourent 5 années de prison dans le cadre des nouvelles lois Sarkozy-Hortefeux (3).
Les prolétaires ne peuvent compter que sur leur solidarité et le développement de leurs luttes pour résister aux attaques de la bourgeoisie.
W (23 février)
1) Quand Allègre avait déclaré "il faut dégraisser le mammouth", à propos de l'Education nationale, il énonçait une nécessité pour la bourgeoisie applicable à toute la Fonction publique.
2) On est encore loin des manifestations massives de solidarité qui se sont déroulées récemment à Bochum (voir l'article "Allemagne la combativité montante de la classe ouvrière" dans RI no 387 et sur notre site Web) et qui sont clairement porteuses de cet avenir.
3) A ce sujet, la ministre de l'Intérieur Alliot-Marie a déclaré récemment sur les ondes de France-Info qu' "elle ne laisserait pas impunie la propagande subversive d'une poignée d'agitateurs gauchistes ou d'extrême gauche". Voilà une menace fort claire envers les révolutionnaires !
Avec la "crise des subprimes", la récession économique mondiale se profile nettement. De façon simultanée, sur l'ensemble du globe, des centaines de milliers de prolétaires sont brutalement frappés par la crise économique. Parmi les premières victimes, les familles expulsées de leurs maisons qui ne peuvent plus rembourser leurs prêts ou qui perdent leur emploi. En un an, aux Etats-Unis, le taux de saisies/expulsions a doublé : 200 000 procédures de saisies par mois au deuxième semestre 2007 accentuant le phénomène des "villes fantômes". Ainsi, la paupérisation galopante sollicite beaucoup plus fortement les programmes d'aide alimentaire existants (1). En plus, 27 000 licenciements sont programmés dans le secteur du bâtiment, 28 000 dans le secteur de l'agro-alimentaire. Dans le secteur automobile, 12 000 suppressions d'emploi sont envisagés pour les usines Ford ! 74 000 "départs volontaires" sont demandés pour General Motors. En 2006 déjà, le licenciement de 30 000 ouvriers payés à l'heure avait montré la détermination de la direction pour "rattraper la productivité des constructeurs asiatiques". Le plan aujourd'hui met à exécution cette même volonté afin "d'embaucher de nouveaux venus, payés trois fois moins : 25 dollars de l'heure au lieu de 75 dollars actuellement, prestations sociales comprises" (2). Il faut ajouter "la grande différence avec les plans précédents" : les ouvriers doivent "accepter de perdre leur assurance santé et leurs pensions retraite en passant les portes de l'usine".3 Les licenciements se multiplient dans l'industrie manufacturière, le commerce de détail, etc. Il est clair que l'hécatombe va suivre dans le secteur des services. Dans la finance mondiale, 26 000 licenciements sont déjà prévus, touchant des temples comme HSBC, UBS. Citigroup prévoit entre 17 000 et 24 000 licenciements !
Aujourd'hui, ce choc frontal lié à la crise ne peut plus être uniquement reporté à la périphérie du capitalisme, dans les pays pauvres. C'est maintenant le cœur du système capitaliste et son prolétariat le plus concentré au monde qui est touché. En Europe, dans un pays comme l'Allemagne, dont on vante pourtant la performance des exportations et le dynamisme des entreprises, les charrettes de licenciements se multiplient : à la Deutsche Telekom, 35 000 licenciements sont prévus d'ici fin 2008. Chez BMW, 8000 emplois doivent être supprimés pour des questions de "rentabilité". Idem chez Siemens qui prévoit de jeter à la rue 3000 employés de sa division Enterprise Network (SEN). L'opérateur Nokia s'apprête à déménager en Roumanie avec une main d'œuvre bien meilleur marché. Ailleurs aussi, dans le secteur des télécommunications, l'entreprise néerlandaise KPN prévoit de supprimer 2000 postes qui s'ajouteront aux 8000 prévus par un plan divulgué en 2005. En France, outre les 23 000 suppressions de postes programmées dans la fonction publique et les collectivités locales, 18 000 licenciements chez Peugeot seront étalés jusqu'en 2010. Une myriade de faillites d'entreprises entraîne d'ores et déjà des licenciements secs, en particulier pour les ouvriers les plus vulnérables que sont les travailleurs immigrés en situation irrégulière, sans papiers, mais "légalement" employés dans les secteurs du BTP, la restauration, l'électronique... Ce désastre, qui n'en est qu'à ses débuts, touche tous les autres pays en Europe et le reste du monde. Même dans ce qu'on nous présente comme le nouvel El Dorado, la Chine, la contraction du marché mondial entraîne de nombreuses faillites et licenciements (4).
Il n'y a pas d'illusions à se faire, la paupérisation s'accélère partout ! Ce qui nous est présenté par la bourgeoisie comme des "dégraissages" et selon certains économistes une "purge salutaire" n'est en réalité qu'une des expressions les plus significatives de la faillite du système capitaliste.
WH (23 février)
1) Pour les enfants, « Kids Café » distribue davantage de repas dans 18 comtés. Dans l'Etat de New York, les soupes populaires connaissent une hausse de 24 % en un an.
2) Libération du 23 février 2008.
3) Idem.
4) Pour s'adapter, "depuis le premier janvier 2008, la Chine applique un nouveau droit du travail dont l'arrivée provoque depuis des mois des licenciements massifs". Dans le sud de la Chine (Shenzhen), une entreprise sur 10 est amenée à fermer dans cette mégalopole industrielle. Voir le site Internet WWW.lagrandeepoque.com
Au Tchad, fin janvier et début février, des groupes armés "rebelles" ont tenté de renverser le régime du président Idriss Déby. Résultat : plusieurs milliers de morts et des dizaines de milliers de personnes fuyant les combats pour le Cameroun où elles n'ont rien trouvé d'autre que des camps de la misère, sans eau ni nourriture. Aujourd'hui, avec la défaite des rebelles repoussés aux confins du Soudan, le pays est livré à la vindicte de la soldatesque d'Idriss Déby, profitant de sa "victoire" pour mener une chasse aux sorcières qui frappe les opposants officiels à son régime mais aussi tous ceux qui ont eu le malheur de se plaindre de leur sort. Une bonne partie des quelque 700 000 habitants de la capitale N'Djamena avait suivi le mot d'ordre des rebelles qui les invitaient à fuir avant le déclenchement de la vague d'attaques et cette "lâcheté" se fera payer très cher par les forces de répression tchadiennes.
Mais l'armée du président tchadien et les "rebelles" ne sont pas seuls à s'affronter et à porter la responsabilité de tous ces massacres. Une fois encore, nombreuses sont les puissances impérialistes, petites ou grandes, à être rentrées dans cette danse macabre.
Pendant le déroulement des opérations militaires, Paris s'est efforcé de cacher sa participation directe dans la boucherie. C'est ainsi qu'on a pu entendre Kouchner et Sarkozy dire : "Nous n'avons pas à participer aux combats" et "Nous espérons ne pas avoir à intervenir plus en avant militairement" pour finir par ajouter tout de même : "Si la France doit faire son devoir, elle le fera". A les en croire, la France ne serait donc pas encore impliquée militairement dans cette affaire, mais si la défense de la démocratie l'exige (puisque Idriss Déby a été élu), elle est prête à défendre le régime légitimement en place. Quel cynisme ! La bourgeoisie fait la guerre, déclenche les plus abominables horreurs, massacre à tour de bras, et cela toujours au nom de la paix, de la démocratie, de l'humanitaire... Actuellement déjà, au Darfour, région frontalière du Tchad, l'Eufor est déployée avec 3700 hommes dont les deux tiers sont des éléments de l'armée française. Pourquoi ? Officiellement, pour "protéger" les populations, "pour accentuer la coopération des forces de paix et prêter main forte" aux forces de l'Union africaine.
Kouchner et Sarkozy peuvent bien déclarer "Nous n'avons pas à participer aux combats", l'armée française est déjà sur place, et en action. Son implication est d'une telle évidence que même les médias ne peuvent la cacher : "Nicolas Sarkozy (...) a engagé dans les combats des officiers d'état-major, le premier février, et des éléments du Commandement des opérations spéciales (COS), le 2. (...) Le 6 février, le ministre de la Défense, Hervé Morin, s'est rendu à N'Djamena pour réitérer le "soutien sans faille" de la France au président Déby, et, pour que chacun comprenne le message, il s'est fait photographier l'œil dans le viseur d'une arme automatique" (1). Il y a un peu plus d'un an, fin 2006, la France était déjà intervenue militairement pour sauver le régime tchadien en utilisant chars, aviation et quelques 2000 soldats. L'affrontement contre les rebelles s'était soldé par quelques milliers de morts dans la population. Cette fois-ci encore, le gouvernement français a donc utilisé son dispositif militaire sur place pour soutenir son pion tchadien. Sur toutes les chaînes télévisées françaises, au 20 h, tout le monde a pu voir ces images de l'évacuation des ressortissants étrangers à partir de l'aéroport de N'Djamena tourner en boucle. Le message était clairement propagandiste : "Oh, regardez notre belle et noble armée française sauvant des vies en sécurisant l'aéroport et en organisant l'évacuation !". Les journalistes en ont d'ailleurs fait des tonnes sur le sauvetage des ressortissants non français, pour bien montrer l'altruisme de la république tricolore. Mais là encore, la "protection", le "sauvetage des vies" n'ont été que des excuses infâmes. Sécuriser cet aéroport a surtout permis aux avions du pouvoir tchadien de décoller pour aller bombarder les rebelles et, en passant, raser des villages. Des mirages de l'armée française décollaient eux aussi de cet aéroport, non pour bombarder mais pour repérer les colonnes rebelles et indiquer leur présence à l'armée tchadienne. L'hypocrisie de la bourgeoisie n'a pas de limite (2).
Ce nouvel avatar de la guerre au Tchad n'a rien d'étonnant. Cette région est depuis des décennies convoitée et tiraillée par les grandes puissances impérialistes.
Dans les années 1980, par exemple, c'est Hissène Habré qui était soutenu par la France pour le compte du bloc américain. Qu'on se souvienne des opérations Manta mises au point par Mitterrand au profit des Etats-Unis afin de contenir la pression de la Libye, considérée à l'époque comme oeuvrant pour le compte de l'impérialisme russe. Comme l'avoue le Monde (du 17 avril 2006) : "Si la France maintient une forte présence militaire au Tchad (1350 soldats, 6 avions de chasse Mirage et 3 hélicoptères), c'est pour des raisons historiques, stratégiques et diplomatiques. (...) Depuis l'indépendance en 1960, tous les présidents tchadiens, de François Tombalbaye au général Maloum, d'Hissène Habré à Idriss Déby, ont entretenu des rapports étroits avec Paris".
Le soutien diplomatique et militaire actuel à Idriss Déby n'a donc rien à voir, ni de près ni de loin, avec une quelconque défense de la démocratie. La France soutien simplement son homme de main sur place et, encore une fois, c'est tellement gros que les médias sont obligés de lâcher le morceau : "Idriss Déby a pris le pouvoir par les armes en décembre 1990. Il venait de Libye et du Darfour et avait bénéficié de l'aide militaire française pour chasser Hissène Habré, devenu embarrassant. Il a persisté dans son être présidentiel jusqu'à aujourd'hui à grand renfort de combats, répression, de fraudes électorales, de manipulations constitutionnelles. (...) il a néanmoins joui du "soutien sans faille" de la part de la France" (3).
Ce "soutien sans faille" de la bourgeoisie française est aujourd'hui d'autant plus nécessaire que le Tchad se trouve au cœur d'appétits impérialistes de plus en plus aiguisés. Parmi les concurrents de l'Etat français, on trouve la Libye de Kadhafi, le "nouvel ami" de Sarkozy, qui arme et finance tout le monde (le régime et ses opposants) et dont le but fondamental est de récupérer la place de Paris. Mais il y a aussi, évidemment, les Etats-Unis dont les sociétés exploitent le pétrole tchadien au détriment de la société française Total et qui soutiennent en sous-main certaines fractions de rebelles. Ou encore, prouvant que petites ou grandes, toutes les nations sont impérialistes, il y a le Soudan (soutenu par la Chine) et les groupes qui arment les "rebelles" tchadiens en vue de renverser le pouvoir en place de Déby, lequel, de son côté, arme et finance les "rebelles" soudanais dont les exactions ravagent le Darfour ! C'est cette mosaïque de cliques et de charognards qui se disputent le contrôle du Tchad et des pays environnants. C'est pour cette raison que ces criminels mettent toute la région à feu et à sang. Trois conflits ravagent actuellement cette région du monde : au Tchad, en Centrafrique et au Darfour !
Toutes ces bourgeoisies ne sont que des charognards. En treillis en Afrique ou en costume trois-pièces à Paris ou Washington, bien léchée et présentable, la bourgeoisie reste une classe sanguinaire et va-t-en-guerre dont l'inhumanité n'a d'égale que l'hypocrisie et le cynisme. Soyons-sûrs qu'aucun de ces serial-killers impérialistes ne baissera les bras et que la population de cette région du monde va continuer de voir s'accroître l'insécurité et le chaos. Les médias peuvent bien nous abreuver de discours lénifiants voulant nous faire croire qu'ils font tout pour défendre la "paix", plus la bourgeoisie parle de paix et d'humanitaire, plus elle fait la guerre et massacre.
Amina (15 février)
1) Jean-François Bayart, Directeur de recherche au CNRS, le Monde du 13 février 2008.
2) D'ailleurs, le rôle de la bourgeoisie française a été à ce point déterminant dans le sauvetage d'Idriss Déby que celui-ci a immédiatement annoncé qu'il allait réfléchir à une grâce éventuelle des prisonniers de l'association l'Arche de Zoé. Ce fait divers, aussi, révèle à sa façon tout le cynisme et toute l'hypocrisie dont la bourgeoisie est capable. Cette proposition de grâce montre bien que tous les discours tchadiens ou français sur la légitimité ou non de l'action humanitaire de cette association étaient du vent. Les membres de l'Arche de Zoé n'ont été que des pions, depuis le début. Ponctuellement, Idriss Déby a voulu jouer les gros bras. En faisant arrêter ces humanitaires, il montrait qu'il était indépendant, « maître chez soi ». Mais ses difficultés face aux rebelles l'ont rattrapé ; le soutien de l'armée française lui est devenu vital. D'où cette proposition de grâce en signe de reconnaissance... et de soumission. Dans ce jeu d'otages et de chantage, Déby et Sarkozy, ces éminents représentants de la classe dominante, étalent ici leurs mœurs crapuleuses dignes du plus minable des mafieux.
3) Jean-François Bayart, op. cit.
Depuis plus d'un mois, la bande de Gaza, où survivent 1 500 000 Palestiniens, est soumise à un nouveau blocus israélien, après celui de l'été dernier. Ecrasée par la terreur, la population subit les bombardements aveugles et les incursions quotidiennes de l'armée israélienne (1), pilonnant les champs encore cultivés, tandis qu'à ces attaques répondent les tirs incessants de roquettes des militants du Hamas sur la ville israélienne de Sderot. A la mort violente et brutale s'ajoute une mort à petit feu par la faim, la soif et les maladies. On dénombre ainsi chaque semaine des dizaines de morts et bien plus de blessés graves, tandis que la pire misère grandit.
L'électricité, dont l'approvisionnement est tenu par Israël, est fréquemment coupée, rendant la vie quotidienne intenable et entravant toute l'activité économique comme celle des hôpitaux dépourvus de médicaments et d'équipements et où les décès se multiplient faute de soins appropriés. Il en est de même pour l'essence, dont le manque chronique provoque l'arrêt des générateurs. En juillet dernier, 3190 entreprises avaient été fermées, faisant monter le taux de chômage à plus de 60 %. Aujourd'hui, il a grimpé à 70 % de la population. En 2006, 57 % des familles de la bande de Gaza percevaient un revenu au-dessous du seuil de pauvreté. Qu'en-est-il alors à présent ? On parlait en juillet 2007 de 90 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté et dépendant uniquement de la farine fournie par l'UNRWA (pilotée par l'ONU) et le PAM (Programme alimentaire mondial), c'est-à-dire la misérable aumône de la bourgeoisie internationale.
L'accès à l'eau est non seulement de plus en plus rare mais risque de provoquer une véritable catastrophe sanitaire, alors que 150 des médicaments de base pour soigner ne sont plus disponibles et que les réserves en traitements fondent rapidement. En effet, l'utilisation de l'eau par la culture intensive israélienne provient pour 65 % depuis des décennies des nappes profondes de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, du Jourdain et du Golan anciennement syrien, bouleversant totalement l'équilibre hydrographique. A Gaza, outre le fait que le mur israélien au sein du territoire suit le tracé des bassins aquifères pour en interdire l'accès aux Palestiniens, les pompages ont eu pour résultat que l'eau de mer s'est infiltrée dans la nappe phréatique de la côte. Aussi, 90 % de l'eau des robinets est de l'eau salée. Pire encore, dans le Nord du territoire, il n'y a plus de séparation entre les nappes aquifères et les eaux usées, contraignant la population à boire cette mixture propageant de nombreuses maladies, surtout chez les enfants.
La bande de Gaza est transformée en une monstrueuse prison sans espoir, dans laquelle l'inhumanité est le maître-mot. Quel spectacle poignant et révoltant que de voir ces centaines de milliers de Palestiniens traverser fin janvier comme des voleurs la frontière égyptienne, dans la confusion la plus totale, afin d'emmagasiner tout ce qu'ils pouvaient, de la nourriture à l'essence en passant par des mini-motos ! Et quelle écœurante tragédie que de les voir refoulés sous les coups de matraque et les menaces armes au poing des forces de l'ordre égyptiennes, reconstruisant à la hâte le mur qui le protège de ces parias de l'humanité.
Ce nouvel épisode du conflit israélo-palestinien s'inscrit dans la lutte à mort engagée par Tel Aviv contre le Hamas depuis sa victoire aux élections palestiniennes de juin dernier. La non reconnaissance par ce groupe islamique radical de l'Etat d'Israël est le prétexte pour justifier cette pression accrue sur la population palestinienne qu'il prétend vouloir ainsi pousser à rejeter la clique sanguinaire du Hamas.
Face à une telle horreur, que fait la bourgeoisie internationale ? Rien ! L'ONU, pourtant toujours prompte à voter des résolutions grandiloquentes, n'a même pas été capable de se mettre d'accord sur la rédaction d'un texte minimum. Et pour cause ! Car ce sont tous les rapaces impérialistes qui y siègent qui sont responsables de la tragédie actuelle dans les territoires occupés.
Ce n'est nullement le sort de la population palestinienne qui les préoccupe. Ainsi par exemple, lorsque Kouchner déclare cyniquement qu'il "faut redonner la confiance aux Palestiniens", après avoir clamé l'été dernier qu'il avait "confiance", et qu'il suffisait "qu'Israéliens et Palestiniens apprennent à se connaître", il vient profiter de l'horreur que vivent les Palestiniens pour vendre sa camelote de représentant des intérêts impérialistes français au nom de "l'humanitaire".
L'accélération de la situation actuelle au Proche-Orient est le produit direct de la fameuse "feuille de route" de Georges Bush censée amener la "paix" et la "stabilité". Elle n'a apporté que plus de désolation. Une fois encore s'affirme le fait que plus la bourgeoisie nous parlent de paix et plus elle développe la guerre, que le sort fait aujourd'hui aux populations palestiniennes est celui qu'elle réserve à l'humanité toute entière.
Wilma (22 février)
1) Les bombardements sont d'ailleurs tout aussi actifs en Cisjordanie.
Pour ce faire, elle a sorti son "arme fatale" : la très emblématique figure de Che Guevara. Lors de son dernier congrès, cette organisation trotskiste lui a rendu un hommage particulièrement appuyé, la traditionnelle banderole à l'effigie de Léon Trotski ayant même été remplacée pour l'occasion par le célèbre portrait du "Che" (1). Véritable experte de la communication et du marketing, la LCR a parallèlement lancé sur le marché un nouveau livre, déjà en passe de devenir un best-seller, à la gloire de sa nouvelle icône : Che Guevara, une braise qui brûle encore (Ed. Mille et une nuits).
Olivier Besancenot (co-rédacteur de l'ouvrage avec M. Löwy, un spécialiste de l'Amérique latine), s'est efforcé de tisser autour de Guevara une auréole révolutionnaire, n'hésitant pas à le présenter comme l'un des plus fermes opposants au stalinisme. Il affirme ainsi sans détour qu'"il rompt radicalement avec la version orthodoxe et glaciale du ‘socialisme réel' des pays de l'Est". Mais cette rupture avec l'orthodoxie soviétique, cette image de pur révolutionnaire luttant cœur et âme pour la classe ouvrière correspond-elle à la réalité ?... Tout ceci n'est-il pas un mythe, un mensonge (2) ? Besancenot et Löwy (B&L), tout au long de leur livre, dressent-ils un portrait fidèle de ce que furent réellement Che Guevara et sa politique ?
La première vertu dont B&L drapent leur héros est celle de l'internationalisme prolétarien. Rien de moins. Depuis 1848 et le Manifeste du Parti communiste, l'un des cris de ralliements le plus puissant et le plus beau de la classe ouvrière est sans nul doute "Les prolétaires n'ont pas de patrie. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !". Durant la Première Guerre mondiale, le rejet de tout nationalisme, le refus de tout embrigadement impérialiste et la défense intransigeante du drapeau internationaliste fut le combat héroïque de Lénine, Trotski, Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht... Pour B&L, aux côtés de ces grands révolutionnaires, se trouverait Che Guevara : "Pour le Che, l'internationalisme révolutionnaire n'était pas un sujet édifiant pour discours du Premier Mai. Comme pour les fondateurs de l'Internationale communiste en 1919, il était à la fois mode de vie, idéal suprême, foi séculaire, impératif catégorique et patrie spirituelle" ou encore "la pensée du Che signifie un retour aux sources, à l'Internationale communiste des premières années (1919-1924), avant qu'elle ne devienne peu à peu un instrument au service de la politique extérieure de l'URSS de Staline". En apparence, en effet, quel meilleur exemple d'internationalisme qu'un Argentin risquant sa vie à Cuba, au Congo puis en Bolivie ? Che Guevara serait donc un internationaliste, un vrai, et un opposant à "la politique extérieure de l'URSS de Staline"...
B&L prétendent étayer leurs louanges d'exemples concrets. Ce qu'ils portent aux nues, c'est cela : "Le Che laisse à l'Histoire l'empreinte de celui qui aura dénoncé l'indifférence de Moscou aux luttes de libération nationales qui cherchaient à soustraire leur pays de la domination capitaliste". Ils applaudissent le Che quand il parle de "la solitude du peuple vietnamien" et qu'il appelle à créer "deux, trois, plusieurs Vietnams" ! Nous y voilà... voici quel visage a l'internationalisme, ce "mode de vie, idéal suprême, foi séculaire, impératif catégorique et patrie spirituelle" de Guevara... et de Besancenot : créer "deux, trois, plusieurs Vietnams" ! Contrairement à toute cette propagande nationaliste et nauséabonde, le peuple vietnamien n'était pas "seul" : il y avait plutôt trop de monde autour de lui ! Il était l'enjeu de la lutte impérialiste entre les deux blocs, pris dans l'étau implacable des massacres de la Guerre froide. D'un côté, il y avait les bombardements de l'aviation américaine et la brutalité des GI's. De l'autre, il y a avait les armées de "libération nationale", soutenues directement par les impérialismes russe et chinois. Et au milieu, le "peuple vietnamien" crevant la bouche ouverte, qui était bien loin de souffrir de "solitude". Pour B&L, et derrière eux toute la LCR, "le Che laisse à l'Histoire l'empreinte de celui qui aura dénoncé l'indifférence de Moscou aux luttes de libération nationale" alors qu'en réalité, il n'y a pas eu la moindre "indifférence" de la part du régime stalinien, au Vietnam comme ailleurs. De l'Asie à l'Afrique, le bloc impérialiste soviétique a soutenu, politiquement et militairement, toute lutte qui pouvait faire basculer une partie du monde vers lui (surtout à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la Guerre de Corée).
D'ailleurs, que couvre cette critique de "l'indifférence de Moscou" ? B&L y sous-entendent de façon à peine voilée que l'URSS avait encore dans les années 1950, 60 et 70 un rôle positif à jouer dans "la défense des peuples" ? Nous retrouvons ici ce mensonge trotskiste selon lequel l'URSS était un "État ouvrier dégénéré", ce qui veut dire que, même "dégénéré", il devait être soutenu de façon "critique" ainsi que ses aventures impérialistes. L'URSS n'a jamais été un "Etat ouvrier dégénéré". Le stalinisme fut le fossoyeur de la Révolution d'Octobre 1917. A la fin des années 1920, la contre-révolution triompha, la bourgeoisie reprit le pouvoir de "l'intérieur", massacrant au passage tous les bolcheviks restés fidèles à la cause prolétarienne, dont Trotski. L'URSS devint dès lors une puissance capitaliste sous la forme d'un capitalisme d'État particulièrement brutal et archaïque. Après la Seconde Guerre mondiale, l'Union soviétique devint même une grande puissance impérialiste rivale directe du bloc américain.
Il n'y a pas une ombre d'internationalisme chez Che Guevara, pas plus qu'à la LCR d'ailleurs qui a pendant des décennies servi de rabatteur à toutes les causes de "libération nationale" dans le monde au service du camp impérialiste russe. Besancenot salue le Che car il y retrouve la même idéologie frelatée : le nationalisme et le "soutien critique" (mais soutien quand même) à la patrie soi-disant prolétarienne, l'URSS.
Cet internationalisme de Che Guevara vanté par B&L n'est donc qu'une fumisterie, un grossier mensonge. "L'internationalisme prolétarien" n'est que du verbiage enrobant des références permanentes à "l'amour de la patrie". Guevara ne signait-il pas tous ses textes par ce sinistre mot d'ordre castriste : "la patrie ou la mort" ? Ce nationalisme viscéral a imprégné toute son "œuvre politique" ; toute sa vie et son combat furent guidés par les intérêts de ce qu'il nommait la "grande patrie".
En 1967, Che Guevara envoya son fameux Message à la Tricontinentale dans lequel apparaît précisément cette idéologie nationaliste de la "grande patrie" : "Sur ce continent, on parle pratiquement la même langue, sauf le cas exceptionnel du Brésil, mais le peuple de ce pays peut parfaitement se faire comprendre avec ceux de langue hispanique, tellement les deux langues sont proches. Il y a une telle identité entre les classes de ces pays qu'ils arrivent à s'identifier dans une "internationale latino-américaine" (3), bien plus parfaite que sur d'autres continents. Ils sont unis par la langue, les coutumes, la religion, le maître commun (4). Le degré et les formes d'exploitation sont similaires dans leurs effets pour les exploiteurs et les exploités d'une grande partie des pays de notre Amérique. Et la révolte est en train de mûrir d'une façon accélérée chez elle." Et B&L osent faire passer ce "Message" pour un "grand événement internationaliste" ! Pour Guevara, il fallait mener une lutte à mort non pas contre la bourgeoisie dans son ensemble, en tant que classe, mais contre un pays, les Etats-Unis (5). Faire croire que cette lutte à mort contre les Etats-Unis, autrement dit contre "l'autre bloc", c'est de "l'internationalisme", que ce serait un retour aux origines de l'Internationale communiste de 1919 est une des pires escroqueries vendues par le livre de B & L.
Il est vrai que depuis le xixe siècle, pratiquement depuis l'accession à l'indépendance des Etats d'Amérique latine, les Etats-Unis n'ont cessé de considérer "l'autre" Amérique comme leur arrière-cour. Depuis le 19e siècle, les Etats-Unis ont maintenu une ingérence permanente vis-à-vis de leurs voisins du Sud. Il serait trop long de recenser tous les débarquements, les renversements, la mainmise de toute sorte des Etats-Unis en Amérique latine. Cela a créé un terreau irrigué de "frustrations nationales" qui a nourri une haine anti-américaine permanente au sein de larges fractions de la petite bourgeoisie de beaucoup de pays latino-américains, la grande bourgeoisie étant la plupart du temps liée aux intérêts de la grande puissance. La contre-révolution stalinienne s'est abreuvée de ces frustrations nationales pour embrigader le mouvement ouvrier latino-américain, en fomentant, entre autres, le mythe de la "grande patrie". Aujourd'hui, après la chute du mur de Berlin et la disparition du bloc stalinien, cette idéologie de la "grande patrie" reste la référence pour tous les idéologues du capitalisme d'Etat : de la fumeuse idéologie bolivarienne au "socialisme du 20e siècle" du président vénézuélien Chavez, le tout saupoudré d'une critique du néo-libéralisme ("l'adversaire commun", selon B&L)
Ceux qui se réclament aujourd'hui du Che arborent des affiches avec Chavez, Castro et Morales surmontées du slogan "Ensemble pour la grande patrie". Cette grande patrie, que Guevara en son temps et les trotskistes de la LCR maintenant, essayent de faire passer pour de "l'internationalisme" est un mélange de "revendications culturelles et linguistiques", parfois "hispaniques ou latines" (surtout anti-anglosaxonne) parfois, au contraire, "indigéniste"..., bref, un pot-pourri saupoudré de romantisme à quatre sous, qui n'a qu'un seul moteur : une haine inextinguible envers les Etats-Unis, une haine nationaliste que le Che exprime dans ce même Message à la Tricontinentale : "Au moment d'envisager la destruction de l'impérialisme, il faut identifier sa tête, autrement dit les Etats-Unis d'Amérique: (...) le grand ennemi du genre humain. (...) La plus grande leçon de l'invincibilité de la guérilla auprès des dépossédés : la galvanisation de l'esprit national (...). La haine comme facteur de lutte, la haine intransigeante de l'ennemi qui transforme l'être humain en machine à tuer efficace, violente, sélective et froide" (6).
"Il est sans doute vrai que le Che sous-estime, par exemple, le rôle des villes en survalorisant la place politique de la paysannerie. Il ne dénigre pourtant pas les combats ouvriers, loin de là" (p. 95). Si les auteurs de la LCR se sentent obligés de dire une chose aussi étonnante selon laquelle le "Che" "ne méprisait pas les combats ouvriers", c'est parce que, de fait, pour Guevara, la classe ouvrière n'était qu'un pion dans sa vision de prise du pouvoir. Une des caractéristiques des avatars de la contre-révolution stalinienne a été l'extrême méfiance vis-à-vis de la classe ouvrière, qui n'est d'ailleurs plus considérée comme la classe porteuse de la révolution. Tous les avatars du stalinisme, du maoïsme au castrisme, ont misé sur une mythique paysannerie révolutionnaire, une paysannerie qui (de même que les groupes "indigènes") ne leur sert que de masse de manœuvre et de chair à canon.
Pour les idéologues du "foquisme" (7), comme les auteurs de la LCR le disent, "la guérilla est un moyen de déclencher un mouvement large et majoritaire". En fait, la guérilla n'était pas l'initiateur d'un mouvement, mais le mouvement lui-même. Les deux auteurs de la LCR nous disent que la "grève générale insurrectionnelle du 1er janvier 1959 a porté un coup de grâce à la dictature qu'aucune victoire militaire n'aurait su remplacer. Le Che le sait et s'inscrit, à ce niveau, dans la vieille tradition du mouvement ouvrier qui accorde à la grève générale insurrectionnelle une portée stratégique cruciale dans la prise du pouvoir par le peuple : ‘un facteur primordial de la guerre civile', la prise du pouvoir représente, donc, chez Guevara, une étape nécessaire qu'il ne s'agit pas d'entreprendre comme un coup de force, mais bien à partir d'un large mouvement révolutionnaire majoritaire, suscité dans les zones rurales et aussi dans les villes, à partir de l'activité armée par la guérilla".
Derrière ce langage se cache le fait que la classe ouvrière n'a été qu'une masse de manœuvre supplétive pour la guérilla nationaliste de Castro, et la "grève générale insurrectionnelle" qu'un moyen de plus pour que triomphe le véritable moteur de l'insurrection nationaliste, c'est-à-dire la guérilla elle-même. C'est d'ailleurs l'organisation militaire et l'armée qui forment la véritable colonne vertébrale du régime castriste et du parti stalinien.
Un des thèmes préférés de l'admiration de la LCR pour le Che, c'est la critique que celui-ci aurait fait de la "bureaucratie" soviétique. B&L parlent de la "guerre du Che contre le bureaucratisme". Pendant des années, quand un stalinien ou un gauchiste voulait un tant soit peu se démarquer du système régnant en URSS, il avait recours à la tarte à la crème de la "critique de la bureaucratie". Pour la LCR, l'URSS et son camp n'étaient pas capitalistes, mais dirigés par une "couche bureaucratique", formule vide de sens qui ne servait qu'à justifier finalement leur "soutien critique". Il s'agit de faire croire que Guevara, ce responsable de l'Etat cubain, ministre de l'Industrie, prenait des risques contre l'appareil quand il chargeait la bureaucratie. Son texte Contre le bureaucratisme (1963) peut se résumer ainsi : il faut changer les méthodes d'administration léguées par la guérilla et les remplacer par une organisation où il faut "inculquer l'intérêt chez les employés, éliminer les parasites" en redonnant "une grande impulsion patriotique et nationale pour résister à l'impérialisme qui a étreint l'immense majorité du peuple cubain,et chaque travailleur est devenu un soldat de l'économie prêt à résoudre n'importe quel problème."
Autrement dit, il s'agissait de passer de l'administration "artisanale" de la guérilla à une administration de type militaire avec élan patriotique incorporé.
Souvent, ce genre d'argument de lutte contre la bureaucratie est utilisé par le sommet de l'Etat pour se débarrasser des éléments intermédiaires ou faire pression sur eux pour les contraindre à mener la politique de la clique au pouvoir. Ce fut, par exemple, la tactique utilisée par Mao Tse Toung dans sa "Révolution culturelle" en Chine. La clique au pouvoir impose son ordre et ses intérêts par cette "lutte contre la bureaucratie" : toutes les fractions bourgeoises doivent obéir à une seule clique, en particulier à son chef. C'est pourquoi elle a toujours comme corollaire le culte du chef. Et ici, Guevara est devenu un véritable champion, portant le culte de la personnalité vis-à-vis du "lider máximo", Fidel Castro, à son paroxysme. Celui-ci est pour Guevara l'exemple, le modèle permanent, la source d'inspiration :
"La masse, (...) suit sans hésiter ses dirigeants, surtout Fidel Castro..." "Si on regarde les choses superficiellement, on pourrait penser que ceux qui parlent de soumission de l'individu à l'Etat ont raison, mais les masses réalisent avec enthousiasme et discipline sans égal, les tâches que le gouvernement établit, qu'elles soient économiques, culturelles, de défense ou sportives... L'initiative vient en général de Fidel ou du haut commandement de la Révolution et elle est expliquée au peuple qui la fait sienne" (Le socialisme et l'homme à Cuba, 1965).
Pour justifier cette revendication de Guevara, un des chapitres du livre de B&L s'attache à retrouver des traces des "penchants trotskistes" de ce personnage. Il y a un coté pitoyable et pathétique dans cette recherche d'un Guevara trotskisant. Il aurait eu par exemple dans son barda en Bolivie un exemplaire de la Révolution russe. Dans leur soutien critique au stalinisme, les trotskistes n'ont jamais pu éviter le masochisme (8). Il suffit de lire ses déclarations à des journalistes en 1961 en Uruguay pour se rendre compte des sentiments tout à fait staliniens que Guevara portait en réalité aux trotskistes :
"Journaliste : Dr. Guevara, pourriez-vous nous dire pourquoi on a enlevé aux trotskistes cubains tous leurs moyens d'expression, pourquoi on leur a confisqué leur imprimerie ?
Guevara : Les trotskistes ? Ecoutez, il y a eu une petite imprimerie qui publiait un hebdomadaire qui a eu quelques problèmes avec nous". Et il persifle : "Nous avons pris quelques mesures administratives, parce qu'il n'avaient pas de papier, ni la permission pour en utiliser, ni imprimerie, ni rien du tout ; et, tout simplement, nous avons décidé qu'il n'était pas prudent que le trotskisme continue à appeler à la subversion".
Après, Guevara, méprisant, évoque une possible connivence entre le trotskisme et Batista (9), faisant une obscure référence à une grève aventuriste dont Batista était au courant et à cause de laquelle "beaucoup de nos camarades sont morts" et, enfin, il finit en disant que le trotskisme renaît, "étrange coïncidence", à Guantánamo, ville "si proche de la base navale des Etats-Unis", de sorte que :
"... nous soupçonnons qu'il pouvait avoir un rapport avec cette... ‘proximité géographique'. C'est pour cela que nous avons pris quelques mesures pour que des gens qui ne représentent rien et dont nous ne savons pas d'où ils sortaient leur argent, continuent, sur des positions d'extrême gauche, à gêner le développement de notre Révolution.
Journaliste : Pourtant ici [en Uruguay], ils ont bien soutenu la Révolution cubaine...
Guevara : D'accord, mais c'était à Cuba, ici, nous n'avons fermé aucun journal, bien évidemment ! (rires)" [Université de Montevideo, 1961].
Ce livre à la gloire du Che s'inscrit dans l'entreprise de la LCR de "moderniser" son image, remplaçant le "vieux" Trotski par "le Che", prétendu symbole de la "jeunesse révolutionnaire". Pour cela, il lui faut dépouiller l'image du Che de tout ce que politiquement il fut pour ne laisser que l'aura du héros (tout en restant un homme, "avec ses défauts", concèdent les auteurs B&L), une aura qui serve de guide aux nouvelles générations en recherche pour les égarer dans les impasses du "socialisme du 21e siècle", de l'altermondialisme et autres produits dérivés de ce qui n'est, en fin de compte, qu'une resucée du capitalisme étatique tout ce qu'il y a de plus stalinien.
Pinto (22 janvier)
1) Besancenot avoue lui même sans vergogne la raison profonde de ce ravalement de façade : aujourd'hui c'est dans la figure du "Che" que "la jeune génération préférerait se reconnaître plutôt qu'en Trotski". Les références au vieux militant bolchevik ne seraient plus à la mode...
2)
Lire notre article "Che Guevara : mythe et réalité"
(Révolution internationale n° 384) et
disponible sur notre site Web : www.internationalism.org [8]
3) A plusieurs reprises, Guevara a proclamé être un "patriote" de cette autre Amérique: "Notre Amérique, la nomme-t-il, celle qui va du Rio Bravo jusqu'à la Terre du Feu"... "Je me sens aussi patriote de l'Amérique latine, de n'importe quel pays de l'Amérique latine, que n'importe qui d'autre et au moment où ce serait nécessaire, je serai disposé à donner ma vie pour la libération de n'importe lequel des pays d'Amérique Latine" (discours à l'Assemblée générale des Nations Unies, 12/1964)
4) Autrement
dit les Etats-Unis.
5) B&L insistent beaucoup sur les critiques du Che à la politique de l'URSS. Pour ces auteurs, cette théorie de la "grande patrie" révèle que le Che avait raison de s'opposer à la politique des partis communistes orthodoxes. En fait, cette différence entre les staliniens orthodoxes et les guevaristes (ou les maoïstes) était liée surtout aux intérêts immédiats de l'URSS à ce moment-là. Après la crise des missiles de Cuba, en 1962, l'URSS réoriente sa politique et sa tactique impérialiste. Pour elle, il s'agit dorénavant de contrer l'autre bloc impérialiste par "la coexistence pacifique". Che Guevara, lui, n'entend rien à ce changement de stratégie et veut continuer l'affrontement par "les luttes de libération nationale" : "L'impérialisme... il faut le battre dans un affrontement mondial, vaste et prolongé. Pour lutter contre l'ennemi commun du genre humain, l'impérialisme américain, les pays socialistes doivent unir leurs efforts, malgré leurs divergences". C'est pourquoi il sera "lâché" par l'URSS et Castro lors de ses aventures désastreuses au Congo d'abord puis en Bolivie, où il mourra.
6) Pour la position marxiste sur les revendications nationales, lire, entre autres, "Courrier d'un lecteur : les revendications nationales et démocratiques, hier et aujourd'hui", Revue internationale no 129 https://fr.internationalism.org/rint129 [9].
7)
La tactique de la guérilla.
8) Rappelons que Troski fut assassiné par les staliniens que Guevara n'a jamais cessé de prendre comme modèles révolutionnaires !
9) Dictateur de Cuba de 1952 à 1958, renversé par la clique castriste.
Le 8 mars, une fois de plus, toutes les associations féministes, avec la bénédiction de la petite bourgeoisie progressiste de la gauche plurielle (notamment du PS), vont commémorer la journée internationale des femmes. Une fois de plus, cette journée de lutte des femmes ouvrières sera dénaturée et transformée en une gigantesque mascarade démocratique et réformiste. Comme le Premier Mai, le 8 mars a été récupéré par la bourgeoisie et est devenu une institution de l'État capitaliste.
Dans l'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État (1887), Engels dénonçait déjà l'oppression des femmes en affirmant que, avec la fin des sociétés matrilinéaires et l'avènement de la société patriarcale, la femme est devenue "le prolétaire de l'homme". En 1891, Auguste Bebel, dans la Femme et le socialisme a poursuivi le travail d'Engels dans une étude approfondie de la condition féminine dans l'histoire.
Dès la fin du 19e siècle, la question de la femme s'est trouvée étroitement liée aux combats de la classe ouvrière pour l'émancipation de l'humanité toute entière. Les conditions de misère et d'exploitation que subissaient les femmes ouvrières devaient nécessairement les conduire à se porter à l'avant-garde des luttes prolétariennes du début du xxe siècle.
La journée du 8 mars trouve son origine dans les manifestations des ouvrières du textile à New York qui se sont déroulées le 8 mars 1857 et qui furent réprimées par la police (bien qu'aucune archive du mouvement ouvrier américain n'ait permis, semble-t-il, de confirmer la véracité de cet événement).
C'est dans le principal parti de la classe ouvrière, le SPD en Allemagne, que le mouvement international des femmes socialistes vit le jour sous l'impulsion de Clara Zetkin (1) : celle-ci fonde en 1890, avec le soutien de Rosa Luxemburg, la revue Die Gleichheit (l'Égalité) qui s'inscrivait dans une perspective révolutionnaire de renversement du capitalisme et d'instauration de la société communiste mondiale. Partout dans le monde, en Europe occidentale comme aux États-Unis, les femmes ouvrières commençaient à se mobiliser contre leurs conditions d'exploitation. Elles réclamaient la diminution de leur journée de travail, l'équité des salaires avec les hommes, l'abolition du travail des enfants, une amélioration de leurs conditions de vie. A ces revendications économiques s'ajoutèrent également des revendications politiques, notamment le droit de vote pour les femmes (cette revendication politique sera par la suite noyée et confondue avec celle des femmes de la bourgeoisie, les "suffragettes").
Mais c'est surtout à partir de 1907, face aux premiers signes annonciateurs de la Première Guerre mondiale, que les femmes ouvrières et socialistes vont se trouver aux avant-postes de la lutte contre la barbarie capitaliste.
Clara Zetkin convoque le 17 août 1907 la première conférence de l'Internationale socialiste des femmes à Stuttgart. Cinquante-huit déléguées venues de toute l'Europe et des États-Unis y participent et adoptent une résolution sur le droit de vote des femmes. Cette résolution sera adoptée par le congrès de Stuttgart du SPD qui a suivi cette conférence. A cette époque où le salaire des femmes était inférieur de moitié à celui des prolétaires masculins pour la même tâche, il existait de nombreuses organisations de femmes et la grande majorité d'entre elles participaient activement à toutes les luttes ouvrières du début du siècle.
En 1908 et 1909, se déroulent à New York de gigantesques manifestations des ouvrières du textile. Elles réclament "du pain et des roses" (les roses symbolisant l'amélioration de leurs conditions d'existence), la suppression du travail des enfants et des augmentations de salaire.
En 1910, l'Internationale socialiste des femmes lance un appel à la paix. Le 8 mars 1911, la journée internationale des femmes rassemble un million de femmes ouvrières en Europe. Quelques jours plus tard, le 25 mars, plus de 140 ouvrières périssent dans un incendie de l'usine de textile Triangle à New York du fait de l'absence de mesures de sécurité. Ce drame va galvaniser encore la révolte des femmes contre leurs conditions d'exploitation et contre leur exclusion de l'activité politique parlementaire. En 1913, partout dans le monde, les femmes réclament le droit de vote. En Grande-Bretagne, les "suffragettes" de la bourgeoisie radicalisent elles aussi leur mouvement.
Mais c'est surtout dans la Russie tsariste que la lutte des femmes va donner une impulsion au mouvement révolutionnaire de toute la classe ouvrière. Entre 1912 et 1914, les ouvrières russes organisent des rassemblements clandestins et affirment leur opposition à la boucherie impérialiste. Elles seront suivies par les femmes des pays d'Europe dès le début de la guerre.
En 1915, les offensives de l'armée française sur le front provoquent une véritable boucherie : 350 000 soldats sont massacrés dans les tranchées. A l'arrière, les femmes subissent une surexploitation accrue pour faire tourner l'économie nationale. Les réactions contre la guerre commencent à exploser et ce sont les femmes qui sont les premières à se mobiliser. Le 8 mars 1915, Alexandra Kollontai (2) organise à Christiana, près d'Oslo, une manifestation de femmes contre la guerre. Clara Zetkin convoque une nouvelle Conférence internationale des femmes qui servira de prélude à la Conférence de Zimmerwald dans laquelle se regroupent tous les opposants à la guerre. Le 15 avril 1915, 1136 femmes de 12 pays différents se réunissent à La Haye.
En Allemagne, c'est surtout à partir de 1916 que deux des plus grandes figures féminines du mouvement ouvrier occidental, Clara Zetkin et Rosa Luxemburg, vont jouer un rôle décisif dans la fondation du Parti communiste allemand, le KPD. Aux Etats-Unis, Emma Goldman, militante anarchiste (et amie du journaliste John Reed, membre fondateur du parti communiste américain), mène un combat acharné contre la guerre impérialiste : en 1917 elle sera emprisonnée (et considérée comme "la femme la plus dangereuse des Etats-Unis") avant d'être expulsée en Russie.
En Russie, ce sont les femmes ouvrières qui vont ouvrir la marche triomphante du prolétariat vers la révolution. Le 8 mars (le 23 février dans le calendrier grégorien), les ouvrières des usines textile de Petrograd se mettent spontanément en grève et descendent dans la rue. Elles réclament du pain et la paix. Elles exigent le retour du front de leurs fils et de leur mari. "Sans tenir compte de nos instructions, les ouvrières de plusieurs tisseries se sont mises en grève et ont envoyé des délégations aux métallurgistes pour leur demander de les soutenir... Il n'est pas venu à l'idée d'un seul travailleur que ce pouvait être le premier jour de la révolution" (Trotski, Histoire de la Révolution russe). Le mot d'ordre "le pain et la paix" qui a servi d'étincelle à la Révolution russe fut donc bien lancé par les ouvrières de Petrograd qui ont entraîné dans leur mouvement les ouvriers des usines Poutilov et l'ensemble de la classe ouvrière.
Ce n'est pas un hasard si la bourgeoisie allemande finit par accorder le droit de vote aux femmes le 12 novembre 1918, au lendemain même de la signature de l'Armistice. C'est justement dans le pays où est né le Mouvement international des femmes socialistes, dans le pays où militaient les plus grandes figures féminines du mouvement ouvrier du début du xxe siècle, Rosa Luxemburg et Clara Zetkin, que la classe dominante devait tenter de briser l'élan révolutionnaire des femmes en cédant à cette revendication alors que le Parlement était devenu une coquille vide pour la classe ouvrière. Avec l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence, l'heure n'était plus à la lutte pour des réformes, pour le droit de vote, mais pour le renversement de l'ordre capitaliste.(suite page 6)
La Première Guerre mondiale avait ouvert une nouvelle période historique : "l'ère des guerres et des révolutions", comme l'affirmait l'Internationale communiste en 1919.
A partir du début des années 1920, le mouvement des femmes suit le même cours que celui de la lutte du prolétariat : il entre dans une dynamique de reflux et sera rapidement absorbé par l'État capitaliste. Il va de plus en plus se distinguer et se séparer du mouvement prolétarien pour devenir un mouvement interclassiste. La question de l'oppression sexuelle des femmes sera combattue indépendamment des conditions d'exploitation des femmes dans les entreprises, en semant l'illusion suivant laquelle les femmes peuvent s'émanciper au sein même d'une société basée sur l'exploitation et la recherche du profit. Le mouvement de "libération" des femmes commencera à se focaliser, dès le début des années 1920, autour de la question de la régulation des naissances et le droit à l'avortement, notamment aux États-Unis.
En Allemagne, le mouvement des femmes sera rapidement dévoyé dès le milieu des années 1920 sur le terrain de la lutte contre le nazisme.
Dans les autres pays d'Europe, notamment en France et en Espagne, les femmes vont continuer à revendiquer le droit de vote tout en se laissant enrôler dans l'idéologie antifasciste qui allait permettre l'embrigadement de millions de prolétaires dans la Seconde Guerre mondiale.
Très vite d'ailleurs, le mouvement des femmes est récupéré par toutes sortes d'officines de l'État bourgeois, telles l'UFCS en France (Union féminine civique et sociale), organisation catholique féministe qui appelait les femmes à lutter non pas contre le système capitaliste dans son ensemble mais contre le colonialisme et le fascisme.
En France, alors que le droit de vote n'est pas encore accordé aux femmes, Léon Blum fera néanmoins entrer pour la première fois des femmes au gouvernement : le 4 juin 1936, trois femmes sont nommées sous-secrétaires d'État (Cécile Brunschwig, Irène Joliot-Curie et Suzanne Lacore). Cet événement, présenté comme "progressiste", a permis aux partis de gauche du capital de rabattre un maximum de femmes ouvrières derrière les drapeaux du Front populaire et de les faire participer aux préparatifs de la Seconde Guerre mondiale en les mobilisant dans la campagne antifasciste.
Pendant l'Occupation, de nombreuses femmes se sont engagées dans la Résistance, notamment derrière les drapeaux du parti stalinien, le P"C"F. Leur "bravoure" et leur "patriotisme" seront finalement récompensés par de Gaulle qui leur accorde le droit de vote le 23 mars 1944 afin de leur permettre... d'élire leurs propres exploiteurs de droite comme de gauche.
Néanmoins, au moment même où les femmes obtenaient le droit de vote en France, la Libération de Paris a connu son heure de gloire grâce au chauvinisme écoeurant du P"C"F : en 1945, les femmes "bien de chez nous" qui avaient commis le crime d'avoir eu des relations sexuelles avec des "boches" devaient être tondues. Accusées d'avoir souillé le drapeau tricolore et "collaboré" avec l'ennemi, elles furent condamnées à défiler sur la place publique et livrées à la vindicte populaire.
A partir du début des années 1970, le mouvement des femmes se démarque toujours plus du mouvement ouvrier : c'est la montée de l'idéologie "féministe" avec le MLF (Mouvement de libération des femmes) qui rejette toute idée d'appartenance des femmes à un parti politique. Au nom de l'anti-"machisme", beaucoup de leurs réunions sont interdites aux hommes. Le mouvement se prétend "autonome" et renforce l'illusion que seules les femmes seraient opprimées non par le système capitaliste mais par les "hommes" en général. On assiste à une dérive sexiste où non seulement les "féministes" revendiquent les mêmes "droits" que les hommes mais considèrent ces derniers comme leurs ennemis, leurs véritables oppresseurs. De nombreuses "féministes" se lancent dans un combat don quichottesque pour la "libération sexuelle" des femmes sans remettre le moins du monde en question les fondements économiques de leur oppression. Le mouvement féministe rompt définitivement avec la tradition de la lutte des femmes au sein du mouvement ouvrier. Il devient une idéologie réactionnaire, celle de la petite bourgeoisie sans devenir historique, qui a fleuri sous les pavés de Mai 1968. Et ce n'est nullement un hasard si les féministes ont choisi la couleur mauve comme emblème, cette même couleur qui était celle des "suffragettes" au début du xxe siècle. En 1975, ce mouvement féministe intégrera également les prostituées qui revendiquent le droit de continuer de faire "librement" commerce de leur corps (et de vivre de la misère sexuelle des hommes) sans avoir à subir la répression policière.
En 1977, l'ONU officialise la Journée internationale des femmes et adopte une résolution invitant chaque pays à consacrer une journée à la célébration des "droits de la femme et de la paix internationale". Pour ce qui est de la "paix", il suffit de voir la multiplication des massacres perpétrés sous l'égide de grandes puissances démocratiques pour se faire une idée de la valeur des bonnes "résolutions" de ce repaire de brigands impérialistes qu'est l'ONU. Quant à la Journée internationale des droits de la femme, elle n'est qu'une nouvelle esbroufe destinée à mystifier les femmes de la classe ouvrière et à les dévoyer de leurs luttes de travailleuses exploitées par la bourgeoisie.
En France, c'est la gauche (et particulièrement le PS) qui, depuis l'arrivée de Mitterrand au gouvernement, est devenue le fer de lance de l'idéologie "féministe". C'est sous le gouvernement Mauroy en 1982, avec son ministère du Droit de la Femme, que la journée du 8 mars est devenue une institution chapeautée par l'État démocratique bourgeois.
Depuis, toutes les fractions de gauche du capital se sont efforcées de mettre sur pied une multitude d'associations de femmes qui ne servent qu'à dissoudre les ouvrières dans la masse des femmes "en général", dans des luttes où les femmes de toutes les couches et classes sociales peuvent faire cause commune en tant que "femmes", sans distinction de leurs intérêts de classe.
Aujourd'hui, les campagnes électorales (avec la candidature de Hillary Clinton aux États-Unis, après celle de Ségolène Royal en France) veulent nous faire avaler une grosse couleuvre : les femmes au gouvernement seraient une alternative possible à la brutalité des attaques contre la classe ouvrière. On veut nous faire croire encore qu'avec une femme à la tête des États, il y aurait moins de barbarie guerrière : les femmes seraient moins "violentes", plus "humaines", plus "pacifistes" que les hommes.
Tout ces discours ne sont que pure mystification. La domination capitaliste n'est pas un problème de sexe mais de classe sociale. Lorsqu'elles sont aux commandes de l'État, les femmes de la bourgeoisie mènent exactement la même politique capitaliste que leurs prédécesseurs masculins. Toutes sont destinées à faire le même travail que la Dame de fer, Margaret Thatcher, qui s'est distinguée pour avoir dirigé la Guerre des Malouines en 1982 et avoir laissé mourir plusieurs prisonniers de l'IRA qui faisaient la grève de la faim afin de réclamer le statut de prisonniers politiques. Toutes font et feront la même politique que les complices de Sarkozy, Michèle Alliot-Marie, Rachida Dati, Valérie Pécresse, Fadela Amara et consorts. La bourgeoisie ne connaît pas la différenciation des sexes dans la gestion de l'économie nationale. Et la patronne des patrons, Laurence Parisot, fait aussi bien son travail au service de la bourgeoisie que ses prédécesseurs du "sexe fort".
En 1917, juste avant la Révolution d'Octobre, Lénine écrivait :
"Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d'oppresseurs les récompensent par d'incessantes persécutions; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d'en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d'entourer leur nom d'une certaine auréole afin de "consoler" les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l'avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire" (l'État et la Révolution).
Il est arrivé au Premier Mai ce qui est arrivé aux révolutionnaires. Et il est arrivé à la Journée du 8 mars ce qui est arrivé au Premier Mai.
Une des armes les plus pernicieuses de la bourgeoisie réside dans la capacité de la classe dominante à retourner contre la classe ouvrière les symboles qui lui appartenaient dans le passé. Il en fut ainsi des syndicats, des partis ouvriers comme du Premier Mai et de la Journée des femmes.
Depuis la fin de la préhistoire, les femmes ont toujours subi le joug de l'oppression. Mais cette oppression ne peut être abolie au sein du capitalisme. Seul l'avènement de la société communiste mondiale pourra rendre aux femmes leurs lettres de noblesse. Elles ne pourront se libérer elles-mêmes qu'en s'intégrant et en participant activement au mouvement général du prolétariat pour l'émancipation de l'humanité toute entière.
Sylvestre (12 février)
1) Clara Zetkin, née en 1887, a participé activement à la fondation de la Deuxième Internationale. Face à l'opportunisme qui a gangrené son parti phare, le SPD, Clara Zetkin se situera avec son amie Rosa Luxemburg à l'aile gauche de ce parti. Elle a participé au mouvement révolutionnaire contre la Première Guerre mondiale. En 1915, elle participe à la fondation de la Ligue Spartakiste aux côtés de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Elle était déléguée de l'Internationale communiste au Congrès de Tours lors de la fondation du Parti communiste français.
2) Alexandra Kollontaï, née en 1872, est une des plus grandes figures féminines du parti bolchevik en 1917. Après avoir fait partie des mencheviks après le Congrès du POSDR en 1903, elle lutte contre la guerre dès 1914 et rejoint le parti de Lénine en 1915. Elle participe à la Révolution russe et sera la première femme au monde à participer à un gouvernement, après la Révolution d'Octobre. Grâce à son activité et au mouvement révolutionnaire des ouvrières, celles-ci obtiennent en Russie le droit de vote, l'équité des salaires, et en 1920 le droit à l'avortement. A partir de 1918, Alexandra Kollontaï va de plus en plus s'opposer aux dérives du parti bolchevik et participera à la fondation en 1920 d'une fraction interne, l'Opposition ouvrière.
Le CCI organisera prochainement des réunions publiques exceptionnelles en France au sujet de Mai 68.
Au milieu du fatras de paroles et d’écrits déversés sur Mai 68, un des aspects les plus méconnus ou ignorés du mouvement qui le porte, c’est son caractère international.
La propagande bourgeoise met en avant sa « spécificité nationale » : l’arriération de la société française, l’archaïsme de ses valeurs ou de ses institutions, le caractère borné de ses dirigeants…En fait, Mai 68 n’a pas éclaté comme un orage dans un ciel d’azur. Depuis 1964, la contestation étudiante se développe partout dans le monde, surtout contre la guerre au Vietnam : aux Etats-Unis, en Allemagne, en Grande-Bretagne mais aussi jusqu’au Mexique ou au Sénégal. Quant au mouvement de la classe ouvrière qui se manifeste pour la première fois simultanément en France avec celui des étudiants, il culmine dans une grève de masse de plus de 9 millions de prolétaires. Il est le déclencheur d’une vague de luttes internationales (« l’automne chaud en 1969 en Italie », les grèves de 1970 en Pologne,…).
Le fait que les « soixante-huitards » les plus éminents (Cohn-Bendit, Glucksmann, July , …) soient devenus aujourd’hui des porte-parole patentés de l’ordre établi nous est présenté par certains comme une preuve que Mai 68 n’était nullement porteur d’un message révolutionnaire. Les idéologues bourgeois de tous bords s’accordent pourtant pour dire qu’il y a un « avant-Mai 68 » et un « après-Mai 68 ». Mais pour eux, derrière «l’évolution des mœurs » depuis 68, il y a une simple "adaptation" à une société capitaliste plus moderne ou plus progressiste.
En réalité, il y a bien eu un changement de période historique depuis Mai 68 et qui traduisait la fin de la longue période de contre-révolution subie par le prolétariat après l’écrasement de la vague révolutionnaire de 1917-1923. Les événements de Mai 68 ont ouvert une nouvelle perspective de développement international de la lutte de classe.
Notre dernière réunion aura lieu :
Pour plus d'informations, consultez l'encadré "Réunions publiques" ci-contre à gauche.
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