Le dimanche 22 avril, des millions d'ouvriers se rendront, un par un, aux bureaux de vote. Chacun tirera derrière lui le rideau de l'isoloir pour se retrouver, seul, avec son dilemme "pour qui vais-je voter ?". En glissant ainsi un petit bout de papier dans l'urne, les plus optimistes souhaiteraient que les choses changent, mettre fin aux charrettes de licenciements et à la hausse du chômage, dire stop à la paupérisation croissante… Quant aux plus pessimistes, ils veulent au moins éviter ce qu'ils pensent être le pire : voir Le Pen arriver une nouvelle fois au second tour ou Sarkozy (ce politicard antipathique, arriviste et brutal) devenir président le 6 mai au soir.
La hausse spectaculaire des inscriptions sur les listes électorales, annoncée en grandes pompes ces derniers jours dans tous les médias, est le produit de cette profonde inquiétude face à l'avenir. Tous les candidats à cette élection, du centre à l'extrême gauche, ont pris en compte ce ras-le-bol et cette volonté de changement en rivalisant de promesses. François Bayrou s'est ainsi fait le champion de la "sociale-économie". Voulant redonner espoir dans la solidarité, il promet plus de moyens et de postes pour la santé, la justice, l'enseignement… Ségolène Royal, pour rester dans la course, s'est évidemment empressée de surenchérir en certifiant que si elle est élue, il n'y aura pas de baisse d'effectifs des fonctionnaires, pas d'allongement de l'âge de la retraite et qu'au contraire les "petites retraites" augmenteront et que le SMIC passera à 1500 euros. Plus à gauche, Marie-George Buffet, Olivier Besancenot et Arlette Laguiller, voire José Bové, se présentent comme "anti-capitalistes" et les amis des travailleurs en exigeant, entre autres, l'interdiction des licenciements dans les entreprises qui font du profit et une augmentation de 300 euros pour tous et tout de suite. Cette gauche de la gauche jure qu'en étant forte d'un maximum de voix, en symbolisant par les urnes la volonté des travailleurs, elle se bagarrera et fera pression sur le futur gouvernement pour le contraindre à "faire du social". Preuve que nous avons cette fois-ci rendez-vous avec l'Histoire, tous les candidats s'engagent à respecter par écrit leurs belles promesses… tous signent des "pactes" avec les Français !
Pourtant, malgré toutes ces propositions, tous ces engagements, on ne peut pas dire qu'il y ait une vague d'enthousiasme. Une inquiétude, oui ! … mais ces élections ne déclenchent ni passion, ni grands espoirs.
Et pour cause ! Depuis des années, la droite et la gauche ne cessent de se succéder aux commandes du pouvoir, et si les gouvernements changent, la politique anti-ouvrière demeure. Les ouvriers savent donc bien ce que valent toutes ces promesses et tous ces "pactes". Comme l'avait cyniquement dit le roublard Charles Pasqua en son temps : "les promesses électorales n'engagent que ceux qui les croient" !
En 1981, autour de l'élection de François Mitterrand, il y avait eu pour le coup, au sein de la classe ouvrière, de grands espoirs. Après trente ans de règne de la droite, l'arrivée du PS devait tout changer. Mais la politique menée les années suivantes s'était chargée d'apporter un cinglant démenti à ces illusions. Ce fut la "grande désillusion". Les ouvriers n'ont pas oublié que c'est sous Mitterrand que le chômage a explosé, que la productivité (et donc l'exploitation) a connu la plus forte hausse de ces cinquante dernières années, que le forfait hospitalier et la CSG ont été instaurés. Et pour ceux qui avaient la mémoire courte, il y a eu la piqûre de rappel jospinienne : gel des salaires, augmentation de la flexibilité, recours systématique aux emplois précaires, etc.
Sans même remonter ainsi dans le temps, simplement en prenant un peu de recul et en regardant autour de nous, on s'aperçoit qu'au-delà des frontières hexagonales, toutes les couleurs politiques sont représentées et que c'est quand même toujours les mêmes mesures anti-ouvrières qui sont prises : paupérisation, chômage, destruction (dans les pays où il y en a encore) de toutes les couvertures sociales (sécu, retraite, indemnités…). Il suffit de regarder ce que font les socialistes Blair en Angleterre et Zapatero en Espagne. Et franchement, quelle différence y a-t-il en Allemagne entre le Schroeder d'hier et la Merkel d'aujourd'hui ? Même ceux qui se réclament être à la gauche de la gauche montrent qu'au pouvoir ils n'ont qu'une seule priorité : attaquer et attaquer encore les conditions de vie de la classe ouvrière. Les Chavez, Morales, Lula et tous leurs compères d'Amérique du Sud en sont la preuve vivante !
Bref, à chaque élection on nous promet la Lune… mais a-t-on déjà vu la société changer après des élections ? Cela arrive, effectivement. Mais quand il y a un changement, c'est toujours en pire !
La bourgeoisie a bien conscience de cette usure de la stratégie de l'alternance. Et c'est pour cela qu'elle parle tant du renouveau de la classe politique, de l'aspect novateur des candidats en lice aujourd'hui. "Attention avec Bayrou, ce n'est ni la droite, ni la gauche, c'est le centre !" En fait, son idée neuve, sa découverte, son innovation, c'est de prendre les meilleurs… de la droite et les meilleurs… de la gauche. En somme, la quintessence des politiciens les plus habiles à diriger les affaires de la bourgeoisie et à mener campagne contre la classe ouvrière. Belle promesse, en effet ! Quant à Royal, son originalité c'est… d'être une femme. La belle affaire, Thatcher aussi était une personne du beau sexe et sa politique n'était pas réputée pour être particulièrement humaine (rappelons juste son surnom : "la dame de fer", tout un symbole). Il est décidément bien difficile de marcher dans de telles combines.
Au final, aujourd'hui, ce qui pousse principalement les gens à aller voter, ce n'est pas l'espoir, mais la peur, la crainte, la volonté "d'éviter le pire". Quand la gauche ne fait pas rêver, que les gadgets estampillés "New" ne font pas recette, il reste cette idée : tout sauf Sarko ou Le Pen.
C'est vrai que les discours de Sarkozy sur les banlieues, le "tout sécuritaire" ou l'immigration ont de quoi faire froid dans le dos. C'est vrai que les discours de Bayrou ou de Royal sont plus "softs", moins choquants à l'oreille… mais ce n'est qu'un enrobage ! Imaginez Madame Royal (ou n'importe quel autre candidat) venir à la tribune d'un meeting et dire avec sa voix vibrante d'émotion : "Si je suis président(e), je défendrai l'intérêt du capital national, j'accentuerai la férocité de l'exploitation, je jetterai les ouvriers par milliers sur le pavé, je réduirai les dépenses en attaquant les chômeurs, je finirai de démanteler le système de santé et les retraites… car l'intérêt de ma patrie, l'intérêt de ma classe, je les tiens là, chevillés au corps". Aucun homme ou femme politique ne tiendra jamais de tels propos. Et pourtant, c'est bien cette politique là qui se cache derrière tous les discours. C'est bien cette politique là qui sera mise en place après le 6 mai, quel que soit l'élu. Ce discours imaginaire, c'est ce qui reste quand l'enrobage a fondu.
Sarkozy pire que Royal ? La gauche aurait une âme, au fond, bien cachée, plus humaniste ? Demandez aux 300 immigrés de Vitry dont le foyer a été détruit au bulldozer le 24 décembre 1980 sur ordre du maire "communiste" s'ils ont apprécié leur cadeau de Noël. Demandez à tous ceux qui furent renvoyés à une mort probable, dans leur pays d'origine, par des charters du parti "socialiste", s'il y a dans cette organisation bourgeoise l'once d'un sentiment humain. A la vérité, la gauche a les mains couvertes de sang et n'a rien à envier à la barbarie de la droite dite "dure". Un seul exemple : le génocide rwandais de 1994, durant lequel l'armée française, sous les ordres de Mitterrand, a été complice du massacre (à la machette !) de près d'un million de personnes, hommes, femmes et enfants !
Décidément, il n'y a aucun moyen d'éviter le pire par les urnes, car c'est forcément la bourgeoisie qui en sort vainqueur, tel un diable de sa boîte. La classe ouvrière n'a rien à gagner en participant aux élections, juste des illusions !
La bourgeoisie sait très bien qu'elle n'a rien à craindre des ouvriers quand ils sont dans les isoloirs. Isoloir ! C'est un mot significatif. Un isoloir, c'est fait pour isoler. Isoler les ouvriers les uns des autres, les diviser, cultiver l'illusion qu'ils peuvent s'en sortir seuls et non par l'action collective et solidaire. Ce n'est pas pour rien que Royal se demande si le vote ne doit pas devenir une action citoyenne obligatoire comme en Belgique. Ce n'est pas pour rien si l'Etat dépense des millions en spots publicitaires à la télé pour marteler : "votez, votez pour qui vous voudrez, mais votez" !
Par contre, la bourgeoisie se met à trembler quand les ouvriers commencent à discuter et à s'organiser collectivement au boulot, en Assemblée Générale, dans la rue pour manifester… car elle sait que c'est là que son ennemi, la classe ouvrière, est réellement fort, qu'il peut réellement résister aux attaques 1. Car c'est bien là le cœur du problème : l'intensité des attaques ne dépend pas de la présence de la gauche ou de la droite au pouvoir mais bel et bien du rapport de forces entre les classes, du niveau de lutte et de résistance qu'est capable de produire la classe ouvrière.
Les élections sont le terrain de la bourgeoisie. La lutte collective, dans la rue ou en AG, voici le terrain du prolétariat !
Régis (26 mars)
1 Lire notre article sur le mouvement contre le CPE [1] .
Licenciements, suppressions d'emplois, fermeture d'usines, précarisation, délocalisations… : de plus en plus de salariés subissent la terrible réalité de l'accélération de la crise capitaliste . Ce sont les mêmes attaques, en Europe pour le groupe EADS-Airbus , à Alcatel-Lucent, Volkswagen, Deutsche Telekom, Bayer, Nestlé, Thyssen Krupp, IBM, Delphi… et sur le continent américain, avec Boeing , Ford, General Motors, Chrysler… Dans le seul secteur privé en France, il y a eu officiellement 10 000 suppressions d'emplois en 2006 et 30 000 sont déjà prévues d'ici fin 2008. Ces plans désormais à l’échelle mondiale, sont de plus en plus massifs et ne touchent plus seulement des secteurs en perte de vitesse ou archaïques, mais des secteurs de pointe comme l'aéronautique, l'informatique, l’électronique… Ils ne concernent plus seulement les petites et moyennes entreprises, mais s'étendent à tous les grands groupes leaders de l'industrie et leurs sous-traitants, ils ne se limitent plus aux ouvriers sur les chaînes de production mais visent aussi les ingénieurs, les cadres commerciaux, les secteurs de la recherche.
Chaque Etat, chaque dirigeant d'entreprise sait bien que cette situation pousse tous les salariés, du privé comme du public où les prolétaires subissent exactement le même sort à se poser de plus en plus de questions angoissés sur l'avenir qui leur est réservé et encore davantage sur l'avenir de leurs enfants. Il est de plus en plus évident que les prolétaires de tous les pays sont embarqués dans ce même bateau qui prend l'eau de toutes parts. Dans ce contexte inédit, la préoccupation principale de la bourgeoisie n'est pas seulement de tenter de colmater les brèches béantes qui s'ouvrent dans son système mais aussi de gagner du temps, d'empêcher les prolétaires de prendre conscience de cette réalité.
C’est pourquoi les syndicats dont la fonction spécifique au sein de l'appareil d'Etat est d'encadrer et de contrôler la classe ouvrière prennent partout les devants et occupent le terrain social pour couper l'herbe sous le pied de toute tentative de mobilisation unitaire des ouvriers face à ces attaques massives et frontales. Leur tâche essentielle aujourd'hui est de prendre l'initiative de la lutte pour faire passer ces attaques en entretenant la concurrence et la division des ouvriers par atelier, par site, par entreprise, par secteur, par pays .
Les syndicats, le gouvernement, la direction, toute la classe politique et les médias ont polarisé l'attention sur les 10 000 suppressions d'emplois à Airbus (jusqu'ici présenté comme un fleuron "prospère") où ils ont multiplié les manœuvres pour organiser la division des ouvriers entre eux, disperser leur colère et défouler leur combativité.
Ainsi, les syndicats ont commencé par faire croire qu'ils n'étaient pas au courant de ce qui se tramait, qu'ils défendaient les emplois et les intérêts des ouvriers alors que pendant des mois, ils étaient pleinement associés au fameux plan Power 8. En effet, la direction avait créé pour cela "un comité de pilotage" constitué de la Direction des Ressources Humaines et des syndicats, afin justement de "se préparer à tout impact social que ses mesures pourraient avoir" (d'après une note de la direction à l’intérieur de l’usine de Toulouse-Blagnac). Les syndicats ont tous tenu le même langage, celui de minimiser l’attaque au moment où elle était dans sa phase préparatoire, s'inscrivant pleinement dans les mensonges de la direction et des différents Etats concernés. Ensuite, ils ont fait reprendre le travail aux ouvriers à Méaulte qui étaient partis spontanément en grève 48 heures avant l'annonce officielle du plan Power 8 en prétendant que l'usine ne serait pas revendue, alors que la direction faisait savoir ensuite qu'aucune décision n'était pour l'instant arrêtée sur le sujet.
Suivant les usines, s’adaptant à chaque situation particulière, les syndicats ont organisé la division, comme à Toulouse, entre les secteurs touchés et ceux épargnés. Plus fort encore, pendant des mois, ils ont martelé l'idée selon laquelle, si Airbus est dans cette situation, c’est "la faute aux Allemands". En Allemagne, le discours syndical était parallèle : "C'est la faute aux Français". Aussi, les syndicats n'ont cessé d'exalter le "patriotisme économique". Dans un tract du 7 mars cosigné par FO-Métaux (syndicat largement majoritaire à Toulouse), la CFE-CGC (syndicat des cadres) et la CFTC, ils déclarent par exemple : "C'est tout l'intérêt de l'économie française, locale et régionale qui est en jeu (…) Restons mobilisés (…) pour défendre Airbus, nos emplois, notre outil de travail, nos- compétences et notre savoir-faire au bénéfice de toute l'économie locale, régionale et nationale." Cette répugnante propagande poussant les ouvriers à se rallier à la logique concurrentielle du capital se retrouvait déjà lors d’une mobilisation des syndicats des différents pays d’Europe où sont implantées les usines Airbus : "Défendons notre outil de travail ensemble, salariés Airbus, sous-traitants de tous les sites d'Airbus d’Europe" (tract commun à tous les syndicats du 5 février 2007).
Après les manifestations du 6 mars, ils ont fait miroiter une riposte européenne pour le 16 et annoncé une grande manifestation à Bruxelles pour ensuite l’annuler trois jours avant en la remplaçant par des manifestations toujours présentées comme une "journée de mobilisation européenne" mais limitée aux salariés d'Airbus et éparpillées sur les différents sites locaux . Et le pompon était à voir du côté de Toulouse où les syndicats ont cueilli les ouvriers à la sortie de l'usine dans des bus de ramassage pour les amener dans un lieu de rassemblement totalement excentré et les faire marcher jusqu'au siège de Blagnac où les attendait une nuée de caméras de télé pour médiatiser à fond "l'événement". Sitôt arrivés là, on les faisait remonter dans les bus pour regagner l'usine et reprendre le travail1.
Les syndicats comme l’ensemble de la bourgeoisie ne tenaient certainement pas, dans ce contexte d'attaques tous azimuts, à voir une large mobilisation ouvrière à l'échelle européenne où les ouvriers pouvaient se rassembler, se rencontrer entre eux, discuter et échanger leurs expériences. D’autant plus que la coupe des attaques déborde : suppressions de plus de 6000 emplois chez Bayer et allongement de la durée des cotisations pour la retraite jusqu’à 67 ans en Allemagne, mise en place d’une nouvelle attaque contre le secteur de la santé en Grande-Bretagne, 3000 licenciements à Volkswagen-Forest en Belgique .
Il n’était pas question non plus pour les syndicats que la manifestation à Paris des salariés d’Alcatel-Lucent pour dénoncer le plan de restructuration du groupe qui prévoit 12 500 suppressions de postes, dont au moins 3200 en Europe, d'ici 2008, soit organisée en même temps. C’est pourquoi elle a été appelée la veille, le 15 mars. Elle se présentait comme unitaire et européenne, mais il n’y avait que 4000 personnes, venues de tous les sites français touchés, en particulier de Bretagne, mais aussi de pays voisins avec des délégations symboliques exclusivement syndicales d'Espagne, d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique, d'Italie. Elles étaient d'ailleurs noyées dans une forêt... de drapeaux bretons et la manifestation cadencée au son du biniou ! Dans une série de plus petites grèves en France comme à Peugeot-Aulnay, c'est sur des hausses salariales que les syndicats ont entraîné les ouvriers dans une grève longue et exténuante. Tandis qu'à l'usine Renault du Mans, 150 ouvriers ont été entraînés derrière la CGT dans une grève restée très minoritaire contre un nouveau contrat de flexibilité signé par les autres syndicats. Cependant, quand on sait que PSA comme Renault s'apprêtent à annoncer à leur tour prochainement des plans de licenciements, on s'aperçoit que ces grèves et ces actions lancées par les syndicats n'ont pour but réel que d'épuiser au maximum auparavant la combativité ouvrière pour faire passer ces attaques. De même, si les enseignants ont été appelés à une énième journée d'action le 20 mars, c'est avec le même objectif de les épuiser pour leur imposer plus facilement ensuite toutes les attaques dont ils sont la cible.
Les ouvriers n'ont aucun intérêt commun à défendre avec leur bourgeoisie, par contre la situation les pousse à reconnaître les intérêts qu’ils ont en commun face aux mêmes attaques (massives et simultanées) auxquelles ils sont partout confrontés. Une telle situation favorise le développement de questionnements, de réflexions, qui posent de plus en plus clairement les besoins d'extension de la lutte, d'unité et de solidarité au sein du prolétariat qui seront les clés des luttes à venir. Même si les syndicats parviennent à l'heure actuelle à imposer sans obstacle visible leurs manœuvres de sabotage, de division, d'isolement, d'enfermement des prolétaires, ils sont appelés à se discréditer de plus en plus ouvertement aux yeux de la classe ouvrière. C'est aujourd'hui que mûrissent les conditions qui permettront demain aux ouvriers dans leurs luttes de discuter ensemble, de se rassembler, de confronter leurs expériences, de s'organiser eux-mêmes en dehors des syndicats et au-delà des frontières nationales.
Wim (24 mars)
1 Le lendemain, Libération du 17 mars titrait son article : "Radicalisation jamais vue contre la direction de l'avionneur - Airbus : les salariés de tous les pays se sont unis".
Il y a un an, les amphithéâtres, hauts lieux de l'ennui magistral, étaient brutalement sortis de leur torpeur par le retentissement de discussions enflammées sur le chômage, la précarité, l'exploitation et l'avenir. La jeunesse ouvrière – lycéens et étudiants – se dressait comme un seul homme contre une énième attaque de l'Etat, le Contrat Première Embauche, rebaptisé malicieusement Contrat Poubelle Embauche. Après trois mois de cette lutte effervescente, devant la massivité de la mobilisation, le gouvernement devait plier et retirer son projet de loi inique.
De telles victoires sont rares dans la lutte de classe. La bourgeoisie s'attache toujours à infliger à la classe ouvrière la plus cinglante des défaites, afin de la démoraliser et de lui faire passer le goût du combat. Cette politique systématique fut parfaitement exprimée par l'ex-premier ministre Raffarin qui en 2003 face à la colère des enseignants après une nouvelle réforme des retraites) avait affirmé avec arrogance "ce n'est pas la rue qui gouverne". En 2006, les jeunes générations ont donc fait ravaler ses propos à la bourgeoisie française en montrant clairement que les clefs de l'avenir appartiennent bel et bien à la lutte de classe.
Si la bourgeoisie a ainsi cédé, c'est parce qu'elle a su reconnaître dans ce mouvement un vrai danger.
Les étudiants ont redécouvert l'importance vitale des assemblées générales souveraines. Ces AG ont véritablement constitué le poumon du mouvement. Elles ont en effet permis aux étudiants de se rassembler, de débattre et de s'organiser collectivement. Ils ont ainsi pu prendre conscience, grâce à ces débats ouverts, que leur combat n'était pas un combat particulier mais qu'il appartenait à toute la classe ouvrière. C'est pourquoi ils ont ouvert leurs assemblées générales et leurs amphithéâtres aux lycéens, aux chômeurs, aux travailleurs et aux retraités, accueillant chaque fois les interventions de ces participants par des tonnerres d'applaudissements. Afin d'entraîner dans la lutte le plus grand nombre de travailleurs, ils ont su, consciemment, mettre de côté des revendications spécifiques au milieu universitaire telle que l'abolition de la réforme LMD 1 pour mettre en avant au contraire ce qui était commun à tous les opprimés : la paupérisation croissante. Les étudiants avaient parfaitement compris que l'issue de leur combat était entre les mains des travailleurs salariés. Comme l'a dit un étudiant dans une réunion de la coordination francilienne du 8 mars "si on reste isolés, on va se faire manger tout cru". Les banderoles déployées par les étudiants au dessus de la tête des manifestants portaient des slogans particulièrement révélateurs de cet état d'esprit unitaire: "Étudiants, lycéens, chômeurs, travailleurs précaires, du public et du privé, même combat contre le chômage et la précarité !"
Cette démarche a eu progressivement, au fil des semaines, pour résultat de mobiliser toujours plus d'ouvriers. Les cortèges de manifestants croissaient lentement mais sûrement. Le gouvernement a pourtant tenté toutes les manœuvres -provocations policières et violences, manipulations médiatiques,… – piètres tentatives. En se mobilisant, la classe ouvrière n'exprimait pas une solidarité superficielle et charitable envers la jeunesse, elle se reconnaissait dans ce combat qu'elle faisait sien. En répondant à l'appel à la lutte des nouvelles générations, les ouvriers ont montré que s'il leur était encore difficile de se dresser tous ensemble contre les attaques quotidiennes, ils refusaient par contre catégoriquement que leurs enfants subissent le même sort. L'idée d'un avenir encore et toujours plus sombre pour la jeunesse, symbolisé par ce nouveau Contrat Pour Esclave, leur a été tout simplement insupportable et révoltante. Le mouvement contre le CPE est ainsi peu à peu devenu la lutte de toute la classe ouvrière et pour toute la classe ouvrière.
Nous touchons donc ici du doigt ce qui a tant fait peur à la classe dominante. La bourgeoisie a choisi de reculer pour ne pas laisser se répéter des manifestations contenant le risque que la classe ouvrière reprenne à son compte les méthodes de lutte mises en lumière par les étudiants. Le malaise bourgeois était tel que jusqu’en Allemagne (où la même attaque était en gestation) le gouvernement Merkel a préféré retirer son projet plutôt que de voir les travailleurs descendre dans la rue et (abomination suprême) unir leur forces à celles de le frères de classe outre-Rhin.
Rien n'aurait été pire, à ce moment, pour la bourgeoisie que de voir les ouvriers redécouvrir la prise en main des luttes par les assemblées générales souveraines et l'importance des mots d'ordre unitaires. Surtout, ce mouvement était un terrain bien trop fertile au développement de la solidarité entre les secteurs et entre les générations ouvrières. Pour la bourgeoisie, il fallait donc absolument mettre un terme à cette bouillonnante expérience de lutte durant laquelle les ouvriers avaient sous leurs yeux l'exemple de cette nouvelle génération enthousiaste et énergique.
Mais en reculant, la bourgeoisie n'a fait que retarder l'échéance. Les attaques contre les conditions de vie ne connaissent pas de répit. Et grâce à des luttes comme celle du printemps 2006 en France, la classe ouvrière reprend internationalement peu à peu confiance en elle. Les ouvriers (au travail, au chômage, à la retraite ou dans les amphis) se reconnaissent progressivement à nouveau comme appartenant à une classe, comme ayant des intérêts communs et la possibilité de s'organiser collectivement.
Sur tous les continents, l'avenir appartient à la lutte de classe !
Pawel (13 mars)
1 LMD = Licence-Master-Doctorat, nouveau cycle universitaire rallongeant la durée des études.
La droite n’a pas le monopole de la nation ! La gauche aussi a le droit d’aimer la patrie. Qui le conteste ? Et pourtant, journalistes et politiques (de gauche et d’extrême gauche) jouent la stupeur à l’écoute des récentes déclarations dégoulinantes de chauvinisme de Ségolène Royal pour laquelle "Tous les Français devraient avoir chez eux le drapeau tricolore comme dans d’autres pays où les drapeaux sont sortis aux fenêtres les jours de fête nationale."
Pour une fois qu’un candidat à la présidence parle avec son cœur, en toute franchise, qu’il nous tient le langage de la vérité, celui de ce nationalisme passionnel qui colle aux tripes de tout bourgeois qui se respecte, voilà qu’on s’interroge, l’air circonspect voire outré. Ainsi José Bové (à grands renforts d’hypocrisie) renvoie la candidate PS à sa copie en lui apprenant "que le chauvinisme et le nationalisme n’ont jamais été des valeurs de gauche. Le fait de vanter le ‘sang impur qui abreuve nos sillons’, c’est plutôt attiser la haine que préparer la paix". Belle leçon de la part d’un maître dans l’art du démontage de Mac Do, pourfendeur de multinationales américaines pour la promotion franchouillarde du Roquefort maison. Mais quelle rigolade ! En effet, voilà plus de quatre-vingt-dix ans que le chauvinisme et le nationalisme sont devenus les valeurs phares de la social-démocratie. Depuis les premiers jours d’août 1914 où le "Non à la guerre" des socialistes s’est transformé en "Défense nationale d’abord", ces derniers ont quitté définitivement le camp prolétarien pour rejoindre le banc des nations capitalistes.
Et que dire du Parti Communiste Français (souligné par nous) qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, a frénétiquement déversé sur la classe ouvrière (par citernes entières) son jus patriotique : "A la Libération, le Parti communiste a beaucoup joué sur le sentiment national. Il avait même un journal qui s’appelait ‘France d’abord !’" (J.J. Becker, historien interrogé par Libération du 26 mars 2007). Pour défendre son titre du parti de gauche le plus ouvertement chauvin, Marie-George Buffet s'est empressée d'éclabousser à son tour les travailleurs du vieux poison nationaliste : "Ces deux symboles de la République [le drapeau et la Marseillaise] appartiennent au peuple…». Tel le coq tricolore, son porte-parole, Olivier Dartigolles s'est même gonflé d'orgueil pour affirmer qu'au PCF "on joue la Marseillaise en premier et l'Internationale en second depuis 1936" (Libération du 27 mars 2007) !
L’amour patriotique de ces gens-là n’a pas de borne et confine même jusqu’au délire comme l’illustre à nouveau Madame Royal : "Je l’avais déjà dit quand j’étais ministre de l’Enseignement scolaire, … j’avais imaginé des ateliers de couture dans les écoles, où les élèves auraient pu réaliser des drapeaux" (Libération du 26 mars 2007).
"Travail, famille patrie", Pétain en a rêvé, Royal l’a presque fait !
La défense du drapeau national n’a jamais servi qu’au massacre des prolétaires pour les seuls intérêts du capital. Partout, sur tous les continents, les ouvriers sont des frères. Ils subissent le même joug, la même exploitation. Ils ont un seul et même combat : en finir avec ce monde barbare. Loin de la puanteur du nationalisme, le cœur de la classe ouvrière bat pour un monde uni et fraternel, sans frontières ni nations. Son étendard, c'est l'internationalisme prolétarien ; son cri de ralliement, c'est "LES PROLETAIRES N'ONT PAS DE PATRIE ! PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ VOUS !"
Jude (28 mars)
Quand Sarkozy dit "Chanter la Marseillaise n’est pas ringard. S’émouvoir devant le drapeau tricolore n’est pas démodé. Aimer sa partie n’est pas dépassé.", Arlette Laguiller lui répond tout de go "Non, ce n’est pas ringard, mais elle représente une révolution du passé… de la bourgeoisie… aujourd’hui, c’est une autre révolution qu’il faudrait… Et si une telle révolution se produisait, un autre chant plus humain, plus fraternel devrait remplacer la Marseillaise révolutionnaire et guerrière qui fait dire aux enfants, aux élèves et même aux footballeurs : ‘Qu’un sang impur abreuve nos sillons’". (Le site d’Arlette Laguiller dans la rubrique Sarko, Royal et compagnie).
Depuis le Manifeste communiste de 1848, le mouvement ouvrier sait que les prolétaires n’ont pas de patrie, , cela est un fait marqué au plus profond de leur identité de classe. Alors quand Arlette s’affiche en 4×3 sur les murs de nos grandes villes pour se demander (comme la reine de Blanche-Neige à son miroir) qui d’autre qu’elle-même "peut sincèrement se dire dans le camp des travailleurs", quoi de plus logique pour la Marianne de Lutte Ouvrière que de hisser (au son du clairon) le pavillon internationaliste comme gage de cette "authenticité" ?
Fort heureusement pour Arlette, les belles paroles ne coûtent rien (raison supplémentaire pour ne pas s’en priver).
Certes, LO a toujours su se débrouiller pour faire mine de protester énergiquement contre les mots d'ordres nationalistes (ceux-là même qui envoient les ouvriers se faire étriper pour des intérêts qui ne concernent finalement que leurs exploiteurs) mais diable qu’il y a loin de la coupe aux lèvres ! C’est en tout cas ce que vient illustrer, fort à propos, l’édito du journal Lutte Ouvrière en date du 28 janvier dans lequel on peut lire : "Depuis 1946, le gouvernement [français] avait dépensé des millions pour mener la sale guerre d’Indochine… En 1954, débutait une autre sale guerre, celle d’Algérie… Alors, il n’y avait pas assez d’argent pour loger les sans logis. Mais ceux qui dirigent le pays ont su en trouver pour créer la "force de frappe", et dépensent toujours des fortunes pour construire [aujourd’hui] un nouveau sous-marin (2,4 milliards d’euros) et un nouveau porte-avions nucléaire. Et pour se défendre contre qui ? Aucun Etat ne menace la France…" (souligné par nous).
Avons-nous bien entendu ? Mais oui, pas de doute, c’est bien ça : si un jour, comme par le passé, un Etat belliqueux venait à menacer l’intégrité de la nation en pointant le bout de ses canons sur les frontières de France, alors là (et seulement là), les dépenses militaires deviendraient justes et légitimes ! "L’internationalisme en temps de paix, oui… pour le reste on peut toujours en discuter." Et voilà LO fin prête à voter les prochains crédits de guerre au cas où il s’agirait de sauver la patrie en danger comme l’ont fait ses illustres prédécesseurs : les sociaux-chauvins de la Deuxième Internationale en 1914 ou encore (à leur façon) les PC stalinisés se vautrant dans les préparatifs guerriers des années 1930.
Faut-il s'en étonner ? Pas vraiment… Déjà, au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’ancêtre de LO, le groupe Barta 1 avait copieusement versé dans le registre nationaliste (comme l’ensemble de la IVe Internationale trotskiste d’ailleurs) en braillant aux travailleurs "…vous tous qui n’avez que vos chaînes à perdre et un monde à gagner : EMPECHEZ PAR TOUS LES MOYENS LA MACHINE DE GUERRE IMPERIALISTE DE FONCTIONNER CONTRE L’URSS." (Vive l’armée rouge, tract rédigé par le groupe Barta le 30 juin 1941).
Encore et toujours la fameuse défense de la "patrie socialiste" ou, dit autrement, des intérêts impérialistes du bastion stalinien et, par ricochet, du camp allié poussant les ouvriers à rejoindre le mouvement de Résistance à l’occupation allemande : "Si vous ne voulez plus être la chair à canon de cette guerre, il faut non seulement résister à Vichy et à l’impérialisme allemand, mais le faire sous votre propre drapeau de classe, le drapeau rouge… Dans les groupes de résistance, dans le maquis, exigez votre armement…" (La Lutte de classe n°24 du 6 février 1944) 2.
Le drapeau rouge dilué… fondu… broyé… ratatiné dans les couleurs des nations capitalistes, voilà de quel "internationalisme" sont faits le groupe Barta et sa fille légitime : Lutte Ouvrière.
Et depuis, dans les différents conflits de l’après-guerre, cette dernière n’aura de cesse de suivre la même logique guerrière et hypocrite en direction des travailleurs, les incitant à choisir un camp impérialiste contre un autre. Particulièrement contre l’impérialisme américain et israélien, les ouvriers seront inlassablement encouragés à préférer la "patrie" palestinienne ou irakienne venant s’inscrire (qui plus est depuis l’effondrement de l’URSS) dans la droite ligne de la politique pro-arabe et anti-américaine de l’impérialisme français.
"Aimer sa patrie", "chanter la Marseillaise" (mais uniquement sur la musique de l’Internationale), "Non, ce n’est pas ringard" pour Arlette Laguiller, à plus forte raison lorsqu’on se trouve (bien au-delà des apparences de façade) pétri d’un nationalisme viscéral.
Azel (18 mars)
1 Voir notre article La véritable origine bourgeoise de "Lutte Ouvrière" [6] [6] dans RI n°343.
2 La Lutte de classe, feuille de propagande publiée par le groupe Barta pendant la Seconde Guerre mondiale.
Dans la nuit du 19 au 20 mars 2003, une série de bombardements était lancée sur Bagdad. C’était le début de l’opération "Liberté en Irak". La deuxième guerre d’Irak venait de commencer. Cela fait à présent quatre ans que cette boucherie impérialiste ravage le pays. Depuis, les affrontements armés, les attentats aveugles, les massacres de populations civiles n’ont fait que croître inexorablement. A Bagdad, comme dans tout l’Irak, l’horreur se vit au quotidien. La population irakienne, réduite à la pire misère, est prise dans l’étau infernal que constituent les différentes fractions armées : sunnites, chiites, kurdes, forces gouvernementales ou américaines. Les morts irakiens se chiffrent probablement par centaines de milliers. Dans le pays, deux millions de déplacés et autant de réfugiés sont dénombrés depuis le début de la guerre. L’armée américaine a perdu quant à elle plus de 3200 GI’s, pour la grande majorité de jeunes soldats, engagés dans cette horreur pour échapper à la misère et au chômage dans leur propre pays et espérer mettre quelques dollars de côté. Mais déjà, plusieurs milliers de ces jeunes recrues ont déserté et fui cet enfer permanent, se terrant au Canada ou ailleurs. Ces quatre années débouchent sur un chaos sanglant, sans qu’aucune perspective ne permette d’espérer une quelconque nouvelle stabilisation du pays et de la région. Les protestations contre la guerre se multiplient : environ 50 000 personnes se sont mobilisées le 17 mars à Washington, sous la bannière "Stop à la guerre en Irak, pas de guerre contre l’Iran". Des manifestations similaires ont eu lieu le même jour dans plusieurs grandes villes américaines, notamment à New York, Los Angeles, San Francisco, avec à leur tête des milliers de vétérans, pour réclamer le retrait des troupes d'Irak. En Espagne, 400 000 personnes se sont rassemblées à Madrid, à la fois en commémoration des victimes des attentats meurtriers à la gare d'Atocha et pour réclamer la fin de cette guerre. D'autres manifestations similaires étaient organisées dans le pays, de Barcelone à Cadix. Un peu partout, dans le monde, en particulier en Turquie, en Corée du Sud, en Hongrie, des rassemblements plus ou moins nombreux réclamaient le retrait des contingents nationaux d'Irak.
Il y a quelques jours, la première visite du nouveau secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon a été une sorte de baptême du feu : il a été (bien malgré lui devant toutes les télévisions du monde) l’illustration vivante que plus aucune force ne contrôle réellement la capitale irakienne. En effet, c’est lors d’une conférence télévisée, en présence du nouveau secrétaire général de l’ONU qui se tenait dans une "zone verte", secteur considéré comme le plus sécurisé du pays, qu’a éclaté à quelques mètres un obus de mortier. Alors même que le président irakien venait tout juste de déclarer qu’il considérait la visite de Ban Ki-moon comme "un message destiné au monde, qui confirme que Bagdad est à nouveau en mesure d’accueillir des personnalités mondiales importantes parce qu’il a fait d’importants progrès sur la voie de la stabilité."
Quatre années après le début de la guerre, plongée dans le plus grand des désarrois, l’administration américaine ne sait plus comment se sortir du bourbier irakien. Ce qui était encore totalement impensable il y a quelques semaines s’avère aujourd’hui possible. Ainsi, " la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, a annoncé que le gouvernement irakien allait réunir dans une quinzaine de jours une conférence internationale sur l’Irak à laquelle les Etats-Unis ont décidé de participer, bien que l’Iran et la Syrie soient invités." (Le Monde du 1er mars 2007). Cette conférence, présentée par beaucoup de commentateurs bourgeois comme une des dernières chances pour la paix, n’a été en réalité qu’un moment supplémentaire d’affrontements entre les deux puissances qui se font face indirectement en Irak : l’Iran et les Etats-Unis. Cette confrontation a connu, seulement quelques jours après la tenue de cette conférence, une nouvelle manifestation qui ne laisse planer aucun doute sur le niveau de tension existant, entre les deux pays. En effet, 15 marins et fusiliers britanniques, faisant partie de la coalition militaire en Irak, sous direction américaine, se sont faits prendre par la marine iranienne, au large de Fao, dans le Chatt- al-Arab, le confluent du Tigre et de l’Euphrate qui marque la frontière entre l’Irak et l’Iran. Que ce soit en Irak même ou dans le Golfe persique, et malgré l’incroyable armada maritime des forces de la coalition, les Etats-Unis ne sont plus en mesure d’assurer la sécurité des troupes de cette même coalition. Cette perte de contrôle de la situation aujourd’hui avérée traduit l’affaiblissement irréversible de la première puissance impérialiste du monde, justement dans une région qu'elle prétend "mettre au pas" depuis quatre ans.
Il n’y a pas d'espoir pour les Etats-Unis de se retirer du Moyen-Orient sans une perte de crédibilité énorme. La bourgeoisie américaine est ainsi face à une contradiction aujourd’hui insoluble. "Les Américains maintiennent pourtant un double langage, regrette le quotidien de Téhéran (Kayhan). Condoleezza Rice, secrétaire d’Etat américaine, affirme d’un côté qu’elle est prête à s’entretenir directement avec l’Iran sur les sujets qui concernent les deux pays, et de l’autre, affiche une fermeté indiscutable sur les dossiers comme le nucléaire. Mais les Américains ont besoin de l’Iran plus que jamais. Cette attitude ambivalente montre la confusion et le désespoir qui règnent dans l’administration Bush" (Courrier international du 12 mars 2007). Les Etats-Unis sont acculés à faire un choix entre deux "solutions" de toutes façons désastreuses : soit ils font un compromis humiliant avec l’Iran, soit ils optent pour une nouvelle fuite en avant guerrière. L’Iran, aujourd'hui en situation de force dans la région et soutenant massivement les fractions chiites d’Irak, pose très clairement les termes de ce marchandage sordide entre ces deux nations impérialistes. Une "aide" éventuelle de l’Iran pour tenter de rétablir l'ordre en Irak devra se payer au prix fort par l’administration américaine, principalement par l’acceptation de fait du programme nucléaire iranien. Mais il n’est pas non plus à exclure que l’administration Bush, déjà fortement discréditée, veuille jouer son va-tout et attaque l’Iran, prenant le risque insensé de pratiquer la politique de la terre brûlée. Une telle offensive signifierait une formidable accélération du chaos régional et mondial, sans pour autant que les Etats-Unis en tirent le moindre bénéfice impérialiste.
La guerre en Irak (au terme de ces quatre années d’enfoncement dans un bourbier fait de massacres et de misère galopante) aura déjà participé directement à radicaliser et à développer la haine entre les communautés chiites, sunnites et également kurdes à un point tel que tout retour en arrière semble désormais totalement improbable. Ce conflit a concrétisé non seulement l'incapacité grandissante des Etats-Unis à régler le problème irakien mais aussi, et bien au-delà, à s’imposer en tant que gendarme du monde. En effet, les interventions répétées et l'accroissement des forces militaires de la première puissance mondiale, produits de l'engrenage des rapports de force inter-impérialistes et de ses contradictions, n'ont fait que développer la terreur et le chaos non seulement en Irak mais dans la majeure partie du monde.
Cette guerre, déjà pleine de monstruosités en tous genres, n'est pas achevée, loin de là. Elle est porteuse des pires massacres pour l'avenir, loin des promesses faites par tous ses pseudo-"libérateurs".
Rossi (26 mars)
Ils disent que l'économie espagnole va "à plein tube", ils disent que l'économie mondiale va de l'avant. Les gouvernements, les experts, les économistes, les chefs d'entreprises et syndicaux, nous présentent un "monde" qui n'a rien à voir avec le monde réel que nous subissons tous les jours. Dans leur monde, il y a des édifices éblouissants, des technologies merveilleuses, des résultats économiques "formidables"...
Cependant, dans notre monde, le monde réel, il se passe des choses très différentes : des licenciements à la pelle, des contrats précaires, des pensions de retraite à chaque fois plus réduites et plus difficiles à obtenir, une augmentation de la pauvreté, l'impossibilité d'accéder à un logement digne, un fonctionnement désastreux des services de santé qui sont débordés en permanence, le chaos dans les transports (pour donner un exemple criant, le désastre dans le fonctionnement des trains de banlieue de Barcelone...)
Ce "monde réel" est subi par les travailleurs du monde entier, par l'immense majorité de l'humanité. En nous limitant uniquement au fléau des licenciements, rappelons-nous qu'aux États-Unis, General Motors projette de licencier 30 000 de nos camarades et Ford 10 000 ; en Allemagne, Volkswagen prévoit 10 000 autres licenciements ; en Allemagne et en France, 10 000 suppressions de poste à Airbus avec des répercussions probables en Espagne. Ce ne sont que quelques cas au milieu d'une liste interminable de licenciements qui touche les travailleurs des grandes et des petites entreprises et de nombreux pays.
A Delphi1, avec l'accord du gouvernement régional d'Andalousie et des syndicats, il avait été établi un plan industriel qui, en échange de sacrifices importants des travailleurs, "garantirait l'emploi au moins jusqu'en 2010". Ce fut le énième plan de sauvetage de l'entreprise semblable à celui de SEAT, des chantiers navals et de tant d'autres.
Le mécanisme est toujours le même : les gouvernements, le patronat et les syndicats nous proposent de "sauver l'entreprise". Pour cela ils nous demandent de faire des sacrifices (en nous baissant les salaires, en nous demandant de faire des heures supplémentaires, d'accepter des préretraites et des départs "volontaires") pour avoir un "plan d'avenir". Delphi est la énième démonstration que ces promesses sont uniquement de la poudre aux yeux. Accepter les sacrifices aujourd'hui mène à des sacrifices encore pires et plus nombreux avec comme résultat final les LICENCIEMENTS MASSIFS.
En Allemagne nous avons eu la même situation : en 2003, à Volkswagen, le patronat et les syndicats ont décidé un plan draconien (48 heures de travail par semaine avec 10% de baisse de salaire) pour "empêcher les licenciements". Le résultat : en 2006 et aujourd'hui en 2007, le patronat a décidé plus de 16 000 licenciements.
A SEAT, en décembre 2005, ils ont dit que les 660 licenciements qu'ils ont réussi à imposer avec la complicité effrontée des syndicats seraient "les derniers". Ils ont mis moins d'un an pour se dédire et, aujourd'hui, l'entreprise impose une nouvelle série de licenciements, que les syndicats se contentent de juger "inopportuns" !
Nous devons nous poser la question : pourquoi se passe-t-il toujours la même chose ? Pourquoi les sacrifices n'apportent-ils que de nouveaux sacrifices ? Où allons-nous aboutir ? Les "plans d'avenir" instaurés par le patronat, les syndicats et les partis politiques servent-ils à quelque chose ? Ces "plans d'avenir" ne sont-ils pas la carotte avec laquelle on nous conduit de sacrifice en sacrifice jusqu'au licenciement final de tout le personnel ? Ces "plans d'avenir" sont-ils une alternative réaliste ou bien, ce qui est plus réaliste, s'agit-il de comprendre que le capitalisme n'a pas d'avenir ?
Le capitalisme comme système mondial est dans une situation à chaque fois plus critique. En témoignent la fermeture continue d'entreprises productives, l'interminable cascade de licenciements, le fonctionnement toujours plus désastreux des infrastructures, le fait que pour amortir les coups de la crise en réduisant les coûts de production on transfère des parties importantes de la production en Chine, en Inde, etc., dans des pays transformés en ateliers du monde à bas prix puisque là-bas les conditions de travail sont insupportables.
Les politiciens, les syndicalistes et les économistes se lamentent sur le fait que les multinationales démantèlent les industries pour les transférer en Chine. Mais quelle est la solution qu'ils mettent en avant ? Eh bien d'accepter une dégradation de nos conditions de travail et de vie jusqu'à nous mettre en situation de pouvoir faire concurrence aux prix de la Chine ! Voilà l'avenir que nous offre le capitalisme ! Nous ramener au niveau de nos camarades en Chine qui supportent jusqu'à 70 heures de travail par semaine, des salaires de misère, sans sécurité sociale ni pension garantie et en logeant dans des taudis infects !
L'avenir que nous offre le capitalisme c'est la précarité, le chômage chronique, la perte des pensions, une vie de misère indescriptible et, en même temps, des guerres impérialistes, le désastre des infrastructures, des catastrophes écologiques, la barbarie morale. L'avenir que le capitalisme offre à l'humanité c'est la barbarie.
La seule alternative qu'ont les travailleurs, c'est la lutte. La lutte massive et solidaire. La solidarité est vitale. Face à la menace des licenciements qui pèse sur nos camarades et leurs familles à Puerto Real, tous les ouvriers doivent discuter, sur les lieux de travail, dans les quartiers, sur tous les lieux possibles de réunion, de la nécessité de lutter, de développer la solidarité, de lutter ensemble et de façon unie.
Il y a un an, quand les ouvriers de SEAT ont arrêté spontanément le travail en solidarité avec leurs camarades menacés de licenciement, dans un tract où nous appelions à la solidarité des autres travailleurs sans distinction de secteur, de région ou de race, nous disions : "le problème de SEAT ne se réduit pas aux 660 licenciements ; c'est un problème de TOUT LE PERSONNEL. Mais ce n'est pas seulement le problème des ouvriers de SEAT, mais de TOUS LES TRAVAILLEURS, tant des fonctionnaires avec la 'garantie de l'emploi' (jusqu'à quand ?) que des entreprises privées, tant des sans papiers que de ceux qui ont des papiers, tant des entreprises qui font des bénéfices que des entreprises en déficit. Nous sommes ou serons tous dans la même situation que les camarades de SEAT !"
La réalité montre que NOUS SOMMES TOUS DANS LA SITUATION DES CAMARADES DE DELPHI. C'est pour cela que la réponse est la SOLIDARITE DE CLASSE de tous les travailleurs, la solidarité de tous les exploités.
Nous saluons le commencement de la lutte à Delphi et le fait que ce soit les femmes et les familles qui, de façon solidaire, ont pris l'initiative à travers des manifestations quotidiennes. Nous saluons le fait qu'à l'usine d'Airbus et à Bazan ils ont commencé à faire preuve de solidarité.
Une manifestation a été convoquée pour le 1er mars à Cadix. Plus les travailleurs seront nombreux à y participer, tant à Cadix qu'à Puerto Real comme dans d'autres régions, d'autres entreprises, d'autres secteurs, PLUS LES CAMARADES DE DELPHI AURONT DE FORCE ET PLUS DE FORCE NOUS AURONS TOUS.
La solidarité est une question de vie ou de mort que nous devons discuter et impulser partout.
Nous devons distinguer la FAUSSE SOLIDARITÉ, la "solidarité" du bourreau et de ses complices, de la VÉRITABLE SOLIDARITÉ, qui ne peut être que la SOLIDARITE DE TOUS LES TRAVAILLEURS, DE TOUS LES EXPLOITÉS, exprimée de façon directe et massive.
La FAUSSE SOLIDARITÉ, c'est la solidarité du gouvernement d'Andalousie qui pousse des cris d'orfraie parce que l'entreprise "ne lui a rien communiqué" alors qu'il lui avait versé des subventions à la pelle, et avait déroulé un tapis rouge devant elle en échange d'une limitation des salaires des travailleurs et de l'amélioration de leurs conditions de travail en leur faisant du chantage avec le refrain bien connu : "se sacrifier pour obtenir des créations d'emplois".
La FAUSSE SOLIDARITÉ, c'est celle du gouvernement PSOE, qui par la bouche de Madame Fernandez de la Vega (vice-présidente du gouvernement) a déclaré solennellement qu'elle "travaille avec le gouvernement d'Andalousie pour faire en sorte qu'il n'y ait aucune famille qui souffre des conséquences d'un processus de cette nature", ce qui signifie tout simplement : il faut accepter les licenciements (appelés par euphémisme "le processus") et se contenter de quelques broutilles. Quelle solidarité pouvons-nous attendre d'un gouvernement qui vient d'augmenter de 12 à 15 ans la durée de travail minimale pour avoir droit à une pension et qui a été l'organisateur des licenciements de 2005 dans les chantiers navals ?
La FAUSSE SOLIDARITÉ, c'est celle des organisations syndicales qui, dans le silence des bureaux, signent tout ce que le gouvernement, la CEOE (l'organisation patronale) et les patrons concernés leur mettent sur la table et qui ensuite, pour la galerie, "protestent", "se lamentent". Quelle alternative nous offrent-elles ? Un nouvel "accord" avec de nouveaux sacrifices pour "préserver l'emploi". Accord qui consiste à accepter le licenciement de beaucoup de camarades, la dégradation des conditions des "bienheureux" qui restent en poste et la prolongation de l'agonie pour un ou deux ans jusqu'à ce que la Direction, implacable et renforcée par une telle capitulation, annonce une autre série de licenciements qui sera présentée comme la dernière.
La FAUSSE SOLIDARITÉ, c'est celle des partis, PSOE, PP (Parti Populaire) et IU (Gauche Unie), celle des maires de la région, qui appellent à la "mobilisation citoyenne" dans laquelle on veut diluer et paralyser une riposte forte, unie et solidaire des travailleurs.
La véritable solidarité réside dans la lutte massive et indépendante des travailleurs à laquelle peuvent et doivent s'associer tous les opprimés et exploités. Nous avons un exemple récent à Vigo, en mai 2006 ; les travailleurs du secteur de la métallurgie ne sont pas tombés dans ces pièges de la fausse solidarité et ont mis en pratique la véritable solidarité en luttant massivement, avec la participation aux manifestations des différentes usines, en établissant le contact direct et la lutte directe des ouvriers eux-mêmes. Ils ont organisé chaque jour une ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ouverte aux autres travailleurs et à toute personne qui voulait soutenir la lutte et y participer.
A Delphi se pose la nécessité de rester dans l'usine pour éviter que les installations ne soient fermées pendant la nuit dans le dos des ouvriers. Mais en même temps se pose la nécessité, encore plus vitale, de gagner la solidarité directe des autres travailleurs, de Bazan, d'Airbus, de la baie de Cadix... Pour répondre à ces deux nécessités, il faut s'inspirer de l'exemple des camarades de Vigo : il faut organiser des assemblées massives à la porte de l'usine où peuvent se joindre les femmes, les familles, les autres travailleurs... Tous ont quelque chose à apporter, tous unis nous serons forts pour arrêter les licenciements.
Tract d'Accion Proletaria,
organe du CCI en Espagne (25 février 2007)
1 Equipementier pour l’automobile américain ayant plusieurs usines en Espagne et en Europe. C’est l’usine de Puerto Real, en Andalousie, qui a été fermée provoquant la perte de 1600 emplois directs et 4000 indirects.
La véritable débauche de haine, les émeutes accompagnées d'incendies et de pillages, qui s'est déchaînée contre les Caucasiens et les Tchétchènes à Kondopoga, petite ville industrielle proche de la frontière russo-finlandaise, a eu un large retentissement au plan national, en Russie, et même internationalement.
Les événements de Kondopoga sont loin d'être un cas isolé. Surtout depuis la guerre en Tchétchénie qui a commencé en 1994. Mais ces derniers mois, des pogroms ont éclaté dans plusieurs régions de Russie. Au mois de mai 2006, à Novossibirsk, 20 autochtones ont incendié une dizaine de maisons tsiganes sous prétexte de lutte contre le trafic de drogue ; dans la ville de Kharagun (région de Tchita), des heurts ont opposé Russes et Azerbaïdjanais, résultat : un mort ; dans la région d'Astrakhan, à la suite du meurtre d'un jeune Kalmouke lors d'une bagarre avec des Tchétchènes, 300 Kalmoukes ont agressé les Tchétchènes et ont incendié leurs maisons. Un mois après, dans le village de Targuis (région d'Irkoutsk), un pogrom anti-Chinois s'est conclu par l'expulsion de 75 Chinois. Quelques jours plus tard, c'est contre les Daghestanais que les habitants de Salsk (région de Rostov) se sont mobilisés ; les troubles ont fait un mort. Le 21 août, une bombe a explosé sur le marché Tcherkizovo à Moscou, où la plupart des commerçants viennent d'Asie centrale ou d'Extrême-Orient ; bilan : 12 morts et plus de 40 blessés. Les Tchétchènes, cherchant refuge contre la guerre, concentrent sur eux la plus forte hostilité, ainsi que les Tsiganes.
A Kondopoga, le pogrom anti-Caucasiens a pris une intensité sans précédent. Pendant cinq jours, du 30 août au 5 septembre 2006, une foule de plusieurs centaines d'individus (en majorité des jeunes hommes de 15 à 20 ans) se déchaîne. Elle porte sa vindicte d'abord contre le marché de la ville où, comme dans toutes les villes de Russie, des Caucasiens tiennent les stands de fruits et légumes. Les stands sont dévastés, les commerces pillés et incendiés. Puis, les émeutes se répètent plusieurs nuits de suite, attaquant échoppes, garages et voitures appartenant aux Caucasiens, à coups de pierres, de bouteilles et de cocktails Molotov. On tente aussi d'incendier l'école où plusieurs familles d'Asie centrale avaient trouvé refuge ! Plusieurs mouvements nationalistes se sont impliqués et ont publiquement appelé à la "déportation" immédiate des Caucasiens. Les troubles se sont terminés par un départ massif de la population immigrée de la ville prise de panique. 200 Caucasiens et des dizaines de Tchétchènes ont quitté les lieux et trouvé refuge dans une autre ville à 50 kilomètres de là, pour protéger leur vie.
De nombreuses voix ont stigmatisé la responsabilité des ultranationalistes du Mouvement contre l'immigration illégale (DPNI). Venus de Moscou et de Saint-Pétersbourg, les militants de ce groupuscule xénophobe pro-slave, épaulés par des néo-nazis, ont joué un rôle central pour chauffer à blanc les jeunes cerveaux et pour organiser les manifestations dans le pogrom qui a déferlé sur Kondopoga. Cependant, s'ils ont pu agir ainsi, c'est parce qu'ils n'ont pas agi seuls. Leur action n'a été possible qu'avec l'aval des autorités et de la bourgeoisie locales. Le leader ultranationaliste du DPNI, Belov, s'est même rendu sur place à l'invitation du député local du parti populiste LDPR, Nikolaï Kourianovitch, appelant à la formation d'une milice d'anciens combattants russes en Tchétchénie pour y rétablir l'ordre !
Les autorités publiques font des Caucasiens les boucs émissaires responsables de tous les maux qui accablent la population. Elles stigmatisent leur "richesse ostentatoire" et "leur Mercedes roulant à tombeau ouvert" sans parler de leurs "combines mafieuses" ou des pots-de-vin versés à la police pour qu'elle ferme les yeux. Le gouverneur de la région, Katanandov, membre de Russie Unie, le parti de Poutine, étalant le racisme ordinaire propre à sa classe, a largement contribué à souffler sur les braises pour attiser la vindicte et l'irrationalité pogromistes : "La raison principale [des troubles] est que des représentants d'un autre peuple se sont conduits de façon impertinente et provocatrice, ignorant la mentalité de notre peuple." Les Caucasiens auraient ainsi pris l'habitude "de ne pas faire la queue au contrôle technique" en cas d'accident de voiture, "montrant que tout leur est permis" [sic]1 Il en rajoute dans la surenchère nationaliste, justifiant le pogrom en dénonçant "ces jeunes gens venus du Caucase et d'autres régions" qui se comportent "en occupants" pour clamer : "Ils font profil bas ou ils partent."2
La collusion entre les autorités officielles et les groupes néo-nazis n'est pas un dérapage de sous-fifres locaux des échelons inférieurs de l'État. En vérité, l'État russe possède lui-même ses propres raisons pour faire des Caucasiens des boucs émissaires. L'atmosphère de pogrom entre parfaitement dans l'intérêt de l'État russe. Elle est en réalité directement encouragée par la grande bourgeoisie et l'Etat. C'est l'un des moyens les plus répugnants utilisés dans la défense de ses intérêts impérialistes. Les groupes néo-nazis, s'ils ne sont pas directement des émanations du pouvoir, sont largement manipulés par le Kremlin. D'une part, celui-ci se sert d'eux comme d'une police officieuse et parallèle pour leur sous-traiter la sale besogne de la répression contre tout genre d'opposition. D'autre part, ils constituent de précieux auxiliaires pour propager au sein de la population la haine et l'hystérie nationalistes, propices aux exactions barbares de l'impérialisme russe en Tchétchénie.
Dans le bras de fer entre requins impérialistes qui oppose Géorgie et Russie, c'est en attisant cette atmosphère pogromiste que l'État russe a pris des mesures de rétorsions contre les Géorgiens présents en Russie, pour exercer ses représailles contre Tbilissi, suite à la brusque aggravation des tensions entre les deux Etats après l'arrestation de quatre officiers russes accusés d'espionnage, le 27 septembre. Ainsi Poutine, début octobre, donne-t-il lui-même dans la dénonciation des "groupes criminels ethniques" qui régissent le commerce de détail exigeant que l'on "mette de l'ordre" sur les marchés, qualifiés de lieux les "plus ethniquement pollués" du pays, pour défendre "les intérêts des producteurs russes et de la population autochtone"3 afin de procéder à l'expulsion du territoire russe de plusieurs milliers de Géorgiens, "criminalisés" et prétendument en situation irrégulière.
L'autre utilité, et non la moindre, que trouvent la bourgeoisie et l'État en attisant l'esprit de pogrom, c'est le moyen de semer la division dans les rangs de son ennemi mortel, le prolétariat, et pour empêcher les classes opprimées de voir où se trouvent leurs réels ennemis. Ces campagnes abjectes répétées contre les immigrés qui "volent le travail aux Russes et les pervertissent" (credo de l'État comme des groupes ultranationalistes) constituent l'arrière-plan idéologique des attaques et des multiples agressions physiques dont sont victimes les immigrés. Faire porter sur les immigrés la responsabilité du déclin général des conditions de vie de la classe ouvrière, pour en faire les boucs émissaires, est consciemment destiné à saper l'identité et la solidarité de classe du prolétariat.
L'instigation des pogroms par l'État s'inspire directement d'une longue tradition nationale, notamment des crimes du tsarisme envers les Juifs. L'État russe, qui institue la xénophobie comme idéologie officielle, ne fait que remettre au goût du jour la sinistre ‘tradition' des "règlements provisoires destinés à soustraire les Chrétiens de l'exploitation juive" d'Alexandre III (1882) dans la défense de la domination de classe de la bourgeoisie. Prévoyant qu'"un tiers de Juifs émigrera, un tiers se convertira, un tiers périra" , ceux-ci ont été promulgués en grande partie dans le but d'attiser le déchaînement de pogroms antisémites, pour servir de dérivatif afin de paralyser et empêcher toute lutte contre le pouvoir monarchique. C'est pourquoi le mouvement ouvrier dénonçait dans les pogroms le rôle de l'État et de "l'autocrate de toutes la Russie qui sert de protecteur suprême à cette camorra à demi-gouvernementale de brigands et de massacreurs, soutenue par la bureaucratie officielle (...) et qui a pour état-major la camarilla des courtisans" (Trotsky, 1905). Les têtes couronnées ne servent plus de décorum à l'État capitaliste mais celui-ci préside toujours aux mêmes scénarios barbares !
Dans une prise de position, "Kondopoga - un soulèvement populaire qui tourne au pogrom", publiée sur Internet en septembre 20064 et dont nous ne savons pas si elle constitue une initiative individuelle de son auteur (M. Magid) ou si elle reflète la position officielle de l'organisation dont il se revendique (section russe de l'AIT) se trouvent développées de dangereuses confusions tant concernant la nature de classe du mouvement que sur les perspectives dont il est porteur. Bien plus, l'auteur s'évertue même à en faire un mouvement, si ce n'est de la classe ouvrière elle-même, à tout le moins utile à son combat. "Partout, ou presque partout dans la province russe se répand la destruction causée par les bandits de toutes les nationalités qui contrôlent les marchés locaux, les entreprises et les banques. (...) A Kondopoga, nous avons assisté à une tentative des gens pour mettre sur pied un organe d'auto-administration, une assemblée régulière populaire qui prendrait des décisions que les autorités devraient exécuter conformément à l'opinion des gens. Mais les émeutes se sont transformées en émeutes nationalistes. (...) Est-ce que ce mouvement était sous la conduite ou à l'initiative des fascistes ou des négociants locaux ? Non, cette assertion est un mensonge des médias officiels. C'était une émeute populaire, des travailleurs, qui s'est développée dans une direction nationaliste, sans danger pour les autorités, en partie à cause des événements eux-mêmes, en partie à cause de l'initiative des commerçants locaux."
Au final, l'auteur institue les moyens utilisés, l'émeute et le pogrom, comme des armes valables que le prolétariat peut utiliser. Le seul regret critique qu'il émet, c'est le qu'il aurait fallu ne pas se contenter de cibler ceux qu'il nomme les bandits caucasiens mais élargir l'action aux bandits russes. Le plus frappant, c'est qu'il prend sans barguigner pour argent comptant les campagnes nationalistes de l'État capitaliste faisant des Caucasiens "tous des mafieux". A aucun moment il ne lui vient à l'idée que cela pourrait être une idée fausse. C'est clairement céder aux mensonges répugnants de l'État, lui apporter sa caution en se faisant le complice de la désignation raciste des Caucasiens comme boucs émissaires.
Cette attitude est en complète contradiction avec celle que doivent prendre les révolutionnaires en continuité du mouvement ouvrier. Face au pogrom antisémite de Kichinev en 1903, le Congrès de fondation du POSDR recommandait aux militants "d'utiliser tous les moyens en leur possession pour combattre de tels mouvements et pour expliquer au prolétariat la nature réactionnaire et classiste des incitations antisémites ou national-chauvines en général." L'attitude de la classe ouvrière et des révolutionnaires a toujours été d'apporter sa solidarité aux victimes des pogroms et de leur offrir sa protection. C'est une partie du rôle exercé par les soviets en 1905 et 1917 : "Le soviet organisait les masses ouvrières, dirigeait les grèves et les manifestations, armait les ouvriers, protégeait la population contre les pogroms." (Trotsky, 1905) Sous la direction des conseils, dans un grand nombre de villes, les ouvriers organisèrent des milices armées pour réprimer les débordements des voyous pogromistes. Les bolcheviks eux-mêmes se sont constamment et fortement impliqués dans la formation de groupes révolutionnaires armés pour s'opposer à eux. Voici un exemple de l'action bolchevique dans la ville d'Odessa : "Là, je fus témoin de la scène suivante : un groupe de jeunes hommes, âgés de 20 à 25 ans, parmi lesquels se trouvaient des agents de police en civil et des membres de l'Okhrana, raflait quiconque ressemblait à un Juif - hommes, femmes, enfants - les dépouillant de leurs vêtements et les battant sans merci... Nous organisâmes immédiatement un groupe de révolutionnaires armés de revolvers... Nous courûmes à eux et fîmes feu sur eux. Ils déguerpirent. Mais, entre les pogromistes et nous, apparut soudain un solide mur de soldats armés jusqu'aux dents et nous faisant front. Nous battîmes en retraite. Les soldats s'en allèrent et les pogromistes réapparurent. Cela se produisit plusieurs fois. Il était clair pour nous que les pogromistes agissaient de concert avec l'armée." 5 Aujourd'hui, le prolétariat n'a pas la force d'adopter de telles mesures, mais pour retrouver sa force, c'est cette attitude des bolcheviks qu'il faut adopter, et non pas celle que nous propose M. Magid. Si les ouvriers se laissent diviser et se laissent entraîner dans des pogroms, ils courent à leur perte. Pour la classe ouvrière, c'est une véritable question de vie ou de mort.
La vision, que développe Magid, qui autorise la désignation de boucs émissaires sur lesquels on fait porter la responsabilité de la situation insupportable créée par la crise économique capitaliste, procède d'une vision complètement étrangère au prolétariat. Cette ambiguïté sur la nature des pogroms condamne ceux qui l'acceptent à faire le jeu politique de l'État. Ce qui explique ces errements, c'est l'absence de critères de classe pour aborder la réalité de la société capitaliste et les luttes qui la traversent, dissolvant le prolétariat dans le tout indifférencié du "peuple" ainsi que le culte bakouniniste de la violence et du déchaînement des passions destructrices, conçu comme le viatique de la révolution, typiques de l'anarchisme. C'est dans ses fondements mêmes que résident les racines de ces confusions dangereuses pour le combat de classe et les bases qui en font le soutien du pogromisme.
Le prolétariat ne peut parvenir à assumer son avenir révolutionnaire qu'en développant sa solidarité et qu'en rejetant toutes les formes de divisions que le capitalisme lui impose. Toutes les formes de nationalisme et de racisme ne peuvent qu'affaiblir son combat pour son émancipation. La révolution n'est pas et ne peut pas être une vengeance exercée contre une partie de la population rendue responsable de sa situation. La lutte de la classe prolétarienne se développe en vue de la destruction du capitalisme comme système, basé sur l'exploitation du travail salarié dans le cadre des rapports de production capitaliste. Son objectif final est la transformation de l'ordre des choses existant dans la société afin de "créer des conditions de vie pour tous les êtres humains tels qu'ils puissent développer leur nature humaine avec leurs voisins dans des conditions humaines, et ne plus avoir peur que de violentes crises bouleversent leurs vie"6
A bas tous les pogroms !
A bas le système capitaliste qui les engendre et les utilise pour sa préservation!
Vive la solidarité internationale de tous les travailleurs!
1 Libération du 8 septembre 2006.
2 Le Monde du 21 septembre 2006.
3 Le Figaro du 17 novembre 2006.
4 En russe sur avtonom.org ; en anglais sur https://libcom.org/forums/thought/kondopoga-a-popular-uprising-turned-to... [10].
5 Piatnitsky, O., Zapiski Bol'shevika, (Mémoires d'un bolchevik), Moscou, 1956.
6 Engels, Deux discours à Eberfeld, 1845.
Après les multiples forums sociaux organisés par les altermondialistes ces dernières années pour affirmer contre l’idéologie néolibérale"qu’un autre monde est possible", leur leader principal, l’association ATTAC, a produit à l’occasion des élections en France en 2007 un manifeste. A l’image des sept péchés capitaux de la religion catholique, ATTAC a identifié"les sept piliers du néo-libéralisme qu’il faut abattre pour construire un monde démocratique, solidaire et écologique". Ce manifeste, fort d’une centaine de propositions, se veut être un"stimulant au débat public", une aide, entre autres,"aux choix que doivent faire les citoyens".
Le manifeste commence par rappeler que"dès sa fondation en 1998, ATTAC a identifié les politiques néolibérales menées partout dans le monde, et particulièrement en Europe et en France (quels que soient les gouvernements), comme la cause principale de la montée des inégalités, de la dislocation des sociétés par le chômage et la précarité, de l’insécurité sociale, de la prolifération des conflits militaires, etc." Ce néo-libéralisme qui date du début des années 1980 serait la cause essentielle de toutes les calamités que vit l’humanité car"ses méthodes sont bien connues : marchandisation généralisée, liberté d’action des patronats et des investisseurs, extension à l’ensemble de la planète du terrain de chasse des entreprises transnationales." Autrement dit, si on arrive à chasser les prédateurs, ceux qui détiennent le capital, on pourrait arriver à"une mondialisation solidaire contre le libre-échange et la libre circulation des capitaux". Pour mettre cela en œuvre, ATTAC propose une multitude de mesures pour réguler le commerce mondial. Mettre l’OMC sous le contrôle de l’ONU, réformer le FMI, la banque mondiale, créer une organisation mondiale de l’environnement, contrôler les changes, taxer la circulation des capitaux, contrôler les échanges de marchandises de façon équitable, réhabiliter les impôts directs, réduire les inégalités avec une mesure "révolutionnaire" qui serait "la fixation d’un écart maximal entre les revenus des gestionnaires des entreprises et ceux des salariés les moins rémunérés". Contre la logique du profit et le règne de la concurrence, contre les politiques des gouvernements au service des propriétaires du capital, le manifeste d'ATTAC défend la nécessité de préserver des"biens publics mondiaux et des services publics" et "oppose un principe fondateur d’un nouveau monde : les droits des êtres humains et les droits des peuples, les droits sociaux, écologiques, économiques, culturels, politiques." Autrement dit, pour le manifeste des altermondialistes, il n’y a pas de crise économique, mais simplement une mauvaise politique qui fait la part belle aux profits et qui ne pense qu’au pouvoir de l’argent. Si on contrôle tout cela de façon citoyenne, qu’on régule, qu’on réforme, qu’on taxe, que les Etats mènent de bonnes politiques publiques et qu’on mette en œuvre les principes fondamentaux de la démocratie, alors tout devrait aller pour le mieux.
Au bout du compte, ATTAC se paie de mots pour jouer un rôle primordial dans la conservation de ce monde en faisant croire aux exploités qu’il est possible de se battre pour un capitalisme plus"égalitaire", plus"humain" et que finalement un capitalisme sans profit… c’est possible !
Contrairement aux délires mensongers de nos chevaliers altermondialistes, pourfendeurs du néo-libéralisme, l’exploitation capitaliste et le processus de marchandisation pour extraire toujours plus de profit n’a pas commencé au début des années 1980. Le marxisme a déjà mis en avant depuis plus de cent cinquante ans que la course au profit constitue l'essence même de ce système. Comme le soulignait Rosa Luxembourg au début du siècle dernier dans la continuité des travaux de Marx sur le capital :"Le processus de production capitaliste est déterminé par le profit. Pour chaque capitaliste la production n’a de sens et de but que si elle permet d’empocher tous les ans un"bénéfice net"… Mais la loi fondamentale de la production capitaliste à la différence de toute autre forme économique fondée sur l’exploitation n’est pas simplement la poursuite d’un profit tangible mais d’un profit toujours croissant" (extrait de Critique des critiques). Il n'y a donc rien de nouveau sous le soleil capitaliste, contrairement à ce que voudrait faire croire ATTAC pour mieux faire passer sa marchandise idéologique frelatée selon laquelle le capitalisme serait réformable. Il faut être clair et affirmer qu'aucun changement quelconque de politique économique ne pourra jamais remettre en cause l'exploitation capitaliste et les méfaits grandissants qu'il provoque sur toute la planète. Comme le disait encore Rosa Luxembourg :"Le mode de production capitaliste a cette particularité que la consommation humaine qui, dans toutes les économies antérieures, était le but, n’est plus qu’un moyen au service du but proprement dit : l’accumulation capitaliste. La croissance du capital apparaît comme le commencement et la fin, la fin en soi et le sens de toute la production… Le but fondamental de toute forme sociale de production : l’entretien de la société par le travail, la satisfaction des besoins, apparaît ici complètement renversé et mis la tête en bas, puisque la production pour le profit et non plus pour l’homme devient la loi sur toute la terre et que la sous-consommation, l’insécurité permanente de la consommation et par moments la non-consommation de l’énorme majorité de l’humanité deviennent la règle." (Rosa Luxembourg, Introduction à l’économie politique).
C’est cette loi d’airain, cette logique immuable qui fonde la nature du capitalisme. Par conséquent, demander aux capitalistes et à leurs Etats respectifs de redistribuer équitablement les profits reviendrait tout simplement à leur demander de se suicider !
C’est pourquoi il n’est pas surprenant de voir les entreprises et les Etats nationaux adopter des comportements toujours plus féroces et prédateurs, dans une concurrence de plus en plus acharnée entre nations, pour satisfaire leurs besoins toujours croissants de profit. C'est ce qu'ATTAC "dénonce" avec virulence comme étant du "néo-libéralisme", alors qu'il ne s'agit ni plus ni moins que de la norme de fonctionnement du mode de production capitaliste. Et leur avidité est d’autant plus forte que la crise économique s’aggrave irrémédiablement, rendant par là même les conditions de l’accumulation du capital toujours plus incertaines, ce qui explique l'exploitation chaque jour plus forcenée à laquelle sont soumis les prolétaires de par le monde.
Constatant l'aggravation des conditions de vie et de travail devenues la règle générale, ATTAC ne manque ni de propositions, ni de solutions. Seulement, dans l'énumération de ces nombreux moyens dont il faudrait se doter pour "changer le monde", on ne trouve en réalité qu'une liste de mesures appelant l’État au secours. Des mesures qui, certes, sont enrobées du verbiage égalitaro-citoyen à la mode altermondialiste mais qui, à part les vœux pieux et les tapes amicales à destination du prolétariat, ne sont qu'un appel à plus d'Etat.
Ce que veut faire oublier ATTAC, c’est que c'est l’Etat qui régit l'économie capitaliste et qui est le garant du fait que la machine capitaliste puisse réaliser du profit. ATTAC défend donc l’Etat comme le nec plus ultra de la lutte contre le profit et pour améliorer le sort de la population et des ouvriers, alors que c’est justement ce dernier qui est le principal artisan et le chef d'orchestre des principales attaques anti-ouvrières. L’Etat n’est pas un organe neutre au-dessus des classes, ou garant de plus de justice sociale. Au contraire, comme l’écrivait déjà au 19ème siècle Engels,"de tout temps, le but essentiel de cet organisme a été de maintenir et de garantir par la violence armée, l’assujettissement économique de la majorité travailleuse par la stricte minorité fortunée" (Lettre à Ph. Von Patten du 18 avril 1883, Editions 10/18).
ATTAC fustige dans la même veine les transnationales (l’équivalent moderne de ces multinationales tant décriées par la gauche dans les années 1970 et 1980) et le secteur privé qui s’approprieraient pour eux seuls les bénéfices de la production au détriment du bien-être de la population. ATTAC en brandissant ces épouvantails cherche à nous faire croire que l’État aurait pour rôle de répartir équitablement les richesses de la nation. L'Etat serait en quelque sorte le garant du communisme ! Mais ces transnationales ne représentent pas exclusivement les intérêts de capitaux et de bourgeois privés, elles ne sont pas "sans nationalité". Ce sont le plus souvent des grandes entreprises affiliées aux Etats les plus puissants, quand elles ne sont pas des instruments au service des intérêts commerciaux, politiques et militaires de ces mêmes Etats. Même s’il peut exister des divergences entre les Etats et certaines de ces grandes entreprises, cela ne remet nullement en cause le fait qu’elles doivent agir au bout du compte en cohérence et dans le sens de la défense de l’intérêt national et de l’Etat des pays dont elles dépendent. C’est l’Etat qui réglemente les prix, les conventions collectives, les taux d’exportation, de production, etc. C’est lui qui, à travers la politique fiscale, monétaire, de crédit, etc., dicte les conditions du"libre marché", tant aux secteurs financiers que productifs. C’est encore l’Etat et ses institutions les plus"respectables" qui se transforment en véritables croupiers d’une économie de casino pour gérer l’agonie du système capitaliste. Dès la fin des années 1960, avec la réapparition de la crise économique, c’est l’Etat qui a été responsable des grands plans de licenciements au nom de la restructuration industrielle dans la sidérurgie, les mines, les chantiers navals, l’automobile, et l’hémorragie se poursuit toujours aujourd’hui dans l’aéronautique, l’automobile, les télécommunications, etc. C’est l’Etat qui a supprimé des milliers d’emplois dans les postes, à la SNCF, dans les hôpitaux, et il continue dans la fonction publique, l’Education nationale, etc. C’est lui qui réduit en permanence les minima sociaux, favorise l’accroissement de la pauvreté, de la précarité, fait des coupes claires dans les budgets sociaux (logements, retraites, santé, éducation). C’est l’Etat, le principal responsable de l’indigence de milliers d’ouvriers qui se retrouvent sans logement, à survivre dans la rue. Vouloir opposer, comme le fait ATTAC, la gestion à la sauce"libérale" qu'il faudrait "dépasser" au dirigisme des années 1970 et son Etat"providence", c’est réinventer de toutes pièces une réalité mensongère et vouloir gommer la relation indissociable qui existe entre l'Etat et le secteur dit privé.
Les propositions"alternatives" de ce manifeste altermondialiste ne représentent aucun danger pour la classe dominante, car elles ne sortent pas du cadre de la société capitaliste. Par contre, elles constituent un rideau de fumée cachant la seule perspective capable de mettre fin à la barbarie et à la misère : le renversement du capitalisme moribond par la révolution prolétarienne.
« Un autre monde est possible", nous serine ATTAC, mais quel monde ? Un monde de "citoyenneté" et de "démocratie", un monde de "droits des êtres humains", des "peuples", des "travailleurs", etc. L'histoire de l'enfer capitaliste est pavée de ces bonnes intentions en tous genres qui n’ont d’autre fonction que de masquer la réalité de ce monde et faire espérer qu'on pourrait le faire "changer"… mais surtout pas en touchant au système capitaliste lui-même et en le détruisant. A l'instar de nos bourgeoisies développées qui, par l'intermédiaire de l'ONU et de l'UNICEF, publient d'une main une kyrielle de chartes pour les droits des enfants, des femmes dans le monde, etc., et bombardent, déciment, écrasent, polluent ce même monde de l'autre main, ATTAC jette de la poudre aux yeux. C'est pour cela et uniquement pour cela qu'elle existe. En son temps, dans les années 1980, Bernard Tapie avait décrété "le droit au travail et l'interdiction du chômage". Le bateleur de foire avait fait rire devant l'inanité de son propos. ATTAC en revanche, avec un programme sur le fond aussi stérile et sans perspective, veut se prendre et être prise bien plus au sérieux. Ses appels répétés à la "démocratie" sont une preuve des plus tangibles de cette volonté d'être mise dans le sac des organisations "responsables" aux yeux de la bourgeoisie. Cependant, comme elle veut ratisser large et aussi fournir la preuve de ces valeurs "révolutionnaires" qu'elle prétend prôner, ATTAC n'hésite pas à s'emparer de Marx pour mieux saboter la pensée marxiste. Ainsi, cerise sur le gâteau avarié de l'altermondialisme, cette phrase du manifeste d'ATTAC :"il s’agit d’explorer des voies multiples, des terrains disparates afin de remettre fondamentalement en cause le modèle néolibéral par un mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses" (souligné par nous). Ceci n’est qu’un mauvais plagiat, une imposture empruntant frauduleusement à Marx ce passage de L'Idéologie allemande :"le communisme n’est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses" (souligné par nous).
Voici qui résume bien ce qu'est ATTAC et la finalité de son manifeste : falsifier la réalité du capitalisme moribond et illusionner les jeunes et les ouvriers qui se posent des questions en les entraînant dans une voie de garage et en brouillant au maximum leur conscience des véritables enjeux de la situation actuelle.
Donald (21 mars)
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[1] https://fr.internationalism.org/ri378/mouvement_contre_le_cpe_en_2006_une_lutte_exemplaire_pour_la_classe_ouvriere.html
[2] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/elections-2007
[3] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/luttes-classe
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[5] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/mouvement-etudiant
[6] https://fr.internationalism.org/ri343/trotskisme_LO.htm
[7] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/trotskysme
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[9] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/41/espagne
[10] https://libcom.org/forums/thought/kondopoga-a-popular-uprising-turned-to-a-pogrom
[11] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/60/russie-caucase-asie-centrale
[12] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/anti-globalisation