Le mouvement des étudiants en France contre le CPE n'a rien à voir avec la plupart des mouvements précédents, interclassistes, de la jeunesse estudiantine. Il s'inscrit pleinement dans le combat de toute la classe ouvrière mondiale. Face à une attaque particulièrement ignoble contre les jeunes générations de travailleurs, une attaque qui institutionnalise la précarité au nom de la "lutte contre la précarité", les étudiants ont d'emblée compris et assumé le caractère de classe de leur combat.
Ainsi, alors que certains voulaient mêler des revendications spécifiquement étudiantes (comme le retrait du LMD – la norme européenne des cursus universitaires) à la revendication centrale de retrait du CPE, les assemblées étudiantes ont décidé de ne garder que les revendications qui concernent l'ensemble de la classe ouvrière.
Ce qui a fait la force de ce mouvement, c'est justement qu'il s'est placé résolument sur le terrain de la lutte de classe des exploités contre les exploiteurs. Et cela en adoptant des méthodes et des principes de lutte qui sont justement ceux de la classe ouvrière. Le premier de ces principes est celui de la solidarité. Rompant avec le "chacun pour soi", l'idée que "si je fais de bonnes études, si je me tiens à carreau pendant deux ans, alors je pourrai passer entre les gouttes", les étudiants ont adopté la seule attitude possible pour la classe ouvrière contre les attaques du capitalisme : la lutte unie. Et cette solidarité ne s'est pas manifestée seulement "entre étudiants". D'emblée, ils se sont adressés aux salariés, non seulement pour gagner leur solidarité, mais aussi parce qu'ils ont bien compris que c'est toute la classe ouvrière qui est attaquée. Par leur dynamisme, leur combativité et leurs appels, ils ont réussi dans beaucoup de facultés à entraîner le personnel de celles-ci - enseignants et agents administratifs - dans la lutte en leur proposant notamment de tenir des assemblées générales communes.
Un autre trait clairement prolétarien du mouvement, c'est sa volonté de développer la conscience de ses participants. La grève des universités a commencé par des blocages. Mais ces derniers n'étaient pas conçus comme des "coups de force" par lesquels une "minorité d'énergumènes impose sa loi à la majorité", comme le rabâchent tous les dimanches après la messe les petits groupes d'"anti-bloqueurs" en tenue blanche de premiers communiants. Les blocages étaient un moyen que se sont donné les étudiants les plus conscients et combatifs pour manifester leur détermination et surtout pour entraîner un maximum de leurs camarades vers les assemblées générales où une proportion considérable de ceux qui n'avaient pas compris la signification des attaques du gouvernement ou la nécessité de les combattre ont été convaincus par le débat et les arguments.
Et justement, ces assemblées générales qui ont réussi à s'organiser de façon croissante, qui se sont donné des comités de grève et des commissions responsables devant elles, qui ont constitué le poumon du mouvement, ce sont des moyens propres à la lutte de la classe ouvrière. En particulier, ces assemblées étaient ouvertes vers l'extérieur, et non pas repliées sur elles-mêmes comme le sont en général les assemblées syndicales où ne sont autorisées que "les personnes de la boîte", ou à la limite des syndicalistes patentés d'autres "boîtes" ou des "instances syndicales supérieures". Très vite on a vu la participation de délégations d'étudiants d'une université aux AG d'autres universités, ce qui outre le renforcement du sentiment de force et de solidarité entre les différentes AG a permis à celles qui étaient en retrait de s'inspirer des avancées de celles qui étaient plus en pointe. C'est là aussi une des caractéristiques importantes de la dynamique des assemblées ouvrières dans les mouvements de classe ayant atteint un niveau important de conscience et d'organisation. Et cette ouverture des AG vers l'extérieur ne s'est pas limitée aux seuls étudiants d'autres universités mais elle s'est étendue également à la participation de personnes qui n'étaient pas des étudiants. En particulier, des travailleurs ou des retraités, parents ou grands parents d'étudiants et lycéens en lutte, ont reçu en général un accueil très chaleureux et attentif de la part des assemblées dès lors qu'ils inscrivent leurs interventions dans le sens du renforcement et de l'extension du mouvement, notamment en direction des salariés.
Face à cette mobilisation exemplaire des étudiants sur le terrain et avec les méthodes de la classe ouvrière, on a assisté à la constitution d'une sainte alliance entre les divers piliers de l'ordre capitaliste : le gouvernement, les forces de répression, les médias et les organisations syndicales.
La stratégie de pourrissement par la violence
Le gouvernement a d'abord essayé plusieurs ficelles pour faire "passer en force" sa loi scélérate. En particulier, il a usé d'une "kolossale finesse" en essayant de la faire adopter par le Parlement pendant les vacances scolaires. Le coup a manqué : au lieu de démoraliser et de démobiliser la jeunesse étudiante, il a réussi à provoquer sa colère et une extension de sa mobilisation. Ensuite, il s'est appuyé sur les forces de répression pour empêcher que la Sorbonne ne puisse, à l'image des autres universités, servir de lieu de regroupement et de réunion pour les étudiants en lutte. Ce faisant, il comptait polariser la combativité des étudiants de la région parisienne autour de ce symbole. Dans un premier temps, certains étudiants sont tombés dans ce piège. Mais, rapidement, la majorité des étudiants a fait preuve de sa maturité et le mouvement a refusé de tomber dans la provocation quotidienne que constituent ces troupes de CRS armés jusqu'aux dents en plein Quartier latin. Ensuite, le gouvernement, avec la complicité des organisations syndicales avec qui sont négociés les trajets des manifestations, a tendu une véritable souricière aux manifestants parisiens du 16 mars qui se sont retrouvés coincés en fin de parcours par les forces de police. C'était une nouvelle provocation dans laquelle ne sont pas tombés les étudiants mais qui a permis que des jeunes des banlieues se livrent à des violences abondamment filmées par les chaînes de télévision, des violences qui se sont poursuivies autour de la Sorbonne toute proche (le choix du lieu de dispersion n'était évidemment pas le fait du hasard). Il s'agissait de faire peur à ceux qui avaient décidé d'aller à la grande manifestation qui devait se tenir deux jours plus tard. Nouvel échec de la manœuvre : la participation à celle-ci a été exceptionnelle. Enfin, le 23, c'est avec la bénédiction des forces de police que des "casseurs" s'en sont pris aux manifestants eux-mêmes pour les dépouiller, ou tout simplement pour les tabasser sans raison. Beaucoup d'étudiants étaient démoralisés par ces violences : "Quand ce sont les CRS qui nous matraquent, ça nous donne la pêche, mais quand ce sont les gamins des banlieues, pour qui on se bat aussi, ça fout un coup au moral". Cependant, la colère s'est surtout tournée contre les autorités tant il était évident que la police avait été complice de ces violences. C'est pour cela que Sarkozy a promis que désormais la police n'allait plus permettre que se reproduisent de telles agressions contre les manifestants. En fait, il est clair que le gouvernement essaie de jouer la carte du "pourrissement", en s'appuyant notamment sur le désespoir et la violence aveugle de certains jeunes des banlieues qui sont fondamentalement des victimes d'un système qui les broie avec une violence extrême. Là aussi la réponse de beaucoup d'étudiants a été très digne et responsable : plutôt que d'essayer d'organiser des actions violentes contre les jeunes "casseurs", ils ont décidé, comme à la fac de Censier, de constituer une "commission banlieues" chargée d'aller discuter avec les jeunes des quartiers défavorisés, notamment pour leur expliquer que la lutte des étudiants et des lycéens est aussi en faveur de ces jeunes plongés dans le désespoir du chômage massif et de l'exclusion.
Les médias au service de Sarkozy
Les différentes tentatives du gouvernement de démoraliser les étudiants en lutte ou de les entraîner sur le terrain des affrontements à répétition avec les forces de police on reçu de leur part une réponse pleine de sagesse et surtout de dignité. Ce n'est pas la même dignité qu'on a vu de la part des médias. Ceux-ci se sont même surpassés dans leur rôle de prostituées de la propagande capitaliste. A la télévision, les scènes de violence qui se sont produites à la fin de certaines manifestations sont passées en boucle dans les "news" alors qu'il n'y a rien sur les assemblées générales, sur l'organisation et la maturité remarquables du mouvement. Mais comme l'amalgame étudiants en lutte=casseurs ne passe décidément pas, même Sarkozy déclare et répète qu'il fait une différence très nette entre les gentils étudiants et les "voyous". Cela n'empêche pas les médias de continuer avec l'étalage obscène des images de violence qu'on passe juste avant d'autres scènes de violence (telle l'attaque par l'armée israélienne de la prison de Jéricho ou bien un attentat terroriste bien saignant en Irak). Après l'échec des grosses ficelles, c'est l'heure des spécialistes les plus pointus de la manipulation psychologique. Ce qu'on veut provoquer c'est la peur, l'écoeurement, l'assimilation inconsciente du message manifestation=violence même si le message officiel prétend le contraire.
Le rôle des syndicats
Tous ces pièges, ces manipulations, la grande majorité des étudiant et des travailleurs les ont déjoués. C'est pour cela que la 5e colonne de l'État bourgeois, les syndicats, a repris les choses en main et en y mettant les grands moyens. En sous-estimant les ressources de combativité et de conscience que portent en eux les jeunes bataillons de la classe ouvrière, le gouvernement s'est mis dans une impasse. Il est clair qu'il ne peut pas reculer. Raffarin l'avait déjà dit en 2003 : "Ce n'est pas la rue qui gouverne". Un gouvernement qui bat en retraite devant la rue perd son autorité et ouvre la porte à des mouvements bien plus dangereux encore, surtout dans la situation actuelle où s'est accumulé un énorme mécontentement dans les rangs de la classe ouvrière suite à la montée du chômage, de la précarité et de toutes les attaques qui pleuvent quotidiennement sur ses conditions de vie. Depuis la fin janvier, les syndicats ont organisé des "journées d'action" contre le CPE. Et depuis que les étudiants sont entrés dans la lutte appelant les salariés à engager le combat à leur tour, ils se présentent, avec une belle unanimité, qu'on n'avait pas vue depuis longtemps, comme les meilleurs alliés de leur mouvement. Mais il ne faut pas se laisser berner : derrière leur intransigeance affichée, menton en avant, face au gouvernement, ils ne font rien pour mobiliser réellement l'ensemble de la classe ouvrière.
Si on entend souvent à la télé les déclarations martiales de Thibault, Mailly et consort, au niveau des entreprises, c'est le silence radio. Très souvent, les tracts syndicaux (quand il y en a) appelant à la grève ou à la manifestation arrivent dans les services le jour même, voire le lendemain. Les rares assemblées générales organisées par les syndicats ont eu lieu dans les entreprises (telles EDF et GDF) ou ils sont particulièrement puissants et où ils ne craignent pas d'être débordés. De plus, ces assemblées n'ont rien à voir avec ce que nous avons connu dans les facultés depuis un mois : les travailleurs y sont invités à écouter sagement les discours soporifiques des permanents syndicats qui viennent à tour de rôle prêcher pour leur chapelle en vue des prochaines élections au Comité d'entreprise ou des "délégués du personnel". Lorsque Bernard Thibault, invité du "Grand Jury RTL" du 26 mars, insistait lourdement sur le fait que les salariés avaient leurs propres méthodes de lutte différentes de celles des étudiants et qu'il ne voulait pas que les uns veuillent faire la leçon aux autres et réciproquement, il ne parlait pas en l'air : hors de question que les méthodes des étudiants soient reprises par les salariés car cela voudrait dire que les syndicats ne contrôleraient plus la situation et qu'ils ne pourraient plus jouer leur rôle de pompiers de l'ordre social ! Car c'est là leur fonction principale dans la société capitaliste. Leurs discours, même les plus radicaux comme ceux d'aujourd'hui, ne sont là que pour garder la confiance des travailleurs et pouvoir ainsi saboter leurs luttes quand le gouvernement et les patrons risquent d'être mis en difficulté.
C'est là une leçon que non seulement les étudiants, mais aussi l'ensemble des travailleurs devront retenir en vue de leurs combats futurs.
A l'heure où nous écrivons, nous ne pouvons encore prévoir comment va évoluer la situation. Cependant, même si la sainte alliance entre tous les défenseurs de l'ordre capitaliste vient à bout de la lutte exemplaire des étudiants, ces derniers, comme les autres secteurs de la classe ouvrière, ne devront pas sombrer dans la démoralisation. Ils ont déjà remporté deux victoires très importantes. D'une part, la bourgeoisie va devoir pour un temps limiter ses attaques sous peine d'être à nouveau mise en difficulté comme elle l'est aujourd'hui. D'autre part, et surtout, cette lutte constitue une expérience inestimable pour toute une nouvelle génération de combattants de la classe ouvrière.
Comme le disait il y a plus d'un siècle et demi le "Manifeste communiste" : "Parfois, les ouvriers triomphent; mais c'est un triomphe éphémère. Le résultat véritable de leurs luttes est moins le succès immédiat que l'union grandissante des travailleurs." La solidarité et le dynamisme de la lutte, sa prise en main collective par les assemblées générales, voila des acquis de la lutte actuelle des étudiants qui montrent le chemin aux futurs combats de l'ensemble de la classe ouvrière.
Courant Communiste International (28 mars 2006)
Il y a maintenant trois ans que la guerre en Irak a commencé. L’offensive militaire gigantesque dirigée par les Etats-Unis devait participer activement à apporter la sécurité au monde. La croisade américaine contre le terrorisme international, dont l’Irak de Saddam Hussein se devait d’être un bastion, avait été lancée au nom de la paix, du progrès de la civilisation et de la lutte contre la tyrannie et l’obscurantisme. Après trois années de carnages et de tueries, qu’en est-il effectivement aujourd’hui ? Dans quelle situation se trouvent l’Irak et l’ensemble de la région du Moyen-Orient ? Quel avenir nous réserve ce monde en pleine décomposition ?
L’enfoncement irrémédiable de l’Irak dans une guerre généralisée
Il n’y a qu’à regarder la situation tragique que connaît actuellement la population en Irak pour avoir un début de réponse à ces questions. Le mois de février a connu une accélération des attentats suicides. Plus de 75 personnes ont été tuées au cours d’une nouvelle flambée de violence, le mardi 28 février, dans cinq explosions à Bagdad. En une semaine seulement, du 22 au 28 février, le pseudo-gouvernement irakien annonce tout simplement que 458 personnes auraient été blessées et 379 auraient été tuées et ceci sans compter les victimes dues à l’attentat qui a frappé le sanctuaire chiite de Samarra. La violence et la barbarie qui se développent actuellement dans ce pays sont de plus en plus sanglantes et inhumaines. Le mardi 28 février, plus de trente deux personnes ont été tuées et plus de cent autres blessées dans l’explosion quasi simultanée de deux bombes par des kamikazes fanatisés. L’enfoncement au quotidien dans l’horreur est malheureusement de plus en plus visible et certain. Ces deux attentats ont été perpétrés dans une file d’attente de personnes qui achetaient du fuel domestique dans le quartier Al Amine au sud-est de Bagdad, ainsi qu’à proximité d’un bureau de poste de cette agglomération. En Irak, les attentats sont devenus quotidiens, plongeant la population dans une peur permanente.
Le développement du chaos en Irak s’est particulièrement concrétisé à partir du 22 février dernier. L’Irak déjà soumis sans cesse à des attentats anti-américains mais également sur des bases d’affrontements communautaires, se voit alors ce jour confronté à un évènement lourd de conséquences : l’attentat qui a endommagé la mosquée sacrée chiite de l’Imam Ali de Bassorah, dans le sud de l’Irak. Cette explosion a causé un mouvement de panique dans la ville, au sein d’une région à majorité chiite. Cet attentat a provoqué une violente accélération des affrontements armés entre Chiites et Sunnites. Depuis ce moment, l’affrontement à caractère confessionnel a sans aucun doute fait plus de 300 morts. Les affrontements les armes à la main se sont multipliés. La torture et les assassinats sommaires tendent à se généraliser : "Les corps de 15 jeunes irakiens, les mains ligotées et portant des traces de pendaison, ont été découverts dans une fourgonnette dans l’ouest de Bagdad. Par ailleurs, 29 autres corps criblés de balles, les mains ligotées ont été retrouvés dans une fosse commune dans l’est de Bagdad. Ces corps ont été enterrés récemment et il pourrait y en avoir d’autres, a ajouté la source du ministère." (cité par Courrier International le 14 mars 2006). La classe ouvrière en Irak n’est pas épargné : en effet, aux alentours du 25 février, 45 ouvriers d’une briqueterie, de confession chiite ou sunnite, ont été retrouvés, criblés de balles, sans que personne ne sache qui étaient les assassins. L’horreur capitaliste est vécue au quotidien par la population irakienne. La flambée de violence, la montée irréversible et en puissance de la guerre entre communautés a poussé le "gouvernement" dans ce pays à imposer à partir du 22 février un couvre-feu entre 20 heures et 6 heures dans les régions situées au nord de la capitale où se trouve notamment Samarra. Cette mesure visait à ramener un peu de calme dans ce pays. La poursuite et l’accélération des massacres et des attentats, malgré les directives du pouvoir irakien, démontrent sa totale impuissance à contrôler la situation. La présence massive de l’armée américaine, son potentiel en armement terrestre et aérien, loin d’être, comme le souhaite la bourgeoisie des Etats-Unis, un facteur de stabilisation afin de mieux contrôler le pays, est un élément déterminant et croissant du développement de l’instabilité et du chaos. L’Irak est définitivement ingouvernable. Même si au même moment, les chefs des groupes parlementaires ont commencé, sous la houlette de l’ambassadeur des Etats-Unis Zalmay Khalizad, à "négocier" la formation d’un nouveau gouvernement. Le président Jalal Talabami a annoncé à cet effet la création d’une commission parlementaire. Dans ce panier de crabes où chaque clique bourgeoise vient aux négociations les armes à la main, la question de la nomination du premier ministre et de ses prérogatives fait voler en éclats le vernis démocratique : "Les Kurdes et les Sunnites refusent la reconduction à son poste du premier ministre sortant Ibrahim Jaa Fari, souhaitée par les Chiites conservateurs, majoritaires." (Courrier International, 13 mars 2006). Dans une situation d’enfoncement dans la guerre et le chaos, chaque chef des différentes bourgeoisies communautaires se battra toujours plus férocement pour obtenir pouvoir, bénéfices militaires et pécuniaires.
Une tentative de réaction américaine vouée à un échec certain
Trois ans après son offensive et face à la visibilité patente de l’échec total de leur politique militariste en Irak, les Etats-Unis se devaient de tenter de frapper un grand coup. Leur affaiblissement en tant que première puissance mondiale, leur enlisement toujours grandissant dans le bourbier irakien ne pouvaient pas laisser la bourgeoisie américaine sans réaction. Et ceci, d’autant plus que la politique guerrière de l’administration Bush est de plus en plus contestée par la population américaine, donnant naissance à des manifestations appelant au retrait pur et simple de l’armée américaine d’Irak. Les 2291 morts de soldats américains officiellement recensées depuis mars 2003, pèsent très lourdement dans un tel contexte d’échec de la politique impérialiste américaine. Alors que les Etats-Unis intervenaient à l’ONU pour appeler au calme, de peur que le pays qui a basculé dans une guerre ouverte entre la minorité sunnite hier encore au pouvoir, et la majorité chiite pleine d’appétit, ne devienne totalement incontrôlable, ils n’en préparaient pas moins une nouvelle offensive militaire sur les zones sensibles en Irak. Celle-ci se voulait la plus massive depuis le déclenchement de la guerre, il y a trois ans. A grand renfort de publicité, des nuées de bombardiers, d’hélicoptères s’envolaient des bases américaines au Moyen-Orient afin de porter un rude coup "aux terroristes et autres activistes nostalgiques du pouvoir de Saddam Hussein". De fait cette formidable offensive a fait long feu, démontrant une fois encore la fragilisation et l’affaiblissement croissant des Etats-Unis en Irak et dans le monde.
Le chaos et la guerre ne peuvent que se propager dans l’ensemble du Proche et du Moyen-Orient
Tout récemment, lors de sa visite en France, le roi de Jordanie Abdallah II a manifesté publiquement ses inquiétudes sur le danger bien réel d’une extension de la guerre ouverte entre Chiites et Sunnites à tout le Proche et le Moyen-Orient : "En parlant de croissant chiite, j’exprimais des craintes de voir le jeu politique, sous couvert de religion, déboucher sur un conflit entre Sunnites et Chiites, dont nous assistons aux prémices en Irak. Le risque potentiel d’un conflit inter-religieux existe. Cela serait désastreux pour nous tous." ( Le Monde Diplomatique, mars 2006). La présence massive des Chiites au Kurdistan, en Arabie Saoudite et surtout en Iran, rend ce danger plus que probable. La politique iranienne de défense de ses intérêts impérialistes en Irak à travers la majorité chiite est un facteur important participant du développement de la guerre dans toute la région. Le conflit israélo-palestinien s’inscrit totalement dans cette extension du chaos. La présence du Hamas au pouvoir en Palestine, hier encore fraction bourgeoise (archaïque et irrationnelle) adepte du terrorisme ne peut que conduire à terme à accélérer la fuite en avant guerrière de l’impérialisme israélien. La déstabilisation croissante de cette région mais également de la Jordanie risque ainsi de rejoindre la poudrière irakienne.
La poursuite du conflit en Irak affaiblit durablement l’armée américaine. Le représentant démocrate John Murtha qui avait provoqué une vive polémique en novembre 2005 en demandant le retrait immédiat d'Irak des troupes américaines justifiait sa position en invoquant le fait que "des officiers lui avaient expliqué que l’armée était au bord de la rupture." (d'après Le Monde.fr du 20 mars 2006). Les Etats-Unis sont de plus en plus dans l’incapacité matérielle et politique de maintenir les 138 000 soldats présents en Irak. C’est pour cela que malgré la perte de contrôle de la situation en Irak, l’Etat américain se voit obligé d’envisager le retrait de 38 000 soldats avant la fin 2006. Cette incapacité croissante de soutenir la guerre en Irak se manifeste également dans l’échec de la campagne de recrutement de l’armée américaine en 2005 : "Le résultat en a été le plus mauvais depuis un quart de siècle." (Le Monde.fr, 20 mars 2006). Aujourd’hui la bourgeoisie américaine est contrainte de recruter essentiellement dans des classes d’âge de plus en plus jeunes de 17 à 24 ans, tout en étant moins exigeante au niveau de la sélection physique. Le développement de la misère aux Etats-Unis ne pousse plus les jeunes générations à s’enrôler dans l’armée. Le mécontentement de la population face à la guerre en Irak s’exprime ainsi ouvertement. Le Pentagone offre aujourd’hui 20 000 dollars de prime aux recrues. De plus, l’âge pour s’engager devrait passer après accord du Congrès de 35 à 42 ans. Tout ceci traduit ouvertement et crûment l’affaiblissement accéléré de la première puissance militaire mondiale.
Cet affaiblissement de l’impérialisme américain ne peut que le pousser toujours plus en avant dans sa politique guerrière. Celle-ci s’exprime clairement dans la déclaration du président américain G.Bush cité dans Courrier International du 17 mars dernier : "L’Iran est peut-être le plus grand défi que nous pose un pays." Certes, la perte de contrôle des Etats-Unis en Irak et l’influence grandissante de l’Iran dans ce pays à travers la communauté chiite, se concrétise par des tractations diplomatiques entre les deux pays. Mais la montée irrésistible des antagonismes impérialistes, conjuguée à l’affaiblissement accéléré américain ne permettra de fait aucun répit. Cette confrontation américano-iranienne à venir pourrait bien commencer à se concrétiser au Proche-Orient en terre libanaise. Alors que la bourgeoisie libanaise s’entredéchire, après le retrait de l’armée syrienne, l’importance du Hezbollah, mouvement chiite qui défend ouvertement la guerre contre Israël est une arme importante de l’Iran face aux Etats-Unis. A l’intransigeance de Téhéran en matière de politique nucléaire correspondent les déclarations belliqueuses des Etats-Unis à son encontre. Le soutien de plus en plus manifeste de la Russie à l’Iran, conjugué à la montée irrationnelle de la politique guerrière des Etats-Unis, ne présage ainsi rien de bon.
L’affaiblissement des capacités d’occupation militaire des Etats-Unis, leur incapacité à développer leurs troupes au sol, laissent entrevoir la possibilité de poursuite de la barbarie capitaliste sous la forme de bombardements massifs, ne laissant derrière eux que ruines et désolation. La bourgeoisie des principaux pays impérialistes concurrents acharnés des Etats-Unis tels la France, l’Allemagne, la Russie et même la Chine ne peuvent que se réjouir cyniquement de cet affaiblissement américain. Ils n’auront aucun scrupule à participer activement autant que possible à l’enlisement militaire des Etats-Unis, tel que cela se passe déjà en Afghanistan et en Irak.
Face à la montée de la barbarie capitaliste il faut opposer la lutte de classe
Au moment où la barbarie capitaliste connaît une nouvelle phase d’accélération, l’espoir de toute l’humanité se manifeste concrètement dans le développement de la lutte de classe : aux Etats-Unis, en Allemagne, en Angleterre et surtout maintenant en France. Seule cette lutte de la classe ouvrière, en se développant de manière toujours plus unie et solidaire, pourra par la révolution communiste stopper le bras armé du capitalisme pourrissant. Les jeunes générations ouvrières, aujourd’hui en plein combat contre le capitalisme, doivent savoir que c’est leurs frères de classe qui ont, en 1917, par la révolution prolétarienne victorieuse en Russie, obligé la bourgeoisie mondiale à mettre fin à la première boucherie impérialiste. Cette révolution et la vague révolutionnaire de l’époque qui s‘est tout particulièrement développée en Europe centrale et en Allemagne n’était pas une exception, un accident passé de l’histoire. Elle est dans notre époque historique, possible et nécessaire.
Tino (24 mars)
La première grande grève dans le secteur public en Allemagne depuis une bonne décennie n´est pas une surprise. Les attaques de l´Etat sont trop brutales pour être plus longtemps acceptées, vu le mécontentement des salariés.
Pour faire passer ces attaques frontales contre les conditions de vie et de travail des ouvriers, l´État patron a utilisé exactement les mêmes moyens que les patrons privés : la calomnie et la répression. Ainsi les éboueurs, comme le personnel des hôpitaux, qui ont pourtant des conditions de travail pénibles, ont été traités de fainéants parce qu´ils refusent de travailler "18 minutes de plus par jour". La quasi-totalité du personnel de soins a été réquisitionné en service d´urgence, ce qui signifie qu´ils peuvent être purement et simplement licenciés s´ils se mettent en grève. Dans les autres secteurs, les grévistes ont été ouvertement menacés d´être remplacés définitivement par des entreprises privées s´ils n´acceptaient pas le diktat du capital. Les médias ont eu leur part dans ce sale travail en assénant que, malgré les suppressions massives de postes, les fonctionnaires du secteur public sont des privilégiés qui bénéficient de la sécurité de l´emploi !
Les patrons et les syndicats (principalement Ver.di et l´Union des fonctionnaires allemands, DBB) ont mis la question du temps de travail au centre du débat. Bien qu'il s'agisse d'une véritable attaque (l'équivalent de plusieurs semaines supplémentaires par an devront être travaillées gratuitement), elle sert d'écran de fumée à toutes les autres attaques.
Les patrons l´ont fait pour monter les ouvriers du secteur privé contre ceux du public. Dans de nombreuses entreprises privées, l’augmentation du temps de travail sans compensation salariale a été imposée dans le cadre des"pactes pour l´emploi". Que ce soit chez AEG à Nuremberg ou chez Volkswagen, l´emploi n´a absolument pas été garanti. L'argument utilisé est qu'il n´y a "aucune raison pour qu´il n'en aille pas de même dans le service public".
Du côté des syndicats, la question du temps de travail est un thème très sensible. En effet, depuis des années, ils affirmaient à l'unisson que la réduction du temps de travail mènerait à la création de nouveaux emplois et donc à la réduction du chômage. Cette prétention est battue en brèche par la réalité de cinq millions de sans-emploi.
Les syndicats du service public arguent donc aujourd´hui que l´augmentation du temps de travail mènera à de nouveaux licenciements massifs. Derrière cette vérité, ce qu'ils cherchent à masquer, c´est qu'ils ont eux-mêmes créé les conditions de la flexibilité dans leurs accords (bien sûr en prétendant ainsi "préserver la garantie de l'emploi"). Les salariés peuvent sauter d´un poste à l´autre en fonction des besoins et c'est ainsi que des postes peuvent être supprimés.
Après des années de baisse continue des salaires réels, les attaques actuelles signifieront pour beaucoup la chute dans la misère pure et simple. Là-dessus, Etat, patrons et syndicats gardent le silence.
Par contre, l´ensemble des "partenaires sociaux" utilisent les négociations salariales dans le secteur public pour mettre en scène un désaccord sur quelle serait la politique salariale, qui permettrait "une plus forte croissance de l´économie".
Les patrons prônent une réduction impitoyable de la part salariale dans le budget. Les syndicats, eux, avancent au contraire qu´une politique budgétaire "socialement plus équilibrée" aux dépens des riches remplirait aisément les caisses de l'Etat.
En bref, patrons et syndicats instrumentalisent la grève dans le secteur public afin de démontrer à la population laborieuse que le capitalisme n´est absolument pas en faillite, mais qu´il lui faut simplement une politique générale et salariale raisonnable" pour repartir à nouveau dans le bon sens.
Les syndicats affirment cela alors qu'ils participent partout à abaisser les salaires à travers leurs accords par branches.
En réalité, les hausses de salaires, par exemple en Allemagne, pourraient tout à fait momentanément stimuler la conjoncture. Mais le principal gagnant en serait la concurrence étrangère, du fait que le capital allemand y perdrait une partie de sa compétitivité. Et c´est la raison pour laquelle les revendications salariales de Ver.di et de l´IG Metall ne sont rien d´autres qu´une radicalité de façade et une esbroufe.
Des hausses de salaire sont absolument indispensables ! Mais pas parce qu´elles seraient bonnes pour le capital, mais bien parce que c´est pour la classe ouvrière qu´elles le sont ! Les intérêts du travail salarié et du capital sont inconciliables. C´est ce que les "partenaires sociaux" et les médias cherchent de concert à dissimuler.
D'après Welt Revolution,
organe du CCI en Allemagne
La lutte contre le CPE en France, qui a notamment mis en évidence le potentiel des jeunes générations de prolétaires, n'est pas la seule expression d'une remontée des luttes ouvrières. Même si elles ne sont pas aussi spectaculaires, chaque mois se déroulent dans le monde de nouvelles luttes montrant une des caractéristiques essentielles du développement actuel des luttes ouvrières à l'échelle internationale : la solidarité ouvrière au-delà des secteurs, des générations, des nationalités. Elles portent des germes annonçant l'avenir. C'est ainsi que d'autres manifestations récentes de solidarité ouvrière se sont produites récemment en Grande-Bretagne, en Suisse et en Inde.
De nouveaux exemples de solidarité ouvrière en Europe…
La lutte la plus significative au Royaume-Uni s'est déroulée en Irlande du Nord où après des décennies de guerre civile entre catholiques et protestants, 800 postiers se sont spontanément mis en grève en février pendant deux semaines et demie à Belfast contre les amendes et les pressions de la direction pour leur imposer une forte augmentation des cadences. A l'origine, ces travailleurs se sont mobilisés pour empêcher l'exécution de mesures disciplinaires à l'encontre de certains de leurs camarades de travail dans deux bureaux de postes, l'un "protestant", l'autre "catholique". Le syndicat des communications a alors montré son vrai visage et s’est opposé à la grève. A Belfast, un de leurs porte-parole a même déclaré : "Nous refusons la grève et demandons aux travailleurs de retourner au travail, car elle est illégale". Mais les ouvriers ont poursuivi leur lutte, ne tenant aucun compte du caractère légal ou non de leur lutte. Ils ont ainsi démontré qu'ils n'avaient pas besoin des syndicats pour s'organiser.
Lors d'une manifestation commune, ils ont franchi la "frontière" séparant les quartiers catholiques et protestants et ont défilé ensemble dans les rues de la ville, montant d'abord par une grande artère du quartier protestant, puis redescendant par une autre du quartier catholique. Ces dernières années, des luttes, principalement dans le secteur de la santé, avaient déjà montré une réelle solidarité entre ouvriers de confessions différentes. Mais c'était la première fois qu'une telle solidarité s'affichait ouvertement entre ouvriers "catholiques" et "protestants" au cœur d'une province ravagée et déchirée depuis des décennies par une sanglante guerre civile.
Par la suite, les syndicats, aidés par les gauchistes, ont tourné casaque et ont prétendu à leur tour apporter leur "solidarité", notamment en organisant des piquets de grève dans chaque bureau de poste. Cela leur a permis d'enfermer les travailleurs dans leurs bureaux de poste, de les isoler ainsi les uns des autres, et de saboter finalement la lutte.
Malgré ce sabotage, l'unité ouverte des ouvriers catholiques et protestants dans les rues de Belfast durant cette grève ont fait revivre la mémoire des grandes manifestations de 1932, où les prolétaires des deux camps divisés s'étaient unis pour lutter contre la réduction des allocations de chômage. Mais c’était dans une période de défaite de la classe ouvrière. Aujourd’hui, il existe un plus grand potentiel pour rejeter, dans l'avenir, les politiques de division pour mieux régner de la classe dominante qui ont si fortement contribué à préserver l’ordre capitaliste. Le grand apport de la dernière grève a été l’expérience d’une unité de classe entreprise en dehors du contrôle des syndicats. Cet apport ne vaut pas que pour les employés des postes impliqués dans cette lutte mais pour chaque ouvrier encouragé par cette expression de l’unité de classe.
A Cottam, près de Lincoln dans la partie orientale du centre de l'Angleterre, fin février, une cinquantaine d'ouvriers dans les centrales électriques se sont mis en grève pour soutenir des travailleurs immigrés d'origine hongroise payés en moyenne la moitié moins que leurs camarades anglais. Les contrats de ces travailleurs immigrés étaient également très précaires, sous la menace d’être licenciés du jour au lendemain ou transférés à tout moment sur d'autres chantiers n'importe où en Europe. Là encore, les syndicats se sont opposés à cette grève vu son "illégalité" puisque, de part et d'autre, pour les ouvriers hongrois comme pour les ouvriers anglais, elle n'avait pas été décidée à l'issue d'un vote "démocratique". Les médias ont également dénigré cette grève, une feuille de chou locale rapportant même les propos d'un intellectuel de service à la botte de la bourgeoisie disant qu'appeler les ouvriers anglais et hongrois à se mettre ensemble dans les piquets de grève allait donner une image "inconvenante" et constituait une "dénaturation du sens de l'honneur de la classe ouvrière britannique". A l'inverse, pour la classe ouvrière, reconnaître que tous les ouvriers défendent les mêmes intérêts, quels que soient la nationalité ou les détails spécifiques de salaires et de conditions de travail, est un pas important pour entrer en lutte comme une classe unie.
En Suisse, à Reconvilier, 300 métallurgistes de Swissmetal se sont spontanément mis en grève de fin janvier à fin février en solidarité avec 27 de leurs camarades licenciés, après une première grève en novembre 2004. Cette lutte a démarré en dehors des syndicats. Mais ceux-ci ont finalement organisé la négociation avec le patronat en imposant le chantage suivant : soit accepter les licenciements, soit le non paiement des journées de grève, "sacrifier" soit les emplois, soit les salaires. Suivre la logique économique du système capitaliste, cela revenait, selon la formule utilisée par une ouvrière de Reconvilier, à "choisir entre la peste et le choléra". Accepter la logique du capitalisme ne peut conduire les ouvriers qu'à accepter toujours plus de nouveaux "sacrifices". Une autre vague de licenciements concernant 120 ouvriers est d'ailleurs déjà programmée. Mais cette grève est parvenue à poser clairement la question de la capacité des grévistes de s'opposer à ce chantage et à cette logique du capital. Un autre ouvrier tirait d'ailleurs la leçon suivante de cet échec de la grève : "C'est une faute que nous ayons laissé le contrôle des négociations dans d'autres mains".
… et en Inde
En Inde, il y a moins d'un an, se déroulait la lutte de milliers d'ouvriers de Honda à Gurgaon dans la banlieue de Delhi en juillet 2005 qui, après avoir été rejoints dans la lutte par une masse d'ouvriers venus d'usine voisines d'une autre cité industrielle et avaient reçu l'aide de la population, s'étaient confrontés à une répression policière extrêmement brutale et à une vague d'arrestations parmi les grévistes.
Le 1er février dernier, ce sont 23 000 ouvriers qui se sont mis en grève dans un mouvement touchant 123 aéroports du pays contre les menaces sur leur emploi. Cette grève était une riposte à une attaque massive de la direction qui projetait d'éliminer progressivement 40 % des effectifs, principalement les travailleurs les plus âgés qui risquent de ne plus retrouver d'emploi. A Delhi et à Bombay, le trafic aérien a été paralysé pendant 4 jours, il a été également arrêté à Calcutta. Cette grève a été déclarée illégale par les autorités. Celles-ci ont envoyé la police et des forces paramilitaires dans plusieurs villes, notamment à Bombay, pour matraquer les ouvriers et leur faire reprendre le travail, en application d'une loi permettant la répression "d'actes illégaux contre la sécurité de l'aviation civile". En même temps, en bons partenaires de la coalition gouvernementale, syndicats et gauchistes négociaient parallèlement avec cette dernière dès le 3 février. Ils ont appelé ensuite conjointement les ouvriers à rencontrer le Premier ministre et les poussaient ainsi à reprendre le travail en échange d'une vaine promesse de celui-ci de réexaminer le dossier du plan de licenciements dans les aéroports. Ils contribuaient ainsi à les diviser dans un partage des tâches efficace entre partisans de la reddition et partisans de la poursuite de la grève.
La combativité ouvrière s'est également exprimée aux usines Toyota près de Bangalore où les ouvriers ont fait grève pendant 15 jours à partir du 4 janvier contre l'augmentation des cadences de travail, à l'origine d'une part d'une multiplication des accidents de travail sur les chaînes de montage, et d'autre part d'une pluie d'amendes. Ces pénalités pour "rendements insuffisants" étaient systématiquement répercutées sur les salaires. Là encore, ils se sont spontanément heurtés à l'opposition des syndicats qui ont déclaré leur grève illégale. La répression a été féroce : 1500 grévistes sur 2300 ont été arrêtés pour "trouble de la paix sociale". Cette grève a reçu le soutien actif d'autres ouvriers de Bangalore. Cela a obligé les syndicats et les organisations gauchistes à monter un "comité de coordination" dans les autres entreprises de la ville en soutien à la grève et contre la répression des ouvriers de Toyota, pour contenir et saboter cet élan spontané de solidarité ouvrière. Mi-février également, des ouvriers d'autres entreprises de Bombay sont venus manifester leur soutien à 910 ouvriers de la firme Hindusthan Lever en lutte contre des suppressions d'emploi.
Une maturation internationale des luttes porteuse d'avenir
Ces luttes confirment pleinement un "tournant" et une maturation, une politisation dans la lutte de classes qui s'est dessinée avec les luttes de 2003 contre la "réforme" des retraites, notamment en France et en Autriche. La classe ouvrière avait déjà manifesté clairement des réactions de solidarité ouvrière que nous avons régulièrement répercutées dans notre presse, en opposition au complet black-out organisé par les médias sur ces luttes. Ces réactions se sont exprimées en particulier dans la grève chez Mercedes-Daimler-Chrysler en juillet 2004 où les ouvriers de Brême s'étaient mis en grève et avaient manifesté aux côtés de leurs camarades de Sindelfingen-Stuttgart victimes d'un chantage aux licenciements en échange du sacrifice de leurs "avantages", alors même que la direction de l'entreprise se proposait de transférer 6000 emplois de la région de Stuttgart vers le site de Brême.
Il en est de même avec les bagagistes et employés de British Airways à l'aéroport d'Heathrow, qui, en août 2005, dans les jours suivants les attentats de Londres et en pleine campagne antiterroriste de la bourgeoisie, se sont mis spontanément en grève pour soutenir les 670 ouvriers d'origine pakistanaise de l'entreprise de restauration des aéroports Gate Gourmet menacés de licenciements.
Autres exemples : la grève de 18 000 mécaniciens de Boeing pendant 3 semaines en septembre 2005 refusant la nouvelle convention proposée par la direction pour baisser le montant de leur retraite et la diminution des remboursements médicaux en s'opposant à la fois à la discrimination des mesures entre les "jeunes et les anciens ouvriers ainsi qu'entre les usines. Plus explicitement encore, lors de la grève dans le métro et les transports publics à New York en décembre 2005, à la veille de Noël, et alors que l'attaque sur les retraites ne visait explicitement que ceux qui seraient embauchés dans le futur, les ouvriers ont démontré leur capacité de refuser une telle manœuvre de division. La grève a été largement suivie malgré la pression des médias car la plupart des prolétaires avaient pleinement conscience de se battre pour l'avenir de leurs enfants, pour les générations à venir (ce qui apporte un cinglant démenti à la propagande d'un prolétariat américain intégré ou inexistant et alors que traditionnellement, les prolétaires aux Etats-Unis ne sont pourtant pas considérés comme l'avant-garde du mouvement ouvrier). En décembre dernier, aux usines Seat dans la région de Barcelone, les ouvriers se sont opposés aux syndicats qui avaient signé dans leur dos des "accords de la honte" permettant le licenciement de 600 d'entre eux.
En Argentine, la plus grande vague de grèves depuis 15 ans a touché notamment les hôpitaux et les services de la santé, des entreprises de produits alimentaires, les employés du métro de Buenos Aires, les travailleurs municipaux de plusieurs provinces, les instituteurs, durant l'été 2005. A plusieurs reprises, des ouvriers d'autres entreprises se sont joints aux manifestations en soutien aux grévistes. Ce fut le cas en particulier des travailleurs du pétrole, des employés de la justice, des enseignants, des chômeurs qui ont rejoint dans la lutte leurs camarades employés municipaux à Caleta Olivia. A Neuquen, des travailleurs du secteur de la santé se sont joints à la manifestation des instituteurs en grève. Dans un hôpital pour enfants, les ouvriers en lutte ont exigé la même augmentation pour toutes les catégories professionnelles. Les ouvriers se sont heurtés à une répression féroce ainsi qu'à des campagnes de dénigrement de leurs luttes dans les médias.
Ce ne sont pas encore des luttes massives mais ce sont des manifestations significatives d'un changement dans l'état d'esprit de la classe ouvrière. Le développement d'un sentiment de solidarité face à des attaques très lourdes et frontales, conséquences de l'accélération de la crise économique et de l'impasse du capitalisme, tend à s'affirmer dans la lutte au-delà des barrières qu'imposent partout chaque bourgeoisie nationale : la corporation, l'usine, l'entreprise, le secteur, la nationalité. En même temps, la classe ouvrière est poussée à prendre elle-même en charge ses luttes et à s'affirmer elle-même, à prendre peu à peu confiance en ses propres forces. Elle est ainsi amenée à se confronter aux manœuvres de la bourgeoisie et au sabotage des syndicats pour isoler et enfermer les ouvriers. Dans ce long et difficile processus de maturation, la présence de jeunes générations ouvrières combatives qui n'ont pas subi l'impact idéologique du recul de la lutte de classe de "l'après- 1989" constitue un ferment dynamique important. C'est pourquoi les luttes actuelles, malgré toutes leurs limites et leurs faiblesses, constituent un encouragement et sont porteuses d'avenir pour le développement de la lutte de classes.
Wim (24 mars)
Nous publions ci-dessous la seconde partie de l’article sur les délocalisations paru dans RI n° 362. Dans la première partie, contre les mensonges gauchistes et altermondialistes, nous avons traité du fait que les délocalisations ne sont pas un phénomène récent ou nouveau, mais qu’elles sont nées avec le capitalisme comme produit de la concurrence effrénée entre capitalistes inhérente à ce système et comme un des moyens de rechercher une exploitation maximum de la classe ouvrière. Dans cette seconde partie, nous verrons que les délocalisations sont un moyen de mettre en concurrence les prolétaires du monde entier tout en faisant partie de l’ensemble des attaques capitalistes contre ceux-ci. Et le battage effectué par les secteurs de gauche contre ces délocalisations sert au fond à en faire une attaque particulière, qui serait "évitable" et donc moins "acceptable" que les autres, et à masquer la réalité de la crise mortelle du système capitaliste et de son effondrement.
Les délocalisations ont causé la destruction de milliers d’emplois dans les pays occidentaux. En quelques décennies des filières industrielles entières, comme le textile, ont été quasiment entièrement transférées vers des pays à plus faible coût de main d’œuvre. "La filière textile française n’emploie plus que 150 000 personnes, soit autant que la tunisienne, contre un million il y a trente ans."([1] [12]) Dans d’autres secteurs, elles expliquent, pour une part, la baisse continue de l’emploi. Ainsi, "les effectifs salariés dans l’automobile en France, passés de 220 000 à 180 000 depuis 1990 malgré l’arrivée de constructeurs étrangers comme Toyota, devraient encore diminuer."([2] [13]) Les délocalisations forment l’une des attaques, parmi les plus brutales, de la classe dominante contre le prolétariat. D’abord par la proportion que peut prendre, à certains moments, cette attaque parmi les autres. Ainsi, en Belgique entre 1990 et 1995, plus de 17 000 travailleurs ont été touchés par les délocalisations, ce qui représente 19% des licenciements collectifs. Ensuite du fait que les ouvriers concernés ont toutes les chances de ne pas retrouver d’emploi et de rejoindre les rangs des chômeurs de longue durée. Enfin, les délocalisations s’étendent à de nouvelles catégories d’ouvriers, celle des "cols blancs" et à la main-d’œuvre très qualifiée. En France "200 000 emplois dans les services [dont 90 000 relèvent du service aux entreprises, 20 000 de la recherche et développement] sont menacés d’être transférés en Europe de l’Est ou en Asie, d’ici 2010."([3] [14])
Cependant, les effets des délocalisations ne frappent pas uniquement ceux qui perdent leur emploi dans les pays occidentaux. C’est l’ensemble du prolétariat mondial qui se trouve soumis à la pression de la folle course concurrentielle entre nations capitalistes et au chantage à la délocalisation, aussi bien dans les pays de départ que de destination des délocalisations. Il y a, en Inde, la crainte de la concurrence de la Russie, du Pakistan et de la Chine. La classe ouvrière de l’Est de l'Europe dans certains secteurs (alimentation, textile, pétrochimie et équipements de communication) est aussi confrontée aux délocalisations vers les pays d’Asie. La recherche de la production à moindre coût a fait de la délocalisation à l’intérieur de la Chine vers les régions du centre et de l’est, pauvres, une tendance dominante du secteur du textile. Le capital n’a pas attendu que la directive Bolkestein soit mise sur le tapis pour utiliser les délocalisations "inverses" en faisant venir des travailleurs d’un pays "à différentiel économique" pour remplacer une main-d’œuvre existante. Le recours à l'emploi illégal connaît une croissance considérable depuis les années 1990 ; il atteint 62% dans l’agriculture en Italie !
Ce qu’illustrent en réalité les délocalisations, c’est l’impitoyable mise en concurrence de différentes parties de la classe ouvrière au plan international.
En délocalisant vers l’Est européen et la Chine, les grandes entreprises et les Etats occidentaux visent à profiter des terribles conditions d’exploitation qu’y impose le capital. Ainsi en Chine, où "des millions de personnes travaillent entre 60 et 70 heures par semaine et gagnent moins que le salaire minimum de leur pays. Elles vivent dans des dortoirs où s’entassent parfois jusqu’à vingt personnes. Les chômeurs qui ont récemment perdu leur emploi sont quasiment aussi nombreux que ceux du reste du monde réuni."([4] [15]) "Les primes de licenciement et les allocations promises aux travailleurs ne leur sont jamais versées. (…) les travailleurs peuvent se voir refuser le droit de se marier, il leur est souvent interdit de se déplacer dans les usines (où ils sont logés) ou d’en sortir en dehors des heures de travail.(…) Dans les usines de la zone spéciale de Shenzhen, au sud de la Chine, il y a en moyenne 13 ouvriers qui perdent un doigt ou un bras chaque jour et un ouvrier qui meurt d’un accident de travail tous les 4,5 jours."([5] [16])
Ce qui pousse le capital à délocaliser vers l’Est de l'Europe, c’est le même but d’y exploiter "une population bien formée et peu coûteuse. (…) Tous ces pays ont des durées de travail plus longues qu’à l’Ouest, respectivement, 43,8 et 43,4 heures en Lettonie et en Pologne. Surtout cette amplitude s’accompagne d’une moindre, voire d’une absence, de rétribution des heures supplémentaires. [On y] observe également une forte progression du travail à temps partiel. Celui-ci est souvent l’apanage des personnes âgées, des handicapés et des jeunes entrant sur le marché du travail. En Pologne, 40% des travailleurs à temps partiel sont soit des retraités, soit des personnes ayant une infirmité. (…) [Les nombreuses entreprises à capitaux étrangers] sont aussi celles qui pratiquent le plus souvent le travail "asocial" : il est courant de trouver des grandes surfaces ouvertes sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre."([6] [17])
Dans les pays occidentaux, les délocalisations signifient la mise au rancart de travailleurs, dont l’exploitation est insuffisamment profitable pour le capital. Cependant, la part prise par les délocalisations parmi les autres attaques montre que les délocalisations sont loin de représenter l’unique source du chômage et de la remise en cause des conditions de vie du prolétariat et que le but recherché par la bourgeoisie n’est certainement pas d’imposer massivement le transfert de l’ensemble de la production vers des pays à bas salaires. Ainsi, "leur impact sur l’emploi n’est pas nul, mais reste limité. (…) les délocalisations n’expliquent que 7% des restructurations et 5% des emplois supprimés en Europe. (…) Entre 1990 et 2001, les délocalisations d’entreprises allemandes vers les pays d’Europe centrale et orientale ont conduit à la destruction de 90 000 emplois en Allemagne soit 0,7% des effectifs des sociétés concernées et 0,3% de l’emploi allemand total"([7] [18])
En France, "95 000 emplois industriels auraient été supprimés et délocalisés à l’étranger entre 1995 et 2001, soit en moyenne 13 500 par an. A titre de comparaison, les suppressions d’emplois annuelles dans l’industrie sont de l’ordre de 500 000. (…) Les présomptions de délocalisations s’élèvent au total à 2,4 % des effectifs de l’industrie hors énergie (…) Un peu moins de la moitié seulement des délocalisations sont à destination des pays dits "à bas salaires". Ces derniers accueillent environ 6400 emplois délocalisés par an, soit 0,17% de l’emploi industriel hors énergie. Autrement dit, les délocalisations vers les nations émergentes expliqueraient seulement moins de 2% des suppressions d’emplois industriels. Environ une fermeture d’établissement industriel sur 280 correspondrait à une délocalisation vers un pays à bas salaire." ([8] [19]) Les dires mêmes de la bourgeoisie mettent en pièces le mensonge qui fait des délocalisations l’explication principale à la désindustrialisation et au chômage de masse.
Par contre, le recours systématique au chantage aux délocalisations par la bourgeoisie comme moyen de faire accepter au prolétariat des sacrifices toujours plus grands, indique où se situe l’enjeu réel pour la bourgeoisie : imposer des conditions d’exploitation plus dures et la réduction du coût de la force de travail (la baisse des salaires) là où la production n’est pas délocalisable et ne doit pas l’être, là où les enjeux de puissance économique sont les plus importants pour le capital et la concurrence entre requins capitalistes la plus rude.
L’exemple de l’Allemagne est particulièrement illustratif. C’est au nom de la compétitivité de "l’entreprise Allemagne" et grâce au chantage aux délocalisations et aux suppressions d’emplois que la flexibilisation du temps de travail a été imposée, soit réduction avec perte de salaire, soit élévation sans compensation de salaires. Ainsi Siemens : après avoir transféré ses activités de services et de développement en République tchèque, en Inde, en Russie et en Chine, il impose en 2004 la semaine de 40 heures sans compensation salariale à une grande partie de ses 167 000 salariés allemands sous la menace de la délocalisation d’au moins 5000 emplois. En 2005, après avoir annoncé 2400 suppressions de postes dans sa filiale de service informatique SBS, la direction impose aux 4600 salariés de la filière communication Com une réduction du temps de travail à 30 heures hebdomadaires (au lieu de 35,8) avec réduction de salaires ! Parallèlement, c’est le secteur public qui se fait le champion du "travailler plus". La compagnie ferroviaire DB est passée aux 40 heures et de nombreux Etats régionaux ont fait passer le temps de travail des fonctionnaires régionaux de 40 à 42 heures. Au total, c’est ainsi qu’en Allemagne où la bourgeoisie a en ligne de mire les coûts de main-d’œuvre les plus élevés parmi les grands pays de l’OCDE, "les rémunérations ont, en valeur réelle, reculé de 0,9% entre 1995 et 2004"([9] [20]) Là comme ailleurs, le chantage aux délocalisations n’est pas dissociable des autres attaques et va de pair avec la réforme du fonctionnement du marché du travail ainsi que la remise en cause des systèmes de retraites et d’assurance maladie.
Si les campagnes bourgeoises mettent pleins feux sur les seules délocalisations, c’est aussi parce la classe dominante en tire avantage contre le prolétariat afin de désarmer sa lutte. Lorsque syndicats, partis de gauche, gauchistes et altermondialistes vitupèrent les délocalisations pour stigmatiser le retour à des conditions dignes du 19e siècle, c’est pour mieux masquer au prolétariat la signification réelle de la situation qui lui est faite dans la société.
Le marxisme n’a jamais dénoncé les tendances à l’allongement de la journée de travail et à l’abaissement des salaires vers le minimum de la subsistance vitale comme imputables au caractère carnassier de tel ou tel capitaliste en particulier, mais comme le produit des contradictions inscrites dans la nature même du système capitaliste. C’est en véritable vampire invétéré de la force de travail dont il tire le profit et se nourrit, que le capitalisme saigne littéralement à blanc ceux qui en sont les porteurs, les prolétaires. "Dans sa passion aveugle et demeurée, dans sa gloutonnerie de travail extra, le capital dépasse non seulement les limites morales, mais encore la limite physiologique extrême de la journée de travail. (…) Le capital ne s’inquiète donc point de la durée de la force de travail. Ce qui l’intéresse uniquement, c’est le maximum qui peut en être dépensé dans une journée. Et il atteint son but en abrégeant la vie du travailleur.(…) La production capitaliste, qui est essentiellement production de plus value, absorption de travail extra, ne produit donc pas seulement par la journée de travail qu’elle impose la détérioration de la force de travail, en la privant de ses conditions normales de fonctionnement et de développement, soit au physique, soit au moral - elle produit l’épuisement et la mort précoce de cette force."([10] [21])
L’énorme différence avec aujourd’hui, c’est qu’au 19e siècle, le prolétariat pouvait espérer une atténuation de sa situation au sein du système capitaliste. "Les premières décennies de la grande industrie ont eu des effets si dévastateurs sur la santé et les conditions de vie des travailleurs, ont provoqué une morbidité si effrayantes, de telles déformations physiques, un tel abandon moral, des épidémies, l’inaptitude au service militaire, que l’existence même de la société en paraissait profondément menacée. (…) Il fallait donc dans son propre intérêt, pour permettre l’exploitation future, que le capital impose quelques limites à l’exploitation présente. Il fallait un peu épargner la force du peuple pour garantir la poursuite de son exploitation. Il fallait passer d’une économie de pillage non rentable à une exploitation rationnelle. De là sont nées les premières lois sur la journée de travail maximale." 11 Encore ce résultat ne fut-il imposé que contre la résistance farouche des capitalistes et après des décennies d’une implacable lutte de classes. Il ne pouvait être obtenu que parce que le système capitaliste se trouvait alors dans sa phase d’ascendance, en pleine expansion.
Aujourd’hui l’implacable concurrence entre nations capitalistes en lutte pour des marchés toujours plus étroits, sursaturés de marchandises, ne peut que provoquer l’inexorable remise en cause générale du "standard de vie" établi dans les pays occidentaux, sans espoir de retour en arrière. Tous ces faits confirment les prévisions du marxisme, l’effondrement du capitalisme dans la catastrophe sociale.
Il reste aux ouvriers du monde entier à apprendre à se considérer comme des camarades de lutte et à se tendre la main par dessus les limites des secteurs et les frontières, pour faire de leurs mouvements une seule lutte contre le capitalisme et développer leur conscience que cette lutte ne peut trouver sa finalité que dans la destruction du système capitaliste, c’est-à-dire l’abolition du salariat et du caractère marchand de la force de travail, racine de l’esclavage du prolétariat.
Scott
[1] [22] L’Expansion, 27 octobre 2004
[2] [23] L’Expansion, 27 octobre 2004
[3] [24] L’Expansion.com, 19 avril 2005
[4] [25] CISL en ligne, 9 décembre 2005
[5] [26] Chine Amnesty International, 30 avril 2002
[6] [27] Le Monde, 18 octobre 2005
[7] [28] Le Monde, 26 mai 2005
[8] [29] Dossiers et documents du Monde, novembre 2005
[9] [30] L’Humanité, 14 février 2006
[10] [31] Marx, Le Capital, Livre 1, chapitre X. Pour les notions de force de travail, plus value, travail extra (surtravail) se reporter à la première partie de cet article dans RI n° 362
Une lectrice nous a envoyé une lettre contenant une réflexion sur l’article "L'avenir, c'est la lutte de classe" (RI nº 362, novembre 2005) qui analysait les dernières luttes de notre classe partout dans le monde, des luttes qui montrent que le prolétariat est "bien vivant", contrairement à toutes les campagnes de la bourgeoisie qui l’ont déclaré moribond ou inexistant. Nous y décrivions plus particulièrement des grèves comme celles de l’aéroport londonien d'Heathrow, celle de 18 500 mécaniciens de Boeing aux Etats-Unis, ou celles de l’Argentine.
Parmi les préoccupations soulevées par notre camarade, la plus importante nous semble être la suivante : " Cependant une phrase dans le premier article du journal me pose question. Vous dîtes au sujet des ouvriers mécaniciens de Boeing : ' La colère était d’autant plus forte que les bénéfices de l’entreprise ont triplé au cours des 3 dernières années. ' (…) J’aurais besoin d’explications sur ce discours qui est tenu par les gauchistes et les syndicats scandalisés de voir une entreprise en ‘bonne santé’ qui licencie."
Syndicats et gauchistes enferment et divisent dans la logique des entreprises
Cette remarque est très juste. Il existe en effet une ambiguïté regrettable dans la formulation du journal car ce discours consistant à "dénoncer" les entreprises qui licencient alors qu’elles font des bénéfices a justement servi à de nombreuses reprises, comme le signale la camarade, aux gauchistes et aux syndicats pour dévoyer la riposte ouvrière. Cette question est d'ailleurs très importante car elle touche à ce qui constitue deux fondements du système capitaliste, la course au profit et la recherche de l’exploitation la plus forte de la force de travail. Les syndicats et les gauchistes veulent ainsi faire croire que le système capitaliste pourrait être autre chose qu’un système de profit. Ils cherchent ainsi à masquer que le capitalisme est une société d'exploitation qui tire forcément son profit, sa plus-value, d'une exploitation constante et féroce de la force de travail de la classe ouvrière et non pas d’une simple mauvaise répartition de la richesse sociale. L'idée selon laquelle il pourrait y avoir une autre répartition des richesses si l'entreprise fait des bénéfices est illusoire et dangereuse et, de plus, masque le fait que le capitalisme se trouve dans une situation de crise insurmontable. Quand une entreprise fait des bénéfices, elle vire des ouvriers et baisse les salaires, d'une part en prévision d'une aggravation de la situation économique dans un futur proche, d'autre part pour augmenter la part de ses bénéfices pour réaliser une accumulation de capital imposée par les lois du capitalisme. Cette accumulation devient particulièrement problématique dans les périodes de récession économique. Si les entreprises qui licencient ne parviennent pas forcément à surnager et à faire face à la concurrence, le recours à des licenciements de plus en plus massifs a été le moyen le plus efficace depuis plus de trente ans pour affronter la guerre économique et "faire des bénéfices". Comme l’avait dit Charles Bickers, un des porte-parole de Boeing : "Nous ne pouvons donner notre accord à une proposition limitant notre capacité à être compétitif et à gagner de nouveaux marchés. La concurrence est de plus en plus agressive. Nous devons mettre l'accent sur la productivité et la qualité." (Libération du 19 septembre 2005). C’est cette référence à la nécessité d’ouvrir les vannes à l’exploitation la plus féroce du fait de la situation de crise définitive du capitalisme que veulent cacher les meilleurs défenseurs du capital que sont les syndicats et les gauchistes.
Quelle différence y-a-t-il entre des ouvriers licenciés parce que leur entreprise a fait faillite, c’est-à-dire n’a pas fait de profit, et des ouvriers licenciés alors que la leur fait du profit ? Aucune, ils sont mis à la porte dans les deux cas et se retrouvent ensemble au chômage.
Mais il est vrai que le fait de savoir que l’entreprise avait triplé ses bénéfices ne pouvait qu’attiser le sentiment de révolte et d’injustice pour l’ensemble des ouvriers frappés de licenciements.
Aussi, est-ce que les ouvriers doivent se sentir plus motivés pour lutter lorsque les entreprises font des profits ? Et à l'inverse, les ouvriers devraient-ils se résigner lorsqu'ils sont mis à la porte d'une entreprise en faillite ? C'est ce faux questionnement qu'introduisent et alimentent les défenseurs patentés de l'ordre capitaliste qui insistent sur l'idée fausse qu’il pourrait exister un capitalisme à "visage humain" dont les lois pourraient être au service des êtres humains. Il s'agit d'opérer une division entre ces deux catégories de licenciés en en démoralisant une partie et en créant l'illusion dans l'autre.
La LCR propose : "Il faut imposer, tous ensemble, un Smic européen et interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits." ("Bolkenstein fait des petits", LCR, mai 2005). LO n’est pas en reste : "Prendre sur ces profits pour assurer un salaire à tous, voilà pourtant la seule vraie solution au chômage et aux licenciements. Une solution que les travailleurs auraient la force d'imposer." (Lutte Ouvrière n°1779 du 6 septembre 2002). Quant aux altermondialistes d’ATTAC, où l’on retrouve de tout, y compris différentes composantes des partis de gauche et des syndicats, ils proposent "pour en finir avec les licenciements de convenance boursière", des mesures du style : "définir les critères permettant de caractériser les "difficultés économiques", attribuer aux Comités d’entreprise un droit suspensif des licenciements, exiger des entreprises qu’elles fournissent toute l’information économique et financière utile ; favoriser la possibilité de reprise des entreprises par leurs salariés ; augmenter significativement les indemnités de licenciement.."
Cette vision implique que quand une entreprise "ne fait pas de profits", il est normal qu’on licencie. Faire dépendre la lutte pour les salaires ou contre les licenciements des profits des entreprises, c’est rester dans la logique même du capitalisme, c’est mettre en concurrence les ouvriers entre eux. Cette vision demande la "protection" de la loi et de l’Etat qui serait le prétendu défenseur des "acquis sociaux", quand il est, en fait, le garant de l’exploitation des ouvriers.
Autrement dit, on pourrait aménager ce système et y vivre en "harmonie", sous le règne de la "paix sociale" : des exploités, heureux et silencieux, aux côtés de leurs exploiteurs, partageant leurs bénéfices.
Ce discours sert ainsi à engager les ouvriers dans des luttes portant l’illusion mortelle d’une autre gestion possible du capitalisme.
Mais au delà, il sert aussi à les ligoter, les enfermer dans le cadre strict de la défense de l’entreprise et de ses intérêts, qui sont diamétralement opposés aux leurs. C’est ce qu’on avait vu avec les ouvriers de LU-Danone, les Moulinex, etc. qui sont restés, malgré toute la publicité faite autour de "leur" lutte, complètement enfermés dans les problèmes de "leur entreprise" qui "faisait des bénéfices" (voir RI n°312, avril 2001). C’est un levier idéologique dont se sont servis la bourgeoisie et ses syndicats pour enfermer, diviser les ouvriers entre eux, alimenter le corporatisme le plus étroit, tout en poussant les ouvriers vers la défaite dans des luttes isolées, jusqu’au-boutistes, épuisantes et démoralisantes, non seulement pour les ouvriers concernés mais pour l’ensemble de la classe ouvrière.
La solidarité ouvrière, une force pour l'avenir
Les luttes immédiates autant que les perspectives des luttes à venir passent par la recherche de la solidarité, la recherche de l’unité du mouvement, de l’extension à d’autres secteurs. Voilà qui est à la fois une nécessité et un moteur pour la lutte et non pas le "scandale des sur-profits". C’est ce besoin de solidarité qui est brisé et court-circuité par les forces de la bourgeoisie qui font tout leur possible pour le dénaturer et pousser au contraire dans la division. C’est ce que la camarade rappelle dans sa lettre en disant : "…ce que je retiens de l’article, c’est qu’il y a eu un rapport de force et le refus de division entre "nouveaux" et "anciens" et l’exigence que les propositions s’étendent aux autres sites de Boeing". En effet, c’est une leçon fondamentale qui ressort de la grève à Boeing : les ouvriers ont été capables d'opposer un rapport de force à la bourgeoisie grâce à la solidarité. Dans ce cas, c’est entre les générations que cela s’est manifesté. Les ouvriers ont refusé les divisions entre anciens et nouveaux embauchés, puisque la direction voulait faire signer des contrats différents pour les jeunes, ce qui avait pour conséquence la suppression de toute couverture médicale attachée à la retraite pour les nouveaux employés.
Ce sont de tels éléments que nous avons pu vérifier dans les luttes des dernières années. Depuis les grèves en France en 2003, en passant les grèves en Argentine, en Angleterre, au métro de New York ou chez Boeing aux Etats-Unis, chez Seat en Espagne et dernièrement dans la lutte contre le CPE en France, c’est cette pratique de la solidarité, la volonté d’union qui ressortent, contre les attaques menées par la bourgeoisie.
La camarade dans sa lettre nous dit encore : "Répondez- moi car j’ai besoin de reprendre des forces pour mieux lutter". Nous ne pouvons que saluer ce souci qui s’inscrit complètement dans celui de l’ensemble du prolétariat et du CCI. Avoir des réponses claires, développer sa conscience des enjeux dans les évènements auxquels la classe ouvrière est confrontée, c’est aussi développer la confiance en soi et c’est prendre des forces pour le futur. C’est pour cette raison que les idéologues bourgeois et autres troupes de sabotage des luttes ouvrières s’efforcent de casser la prise de conscience dans les rangs ouvriers de la véritable situation de faillite dans laquelle se trouve le capitalisme. C’est pour cette raison qu'ils font tout leur possible pour émietter et diviser les ripostes ouvrières contre les attaques capitalistes et s'opposer au développement de la lutte de classe. C’est encore pour cette raison que les prolétaires ne doivent jamais hésiter à faire part de leurs questionnements et à développer la discussion la plus large en leur sein.
DP
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