Les guerres mondiales du XXe siècle ont montré que le capitalisme était devenu un système social totalement obsolète. Elles ont été suivies d’une « guerre froide » entre deux blocs impérialistes, au cours de laquelle les conflits par procuration ont tué autant de personnes que les guerres mondiales. L’ancien système des blocs s’est effondré dans les années 1990, mais les guerres impérialistes n’ont pas disparu. Elles sont simplement devenues plus chaotiques et imprévisibles. Parmi les nombreuses guerres qui ravagent la planète aujourd’hui, le carnage en Ukraine et au Moyen-Orient sont les preuves les plus évidentes (aux côtés d’une crise écologique que le système ne peut pas à résoudre) que le déclin du capitalisme a atteint sa phase terminale, menaçant même la survie de l’espèce humaine.
Afin de discuter de ces questions, le CCI organise des réunions publiques, partout où il est présent, en France et dans le monde. Ces réunions seront l’occasion de débattre du contexte historique de la guerre au Moyen-Orient et de faire valoir que la seule réponse possible à la guerre est la défense intransigeante de l’internationalisme contre toutes les fausses réponses offertes par ceux qui défendent l’une ou l’autre forme de nationalisme, et contre tous les États et gouvernements capitalistes, d’Israël à l’Iran et au Hamas, de la Russie à l’Ukraine, des États-Unis à la Chine. Toutes leurs guerres sont des guerres impérialistes génocidaires, et la seule puissance sur terre qui peut mettre fin au cauchemar du capitalisme en décomposition est la classe ouvrière internationale.
Ces réunions sont des lieux de débat ouverts à tous ceux qui souhaitent rencontrer et discuter avec le CCI. Nous invitons vivement tous nos lecteurs, contacts et sympathisants à venir y débattre afin de poursuivre la réflexion sur les enjeux de la situation et confronter les points de vue.
– Toulouse : samedi 25 mai à 14h, Salle Thierry PREVOT, 3 rue Escoussières Arnaud Bernard 31000 Accès métro ligne B - station métro Jeanne d’Arc. (ATTENTION : changement d'adresse)
– Paris : samedi 25 mai à 15h, CICP, 21ter rue Voltaire, 75011 Paris, métro « Rue des Boulets »
– Nantes : samedi 25 mai à 15h, Salle de la Fraternité, 3 rue de l’Amiral Duchaffault (quartier Mellinet, station tramway Duchaffault, ligne 1)
– Bruxelles: samedi 25 mai à 14h, Pianofabriek, rue du Fort 35, 1060 St Gilles
– Marseille : samedi 1er juin à 15h, Mille Babords. 61 Rue Consolat. Métro « Réformés ».
– Lille : samedi 8 juin à 15h, café les Sarrasins, 52 rue des Sarrasins (métro Gambetta).
– Lyon : samedi 22 juin à 15h, CCO La rayonne, 28 rue Alfred du Musset, 69110 Villeurbanne, métro ligne A « Vaulx-en-Velin La soie ».
L’épouvantable offensive israélienne sur la bande de Gaza a emporté, en quelques mois, des dizaines de milliers de vies dans un torrent furieux de barbarie. Des civils innocents, des gosses et des vieillards meurent par milliers, écrasés sous les bombes ou froidement abattus par la soldatesque israélienne. À l’horreur des balles, il faut encore ajouter les victimes de la faim, de la soif, des maladies, des traumatismes… La bande de Gaza est un charnier à ciel ouvert, une immense ruine symbole de tout ce que le capitalisme a désormais à offrir à l’humanité. Ce qui se passe à Gaza est une monstruosité !
Comment ne pas être écœuré par le cynisme de Netanyahou et sa clique de religieux fanatiques, par le nihilisme froid des assassins de Tsahal ? Comment ne pas s’emporter quand la moindre expression d’indignation est aussitôt qualifiée « d’antisémitisme » par des éditorialistes de bas étage et les propagandistes de Tel Aviv ? Forcément, les images de l’horreur et les témoignages des survivants ne peuvent que glacer le sang. Même au sein de la population israélienne, pourtant traumatisée par les crimes ignobles du 7 octobre et soumise au rouleau compresseur de la propagande belliciste, l’indignation est palpable. Les rassemblements de soutien aux Palestiniens se multiplient dans le monde : à Paris, à Londres et, surtout, aux États-Unis où les campus universitaires sont le théâtre de mobilisations particulièrement étendues.
L’indignation est on ne peut plus sincère, mais les révolutionnaires ont la responsabilité de le dire haut et fort : ces manifestations ne se situent, ni de près ni de loin, sur le terrain de la classe ouvrière. Elles représentent au contraire un piège mortel pour le prolétariat !
« Cessez-le-feu immédiat ! », « Paix en Palestine ! », « Accord international ! », « Deux nations en paix ! »… Les appels à la « paix » se sont multipliés ces dernières semaines dans les manifestations et les tribunes. Une partie des organisations de la gauche du capital (les trotskistes, les staliniens et toutes les variantes de la gauche "radicale" comme LFI en France), n’ont que le mot « paix » à la bouche.
C’est une pure mystification ! Les ouvriers ne doivent se faire aucune illusion sur une prétendue paix, ni au Proche-Orient ni ailleurs, pas plus que sur une quelconque solution de la « communauté internationale », de l’ONU, du Tribunal international ou de n’importe quel autre repaire de brigands capitalistes. Malgré tous les accords et toutes les conférences de paix, toutes les promesses et les résolutions de l’ONU, le conflit israélo-palestinien dure depuis plus de 70 ans et n’est pas près de cesser. Ces dernières années, à l’image de toutes les guerres impérialistes, ce conflit n’a fait que s’amplifier, gagner en violence et en atrocité. Avec les récentes exactions du Hamas et de Tsahal, la barbarie a pris un visage encore plus monstrueux et délirant, dans une logique de terre brûlée jusqu’au-boutiste qui montre que le capitalisme ne peut rien offrir d’autre que la mort et les destructions.
Alors, à la question : « la paix peut-elle régner dans la société capitaliste ? », nous répondons catégoriquement : non ! Les révolutionnaires du début du XXe siècle avaient déjà clairement mis en évidence que, depuis 1914, la guerre impérialiste est devenue le mode de vie du capitalisme décadent, le résultat inéluctable de sa crise historique. Et parce que la bourgeoisie n’a aucune solution à la spirale infernale de la crise, il faut le dire très clairement : le chaos et les destructions ne peuvent que se répandre et s’amplifier à Gaza comme à Kiev et partout dans le monde ! La guerre à Gaza menace d’ailleurs d’embraser toute la région.
Mais au-delà de l’impasse que représentent les appels à la paix sous le joug du capitalisme, le pacifisme demeure une mystification dangereuse pour la classe ouvrière. Non seulement cette idéologie n’a jamais empêché une guerre, mais il les a au contraire toujours préparées. Déjà en 1914, la social-démocratie, en posant le problème de la guerre sous l’angle du pacifisme, avait justifié sa participation au conflit au nom de la lutte contre les « fauteurs de guerre » du camp d’en-face et le choix du « moindre mal ». C’est parce qu’on avait imprégné la société de l’idée que le capitalisme pouvait exister sans guerre que la bourgeoisie a pu assimiler le « militarisme allemand », pour les uns, et l’« impérialisme russe », pour les autres, au camp de ceux qui voulaient attenter à la « paix » et qu’« il fallait combattre ». Le pacifisme depuis lors, de la Seconde Guerre mondiale à la guerre en Irak, en passant par les innombrables conflits de la guerre froide, n’a été qu’une succession de complicité éhontée avec tel ou tel impérialisme contre les « fauteurs de guerre » afin de mieux dédouaner le système capitaliste.
La guerre à Gaza n’échappe en rien à cette logique. Instrumentalisant le dégoût légitime que suscitent les massacres à Gaza, la gauche « pacifiste » appelle sans détour à soutenir un camp contre un autre, celui de la « nation palestinienne » victime du « colonialisme israélien », en affirmant, la main sur le cœur : « Nous défendons les droits du “peuple palestinien”, pas le Hamas ». C’est rapidement oublier que « le droit du peuple palestinien » n’est qu’une formule hypocrite destinée à dissimuler ce qu’il faut bien appeler l’État de Gaza, une façon sournoise de défendre une nation contre une autre. Une bande de Gaza « libérée » ne signifierait rien d’autre que consolider l’odieux régime du Hamas ou de toute autre faction de la bourgeoisie palestinienne, de tous ceux qui n’ont jamais hésité à réprimer dans le sang la moindre expression de colère, comme en 2019 lorsque le Hamas, qui vit en véritable prédateur sur le dos de la population gazaouie, a maté avec une brutalité inouïe des manifestants exaspérés par la misère. Les intérêts des prolétaires en Palestine, en Israël ou dans n’importe quel autre pays du monde ne se confondent en rien avec ceux de leur bourgeoisie et la terreur de leur État !
Les organisations trotskistes, particulièrement présentes dans les universités, ne s’embarrassent même plus du verbiage hypocrite du pacifisme pour alimenter la sale propagande belliciste de la bourgeoisie. Sans aucune vergogne, elles appellent à soutenir la « résistance du Hamas ». Au nom des « luttes de libération nationale contre l’impérialisme » (frauduleusement présentée comme une position des bolcheviks sur la question nationale), elles cherchent à mobiliser la jeunesse sur le terrain pourri du soutien à la bourgeoisie palestinienne, avec des relents d’antisémitisme à peine voilés, comme nous avons pu l’entendre dans les universités : « À l’université de Columbia, à New York, des manifestants ont été filmés en train de scander : “[…] Brûlez Tel-Aviv [...] Oui, Hamas, nous t’aimons. Nous soutenons aussi tes roquettes”. Un autre s’écrie : “Nous ne voulons pas de deux États, nous voulons tout le territoire”. Dans la même veine, certains étudiants ne se contentent plus de scander “Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre”, ils brandissent désormais des pancartes en arabe. Le problème, c’est qu’il est écrit : “De l’eau à l’eau, la Palestine sera arabe”, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas de Juifs du Jourdain à la mer Méditerranée ». (1)
Les organisations trotskistes ont une longue tradition de soutien à un camp bourgeois dans la guerre (Vietnam, Congo, Irak…), d’abord au service des intérêts du bloc de l’Est pendant la guerre froide, (2) puis en faveur de toute expression d’anti-américanisme.
Le conflit israélo-palestinien demeure toutefois un leitmotiv de l’indignation sélective du trotskisme. Hier, la « cause palestinienne » était un prétexte pour soutenir les intérêts de l’URSS dans la région face aux États-Unis. Aujourd’hui, ces organisations instrumentalisent la guerre à Gaza en faveur de l’Iran, du Hezbollah et des « rebelles » Houtis face au même « impérialisme américain » et son allié israélien. L’internationalisme revendiqué du trotskisme, c’est l’Internationale des crapules !
Contrairement à tous les mensonges des partis de gauche du capital, les guerres sont toujours des affrontements entre des nations concurrentes, entre des bourgeoisies rivales. Toujours ! Jamais une guerre n’est menée au profit des exploités ! Ils en sont au contraire les premières victimes.
Partout, les ouvriers doivent refuser de prendre parti pour un camp bourgeois contre un autre. La solidarité des ouvriers ne va ni à la Palestine ni à Israël, ni à l’Ukraine ni à la Russie, ni à aucune nation ! Leur solidarité, ils la réservent à leurs frères de classe vivant en Israël et en Palestine, en Ukraine et en Russie, aux exploités du monde entier ! L’histoire a montré que la seule véritable réponse aux guerres que déchaîne le capitalisme, c’est la révolution prolétarienne internationale. En 1918, grâce à un immense élan révolutionnaire dans toute l’Europe, débuté en Russie un an plus tôt, la bourgeoisie a été contrainte de stopper l’une des plus grandes boucheries de l’histoire.
Certes, nous sommes aujourd’hui encore loin de cette perspective. Pour la classe ouvrière, il est difficile d’entrevoir une solidarité concrète et encore moins de s’opposer directement à la guerre et ses horreurs. Cependant, à travers la série inédite de luttes ouvrières qui frappent de nombreux pays depuis deux ans, en Grande-Bretagne, en France, aux États-Unis, en Allemagne encore récemment, le prolétariat montre qu’il n’est pas prêt à accepter tous les sacrifices. Il est tout à fait capable de se battre massivement, si ce n’est directement contre la guerre et le militarisme, contre les attaques brutales exigées par la bourgeoisie pour alimenter son arsenal de mort, contre les conséquences de la guerre sur nos conditions d’existence, contre l’inflation et les coupes budgétaires. Ces luttes sont le creuset dans lequel la classe ouvrière pourra pleinement renouer avec ses expériences passées et ses méthodes de luttes, retrouver son identité et développer sa solidarité internationale. Elle pourra alors politiser son combat, tracer un chemin en offrant la seule perspective et issue possible : celle du renversement du capitalisme par la révolution communiste.
EG, 30 avril 2024
1 « Most Jews and Palestinians want peace. Extremists, narcissists and other “allies” only block the way [2] », The Guadian (26 avril 2024).
2 Estimant que leur nation respective (la France, le Royaume-Uni, l’Italie…) avait tout intérêt à rejoindre le bloc dirigé par la prétendue « patrie du socialisme dégénérescente »…
La situation d’un certain nombre de pays d’Amérique centrale constitue une caricature de l’enlisement de la société dans la putréfaction du monde capitaliste. Le cas le plus extrême étant certainement celui d’Haïti qui traverse des crises incessantes, toutes plus tragiques les unes que les autres.
La violence et la brutalité se sont fortement intensifiées au cours des derniers mois, en plus de conditions de vie terriblement misérables entraînant l’exode massif de dizaines de milliers d’Haïtiens et la poursuite accélérée de leur émigration. Depuis la fin février, les événements qui se succèdent provoquent l’effroi et donnent le vertige : des prisons ont été prises d’assaut, provoquant l’évasion de plusieurs milliers de détenus, des hôpitaux et des commissariats ont été attaqués par des bandes criminelles… La « crise humanitaire » s’aggrave, la disette et la faim s’intensifient, le choléra a fait son retour, 3334 personnes en 2023 ont été tuées et 1787 autres enlevées, victimes des gangs qui font régner la terreur. Ces gangs contrôlent désormais 80 % de la capitale et les routes alentour, ainsi que le port. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, 362 000 personnes, dont la moitié sont des enfants, sont actuellement déplacées en Haïti.
Ce ne sont pas seulement les gangs qui font régner la terreur, mais aussi les milices armées et recrutées par les pouvoirs successifs comme forces d’appoint pour réprimer les révoltes populaires contre la corruption et la misère, en plus de leurs activités mafieuses. Ainsi une manifestation en 2018 contre la vie chère et la corruption a conduit à réprimer sauvagement une « mobilisation populaire » (qui réclamait des poursuites judiciaires contre Jovenel Moïse, l'ancien Président assassiné en 2021) à la Saline, un bidonville de Port-au-Prince. À cette occasion, 71 personnes ont été assassinées et mutilées, des femmes violées, des corps brûlés. L’un des auteurs du massacre, Jimmy Cherizier, alias « Barbecue », doit son surnom à ce forfait ignoble, une pratique largement connue de la « communauté internationale » qui vise à répandre la terreur et la "paix sociale", celle des cimetières au profit de la bourgeoisie et des gangs.
Un rapport de l’ONU cité dans Le Monde pointe les collusions politiques, criminelles et leur terreau : une « situation d’oligopole sur les importations » et « contrôlée par un groupe relativement restreint de familles puissantes, qui mettent leurs intérêts commerciaux concurrents au-dessus de tout ». Les gangs, souligne le rapport, sont « instrumentalisés par l’élite politique et économique ainsi que par de hauts fonctionnaires ». « Le siphonnage des ressources publiques témoigne de la corruption endémique » avec un sabotage délibéré du système judiciaire. L’impunité est totale. Mais le rapport, a priori audacieux, se garde bien de citer les exactions de l’ex-président Moïse, ni l’impopularité du premier ministre démissionnaire Ariel Henry, au bilan catastrophique et qui a bénéficié d’un soutien inconditionnel de la « communauté internationale ».
Cela n’est pas nouveau car Haïti, premier pays affranchi d’une puissance coloniale (la France) en 1804, est depuis des décennies la proie d’affrontements entre gangs rivaux qui font régner la terreur sur tout le pays. Après la succession des juntes militaires suite à l’occupation américaine entre 1915 et 1934, les tristement célèbres milices des « tontons Macoutes » (à la solde du pouvoir sans partage de la famille Duvalier entre 1957 et 1986) ont été remplacées, lors du « rétablissement d’un régime démocratique », par des luttes sanglantes entre bandes et clans rivaux pour la conquête du pouvoir. Les vagues de massacres et la terreur que font régner les criminels sont permanentes depuis 2004, enfonçant toujours davantage le pays le plus pauvre de tout l’hémisphère nord dans une misère effroyable (plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté et souffre d’insécurité alimentaire chronique).
Cette situation est encore aggravée par les ravages d’effroyables et dévastatrices "catastrophes naturelles" dont le tremblement de terre de 2010 qui a fait plus de 300 000 morts. Le pays est devenu une des zones les plus vulnérables aux dérèglements climatiques particulièrement meurtriers (succession de cyclones, d’ouragans ou de sécheresses) avec une écrasante majorité de la population plongée dans des conditions de vie totalement insalubres, favorisant le retour d’épidémies, elles aussi mortelles, comme le choléra, sous le regard complice des puissances tutélaires comme la France et des États-Unis qui soutiennent envers et contre tout les factions bourgeoises locales susceptibles d’assurer un semblant de stabilité politique.
Le très contesté premier ministre a dû démissionner, lâché par les États-Unis, sous la pression, notamment, des bandes armées, dont l’une est dirigée par « Barbecue », promettant l’intensification de la guerre civile en cas de refus. Un conseil présidentiel de transition est en passe d’être nommé depuis la Jamaïque sous la houlette des États-Unis pour choisir un nouveau premier ministre mais déjà les gangs ont déclaré qu’ils n’accepteront aucun accord venant de l’étranger. Les États-Unis, cette fois, ne veulent pas déployer leurs propres forces sur place et s’en remettent à la promesse d’arrivée de policiers kényans pour maintenir l’ordre.
Pour un chercheur haïtien, « Barbecue, un ancien policier, est le Frankenstein qui s’est libéré de son maître » et considère que les gangs « sont plus puissants que le pouvoir politique et les forces de l’ordre » et finalement ont « décidé de s’autonomiser ». En fait, ces comportements abjects sont un pur produit de la putréfaction du capitalisme tel qu’il peut s’exprimer dans la périphérie du capitalisme. Ces quarante dernières années, la vie politique d’Haïti a été bousculée par des coups d’État, des ingérences étrangères, l’insurrection de l’armée et des farces électorales, une instabilité politique qui a « précipité [Haïti] dans le chaos ». Cette situation caricaturale montre sur quoi débouche, à terme, la perte de contrôle de la bourgeoisie sur son appareil politique.
Cette situation est, en effet, loin d’être unique. Le même chaos existe dans d’autres parties du monde : en Amérique centrale, en Amérique du Sud et dans un nombre croissant de pays africains. Certains pays qui n’en étaient pas encore à ce stade voient la menace désormais se préciser. C’est, par exemple, le cas en Équateur présenté jusqu’alors comme un « havre de paix » en Amérique latine. La bourgeoisie et son appareil d’État sont confrontés à un processus de fragmentation accéléré. Ils sont totalement impliqués et compromis dans le narcotrafic qui occupe désormais une place prépondérante dans l’économie nationale. En 2023, la montée spectaculaire de la violence s’est traduite par une augmentation des homicides de 800 % ! L’Équateur est devenu la plaque tournante du trafic de drogue. Les « groupes de délinquance organisée » sont en lien avec diverses mafias concurrentes pour assurer le contrôle du trafic : cartels mexicains, gangs péruviens ou colombiens, bandes mafieuses d’origine albanaise, russe, chinoise ou encore italienne. L’État est très largement gangrené par la corruption et lui-même lié aux plus puissants groupes agroalimentaires du pays également impliqués dans le narcotrafic. La dernière tentative de contrôle du narcotrafic s’est traduite par une flambée inédite de violences au début de l’année 2024, avec des affrontements de rues entre l’armée et les groupes de délinquance organisée, par des prises d’otages de journalistes d’une chaîne de télévision publique, par l’évasion de deux chefs de gangs, par de multiples mutineries dans les prisons aux mains des gangs et une répression brutale ne faisant qu’exacerber les tensions. La militarisation de la société s’est traduite pour la classe ouvrière par une hausse de 15 % de la TVA. La vague de protestations qui a suivi a été durement réprimée par le nouveau gouvernement de Daniel Oboa.
La gangstérisation est de plus en plus endémique au sein d'États comme le Honduras, le Guatemala, le Salvador ou le Mexique, dont les gouvernements successifs nagent depuis des années dans la corruption généralisée. Les gangs y font régner la terreur, contraignant les populations à des exodes massifs dont témoignent les flux incessants de caravanes de migrants qui tentent de gagner par tous les moyens les États-Unis. Cette même situation caractérise depuis des années des pays d’Afrique de l'Est comme la Somalie ou le Soudan ou encore la Libye. Mais ce phénomène de bandes armées et de milices paramilitaires incontrôlables, en lutte pour le pouvoir et le contrôle de territoires, tend à se propager également dans la partie occidentale du continent, qu’elles soient inspirées par le fanatisme religieux (Boko Haram, Al Shaabab, AMQI,…) ou animées par de stricts intérêts mafieux.
La gangstérisation des États, l’instabilité et le chaos, les foyers croissants de conflits impérialistes meurtriers, les multiplications d’attentats terroristes font peser la menace d’un enfoncement de parties de plus en plus larges de l’humanité dans un océan sans fond de barbarie, de misère, de chaos et d’irrationalité.
T. Tor, 5 avril 2024
À l’occasion de la 30ème commémoration du génocide Rwandais, le 7 avril dernier, la « France », nous dit-on, aurait fait une « avancée » en « reconnaissant ses responsabilités » à propos du massacre de plus de 800 000 personnes.
Voici exactement ce qu'elle a reconnu : « En voulant faire obstacle à un conflit régional ou une guerre civile, elle [la France] restait de fait aux côtés d’un régime génocidaire. En ignorant les alertes des plus lucides observateurs, la France endossait une responsabilité accablante dans un engrenage qui a abouti au pire, alors même qu’elle cherchait précisément à l’éviter ». Le compte n'y est pas messieurs les défenseurs des intérêts du capital français. Si, aujourd'hui, vous admettez une demi-vérité quant à l'action de vos prédécesseurs aux côtés d'un régime génocidaire, c'est pour tenter de dissimuler l'autre moitié de cette vérité : Ils étaient sur place pour servir les intérêts du capital français et non pas pour éviter un génocide. Ils y ont même pris part pour défendre la présence de la France au Rwanda contre les intérêts opposés de rivaux impérialistes, les États-Unis en l'occurrence.
Mais il ne faut pas s'y méprendre, les rivaux d'alors de la France au Rwanda ne valaient pas mieux qu'elle. De même qu'aujourd'hui, les complices ou acteurs directs des conflits qui ensanglantent la planète, pourvoyeurs de chair à canon et massacreurs des populations portent une responsabilité énorme dans la généralisation de la barbarie guerrière.
Afin de contrer l’immense propagande et le lavage de cerveau en cours, nous renvoyons le lecteur à un article que nous avions écrit à l’époque des faits pour dénoncer le rôle de l’impérialisme français dans le génocide au Rwanda :
"Rwanda : Les rivalités franco-américaines sont responsables de l'horreur" [Rwanda, Yémen, Bosnie, Corée : derrière les mensonges de « paix », la barbarie capitaliste [9]] – Revue internationale 78.
Links
[1] https://fr.internationalism.org/en/tag/vie-du-cci/reunions-publiques
[2] https://www.theguardian.com/commentisfree/2024/apr/26/jews-palestinians-peace-gaza-narcissist-allies
[3] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/57/israel
[4] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/58/palestine
[5] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/conflit-israelo-palestinien
[6] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/syndicalisme-revolutionnaire
[7] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/52/amerique-centrale-et-du-sud
[8] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/haiti
[9] https://fr.internationalism.org/rinte78/edito.htm
[10] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/imperialisme