La situation économique en France ne fait qu'empirer chaque jour. Les exhortations à "produire, produire, produire" prônées par tous les partis et hommes politiques de la bourgeoisie et, en tout premier lieu, le parti stalinien et la CGT ont eu pour résultat incontestable une aggravation certaine de l'exploitation des ouvriers ; mais, par contre, elles n'ont pas apporté un redressement, tant soit peu substantiel, de la situation économique de la France. À part quelques rares branches de la production, comme les mines de charbon, où une pression particulièrement concentrée sur les ouvriers et l'emploi massif des prisonniers allemands transformés en esclaves ont permis d'élever l'indice de la production et de l'approcher de celui de 1938, l'ensemble de la production se maintient aux environs de la moitié de la production d'avant-guerre.
Toutes les mesures financières de conversion, de dévaluation, de stabilisation, d'inflation, de déflation préconisées et appliquées par Pleven, A. Philip et Schuman, tous les plans et mesures économiques de Mendès-France à Marcel Paul, les nationalisations, les subventions d'État aux industries d'intérêt national et la contrôle des prix n'ont pu insuffler vie à l'industrie nationale fortement ébranlée.
La cause ne réside évidemment pas dans le slogan stalinien sur la mauvaise volonté des "trusts" et patronat "vichyssois" désirant saboter la reconstruction nationale. Il est à peine nécessaire d'insister sur l'ineptie d'un tel argument uniquement destiné à duper les ouvriers, à les inciter à se montrer plus patriotes, plus soucieux des intérêts "nationaux" de la France afin d'accepter chaque jour plus de sacrifices pour la reconstruction, à consentir de travailler et produire davantage pour des salaires de plus en plus réduits.
La cause de la situation critique de l'économie française réside dans la situation générale historique de décadence de l'ensemble du système capitaliste ! Dans l'ébranlement général de l'économie mondiale à la suite de l'entrée du système capitaliste dans la période de décadence et de crise permanente, l'effondrement du capitalisme français a été d'autant plus profond que ses positions économiques et politiques offraient une résistance moindre.
La France, comme la plupart des pays d'Europe, est sortie de la deuxième guerre impérialiste mondiale économiquement ruinée et reléguée au second plan. Son relèvement est donc encore plus étroitement soumis et conditionné par la perspective générale de l'économie mondiale. Cette perspective – loin de présenter des possibilités de reprise de l'activité économique, d'une sortie de la crise – n'accuse que son aggravation. Dans ces conditions aucune tendance d'une réelle reprise économique ne peut exister en France. Tout au plus certaines améliorations, limitées à certaines branches de l'industrie, peuvent se produire en correspondance avec les besoins de la politique extérieure, militaire, stratégique et économique dans la ligne générale de la préparation de la troisième guerre dans des pays impérialistes dominant le monde, et plus précisément les États-Unis.
Tous ceux qui parlent d'un commencement de relèvement économique de la France, dans la mesure où ce ne sont pas des déclarations intéressées destinées à nourrir les masses avec des illusions et des promesses d'un avenir meilleur pour mieux leur faire accepter leur situation présente, font leur démonstration sur la base de la comparaison avec la situation de 1944. Mais une telle comparaison ne peut donner une indication valable sur la tendance réelle de la production française. 1944 ne présente pas un point faible, un moment économiquement bas mais un point mort dans la production bouleversée et totalement arrêtée par la situation militaire et politique particulière. De ce fait, la situation de 1944 ne peut aucunement servir de point de repère. On ne peut sérieusement se faire une idée qu'en se plaçant par rapport à l'année 1938 qui se situe déjà, elle-même, sur une courbe générale de déclin économique. Dans ce laps de temps de 8 années, la puissance économique de la France a été engloutie dans le gouffre de la guerre. A l'encontre des grandes puissances anglo-saxonnes qui ont été amenées par la guerre à renforcer et développer leur puissance productive, la France a vu la sienne pillée à leur profit et, pour la moitié, détruite. Ce qui est resté de l'appareil productif est en grande partie usé et appelé d'urgence à être renouvelé.
Pour retrouver le niveau de la production de 1938 –même en admettant que la France retrouve ses marchés extérieurs et sources de matières premières passés entre les mains de l'Angleterre et de l'Amérique qui ne sont pas prêtes de les abandonner– la France a besoin de reconstituer ses moyens de production et de circulation dans une proportion de 70%. Un tel effort de reconstruction, le capitalisme français n'est pas en mesure de l'accomplir, démuni comme il est de moyens de paiement. Seule l'aide de l'étranger, c'est-à-dire de l'Amérique, par des crédits massifs et à longs termes, peut renflouer l'économie française. La France se trouve ainsi à la merci de la politique extérieure des États-Unis qui, comme on s'en doute, n'a rien d'un philanthrope.
Les accords de Washington, si laborieusement et péniblement obtenus, il y a quelques mois, par Léon Blum, n'avaient rien de très réjouissants pour le capitalisme français, ce qui explique que, malgré le battage du gouvernement Gouin, on n'a pu susciter un grand enthousiasme autour de ces accords. En fait, des centaines de millions consentis par les États-Unis la France ne verra pas grand-chose, ces accords consistant essentiellement à faire passer les dettes de guerre dans la rubrique des crédits. Dans les marchés de ce genre où l'Amérique débourse peu de chose en réalité, la France n'obtient guère de moyens efficaces pouvant lui servir pour reconstruire son appareil de production. Mais telle est la situation en France que, certainement sans enthousiasme, elle doit se considérer encore satisfaite et consentir "de plein gré" à des concessions sur le plan de la politique internationale. Cela se retrouve dans l'attitude de la France dans la Conférence de la Paix et dans les conférences des Quatre où elle appuie plus ou moins ouvertement la politique de l'Amérique.
Le capitalisme français ne se fait pas grande illusion sur les possibilités d'un redressement économique sérieux. Cela ne veut pas dire qu'il abandonne toute lutte pour maintenir et renforcer ses positions et accroître ses sources de profit. Bien au contraire. Il tend à saisir chaque occasion qui se présente pour exercer le chantage et mettre à profit les frictions qui surgissent entre les Grands sur l'échiquier international pour s'emparer de quelques menus profits. C'est ainsi que la France obtient une rectification de frontières aux dépens de l'Italie et s'emploie à piller au maximum dans sa zone d'occupation en Allemagne.
Plus se rétrécit, pour le capitalisme français, le champ d'exploitation et de pillage à l'extérieur, plus férocement il se rabat sur l'exploitation des masses travailleuses à l'intérieur.
Pour rien au monde un capitalisme ne peut renoncer à ses profits. Handicapé sur un plan, il cherche compensation sur un autre. L'exploitation des travailleurs, la diminution de leur standard de vie s'accroissent dans la même mesure que le capitalisme se heurte par ailleurs à des difficultés. La grande "bataille de la production" et toutes les "batailles" particulières, celle du charbon, de l'électricité, du rail, etc., etc., n'ont rien d'autre en vue que de compenser le capitalisme français de perte de profit sur le marché mondial par une surexploitation du prolétariat.
Aucun parti ne pouvait mieux faciliter cette tâche à la bourgeoisie française que le parti stalinien. Ce parti qui, par sa politique extérieure, est un prolongement des intérêts impérialistes de l'État russe et, de ce fait, suscite plutôt la méfiance d'une grande partie de la bourgeoisie française, est non seulement toléré par elle mais on lui laisse volontiers une partie de la direction de l'État, car la bourgeoisie trouve en lui l'élément le plus apte à faire accepter par les ouvriers leur surexploitation sans trop de secousses.
La direction stalinienne de la CGT reproduit, avec le dynamisme et le cynisme dont elle a coutume, les formules et la pratique qui ont fait leur preuve en Russie où ils ont produit des miracles entre les mains de l'État. L'intérêt et le profit du capitalisme français se trouvent fort bien assurés par les formules de "batailles de la production", "l'émulation dans la reconstruction", "prime au rendement", "champion de record de production" et tant d'autres formules du pire stakhanovisme.
Intensification du travail, blocage des salaires, prolongation de la semaine du travail, diminution des rations, augmentation des prix, rien décidément n'a été négligé pour assurer les profits aux capitalistes.
Et tandis que la marge des bénéfices est assurée au patronat, les salaires réels des ouvriers et des fonctionnaires diminuent d'une façon régulière et constante. D'une façon générale les conditions de vie, si elle n'accuse pas une franche aggravation par rapport aux années de guerre, parviennent péniblement à se maintenir à ce niveau. Les rations alimentaires de première nécessité, le pain, la viande, les matières grasses, le vin, les légumes secs, le lait sont exactement les mêmes que dans les pires années de la guerre. Et si certains articles, comme les fruits et les œufs, se trouvent abondamment sur le marché, cela ne signifie pas qu'ils sont à la disposition des ouvriers. Comme sur le plan du marché du travail où l'ouvrier est "librement" contraint de vendre sa force de travail, sur le marché de la consommation, il est absolument libre de… regarder les produits destinés à la consommation de la bourgeoisie, "librement" forcé de ne pas y toucher. La politique de consommation est celle du double marché. D'une part le marché rationné, le marché pour les ouvriers qui doit assurer aux masses le minimum vital et sur la base duquel sont calculés les salaires, d'autre part le marché pour la bourgeoisie, le marché libre. La croisade contre le marché noir que réclament tous les partis n'a pas en vue de répartir plus équitablement les denrées entre tous les habitants mais uniquement de faciliter la vente des marchandises pour les producteurs et l'acquisition pour les consommateurs bourgeois. À ce titre le système du marché noir présente des inconvénients certains et, dans la mesure du possible, la bourgeoisie tend à y remédier en créant le marché libre, c'est-à-dire en contrôlant et en légalisant le marché noir.
La part attribuée aux masses ouvrières dans la consommation générale ne se trouve nullement augmentée. Le syndicat des bouchers en apporte la preuve en constatant que, dans les premières semaines de l'application du système Farge –vente libre de la viande au prix fort, après les 150 gr réglementaires–, 30% des consommateurs dans les quartiers ouvriers de Paris n'avaient même pas acheté leur simple ration. Ce qui est valable pour la viande l'est aussi pour tous les articles du marché dit "libre".
La bourgeoisie parvient à supprimer ainsi en partie les intermédiaires qui s'enrichissaient à ses dépens et à assurer plus normalement son ravitaillement. La lutte contre le marché noir ne représente dans ces conditions aucunement une lutte pouvant intéresser la classe ouvrière. Il ne lui appartient pas d'organiser le marché de la bourgeoisie qui, "noir" ou "libre", n'a pour résultat que la baisse du standard de vie des masses laborieuses.
Le coût de la vie n'a cessé de s'élever depuis la "libération". Après avoir réussi, avec l'aide de la CGT, à assurer, par la politique de blocage des salaires, une forte avance des prix, la bourgeoisie pouvait très tranquillement accepter de prendre en considération la revendication de réajustement des salaires. Toute la bourgeoisie, de droite à gauche, devenait soudainement très compréhensive envers la condition ouvrière et admettait la légitimité d'une augmentation des salaires, d'autant mieux que cette augmentation devait être étudiée pour son application dans le cadre général de la production et des prix. Aucune divergence là-dessus avec la CGT également très compréhensive des intérêts de la production nationale.
Pendant que se réunissaient les délégués du patronat, de la CGT et de l'État pour l'étude du réajustement des salaires, pendant qu'on discutait sur les 15, 16 ou 25%, les prix prenaient un nouvel envol et annulaient d'avance toute valeur à un réajustement des salaires à venir ; cela n'empêche pas, au contraire, une fois les salaires augmentés et sous ce prétexte, une nouvelle hausse des prix. Ainsi les statistiques des prix accusent du 15 août au 15 septembre une hausse de 26% ; et De Menthon propose, après étude en vue de la baisse de certains articles industriels, une nouvelle hausse générale, évidemment justifiée, qui ne serait qu'une première étape, d'autres devant suivre et à un rythme accéléré.
La hausse des prix n'est pas due à la volonté d'un patronat insatiable, voulant s'assurer des surprofits, mais correspond à une nécessité vitale pour le capitalisme français. Handicapé sur le marché international par une concurrence anglo-américaine, le capitalisme français ne peut se défendre par une augmentation de la productivité pour laquelle les moyens techniques lui font complètement défaut. Il ne lui reste d'autre moyen que de diminuer les frais de production, qu'en diminuant le chapitre des salaires. La hausse des prix à l'intérieur signifie la baisse des salaires et la possibilité – par l'office d'import-export – d'assurer la vente de ses marchandises indispensables pour pouvoir payer à l'étranger les matières premières et les machines qui sont indispensables pour le fonctionnement, même au ralenti, de la production nationale. La limitation extrême de ses importations - dont la nature, la masse et le prix de vente font l'objet d'un contrôle sévère de la part de l'État – permet au capitalisme français de s'assurer la domination du marché intérieur.
Dans la hausse des prix, il ne s'agit donc pas tant pour le capitalisme d'obtenir des surprofits mais de garantir ses profits courants. Placé dans des conditions extrêmement défavorables par rapport à ses concurrents sur le marché mondial, il ne lui reste pas d'autre moyen que la poursuite d'une politique de réduction des conditions de vie des masses laborieuses.
Une telle situation ne peut manquer d'alimenter le mécontentement qui est général et forcément plus sensible chez ceux qui vivent de leur salaire et de leur traitement. Mais on doit constater que le mécontentement, loin de conduire à un débordement généralisé, ne s'est exprimé jusqu'à présent que dans des manifestations isolées et sporadiques et très souvent confuses.
Pour que les masses puissent entreprendre une action positive de classe, il ne suffit pas qu'elles éprouvent un sentiment d'insatisfaction mais elles doivent prendre conscience des causes profondes, historiques de l'état de choses actuel. Elles doivent passer du plan étroit de la revendication économique à celui de la lutte sociale et politique. Or ce n'est justement pas le cas ; et le mécontentement des masses peut, dans ces conditions, devenir précisément un moyen de manœuvres politiques entre les mains des divers partis du capitalisme contre les intérêts des ouvriers.
Nous avons vu plusieurs grèves, ou autres mouvements, éclater et apparemment, si on juge par les masses numériques, on serait tenté de conclure à leur développement. En réalité nous assistons à une édulcoration très nette de leur nature de classe. Les premiers mouvements, tels ceux des mineurs du Nord, des manifestations ouvrières de Nantes et de Lyon, furent des réactions spontanées de classe. A ce type, se rattachent la grève récente des cheminots de Dijon et les manifestations de Brest et de Cherbourg.
Ces mouvements sont caractérisés d'abord par le fait que, tout en présentant des revendications purement économiques d'augmentation des salaires et parfois même des revendications confuses et réactionnaires comme une meilleure épuration, ils posent cependant, avant tout, des revendications sociales comme le ravitaillement, une meilleure répartition des denrées alimentaires, revendications dirigées directement contre l'appareil gouvernemental. En second lieu, ces mouvements sont des explosions spontanées, des grèves sauvages en dehors des cadres syndicaux. Elles se produisent sur le plan local, effaçant toute barrière professionnelle et groupant tous les ouvriers sans distinction, y compris les ouvriers chômeurs, dans une action commune. En troisième lieu, elles sont animées par une plus haute combativité, passant à l'action directe pour s'emparer des vivres et du charbon.
Tout autre apparaissent les larges mouvements de grèves récentes. Elles ont perdu leur caractère spontané, sauvage. Ces grèves sont ordonnées, dirigées, bien encadrées. Elles sont déclenchées et surtout arrêtées avec discipline. Elles sont exclusivement économiques, corporatives, tenues dans le cadre syndical et conduites par des dirigeants syndicaux connus et respectés par les autorités gouvernementales. Elles touchent surtout l'employé, fonctionnaire, ceux rétribués au mois dans des fonctions qui leur garantissent une stabilité et une retraite. Même, comme c'est souvent le cas, ces travailleurs ont des salaires inférieurs à ceux des ouvriers de l'industrie, ils ne présentent cependant pas la masse combative du prolétariat mais bien plutôt une couche sociale périphérique avec des fortes tendances idéologiques petites-bourgeoises.
Il est absolument impossible de présenter ces mouvements comme le signe d'une radicalisation des masses, comme une prise de conscience plus avancée. Le fait que ce soit justement des couches de travailleurs et de fonctionnaires qui déclenchent des mouvements, alors que la grande masse des ouvriers d'usine reste passive, est déjà en soi très significatif. Dans le meilleur des cas nous avons à faire à des mouvements typiquement réformistes. Mais il y a encore autre chose dans ces mouvements : c'est leur exploitation par des partis politiques bourgeois, leur canalisation vers des objectifs qui n'ont rien à faire avec la lutte ouvrière et dans le but duquel ils furent en grande partie fomentés.
Nous avons, dans le dernier numéro de "Internationalisme", mis en lumière cet aspect de la grève des postiers, là où tous les groupes révolutionnaires ne voulaient voir qu'une action de classe anti-syndicale, révolutionnaire et tout et tout. C'est son caractère anti-stalinien qui aveuglait les militants et c'est justement son caractère essentiellement anti-stalinien qui aurait dû les rendre plus méfiants et ouvrir leurs yeux sur le fond de la manœuvre socialiste. Aujourd'hui la grève des fonctionnaires fait apparaître encore plus nettement cet aspect des grandes grèves actuelles en France.
Cela n'enlève rien au fait que l'attitude des staliniens et de la CGT est celle des briseurs de grève. Mais cela ne fait pas des socialistes, pris soudain d'un amour pour les ouvriers et pour les grèves, des défenseurs des intérêts des ouvriers. Cela doit surtout nous inciter à voir que le mécontentement des masses peut très bien être un élément d'exploitation dans l'intérêt du capitalisme.
Les positions occupées respectivement par les staliniens et les socialistes, les premiers contre les grèves et les seconds pour, ne relève pas d'une attitude générale par rapport aux luttes ouvrières mais de leurs positions particulières contingentes qu'ils occupent dans la situation politique présente en France.
En Belgique par exemple, nous avons pu voir une situation renversée où les socialistes, à la tête du gouvernement, brisaient implacablement les grèves tandis que les staliniens soutenaient les grèves et même en étaient les initiateurs. En Amérique nous voyons également les staliniens dans la CIO pousser à la grève. En Angleterre ils prennent l'initiative d'un mouvement "squatter", celui de faire occuper par les sans-abris et les chômeurs des locaux libres. Un renversement de la situation en France verra probablement les staliniens reprendre une allure "révolutionnaire" à la tête des mouvements de grève.
Dans la lutte fondamentale entre le prolétariat et le capitalisme, les staliniens et les socialistes sont également du côté du dernier, contre le premier ; mais dans une situation contingente, en l'absence d'une menace directe pour le régime, leur comportement est dicté d'après les intérêts fondamentaux des deux grands blocs impérialistes luttant pour l'hégémonie mondiale.
Les révolutionnaires qui ne tiennent pas compte de cela et se contentent de dénoncer le stalinisme dans son comportement du moment, sans expliquer plus à fond les raisons de ce comportement, font une double erreur. D'une part leurs attaques sont concentrées forcément uniquement contre le stalinisme sans pouvoir atteindre les socialistes, et d'autre part toutes leurs dénonciations contre le stalinisme se trouveraient sans aucune portée quand, pour des raisons de politique internationale, le stalinisme se trouverait dans l'opposition et reprendrait la tête des "luttes" ouvrières. Il est à craindre que non seulement les ouvriers accorderont alors plus que jamais leur confiance au stalinisme mais encore que les militants révolutionnaires soient profondément surpris. Dans les deux temps, on aura toujours facilité la démagogie d'un des deux partis et permis le renforcement de son influence sur les ouvriers.
Il est hors de doute que le mécontentement des masses puisse encore s'approfondir mais il es peu certain qu'il donne naissance à une issue révolutionnaire. Dans l'état actuel d'absence de conscience de classe et du cours vers la guerre, il est le plus probable que le mécontentement soit habilement utilisé en faveur d'un des deux blocs antagonistes et en vue de la préparation de la prochaine guerre, sous la forme immédiate de luttes d'influence entre le parti stalinien et le parti socialiste. Cette manœuvre s'est déjà largement faite jour dans les récents mouvements de grève en France.
La vie politique française est on ne peut plus confuse. Une suite d'élections, de référendums, de coups de théâtre, de partis qui dénoncent comme la pire des catastrophes ce qu'eux-mêmes ont proposé ou préparé pendant des mois, des volte-face ahurissantes, des sorties et des discours surprenants, des claquements de portes retentissants. Un gouvernement des Trois grands partis dont les ministres passent le meilleur de leur temps à faire des crocs en jambe à leurs collègues et à faire chaque dimanche des discours contre la politique gouvernementale des deux autres partis.
En apparence il semblerait que toute la vie politique est dominée par le souci d'élaborer la nouvelle constitution qui doit servir de fondement à la IV° République. Il n'en est rien. Les débats autour de la malheureuse constitution, les propositions, les amendements et tractations sont tellement obscurs que personne, même parmi les constituants, ne comprend quoi que ce soit ; et la très grande majorité de la population se désintéresse complètement.
On a pu voir les MRP introduire en fait une seconde chambre, ce contre quoi ils luttaient avec acharnement il y a quelques mois, et les radicaux d'expliquer qu'ils ont entendu leur position sur l'école laïque (leur cheval de bataille) dans le sens de la pleine liberté de l'enseignement et de rappeler que le Parti Radical socialiste est avant tout un parti de gouvernement, à comprendre que le Parti Radical est prêt à prendre sa place dans une future combinaison ministérielle.
Au fond, toute cette confusion ne fait que traduire la situation chaotique réelle dans laquelle se trouve la France au sortir de la guerre, avec son économie bouleversée, déséquilibrée, à laquelle le capitalisme ne voit aucun remède durable et à laquelle il s'adapte tant bien que mal avec une politique de palliatifs à la courte semaine. On peut évidemment distinguer entre les éléments plus conservateurs, plus attachés à la forme périmée du capitalisme privé, qui sont représentés par les partis de "droite" PRL et Radicaux, et les partis qui présentent la tendance nouvelle du capitalisme d'État, qui sont le "gauche", les staliniens, socialistes et le MRP. Cependant, ce n'est qu'une délimitation secondaire ; celle qui prédomine est le choix entre les deux blocs impérialistes au sein de qui la France est forcée de s'incorporer.
La période d'indépendance nationale, tout comme le libéralisme économique, est désormais dépassée. Avec elle, est passée également la possibilité d'une politique étroite de l'intérêt nationale. La nation capitaliste a fait place au système du bloc impérialiste groupant plusieurs pays sous la direction d'une grande puissance luttant pour l'hégémonie mondiale. Le capitalisme national s'aliène nécessairement une partie de sa liberté et de ses intérêts ; mais ses intérêts fondamentaux ne peuvent être sauvegardés que dans le cadre du bloc. Le patriotisme national s'élargit pour se fondre dans un patriotisme de bloc dans lequel la nation s'englobe.
La défaite du bloc germano-japonais ne laisse subsister que deux grands blocs, le russe et l'américain, dont l'antagonisme va en s'exacerbant pour une lutte à mort et la destruction de l'un par l'autre. Aucun pays n'est libre de rester à l'écart, leur liberté ne consiste que dans leur intégration volontaire ou forcée dans l'un des blocs. La France de De Gaulle croyait un moment pouvoir jouer entre les deux. Ce fut le romantisme de la "Grandeur traditionnelle de la France" que tout le monde a fini par rejeter pour son manque de réalisme et de sérieux.
Ce qui domine le fond de la vie politique en France n'est pas la lutte entre la "droite" et la "gauche", sur telle réforme ou tel paragraphe de la Constitution mais essentiellement l'orientation de la politique de la France.
La campagne du référendum pour la nouvelle constitution parrainée par les trois grands brouillera peut-être momentanément la vision de l'opposition fondamentale en la couvrant par une division artificielle et secondaire opposant le bloc gouvernemental à celui de l'opposition. La lutte contre la dictature des partis d'un côté, et la lutte contre l'aspiration à la dictature personnelle de l'autre, est une vaste fumisterie propice à la bataille électorale. De Gaulle s'est expliqué clairement en réclamant la possibilité, pour le chef de l'État, de constituer un gouvernement souverain hors de la France au cas où cela serait rendu nécessaire par une nouvelle occupation du pays. De Gaulle voit venir la guerre, il redoute une nouvelle invasion de la France et il n'a pas hésité à indiquer le nouvel envahisseur probable dans cette multitude d'esclaves sous la domination d'un gouvernement tout puissant. De Gaulle prend position contre le bloc russe moins souple, plus brutal ; il reproche violemment aux partis anti-russes, MRP et socialiste, de continuer, pour des raisons de "tactique", à composer avec les partisans du bloc russe, les staliniens. Qu'il ait raison ou tort dans sa politique brutale et cassante, il a situé la vraie ligne de démarcation, celle qui passe entre les staliniens et tous les autres partis, et qui n'est que le prolongement en France de la ligne de démarcation internationale entre les deux blocs impérialistes.
Des trois partis du bloc gouvernemental, le parti stalinien est indiscutablement le plus attaqué, le plus redouté, non seulement par l'opposition mais également par ses partenaires au gouvernement. En même temps, dans les conditions présentes, aucune combinaison gouvernementale n'est possible sans sa participation active, d'où la nécessité de concession et de compromission à son égard de la part des autres partis. Cette situation ambivalente est due au fait que le parti stalinien représente à lui seul la tendance du bloc russe en opposition à tous les autres partis.
Dans la mesure où les intérêts du capitalisme français se trouvaient en conflit avec la domination anglo-américaine – affaire de la Syrie, en Indochine et même en Afrique du Nord -, une tendance pro-russe ne pouvait manquer de se développer en France. Le parti stalinien apparaissait comme le meilleur défenseur des intérêts nationaux contre la convoitise impérialiste anglo-américaine. On doit cependant constater que, depuis le pacte De Gaulle-Staline, les penchants pro-russes sont devenus plus tièdes et la gratitude envers "la grande nation amie" n'est plus de mode, même chez Herriot. La bourgeoisie française est trop réaliste pour comprendre la nécessité pour elle de se soumettre aux États-Unis. Le soutien moral et les promesses russes ne pèsent pas lourd devant la puissance économique des États-Unis. Et la majorité du capitalisme français hésite de moins en moins dans le choix à faire. De là l'isolement du parti stalinien représentant, dans une France anglo-américaine, la cinquième colonne russe.
Mais le parti stalinien, en plus de toute la fraction pro-russe de la bourgeoisie, groupe des centaines de mille d'ouvriers. Il domine la grande organisation syndicale où sont emprisonnés près de 5 millions d'ouvriers. Ce parti exerce indiscutablement une influence prépondérante sur les masses travailleuses. C'est sa force avec laquelle les autres partis doivent compter et sont obligés de composer.
Pour le moment, tant que la situation internationale le permet, il est préférable que le parti stalinien participe au pouvoir d'autant plus qu'aucune concession de fond sur la politique extérieure ne lui est faite ; et cela encore malgré l'incapacité et l'incompétence évidentes de ses représentants à la gestion des affaires de l'État dans le clan anti-russe, c'est-à-dire la majorité de la bourgeoisie, des divergences s'élèvent sur l'opportunité des compromissions. La majorité de ce clan, plus souple et plus manœuvrière, les socialistes et le MRP optent pour cette tactique.
De son côté, le parti stalinien, dans l'intérêt général du capitalisme et dans l'intérêt particulier du bloc russe, trouve aussi son avantage, pour le moment tout au moins, de participer au gouvernement. Il ne faut pas négliger non plus d'autre part que le parti stalinien a tout une clique de bureaucrates, qui ont vite pris le goût des fauteuils ministériels, qu'il doit satisfaire.
Quelle que soit l'évolution ultérieure et la lutte violente de "guerre civile" entre les divers partis de la bourgeoisie, les contingences de la situation présente permettent et nécessitent la présence du parti stalinien au gouvernement et son utilisation dans la politique intérieure face aux masses travailleuses.
Cela ne signifie pas que la confiance des masses dans le parti stalinien exprimerait une radicalisation inconsciente de ces masses et qu'en se servant du parti stalinien la bourgeoisie use ses derniers atouts. La confiance des masses dans le parti stalinien n'exprime que le degré de la destruction de leur conscience de classe, le ravage fait par l'idéologie nationaliste dont elles sont imprégnées. C'est cela la base de leur confiance dans le parti stalinien en qui elles voient le champion de l'intérêt national. Le parti stalinien ne présente pas un dernier atout mais le moyen pour le moment le plus efficace de domination des masses au même titre que le Labour Party l'est en Angleterre et les socialistes en Italie.
En le disant nous ne voulons pas diminuer l'importance que présente le parti stalinien en tant qu'arme de la bourgeoisie pour mieux dominer les masses. Cela est absolument vrai mais cela ne permet nullement d'en déduire que la bourgeoisie a recours aux staliniens parce qu'il y a radicalisation des masses. Ce schéma banal et vulgaire se base sur un raisonnement absurde : la radicalisation des masses est démontrée par le recours au stalinisme et le recours au stalinisme est expliqué par la radicalisation des masses. Une démonstration de l'un par l'autre, en cercle fermé, peut se continuer ainsi à l'infini sans apporter aucun élément d'analyse sérieux. Si ce schéma de recours au stalinisme - se produisant parce qu'il y a radicalisation des masses et en vue de la contenir - était vrai, il s'en suivrait que tout débordement, par les masses, des cadres staliniens ou tout dégagement des masses de l'emprise stalinienne signifierait automatiquement une orientation des masses vers la révolution. Or, cela n'est nullement prouvé puisque nous assistons à des manifestations de masse d'ouvriers se dégageant du stalinisme mais continuant à évoluer sur un plan capitaliste au bénéfice d'autres formations idéologiques et politiques de la bourgeoisie comme les socialistes et les syndicalistes réformistes.
Le parti stalinien se trouve dans une situation assez particulière. En opposition avec l'orientation générale de la majorité de la bourgeoisie, il ne peut être utilisé ni dans la direction de la politique extérieure ni dans la direction militaire (quoique l'intérêt militaire d'un pays satellite perde énormément de son importance) ni dans la police intérieure (ministère de l'Intérieur) et des colonies (ministère des colonies). D'autre part, son incompétence flagrante empêche de lui confier la direction des finances et de l'économie nationale. Aussi, il est placé là où il peut le mieux être utilisé : à la production industrielle, au travail, à tous les postes où il s'agit d'obtenir des ouvriers le maximum de rendement, et de leur faire accepter le maximum de sacrifices.
Ces postes occupés par les hommes du parti stalinien le rendent particulièrement vulnérable. Dans les conflits du travail c'est au stalinisme qu'incombe la tâche ingrate de s'opposer aux ouvriers et, dans l'accomplissement de cette tâche, ils se discréditent. Cette situation difficile est largement mise à profit par les autres partis et en premier lieu par le parti "frère" socialiste.
Le parti socialiste est le grand parti de la bourgeoisie, le pivot de sa stabilité et son représentant le plus solide sur le plan international.
Blum se plaignait de l'ingratitude de la bourgeoisie, cela n'est que partiellement vrai. Dans les heures difficiles et décisives, c'est encore au parti socialiste qu'il faudra avoir recours et sa position, quelque peu ébranlée à l'intérieur par les staliniens, est d'autant plus forte sur le plan international.
Seuls les chefs politiques de second ordre, les Daniel Mayer, pouvaient être effrayés par la défaite relative aux élections de mai 1946. Pour des hommes comme Blum cette défaite fut salutaire car elle a permis au parti socialiste de se retirer sur des positions moins avancées tout en assurant le triomphe de l'essentiel de sa politique.
Avant mai 1946, les socialistes assumaient la plus lourde charge, s'exposant sans cesse à l'impopularité comme l'a fait un peu trop bêtement Félix Gouin. Continuellement bousculé par les campagnes de démagogie stalinienne et la pression du MRP, il n'a su résister ni à l'un ni à l'autre et se traînait à la remorque des deux. Les élections de mai l'ont fort heureusement libéré. Et même s'il n'a pas encore remonté le courant, même si cela ne se traduit pas encore aux prochaines élections, dans l'ensemble sa position est bien plus solide aujourd'hui qu'elle n'a été il y a quelques mois.
C'est contre le PCF que le" PS a à livrer la plus dure bataille. D'abord parce que le PCF présente, pour des raisons internationales, l'antagoniste principal et deuxièmement parce qu'il est le concurrent le plus direct (au niveau) de sa clientèle électorale.
On a fait beaucoup de bruit autour du dernier Congrès socialiste où tout le monde voulait voir des failles dans l'unité de ce parti et peut-être même des scissions éventuelles. Pourtant les divergences qui se sont faites jour n'étaient pas de nature à faire éclater ce parti. On voulait voir dans la tendance Guy Mollet une opposition communisante, voire une nouvelle tendance Zyromsky en quelque sorte. Rien de plus faux. La tendance Guy Mollet, qui a triomphé au Congrès et qui dirige actuellement le PS, s'est chargée de dissiper immédiatement tout soupçon de ce genre. Son premier acte au nom du nouveau comité directeur fut de dissoudre le Comité permanent d'entente social(ist)e et communiste. Dans sa lettre au PCF, Guy Mollet justifie cette décision en déclarant que, désormais, seul le comité directeur sera habilité pour traiter des ententes sur des actions communes, qui d'ailleurs ne peuvent être que des exceptions et non une pratique permanente. Sur le problème de l'unité organisationnelle tant agité par les staliniens, la lettre précise qu'une telle unité n'est pas à envisager pour le moment vu les divergences graves qui opposent les deux partis.
Nous ne nous trouvons donc pas devant une tendance au rapprochement mais, au contraire, devant un raidissement du PS contre le stalinisme. Les interventions de Capocci, secrétaire de la Fédération des syndicats des employés, son élection pour la première fois au comité directeur sont un indice qui ne peut tromper. On sait que Capocci mène une lutte violente dans la CGT contre la majorité stalinienne. Il est devenu le centre de la résistance anti-stalinienne. Les récentes grèves des postiers, des fonctionnaires lui ont donné l'occasion de porter des accusations les plus violentes contre eux. Son élection au Comité directeur ainsi que l'orientation donnée par le congrès vers un travail dans les usines (formation du groupe socialiste d'usine) prouvent que le PS est décidé à disputer âprement aux staliniens leur clientèle ouvrière.
On commettra encore une erreur en attribuant la victoire de la "gauche" à une pression de la base ouvrière. Il est à peine nécessaire de dire que la dispute doctrinale entre les "marxistes" et l'humaniste Blum était d'une pauvreté telle qu'elle ne présentait aucun intérêt et personne ne l'a prise au sérieux. Ce n'est certainement pas à cette dispute qu'on doit le vote contre le rapport moral.
Blum était dans le vrai quand il expliquait cette révolte par un mécontentement des militants contre la politique zigzagante, pleine d'hésitations du Comité directeur sortant. Ce que les militants socialistes demandaient, ce n'était pas une politique plus à gauche mais une politique plus indépendante, moins ballotante, plus virile en un mot. Et effectivement il semble que, dans la mesure du possible, le PS a déjà commencé à appliquer cette nouvelle politique. Les grèves des postiers, des fonctionnaires ont été amplement exploitées par le PS contre l'attitude particulièrement écœurante des staliniens, en attendant une autre occasion pour pouvoir se délimiter sur sa droite, du MRP.
Le monolithisme qui réussit si bien aux staliniens n'a jamais existé dans le PS. Le pluralisme des tendances est peut-être une faiblesse et lui enlève du dynamisme mais, par ailleurs, ce pluralisme fait la force du PS, le rend plus stable et plus solide. Les diverses tendances, aussi bien celles de "masses", de "libertés" que celle de droite, jouent le rôle de rabatteurs postés à des points différents. Pas plus que la droite, la "gauche" ne présente une expression une expression de la "base ouvrière", car au fond il n'y a pas de différence entre l'une et l'autre. la résolution finale sur la politique générale adoptée à l'unanimité du congrès en est la meilleure preuve.
Signalons à titre de curiosité le nombre de plus en plus grand d'anciens communistes et trotskistes qui jouent maintenant un rôle de premier plan dans la SFIO. Nous connaissions, avant la guerre, le cas de M. Paz, ancien membre du CC du PC et leader d'un groupe trotskiste pendant les premières années de l'Opposition de gauche. Cette fois nous avons (à faire) à Ferrat, Rimbert, Barré (député), à Rous qui était quelque chose comme secrétaire de l'Internationale trotskiste, et bien d'autres encore.
Enfin, M. Pivert – qui avait quelques velléités, avant la guerre, à jouer au chef révolutionnaire – a été réintégré au PS. Vraiment le congrès ne pouvait faire moins en donnant un certificat de bonne conduite nationale et socialiste à celui qui écrivit la fameuse lettre à De Gaulle. Ainsi, M. Pivert reprend une place qu'il n'aurait jamais dû quitter, et c'est justice.
Ainsi le PS sort non pas affaibli mais renforcé de son dernier congrès ; et si nous devions le caractériser dans une formule brève, nous dirions que le Parti Socialiste reste plus que jamais l'axe de la vie politique française et le pivot des futurs gouvernements.
Marco
Le Parti Communiste Internationaliste (trotskiste) vient de finir son 3ème Congrès auquel nous avons pu assister en partie, certaines séances ayant été publiques et ouvertes aux représentants de la presse[1].
Nous n'insisterons pas sur l'aspect extérieur des débats. Les trotskistes nous ont invités à plusieurs reprises à admirer la démocratie de leur congrès et cette démocratie était en effet irréprochable. Mais quelle que soit l'importance de la démocratie interne dans une organisation ouvrière, en définitive ce n'est pas cela qui détermine son caractère prolétarien ou non. Ce qui est essentiel c'est l'idéologie et le programme. Or sur ce point le présent congrès apporte peu de nouveau malgré le renversement de majorité qui s'y est produit. On peut résumer ce congrès en cinq mots : le trotskisme reste le trotskisme.
Cinq tendances se présentaient dans ce Congrès. On peut les examiner ainsi, en allant de ce qui est traditionnellement nommé la "droite" à ce qui est traditionnellement nommé la "gauche" (et en faisant les plus expresses réserves sur l'emploi de ces termes dans le cas présent ; nous y reviendrons) :
Les trois premières tendances étaient sur les positions traditionnelles de "la défense de l'URSS", les deux autres "antidéfensistes". La lutte principale se portait entre les deux tendances numériquement les plus fortes (de beaucoup) : la "majorité" et la "minorité". Cette lutte se terminait, après deux jours de débats sur "la politique générale", par la victoire (par 52 voix contre 46) de l'ancienne minorité sur un bloc hétéroclite composé de l'ancienne majorité, de la tendance Marcoux et de la tendance Montal. La tendance Guérin, qui avait refusé de faire bloc avec l'une ou l'autre des tendances défensistes, recevait 4 voix…
Examinons maintenant de plus près les positions politiques des différentes tendances et le sens de leur opposition.
Pour comprendre le sens d'un débat entre trotskistes, il faut avoir présent à l'esprit qu'aucun principe du trotskisme n'y est mis en cause (à l'exception de "la défense de l'URSS"). Les 4 premiers Congrès de l'IC sont considérés comme intangibles par toutes les tendances. Sur la question syndicale, la participation aux élections parlementaires, la question coloniale, le front unique, etc., aucune opposition de principe entre les diverses tendances. Aucune opposition non plus sur l'idée issue de "La maladie infantile du Communisme" de Lénine et qui peut être le centre et la clef de toute la politique trotskiste : l'idée que le rôle du parti révolutionnaire consiste essentiellement à "faire faire leur expérience aux MASSES" en lançant des "mots d'ordre transitoires". Aucune opposition non plus sur plusieurs de ces "mots d'ordre transitoires" confusionnistes et réactionnaires : échelle mobile des salaires, contrôle ouvrier, nationalisations[3]. Aucune opposition non plus sur cette idée essentielle que le rôle des révolutionnaires consiste, en tout temps, à rassembler "les masses autour d'un programme dont les principes n'ont pas à être discutés puisque le «bolchévisme-léninisme» apporte une réponse définitive à tous les problèmes théoriques fondamentaux." Unanimité également pour le principe des mots d'ordre démocratiques et pour "la lutte contre le fascisme".
Cette unanimité dans l'erreur est bien touchante et elle explique bien des choses. Elle explique en particulier ce caractère des discussions et des disputes trotskistes d'être bien éloigné de cette pauvre réalité qui a le tort de ne pas être "bolchévik-léniniste"…
En effet, sur la base de l'idéologie trotskiste telle que nous venons de la définir dans ses traits fondamentaux, il n'est pas possible de comprendre la situation actuelle ni d'ailleurs aucune situation. Ainsi, à travers les lunettes trotskistes, les luttes impérialistes en Grèce deviennent "la lutte du prolétariat grec", en Indochine elles deviennent "la révolution indochinoise" (unanimité de toutes les tendances sur ces deux points) ; etc.
Sur la question des perspectives, deux positions étaient représentées au Congrès. L'ancienne majorité soutenait que nous nous trouvons dans une période de crise révolutionnaire montante où la moindre lutte revendicative pose "des problèmes politiques" ; "ça explose de partout !" disait un délégué (lui qui, pourtant, ne paraissait pas particulièrement explosif). Cette position était partagée par les deux tendances qui se sont détachées de l'ancienne majorité, les tendances Marcoux et Montal.
En face nous trouvons la position de l'ancienne majorité partagée partiellement par la tendance Guérin : devant les échecs répétés des prévisions de la majorité (chute de Staline, révolution inévitable en Allemagne, etc.), ces militants voient la nécessité d'une attitude moins naïvement "optimiste". Mais de là ils déduisent une perspective de… stabilisation économique du capitalisme ouvrant une longue période de luttes revendicatives !
Personne – sauf quelques mots isolés de camarades de la tendance Guérin – n'a avancé la seule appréciation juste de la situation : cours vers la 3ème guerre mondiale. Personne n'a même parlé de la perspective de guerre, même pas pour dire que celle-ci ne menace pas… Et finalement l'unanimité s'est faite pour saluer la grève des postiers comme une manifestation éclatante du réveil du prolétariat[4] !
Il est d'ailleurs significatif que le Congrès n'ait prévu aucune discussion spéciale sur la situation économique et politique internationale (la tendance Guérin était la seule à le regretter). C'est que, pour les trotskistes, la "politique générale" c'est essentiellement la discussion de la "tactique" à adopter en face de la situation concrète du pays même.
Passons donc à ces questions "tactiques". Nous entrons là dans les (…) mêmes du trotskisme, pleines de mystères pour le profane qui n'est pas au courant des subtilités du "bolchévisme-léninisme". En effet, sur la base de l'idéologie "bolchévik-léniniste", les principes étant hors de discussion, les seules questions qui se posent sont la recherche de la meilleure façon de les appliquer. Quelle est la meilleure façon de "faire faire leur expérience aux masses" ? Voilà le thème essentiel des discussions trotskistes.
Et comme les principes sont faux, comme en particulier il n'est pas possible pour un parti – je ne dis pas un parti révolutionnaire ; mais même pour un parti trotskiste – d'acquérir une importance suffisante dans la période actuelle pour influencer les "masses" en quoi que ce soit, cela aboutit à des résultats quelques fois amusants.
C'est ainsi que nous voyons les membres du PCI – "parti" dont nous n'avons pas à donner une évaluation numérique mais dont chacun sait qu'il compte strictement pour zéro à côté des grands partis qui font la politique française – nous voyons les membres de cette organisation, dis-je, discuter gravement de savoir s'ils doivent ou non pousser le PCF au pouvoir (!) ou s'ils devaient voter OUI, NON ou s'abstenir au dernier référendum… L'ancienne majorité était pour le boycott, la minorité pour le vote OUI ; la décision de voter OUI avait été obtenue par le fait que la tendance Marcoux s'était détachée de la majorité sur cette question et avait bloqué avec la minorité, mais tout en justifiant leur position par des arguments "théoriques" tout à fait différents de ceux de la minorité, arguments impossibles à résumer et d'ailleurs sans intérêts.
Si nous ajoutons que certaines tendances ne sont guère autre chose que des cliques qui cherchent surtout à obtenir des places au CC et pour lesquelles les divergences "politiques" et "théoriques" sont surtout un moyen de justifier leur existence, on comprendra que les discussions deviennent tout à fait inextricables. C'est ainsi qu'il existe régulièrement dans les organisations trotskistes une question sur laquelle s'engage un débat interminable et de plus en plus confus jusqu'au jour où une autre question surgit pour "délimiter les tendances" et où tout l'ancien débat tombe dans l'oubli.
Il y a 3 ans la question était le "bonapartisme", il y a 2 ans la "barbarie". Au Congrès présent la plus grande partie du débat de "politique générale" a été occupé, en plus des discussions sur les perspectives et sur le référendum, par la question du mot-d'ordre de "gouvernement PC-PS-CGT" : "PC-PS-CGT" ou "PC-PS soutenu par la CGT" ; "gouvernement PC-PS-CGT" ou "gouvernement ouvrier et paysan", les deux étant différents ou identiques, etc. Nous renonçons à résumer ce débat auquel, de l'aveu de plusieurs délégués, les trotskistes eux-mêmes ne comprennent plus rien[5]. Signalons simplement que la tendance Guérin est la seule à rejeter toutes les variantes de ce mot-d'ordre. Et encore elle pourrait peut-être l'admettre s'il s'agissait de pousser au pouvoir (!) le Labour Party par exemple et non les staliniens qui sont prêts à massacrer l'avant-garde révolutionnaire.
Finalement quel est le sens de l'opposition des deux principales tendances ? L'ancienne majorité traitait l'ancienne minorité de "tendance opportuniste", cependant que la minorité s'opposait au "sectarisme de la majorité". Ce sont là des mots traditionnels. Quelle réalité se trouve derrière ces mots ?
Dans la question de l'attitude à prendre envers le stalinisme, des représentants de la minorité déclaraient à plusieurs reprises : "Notre ennemi est la bourgeoisie et non le stalinisme ; le stalinisme n'est qu'un obstacle entre nous et le prolétariat.
À quoi la "majorité répondait : "La lutte contre la bourgeoisie passe par la lutte contre le stalinisme."
Si l'on y réfléchit d'une façon rationnelle, on ne voit pas de contradiction entre ces deux thèses. Mais alors où est l'opposition?
Elle apparaîtra plus clairement si, anticipant un peu, nous envisageons les positions de ces deux tendances sur la question russe. Sur ce plan, aucune divergence essentielle ne sépare l'ancienne minorité de l'ancienne majorité (ni de la tendance Marcoux).
Les uns et les autres étaient également partisans de "la défense de l'URSS", de la défense de l'État russe, y compris dans la guerre, surtout dans la guerre. Ainsi, c'est la "majorité" qui a écrit la lettre publiée dans "La Vérité" proposant l'unité d'action au CC du PCF (!) pour la défense de la pauvre Russie menacée par le grand méchant loup anglo-américain en Iran et ailleurs.
Mais, tandis que la "majorité" s'en tient strictement aux anciennes justifications subtiles de "la défense de l'URSS", le rapporteur de la "minorité" déclarait en substance : "Il faut en finir avec le bavardage sur le «…bastion de la révolution…» ; il faut reconnaître que nous défendons la Russie telle qu'elle est, uniquement son économie est collectivisée et planifiée, et en ayant conscience de tous ses côtés réactionnaires."
Et telle est, en définitive, le véritable sens de l'opposition entre "minorité" et "majorité" : une opposition qui ne porte pas sur les principes politiques (qui sont les mêmes de part et d'autre) mais sur la phraséologie qui justifie ces principes. La "majorité" essaie de conserver d'anciens bavardages "théoriques" cent fois démentis par les faits ; la "minorité" sent la nécessité de se débarrasser de ce fardeau et c'est pourquoi elle est capable dans une certaine mesure – dans la mesure où les principes trotskistes le permettent – d'avoir une vue plus lucide des événements et une politique plus cohérente. Les positions de la "minorité" représentent une adaptation de la "théorie" trotskiste aux réalités de l'heure présente. C'est pourquoi cette tendance est en progression, arrivant à conquérir la majorité de l'organisation trotskiste française après qu'une tendance analogue ait déjà conquis la majorité de l'organisation trotskiste anglaise, tandis que l'ancienne majorité se disloque en de multiples tendances et sous-tendances.
Cela nous permet de comprendre la vanité qu'il y aurait à opposer ces tendances comme "droite" et "gauche". La "théorie" trotskiste traditionnelle se prétend révolutionnaire ; mais cette "théorie" est en contradiction avec les faits et avec la pratique trotskiste de toutes les tendances.
Sur la base de "la défense de l'URSS" et du "bolchévisme-léninisme" il n'est pas possible de mener une politique révolutionnaire.
Maintenant que cette contradiction devient trop criante, dans la mesure où une tendance voit la nécessité de mettre sa "théorie" un peu mieux en accord avec sa pratique, elle est amenée à rejeter certaines phrases "révolutionnaires" et à apparaître à "droite". Seulement ce qui compte ce ne sont pas les phrases justificatives, ce sont les positions effectives prises en face des événements, et sur ce plan nous ne constatons pas une opposition entre une "droite" et une "gauche" mais une identité profonde entre les deux tendances[6].
A plusieurs reprises les délégués de la "majorité" ont reproché à la politique de la minorité de n'être que du "stalinisme de gauche". C'est juste ! Mais c'est vrai pour le trotskisme tout entier.
En définitive, ce renversement de majorité n'aura que des conséquences minimes sur la politique effective du PCI (et de la 4ème Internationale) : le trotskisme reste le trotskisme.
La dernière journée des séances publiques était occupée par la discussion sur la "question de L'URSS", question soulevée par les deux tendances "anti-défensistes", les tendances Montal et Guérin.
Si le débat sur "la politique générale" nous avait fait assister à la lutte acharnée de la "majorité" et de "la minorité", cette dernière journée nous montrait surtout la lutte commune des trois tendances "défensistes" contre les deux tendances "anti-défensistes". Mais la lutte n'était plus acharnée, le cœur n'y était plus, la grande lutte – celle qui décidait des places au CC – était terminée. Et finalement le Congrès, dans une motion votée à l'unanimité, décidait… de ne rien décider. La question de l'URSS, disait en substance la motion d'unanimité, est une question nouvelle non encore discutée, on verra plus tard ; jusque-là le parti continuera à défendre la Russie.
Cela a quelque chose d'amusant. Depuis 30 ans qu'il existe un trotskisme, "la question de l'URSS" – de la caractérisation sociale de l'URSS, de la défense de la Russie… - revient périodiquement sur le tapis. Ainsi, le nouveau secrétaire du PCI, Craipeau, a été dans sa jeunesse le représentant d'une tendance "anti-défensiste" contre laquelle Trotsky a polémiqué durement.
Plus près de nous, en 1944, deux groupes de militants se sont détachés du PCI sur la base du défaitisme révolutionnaire en Russie (l'auteur de ces lignes faisait partie d'un de ces groupes) pour constituer, avec les RKD, l'Organisation Communiste Révolutionnaire. Depuis lors, le camarade Magneux[7], qui avait refusé de nous suivre dans la scission, n'a pas cessé de soutenir les positions "anti-défensistes" dans le PCI. Question non encore discutée ? !
Tel est le cadre dans lequel se déroule cette discussion, cadre qu'il faut avoir présent pour apprécier à leur juste valeur les tendances "anti-défensistes" et leurs perspectives d'avenir.
Sur le fond, beaucoup de bonnes choses ont été dites par les représentants des tendances Montal et Guérin. Il ne nous est pas possible de les résumer ni de faire une critique détaillée des points faibles de leurs argumentations.
Signalons toutefois un argument caractéristique qu'un délégué "défensiste" opposait à la tendance Guérin : "Si vous pensez, disait-il en substance, que l'URSS n'est plus un État ouvrier parce que l'État opprime le prolétariat, alors il vous faudra également conclure qu'il n'y avait pas d'État ouvrier en 1921 quand l'État massacrait les marins de Cronstadt." Eh oui, camarade Guérin ! C'est là qu'il te faudra en venir si tu as le mauvais goût de continuer à réfléchir ! D'une façon générale, le défaut fondamental des positions trotskistes "anti-défensistes" sur la Russie c'est de penser que "la question de l'URSS" ne se pose objectivement que d'une manière récente, par suite d'une évolution récente de la Russie, c'est de croire qu'il est possible d'y donner une réponse complète sur la base de la théorie léniniste (et marxiste) de "l'État ouvrier".
D'une façon plus générale encore, le défaut des deux tendances Montal et Guérin est de rester trotskiste dans toutes les questions autres que la question russe. Nous avons déjà souligné leur accord avec les autres tendances sur les bases du "bolchévisme-léninisme". Rappelons encore que la tendance Montal (la tendance Guérin a été plus digne) n'a pas craint de mêler ses voix avec celles des auteurs de la lettre au CC du PCF (proposant l'unité d'action pour la défense de la Russie) afin de "faire échec à la minorité", suivant ainsi la pratique trotskiste qui conduit à voter pour le PCF afin de faire échec au MRP, etc.
Nous savons bien qu'il est difficile de se débarrasser des traditions "bolchévistes-léninistes", que cela n'est possible qu'après – souvent longtemps après – la rupture organisationnelle avec les organisations trotskistes (l'exemple personnel de l'auteur de cet article est là pour en témoigner). Malheureusement, on ne peut rompre avec une organisation que si l'on sent la nécessité de cette rupture et les camarades des deux tendances "anti-défensistes" ne sentent visiblement pas cette nécessité.
Ces camarades - qui rompraient immédiatement avec une organisation ayant à son programme la défense de l'impérialisme français par exemple, qui par ailleurs jugent l'État "soviétique" comme un État impérialiste, aussi anti-prolétarien que tout autre – ne sentent pourtant aucune contradiction à rester dans une organisation qui défend l'impérialisme russe ! Sous prétexte que la question n'est pas discutée (!), ils acceptent de se plier à la discipline de la 4ème Internationale et de participer à la propagande trotskiste en faveur de la Russie.
Dans ces conditions, une alternative se présente à ces camarades : ou bien ils finiront par comprendre la vanité de leurs discussions à l'intérieur du PCI, ils rompront individuellement ou en groupes, ils constitueront un groupe autonome ou se rallieront aux groupes "ultra-gauches" déjà existant et alors ils pourront avoir une chance de progresser dans la compréhension de l'idéologie révolutionnaire et d'apporter quelque chose au prolétariat ; ou bien ils resteront dans le PCI et ils participeront par discipline à la préparation de la prochaine guerre impérialiste, ayant droit en compensation à soulager leur cœur dans le Bulletin intérieur et dans les congrès, si même ils ne suivent pas le chemin de Craipeau.
Il est vrai que le camarade Guérin a de grands espoirs : il espère un mouvement de la 4ème Internationale sur la question russe. Il compte sur l'appui des sections grecque, indienne, du groupe espagnol de Mexico, etc., et d'organisations actuellement extérieures à la 4ème Internationale comme le Workers Party de Schachtman.
Un tel espoir est vain. Il y a une place dans la société pour le trotskisme "défensiste". Aucune opposition ne pouvant exister légalement en Russie ni dans les PC, il est inévitable qu'une opposition modérée au stalinisme s'exprime dans une organisation extérieure aux PC. Il n'y a pas de raison pour qu'une opposition modérée, qui est actuellement représentée par la 4ème Internationale, disparaisse tant qu'il existera un stalinisme.
Ce qui est par contre possible c'est que, parallèlement à l'accentuation du contraste Russie-USA, il se produise une accentuation de l'opposition entre les tendances stalinisantes et anti-staliniennes dans le mouvement trotskiste. Il n'est pas exclu que ce processus aboutisse à une scission internationale du trotskisme. Mais les partis trotskistes "anti-défensistes" qui surgiraient n'auraient rien de plus prolétarien que les autres. Dans la guerre qui vient, ils se trouveraient simplement du côté des USA tandis que le trotskisme officiel se trouverait du côté de la Russie. L'idéologie trotskiste peut fournir un arsenal suffisant pour justifier un tel revirement, à travers "la lutte contre le fascisme", "la défense des minorités nationales opprimées", etc. Le Workers Party de Schachtman apparaît déjà comme une préfiguration de cet avenir sombre qui attend les "anti-défensistes" qui ne sauraient pas rompre avec le trotskisme.
L'orientation actuelle du cours des événements vers la 3ème guerre mondiale exclut la possibilité qu'une scission à large échelle du trotskisme soit déterminée par autre chose qu'une prise de position dans la guerre elle-même et pour la guerre. J'ajouterai même que la différence dans l'évolution des tendances trotskistes "anti-défensistes" en 1944 et en 1946 paraît être un résultat de la différence des situations.
Signalons pour terminer que le camarade Guérin, dans son rapport, a proposé d'envisager des pourparlers d'unification avec le PCI d'Italie (bordiguiste). "Les bordiguistes italiens, a-t-il dit en substance, forment une forte organisation et, par suite, ils ont été obligés de faire des progrès ; c'est ainsi qu'ils ont participé aux élections, critiqués en cela par les groupuscules bordiguistes français." Cette appréciation est tout à fait analogue à celle que nous donnions dans "Internationalisme" N° 12, à savoir qu'une "orientation vers les masses" dans la situation actuelle ne peut mener qu'à des fautes opportunistes. Seulement le camarade Guérin appelle "progrès" ce que nous appelons régression. Nous ignorons si les représentants de la Fraction Française "officielle" de la Gauche Communiste, qui se trouvaient dans le public, se sont sentis flattés ou gênés de cet éloge adressé à leur organisation-soeur (ou mère).
Pour le moment d'ailleurs, cette entrée du PCI d'Italie dans la 4ème Internationale, aussi bien que la scission internationale du trotskisme, reste dans le cadre des rêveries concernant l'avenir. Si nous revenons sur le terrain concret des résultats du 3ème Congrès du PCI français, nous pouvons conclure notre analyse du débat sur la question russe par une phrase que nous avons déjà écrite : le trotskisme reste le trotskisme.
BERGERON
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Dans l'article ci-dessus sur le Congrès du PCI trotskiste, le camarade Bergeron a tenu à formuler, en plus des positions qui nous sont communes (sur l'appréciation du trotskisme et sa critique), quelques idées qui lui sont personnelles. Ces idées concernent surtout l'appréciation portée par Bergeron sur les premières années de la Révolution russe. Ne pouvant faire la critique détaillée de cette appréciation dans le présent numéro (voir pour cela la collection d'Internationalisme) et pour éviter tout malentendu, nous avons estimé nécessaire de la spécifier.
La Rédaction.
[1] Signalons en passant l'illogisme des trotskistes qui invitent les représentants de la presse à leur congrès mais qui tiennent cachés dans des bulletins strictement intérieurs les textes discutés dans ce congrès.
[2] Ne pas confondre avec Daniel Guérin.
[3] La tendance Guérin a seulement déclaré que ce mot-d'ordre devait être employé "avec doigté" (sic!).
[4] Voir notre appréciation sur ce point dans Internationalisme N° 12.
[5] "La Vérité", dans son compte-rendu, parle "de nombreuses positions extrêmement nuancées". Qu'en termes galants…
[6] Au référendum, la "minorité" était pour le vote OUI et la "majorité" pour le boycott. Mais à l'égard du parti du peuple algérien, la "minorité" reprochait à la "majorité" de ne pas se délimiter suffisamment d'un parti nationaliste français bourgeois. Où est la droite ? Où est la gauche ?
[7] Aujourd'hui représentant de la tendance Guérin dans le nouveau CC.
Le problème national est lié à la Révolution bourgeoise. L'idée de nation se développe et grandit pendant toute la période de la Révolution bourgeoise qui, commençant à la Réforme, va jusqu'au développement du Grand Capitalisme Monopolisateur. Pendant la première période de la Révolution bourgeoise, la révolution anglaise du XVII° et la révolution française du XVIII°, les mouvements les plus radicaux des couches sociales les plus exploitées ou dont les droits politiques n'étaient pas encore reconnus[1] devaient en réalité pousser la Révolution bourgeoise à un stade où la bourgeoisie seule eut été incapable de s'élever. C'est ainsi que les "diggers" fut le mouvement révolutionnaire des soldats de l'armée de Cromwell, mouvement radical qui, en disparaissant, faisait disparaître avec lui le mouvement des "Niveleurs" de Lilburn. Le mouvement avait permis à la dictature de Cromwell de se consolider en mettant un frein aux tendances révolutionnaires les plus radicales et en consolidant, aux yeux des autres classes de la société, le pouvoir de l'État et la nécessité pour un temps donné de la continuation dudit pouvoir. Il en fut de même pour la Terreur. Poussés malgré eux par les Enragés puis par les Hébertistes, les Jacobins inaugurent celle-ci en supprimant ses plus audacieux partisans. La dictature de Cromwell sur le Parlement Croupion, celle de Robespierre et du Comité de Salut Public disparaîtront pour laisser place à la "réaction" une fois leur mission accomplie. En effet, leur passage aura marqué, en même temps, à l'intérieur une mission centralisatrice, à l'extérieur la lutte pour la reconnaissance par les autres nations des acquis de la Révolution.
Tout le mouvement reste national et patriotique ; aussi radical soit-il, il est voué à ce schéma impitoyable de la révolution bourgeoise, à savoir l'écrasement des couches les plus radicales une fois la révolution accomplie.
Dans la période ascendante du capitalisme, même quand les secousses révolutionnaires constituent un séisme social avec des répercussions à l'échelle internationale, le prolétariat révolutionnaire est voué à l'écrasement. Telles ont été les journées de juin 1848 en France, en Allemagne la campagne constitutionnelle. Telle apparaît également la Commune de Paris de 1871. En effet, c'est sur ses cadavres que s'est édifiée la III° République de triste mémoire. Jusque-là, ils n'apparaissent que comme radicalisation de mouvements dans les différentes couches de la bourgeoisie et finalement ne profitent qu'à elle seule. Cependant ils sont, comme on l'a si souvent dit et écrit, "la locomotive de l'histoire" poussant sans cesse celle-ci vers son stade supérieur.
En effet, si la révolution bourgeoise a économiquement détruit les restes du féodalisme qui était une entrave au développement du capitalisme et si son rôle, à cette époque, a consisté principalement à centraliser à l'échelle nationale et à briser le provincialisme, à bâtir les banques et la monnaie pour favoriser le développement du commerce, à unifier les poids et les mesures, etc., aujourd'hui nous nous trouvons devant un tout autre aspect du problème et, pour la bourgeoisie elle-même, le nationalisme et le patriotisme ne sont plus qu'une façade.
Sous le voile idéologique du patriotisme, elle sert à mobiliser derrière les intérêts de l'État capitaliste les masses d'exploités pour la défense de celle-ci.
C'est au travers de "l'Union sacrée" de "l'Union de tous pour la défense des intérêts de tous", sous l'oripeau tricolore que se fait ce bourrage de crâne populaire.
Cela n'est que l'aspect le plus simple et simpliste du problème national dans la période actuelle. En dehors de cette question nationale traditionnelle, qui sert toujours tant que servent à la bourgeoisie toutes les idéologies contre-révolutionnaires : nationalistes, antisémites, religieuses et laïques, stakhanovistes et autres, il existe un autre aspect du problème beaucoup plus complexe et qui nous plonge au cœur même de la situation présente.
Dans la période présente, la question nationale doit donc être envisagée sous le jour réel des conditions objectivement existantes. Les différentes Nations subsistent en tant qu'appareil de l'État bourgeois parce que la Nation est le milieu social nécessaire pour mobiliser toutes les classes autour des intérêts de la bourgeoisie. En même temps l'appareil étatique de répression de la bourgeoisie nationale s'érige en barrière de fer et de feu aussitôt qu'apparaît dans les classes opprimées un mouvement organisé d'émancipation.
Cependant, dans la période décadente du capitalisme, nous ne nous trouvons plus seulement avec des contradictions d'intérêts de bourgeoisies nationales entre elles mais, en plus, nous trouvons la constitution des blocs impérialistes et l'hégémonie parfois complète des pays impérialistes sur nombre de plus petits.
La constitution des grands blocs impérialistes suppose la complète inféodation des nations satellites. Les contradictions internes du régime capitaliste ne cèdent en rien de leurs droits : les contradictions entre les différentes nations composant le puzzle géographique du monde subsistent et même se trouvent aggravées ; la constitution des blocs impérialistes ne vient qu'en sur-intérêt, qu'en surenchère aux contradictions en en créant une de plus ; ils ne suppriment en rien les premiers, ils se les adjoignent au contraire dans leur entier pour en faire le jeu de leurs puissants intérêts.
De même, il faut ici aussi le souligner, comme faisant partie des contradictions internes de ce régime :
C'est ainsi qu'apparaissent clairement les problèmes posés par le relèvement de l'Allemagne au lendemain de l'autre guerre et de celle-ci.
Après la guerre 1914-18, un gouvernement social-démocrate sert parfaitement les intérêts de la bourgeoisie allemande : contre la révolution prolétarienne à l'intérieur, pour l'afflux des capitaux américains et le paiement des dettes de guerre. Mais la conséquence fatale du relèvement de l'économie allemande devait être sa tendance à se libérer du capitalisme financier anglo-américain en secouant le joug "démocratico-ploutocrate" de celui-ci et d'amener directement le fascisme (capitalisme d'État dans cette période donnée).
Le fascisme a été la forme classique, en même temps, de la contre-révolution dans certains pays à prolétariats avancés et de la révolution nationale populaire appelant les petits-bourgeois (bureaucrates, commerçants et intermédiaires, petits paysans) à soutenir les grands capitalistes industriels et les grands propriétaires fonciers d'un pays à se soulager de la suzeraineté d'un grand impérialisme quelconque. Dans ce cas-là, ou bien le pays est capable de s'ériger lui-même en grand impérialiste, formant lui-même un bloc à part telle l'Allemagne de Hitler, ou bien, trop faible seul, il doit se retourner coûte que coûte vers un bloc impérialiste et, à ce moment-là, le jeu des luttes qui se livrent en son sein est le reflet de ses luttes inter-impérialistes (Espagne 1936).
Le capitalisme, dans sa période présente, tend donc sporadiquement, et sans jamais y réussir parfaitement, à une plus haute concentration et centralisation à l'échelle internationale. Cependant comme il ne s'agit pas pour le capitalisme de gérer d'une façon raisonnée en vue de satisfaire aux intérêts de la société toute entière, comme le capitalisme agit sous la pression de ses intérêts immédiats – ou plutôt sous la pression de ceux des groupes capitalistes -, en vue de leur défense, comme au sein même de ces groupes existent de profondes divergences d'intérêts, ces groupements, ces monopoles, ces blocs impérialistes, en un mot cette tendance à une haute centralisation marque au plus haut point les contradictions dans lesquelles le régime se débat, son instabilité grandissante, ses tentatives de survivre malgré tout, alors que se pose objectivement à l'ordre du jour la révolution socialiste.
Ces formations de blocs, cette centralisation se créent en réalité sous la pression d'antagonismes plus violents et ils éclatent et se dissolvent sitôt que ces antagonismes sont résolus d'une manière ou d'une autre pour se poser de nouveau sur une échelle plus grande. En un mot, cette centralisation apparente cache une anarchie encore jamais égalée, elle marque la décadence et la décomposition du régime capitaliste.
Dans ce cas, des désordres - apparaissant à des yeux non avertis, à l'échelle nationale, dans des petits pays ou dans certaines colonies – ne sont nullement des phénomènes révolutionnaires du prolétariat, même si celui-ci s'y trouve mêlé physiquement, mais sont au contraire des luttes de rivalités inter-impérialistes mettant aux prises les intérêts de différents blocs antagonistes et s'appuyant sur certaines couches sociales de ces pays.
Dans ce cas, différents groupes se forment dans les pays, au sein de la bourgeoisie, selon que leurs intérêts les poussent (ou qu'ils croient agir dans ce sens) vers tel ou tel bloc impérialiste. Certains groupes au contraire peuvent penser qu'il faut être nationaliste avant tout et empêcher l'intrusion d'un impérialisme quelconque dans les affaires du pays.
Dans tous les cas, principalement dans les pays coloniaux, quand une bourgeoisie coloniale tend à s'émanciper de la métropole, même par des voies révolutionnaires et même si elle pense vraiment pouvoir réaliser son autonomie, ne peut que retomber, dans la période présente, devant le fait de la dépendance de tel ou tel bloc impérialiste. Même si l'objectif initial est une lutte émancipatrice et autonome, elle ne peut en aucun le rester et doit retomber sous la coupe d'un grand impérialisme.
Au contraire la révolution prolétarienne surgit comme un phénomène tendant à détruire l'État bourgeois et avec lui l'idée même de Nationalisme. La révolution prolétarienne est, à chaque fois qu'elle se produit dans l'histoire, un profond séisme international qui ne met le monde bourgeois en danger que dans la mesure où il prend conscience de sa force en tant que puissance révolutionnaire internationale ; et qui se trouve défaite et en régression au fur et à mesure que, soit par la force soit idéologiquement, l'État et la Nation reprennent en mains leur prolétariat. En envisageant le problème sous ce jour, toute lutte à caractère nationale n'a aucun caractère progressif, même et surtout dans une période de montée révolutionnaire.
L'IC, en envisageant le problème, alléguait que tout mouvement à tendance séparatiste tendait fatalement à affaiblir la métropole et à y créer des troubles sociaux. Mais c'est là envisager le problème à l'envers et c'est ce qu'a fait l'IC qui constatait les révolutions ou insurrections dans les pays coloniaux ou semi-coloniaux.
En effet la révolution allemande vaincue et le centrisme maître des PC anglais et français, les prolétariats de ces grands pays capitalistes avaient les mains liées par l'opportunisme ; et si les mouvements de révolte dans les pays coloniaux ont eu des répercussions dans la métropole, cela n'a en rien mis en danger la bourgeoisie de ces pays.
C'est donc dans le sens où le prolétariat des pays les plus avancés feront leurs premières prises d'armes qu'ils pourront avoir un soutien de la part des exploités coloniaux ou des pays moins avancés ; mais là encore le péril nationaliste reste entier ; et c'est seulement dans la mesure où les exploités des pays coloniaux ou des États vassaux s'éloigneront de ce nationalisme qu'ils pourront renforcer sérieusement les mouvements révolutionnaires des pays les plus avancés.
De quelque façon que l'on pose ce problème, il faut le poser pour l'appliquer à une période donnée en fonction de la situation et des perspectives.
Pour nous – nous avons déjà souvent essayé de le démontrer dans les faits -, la situation est une situation de recul, une période réactionnaire et la perspective une perspective de guerre impérialiste entre les deux blocs dont les antagonismes s'accentuent toujours plus gravement : le bloc russe et le bloc américain.
En ce sens, les crises qui ont agité l'Iran à propos du "réveil national" de l'Azerbaïdjan soutenu par les russes dans leur presse et dans les Conférences de "la Paix" et à l'ONU ; le "réveil national" kurde, les "troubles dans les pays arabes, en Palestine et en Égypte - où il s'agit entre autre du stationnement des troupes anglaises et de la prépondérance de l'impérialisme anglo-américain – ont également la faveur et le soutien de l'impérialisme russe. En ce sens également, la guerre civile qui règne en Chine depuis la fin de la guerre en Extrême-Orient est suffisamment significative ; Tchang Kaï-Chek et les nationalistes voudraient faire l'Unité Nationale Chinoise au profit de leurs alliés anglo-américains, tandis que les "communistes" chinois, soutenus matériellement par les russes, veulent garder leur prépondérance dans la Chine du nord. En Corée, aussi bien qu'en Allemagne, le problème national est sous l'influence immédiate des antagonismes des deux grands blocs impérialistes.
En Indochine, la "révolution nationale" vietnamienne a eu comme résultat initial d'amener un compromis entre le Vietnam et la France parce que, pour l'instant, la bourgeoisie annamite a ses intérêts liés à ceux de la France et qu'elle n'a pas intérêt à se retourner vers un autre impérialisme, ou que la question ne peut pas encore se poser pour des questions de situation géographique ou d'opportunité politique, ou tout simplement parce que la bourgeoisie vietnamienne a dans le fond tout de même besoin des troupes françaises pour maintenir l'ordre dans ses affaires, et parce que la France a besoin pour ses intérêts de passer par l'intermédiaire de la bourgeoisie vietnamienne pour mieux opprimer matériellement et idéologiquement le "peuple" annamite.
La situation aux Indes est celle qui, par son actualité, retient le plus l'attention. La question de la constitution indoue n'est pas posée d'aujourd'hui. C'est dès le lendemain de la guerre de 1914-18, après le développement de l'exploitation des Indes par le capitalisme anglais que s'est marqué en même temps un "réveil national" dans différentes couches de la société indoue. Mais là encore, il est très clair aujourd'hui que chaque groupe a une position bien déterminée et en rien révolutionnaire ni progressive.
L'Angleterre s'était auparavant appuyée, en général, sur les musulmans contre les Indous, la caste riche et puissante de l'Inde. Mais pour les anglais il s'agit uniquement de la politique "diviser pour régner". Aujourd'hui, les musulmans mettent à l'ordre du jour le projet de formation d'un État indépendant, le Pakistan, dont la création est vue d'un très bon œil à Moscou, le futur Pakistan étant très proche de l'Asie occidentale russe. C'est pourquoi aujourd'hui, renversant leur politique, les anglais (en l'occurrence Wavell) s'appuient sur les Indous et les autres castes (le pandit Nehru, etc.) contre les Musulmans soutenus par les russes.
Plusieurs milliers de morts à Bombay et à Calcutta ! Grève générale ? Peut-être ! Mais à qui profitent ces troubles ? Qui les dirige ? Et qui paye les pots cassés ?
Ce sont quelques milliers de morts de plus que le prolétariat paie en tribut aux intérêts du capitalisme mais ce n'est en rien un "pas en avant" vers la révolution, tout au plus un pas en avant vers la 3ème guerre impérialiste. Pour les prolétaires de ces pays, dans la période présente, il n'est qu'une politique : ne pas se mêler à un conflit où leurs intérêts immédiats ou lointains ne sont pas en jeu. Et le jour où la force leur sera donnée par l'apport d'une montée révolutionnaire à l'échelle mondiale, une seule politique : le renversement de toutes les barrières nationales et de tous ces petits États.
(Se rappeler la polémique entre Rosa Luxemburg et Lénine sur la question nationale où Rosa défend une thèse encore valable aujourd'hui.)
[1] Tels les mouvements des "Niveleurs" à la tête desquels se trouvait Lilburn, dans la révolution de Cromwell, improprement appelé ainsi mais formant un conglomérat de toutes sortes de tendances petites-bourgeoises, paysannes, de juifs et y compris le mouvement des soldats, "diggers", ainsi que le mouvement des Enragés et des Hébertistes dans la Révolution française.
[2] Il serait plus juste de dire : "s'atténuent" parce qu'ils subsistent, ce qui augmente la supériorité de la classe révolutionnaire.
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