Comme dans de nombreux pays d’Europe occidentale, la classe ouvrière en Belgique, mais surtout aux Pays-Bas, a mené ces dernières semaines et ces derniers mois la lutte contre les atteintes à ses conditions de vie et de travail avec une combativité que nous n’avions pas vue dans ces pays depuis longtemps.
- Aux Pays-Bas, la bourgeoisie a même parlé d'une vague de grèves. Les actions de grève répétées des travailleurs de la chaîne de grands magasins Bijenkorf et du transport régional, qui se déroulaient depuis plusieurs mois, ont été rejointes en janvier par le personnel municipal, les travailleurs des ateliers protégés, le personnel d'autres chaînes de distribution, les chauffeurs d'Uber, du transport d’handicapés et d'élèves ou des compagnies d'autocars, les travailleurs des hôpitaux, de l'industrie et du commerce des boissons, de PostNL, de Douwe Egberts ou encore de l'entreprise de transformation de la pomme de terre Aviko.
- En Belgique, au cours de la même période, il y a eu des grèves et des arrêts de travail du personnel du CPAS à Bruxelles, des fonctionnaires fédéraux, des travailleurs de Bpost, des pompiers à Bruxelles, des mouvements dans le secteur public (à but non lucratif) et dans les transports publics, parmi les gardiens de prison et les bagagistes à Zaventem, au centre de distribution Decathlon de Willebroek et dans plus de 100 supermarchés Delhaize.
Les travailleurs des deux pays suivent ainsi l'exemple de leurs frères de classe au Royaume-Uni et en France.[1] Mais la lutte reste extrêmement fragmentée, chacun faisant grève dans son coin, menant des actions pendant des jours différents, sans manifestations de masse ni assemblées où les travailleurs peuvent discuter et décider de l'évolution des luttes. Comment surmonter ces limites de la lutte ? Plusieurs organisations de gauche - se disant "socialistes", "communistes" ou "marxistes" - proposent des solutions à première vue très radicales. La question est de savoir si elles le sont vraiment et, surtout, si elles répondent aux besoins des luttes ouvrières aujourd'hui. Examinons de plus près à quoi correspondent leurs propositions pour les luttes actuelles.
Voilà ce que les groupes « gauchistes » proposent aux Pays-Bas : « Il est temps que le FNV (le plus grand syndicat aux Pays-Bas), en accord avec sa base, concrétise politiquement ses revendications justifiées de la campagne 'Les Pays-Bas méritent mieux’ » et décide en conséquence de « mobiliser massivement sa base pour cela» ».[2] En Belgique, le Parti socialiste de lutte (PSL) déclare que "les membres de la FGTB doivent se mobiliser pour un syndicat plus combatif et plus démocratique".[3]
Ce que ces groupes font croire aux travailleurs, en réponse à la réticence des syndicats à être plus déterminés dans l’organisation des actions syndicales, doit tout simplement être dénoncé. En effet, c’est consciemment que par exemple la FNV, avec d’autres syndicats, a organisé la lutte de cette manière dans la période récente. Cela découle de son rôle au sein du capitalisme, qui n'est pas de rendre la lutte efficace, mais au contraire de l’entraver, de décourager les travailleurs et de saper leur volonté de lutter.
Depuis plus d'un siècle, le syndicat n'est plus une "auto-organisation des travailleurs" et ne pourra jamais plus le devenir. L'histoire des cent dernières années montre que tous les syndicats ont systématiquement sapé les luttes des travailleurs. Même les syndicats prétendument radicaux et combatifs[4], présentés comme exemples par les groupes de la « gauche radicale », n'ont jamais, après la défaite de la vague révolutionnaire de 1917-1923, défendu les intérêts de la classe ouvrière.
L'orientation proposée aux travailleurs par ces groupes, à savoir de s'engager au sein du syndicat pour orienter ceux-ci vers une voie plus radicale, n'a pour effet que de détourner les travailleurs les plus critiques vers des actions sans perspectives quine changent rien au fond et stimulent donc au découragement.
"Si les syndicats ne sont pas combattifs, c'est à cause des dirigeants ", nous disent les « syndicalistes de combat ». Selon « Socialistisch Alternatief » (section de l’Alternative Internationale Socialiste aux Pays-Bas et équivalent du PSL en Belgique), le manque de combativité de la FNV serait dû à "la trahison de types comme Wim Kok"[5], qui ont accédé à la tête du syndicat. Pour sa part, le GIS (Groupe des socialistes internationaux) estime qu'il y a quelque chose de fondamentalement pourri dans la FNV, si quelqu'un "comme Van Doesburg a pu prospérer dans la FNV pendant si longtemps, tout en n’œuvrant pas pour ses membres, mais pour l'ennemi de classe". [6]
La ritournelle de la trahison des dirigeants syndicaux est aussi vieille que le monde. Au cours des cent dernières années, tous les dirigeants syndicaux se sont toujours retournés contre la classe ouvrière. Ce n'est pas parce qu'ils auraient rejoint le camp de la bourgeoisie, mais parce que l'organisation qu'ils dirigeaient n'était plus une organisation de la classe ouvrière, mais une organisation de l'État bourgeois.
L'intégration du syndicat dans l'État bourgeois est le résultat du changement des conditions historiques objectives, qui ont fondamentalement modifié le contenu de la lutte des travailleurs au cours des cent dernières années. Depuis l'éclatement de la première guerre mondiale, qui a marqué le début de la crise historique du capitalisme, aucune amélioration durable au sein du capitalisme n'est possible. Par conséquent, l’objectif réel de la lutte des travailleurs ne consiste plus en une amélioration progressive des conditions de travail et de vie, alors que celles-ci pouvaient encore être arrachées à l’État au 19e siècle, mais vise le renversement global et immédiat du capitalisme décadent. Comme l'a dit Lénine, depuis le début du 20e siècle, "derrière chaque grève se cache l'hydre de la révolution”.
Et du fait de ce changement des enjeux historiques de la lutte, le syndicat, en tant qu'appareil essentiellement destiné à obtenir des améliorations au sein du capitalisme (ce qui n'est plus possible aujourd’hui), a été englouti par l'État bourgeois.
Par conséquent, l'appel des groupes « gauchistes » à "reconquérir les syndicats" en "expulsant les dirigeants corrompus" également ne conduit en aucun cas au renforcement de la dynamique de lutte et de la force prolétarienne. Il encourage les travailleurs à s'efforcer de reconquérir une organisation de l’État bourgeois en leur sein, ce qui ne fait qu'accroître l’emprise syndicale sur la classe ouvrière et entraîner les travailleurs vers une défaite certaine.
Une autre position que ces organisations "gauchistes" mettent régulièrement en avant est la défense des services publics - transports publics, soins aux malades, aux personnes âgées et aux handicapés, éducation, culture... - et elles mettent particulièrement l'accent sur la défense de la qualité de ces services. Les services publics constituent, selon le SAP aux Pays-Bas, " ensemble la base de la construction d'une société véritablement solidaire et écologique, fondamentalement opposée à la logique de l'argent et du profit".[7] Selon le PVDA/PTB en Belgique, ce sont les services publics qui "garantissent une société chaleureuse, où ce sont les gens qui priment et non les profits. C'est pourquoi je soutiens les travailleurs et les syndicats des services publics dans leur lutte pour le respect et des investissements".[8]
Là encore, un rejet sans équivoque s'impose. Les services publics, qu'ils soient privatisés ou non, sont avant tout des instruments au service de l'État bourgeois et il est donc totalement insensé de prétendre qu'ils servent la "communauté". Mais surtout, les travailleurs de ces entreprises sont tout autant exploités que dans n'importe quelle entreprise. Dans les services publics aussi, le rythme de travail augmente, des restructurations sont implémentées, les salaires sont réduits et les travailleurs sont licenciés.
De plus, aujourd'hui, introduire des réformes "socialistes" dans un système capitaliste en voie de décomposition est une aberration. La "lutte pour la qualité des services publics" n'a donc rien de commun avec la lutte des travailleurs pour défendre leurs conditions de travail et de vie, mais conduit à mélanger leurs intérêts avec ceux de certaines instances de l'Etat bourgeois.
En fait, ce que proposent ces groupes va directement à l'encontre des besoins de la lutte, qui consiste à unir au-delà des frontières des entreprises et des secteurs, et représente un appel déguisé aux travailleurs pour qu'ils abandonnent leur lutte en tant que classe indépendante.
"Les socialistes révolutionnaires soutiennent les actions" ! [9] Ce n’est sûrement pas le cas des organisations comme le PSL, « Vonk/Révolution », le PTB (Parti du travail en Belgique) en Belgique ou « Socialistisch Alternatief », GIS, SAP/Grenzeloos[10] aux Pays-Bas. Ils tendent des pièges et avancent de fausses perspectives pour empêcher la dynamique de la lutte de se renforcer et de s'approfondir. Et cela n'arrive pas par hasard. C'est parce qu'ils font partie, non pas du camp de la classe ouvrière, mais de l'appareil politique de la bourgeoisie. "Le fait qu'ils aient moins d'influence ou qu'ils adoptent un langage plus radical ne diminue pas le caractère essentiellement bourgeois de leur programme et de leur nature, mais fait d'eux des recruteurs utiles".[11] Leur tâche consiste donc à utiliser un langage en apparence radical dans le but d’enfermer la lutte ouvrière dans la logique capitaliste du profit, de la rentabilité et de la réduction des coûts dans l'intérêt de la compétitivité de l'économie nationale.
L’histoire a prouvé que lorsque les travailleurs agissent comme une seule classe, ils sont capables d’agir de manière autonome, de débattre, de prendre des initiatives et de développer la créativité et, dans une telle dynamique, de repousser les attaques de la bourgeoisie barbare et de s’engager sur le chemin de la société communiste. En conséquence, les organisations révolutionnaires appellent dans leur intervention les travailleurs à prendre la lutte en main en organisant des assemblées générales et des comités de grève élus. Par ailleurs, les exemples de luttes ouvrières des cent dernières années démontrent aussi sans le moindre doute que, dans le développement de leurs luttes, les travailleurs se sont constamment heurtés aux manœuvres des syndicats. C’est pourquoi les révolutionnaires doivent dénoncer en permanence la nature anti-ouvrière de ces organisations. Et dans ce contexte, il est tout aussi essentiel de démasquer et de dénoncer les soi-disant organisations de «gauche radicale», qui prétendent soutenir le combat ouvrier mais qui, en réalité, sabotent son développement et sa dynamique.
Dennis / 2023.04.10
[1] Voir le tract international du CCI: Partout la même question: Comment développer la lutte? Comment faire reculer les gouvernements? [2]
[2] traduction de “Grenzeloos, Nederland verdient beter ‒ Nederland heeft stevige eisen en actie nodig om van Rutte en de werkgevers te winnen [3]”
[3] traduction de “LSP, Gerommel aan de top van het ABVV. Voor een strijdbare vakbond met democratie van onderuit [4],13 juli 2020”
[4] Parmi les exemples les plus connus, citons la Confederacion Nacional de Trabajo (CNT) en Espagne, l'Industrial Workers of the World (IWW) aux États-Unis, l'Eenheidsvakcentrale (EVC) aux Pays-Bas juste après la Seconde Guerre mondiale, la Freie Arbeiter Union (FAU) en Allemagne après la même guerre.
[5] traduction de “Socialistisch Alternatief, Strijdbaarheid neemt toe in Nederland [5]”
[7] traduction de“SAP, Geconfronteerd met toenemende onzekerheid en verslechterende werkomstandigheden: haal het geld daar waar het zit! [7]”
[8] Hedebouw (PTB), "Een warme samenleving bouw je op sterke openbare diensten", 10 maart 2023
[9] traduction de “Socialistisch Alternatief, Strijdbaarheid neemt toe in Nederland [5]”
[10] Tous ces groupes sont des descendants directs ou indirects de la Quatrième Internationale, fondée par Trotski en 1938, qui a basculé dans le camp de la bourgeoisie lors de la Seconde Guerre mondiale en participant à la guerre impérialiste contre l'Allemagne nazie. Seuls quelques uns se sont retournés contre cette trahison de l’IVème Internationale, dont Nathalie Trotsky.
[11] La plateforme du CCI [8], point13 : La nature contre-révolutionnaire des partis "ouvriers".
Les tensions atteignent partout un point d'ébullition en raison des affrontements horriblement violents entre le régime du Hamas à Gaza et l'État d'Israël. Une atmosphère d'hystérie règne dans les deux camps. En représailles à l'attaque terroriste du Hamas, les colons juifs armés de Cisjordanie ont déjà tué cinq Palestiniens au cours de cette première semaine de guerre, tandis que l'armée israélienne s'efforce d'anéantir Gaza. Dans une atmosphère aussi oppressante, il est très difficile de suivre la voie internationaliste qui refuse de choisir l'un ou l'autre camp. Il faut du courage pour défendre publiquement une perspective prolétarienne cohérente. Mais heureusement, certaines voix internationalistes se font entendre. Même si nous ne partageons pas toutes les positions développées dans leurs articles, elles sont une lumière dans les ténèbres de la barbarie actuelle déclenchée par la bourgeoisie internationale.
Parmi ces voix, il y a deux autres organisations de la gauche communiste. La première est la Tendance Communiste Internationaliste avec la déclaration « La dernière boucherie au Moyen-Orient fait partie de la marche vers la guerre généralisée ».[1] La seconde est Il Partito Comunista avec l'article « Guerre à Gaza, contre la guerre impérialiste, pour la guerre de classe révolutionnaire ».[2]
Mais il y a aussi au moins deux groupes anarchistes qui ont publié une position internationaliste contre les atrocités commises par le capitalisme au Moyen-Orient. Le premier est le Groupe Communiste Anarchiste qui a publié l'article « Ni Israël, ni Hamas ! ».[3] L'autre article est celui du réseau Anarcom, intitulé « Ni un État, ni deux États ! Aucun 'État' ne mettra fin au massacre de notre Classe ! ».[4]
Ainsi, malgré la campagne assourdissante des gouvernements des Etats-Unis, du Royaume-Uni et d'autres pays, et de la gauche bourgeoise pour soutenir la « cause palestinienne », plusieurs organisations en Europe et en Amérique du Nord sont restées fidèles aux principes internationalistes du prolétariat mondial.
Nous reviendrons en temps utile sur certaines des positions adoptées par les différents groupes.
WR/14.10.2023
La campagne bourgeoise pour les élections parlementaires bat son plein. Tous les partis ont présenté leurs manifestes électoraux et leurs listes de candidats. D'après les sondages, les résultats devraient être assez serrés et pourraient déboucher sur un séisme parlementaire, car il n'est pas exclu que les cinq partis populistes, qui possèdent actuellement environ 25 sièges à la chambre, obtiennent ensemble plus de 75 sièges après les élections du 22 novembre et constituent ainsi une majorité au parlement.
Cette montée du populisme n'est évidemment pas un phénomène typiquement néerlandais, c›est quelque chose que l'on voit partout dans le monde, les exemples les plus célèbres étant Bolsonaro au Brésil, Trump aux États-Unis ou Modi en Inde. En Europe aussi, il y a divers gouvernements soutenus par des partis populistes, comme en Italie, en Suède, en Hongrie et en Pologne.
La fragmentation extrême de la scène politique néerlandaise (près de 20 partis sont représentés au parlement) est l'expression de la perte de contrôle croissante de la bourgeoisie sur son appareil politique. Pendant longtemps, la vie politique néerlandaise, sous la direction du premier ministre Marc Rutte, a été un modèle de stabilité et la bourgeoisie était parvenue à maîtriser raisonnablement la croissance populiste. Mais au cours des deux dernières années, la situation politique s'est considérablement dégradée.
En 2021, la bourgeoisie avait déjà été confrontée à d'énormes difficultés pour constituer un nouveau gouvernement. Lorsqu'il a finalement été formé, nous avions écrit que « Les difficultés actuelles de la bourgeoisie néerlandaise à former un nouveau gouvernement stable, capable de conduire le pays à travers les tempêtes actuelles et à venir, expriment de manière frappante la tendance au chacun pour soi, (…) avec la politique à court terme qui tend à prédominer de plus en plus dans la phase de décomposition. »[1]
La décision de M. Rutte de faire tomber son propre gouvernement et de se retirer de la vie politique, suivi en cela par les dirigeants politiques de presque tous les autres partis traditionnels, donnant ainsi plus ou moins libre cours à la vague populiste, ouvre une nouvelle phase dans le développement du « chacun pour soi ». La situation actuelle est donc infiniment plus grave qu'en 2001, par exemple, lorsque la Liste Pim Fortuyn (LPF) avait effectué une percée: le « déclin » des partis traditionnels, tant sur le plan quantitatif (nombre de sièges) que qualitatif (ampleur des scandales), est aujourd'hui beaucoup plus avancé. En outre, ce n'est plus un seul parti populiste qui monte à l’assaut de la capitale politique, mais trois grands partis accompagnés de quelques petits.
Le populisme est une manifestation typique de la phase actuelle de décomposition du capitalisme[2] et l'expression la plus claire de la tendance à la perte de contrôle de la bourgeoisie sur son jeu politique. Cela était déjà évident aux Pays-Bas au cours des 20 dernières années, à travers les difficultés qu’a rencontrées la bourgeoisie à « obtenir » un résultat électoral permettant la formation d'un gouvernement apte à défendre ses intérêts. En donnant maintenant au populisme tout l'espace dont il a besoin pour gagner en influence, la situation ne fera qu'empirer et les chances de former un gouvernement stable deviennent beaucoup plus faibles. Après tout, le populisme n'est guère plus qu'une sorte de révolte contre l'élite politique et n'offre aucune perspective alternative pour la gestion du capitalisme. La politique de ces partis, « s'ils appliquaient leur programme, ne pourraient conduire qu'à une sorte de vandalisme qui ne ferait qu'aggraver encore l'instabilité .»[3]
En bref, l'irresponsabilité et l'instabilité des partis populistes ne feront que rendre la situation politique plus précaire et chaotique pour la bourgeoisie.
Le populisme affecte d’ailleurs également gravement les partis de gestion traditionnels. Par exemple, le parti chrétien-démocrate (CDA) risque d'être décimé. Ce parti, qui par le passé a obtenu plusieurs dizaines de sièges parlementaires et a été un pilier de la politique néerlandaise pendant de nombreuses années, a été érodé par le populisme. Lors des prochaines élections, il risque de devenir un parti insignifiant avec 5 sièges ou moins. Des personnalités comme Mona Keijzer et Pieter Omtzigt sont partis vers respectivement les partis populistes BoerBurgerBeweging (BBB) et Nieuw Sociaal Contract (NSC). Entre-temps, un grand nombre d'autres membres du CDA ont également abandonné le navire en détresse et ont rejoint un des partis populistes.
Pour maintenir l'économie néerlandaise à flot dans un contexte de concurrence internationale acharnée, la bourgeoisie a besoin d'un gouvernement stable, capable de trancher des nœuds et de prendre des décisions de grande envergure. Or, les cadres politiques des partis populistes, beaucoup plus touchés par les effets de la décomposition, ne sont « nullement préparés à prendre en charge les affaires de l'État (…) Les options économiques et politiques portées par le populisme ne constituent nullement une option réaliste de gestion du capital national. »[4]
Cependant, cela ne signifie pas que la bourgeoisie néerlandaise reste les bras croisés. Faisant de nécessité vertu, elle utilise le chaos politique pour faire croire aux travailleurs que ces élections portent sur des choix fondamentaux et qu'il s'agit de donner un « nouvel élan » à la démocratie.
Ainsi, les partis populistes et d’autres combinaisons occupent la quasi-totalité de l'échiquier politique pour offrir un exutoire à tous les votes de protestation possibles. Les trois grands partis populistes s’adressent chacun à une frange de l'électorat : le Parti de la Liberté (PVV) prône la réduction du nombre de demandeurs d'asile ; le BBB dénonce les excès de la politique verte; le NSC promet une politique honnête et sans compromis. En outre, à l'autre extrémité de l’échiquier politique, un nouveau pôle antipopuliste a émergé ; le regroupement PvdA-GroenLinks (Le Parti du Travail social-démocrate et la Gauche Verte) vise également à rallier à lui des électeurs mécontents avec son ‘poing sur la table pour des Pays-Bas verts et sociaux’.
Un autre élément susceptible de stimuler la campagne est le fait qu'environ la moitié des partis se présenteront aux élections avec un nouveau chef de parti, Frans Timmermans, qui dirige l’alliance PvdA-GroenLinks, étant l'un des plus en vue. Les nouveaux chefs de parti suscitent de nouvelles attentes et peuvent raviver les illusions sur la représentation parlementaire. Par ailleurs, tous les partis politiques, en dehors des nouveaux partis BBB et le NSC, ont également remplacé la moitié de leurs candidats par de nouveaux.
La montée des partis populistes est l'expression d'un pourrissement de l'appareil politique de la bourgeoisie. Mais la bourgeoisie ne serait pas une classe dirigeante si elle n'utilisait pas ce pourrissement à son profit (et, bien sûr, contre la classe ouvrière). Grâce à ces mêmes partis populistes, qui se présentent comme une nouvelle alternative aux partis établis, le piège des élections est renforcé, « à la fois à travers les électeurs qu'ils mobilisent et ceux qui se mobilisent pour voter contre eux. Bien qu'ils soient en partie le produit de la désillusion croissante envers les partis traditionnels, ils peuvent aussi contribuer à renforcer l'image de ces derniers. » [5]
Bref, la bourgeoisie engage tous ses atouts pour tenter d’attirer et de mobiliser la classe ouvrière sur le terrain de ses élections.
Les élections sont un mécanisme de légitimation du pouvoir de classe de la bourgeoisie, qui présente son pouvoir de classe comme le pouvoir du peuple. En ce sens, il s'agit d'une vaste campagne de tromperie, principalement dirigée contre la classe ouvrière.[6] Elle tente de faire croire aux travailleurs qu'il n'y a rien de mieux que la démocratie parlementaire et de les persuader d'abandonner la lutte des classes, et ceci alors que, précisément, dans les premiers mois de 2023, les travailleurs néerlandais ont montré à travers une ample vague de grèves, qu’ils en avaient assez de l’incessante austérité qu’ils devaient accepter pour garantir la compétitivité de l’économie nationale
Les travailleurs ne doivent se faire aucune illusion : quels que soient les partis qui gagneront le 22 novembre, qu'ils soient au gouvernement ou dans l’opposition, ils n'apporteront aucune solution. Les problèmes majeurs liés au pourrissement du capitalisme (réchauffement climatique, flux de réfugiés, crise économique, et la guerre comme un catalyseur important de tous les autres problèmes mentionnés) ne peuvent être résolus au sein du capitalisme et donc certainement pas par chaque bourgeoisie nationale individuellement. Le traitement administré par la bourgeoisie ne fera qu'aggraver la maladie du patient.
En outre, toutes les mesures prises par la bourgeoisie pour tenter de désamorcer l'accumulation des crises s'accompagneront d'attaques radicales en particulier contre les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière. Raison de plus pour les travailleurs d'ignorer tout ce cirque électoral et de se concentrer sur le combat pour la défense de leurs conditions matérielles, au travail comme à la maison, en tant que salarié ou chômeur. Ce n'est que dans cette lutte contre les attaques économiques du gouvernement et des patrons qu'ils pourront développer une lutte révolutionnaire contre ce système d'exploitation et d'oppression. La classe ouvrière est la seule force de la société qui ait la capacité, à travers le renversement de la domination de la bourgeoisie et la destruction de l'État capitaliste, y compris la démocratie parlementaire, d’endiguer la vague barbare qui, sous la domination du capitalisme, mène vers la destruction de l’humanité.
Dennis/14.10.2023
Links
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/f_isme_378_klweb.pdf
[2] https://fr.internationalism.org/content/10960/partout-meme-question-comment-developper-lutte-comment-faire-reculer-gouvernements
[3] https://www.grenzeloos.org/content/nederland-verdient-beter-nederland-heeft-stevige-eisen-en-actie-nodig-om-van-rutte-en-de
[4] https://nl.socialisme.be/84021/gerommel-aan-de-top-van-het-abvv-voor-een-strijdbare-vakbond-met-democratie-van-onderuit
[5] https://socialistischalternatief.nl/2023/02/strijdbaarheid-neemt-toe-in-nederland/
[6] https://socialisme.nu/nederland-verdient-een-democratische-en-strijdbare-vakbeweging/
[7] https://www.sap-rood.org/geconfronteerd-met-toenemende-onzekerheid-en-verslechterende-werkomstandigheden-haal-het-geld-daar-waar-het-zit/
[8] https://fr.internationalism.org/plateforme
[9] https://fr.internationalism.org/files/fr/f_isme_379_klweb_3.pdf
[10] https://www.leftcom.org/en/articles/2023-10-11/the-latest-butchery-in-the-middle-east-is-part-of-the-march-to-generalised-war
[11] https://www.international-communist-party.org/English/TheCPart/TCP_055.htm#Gaza
[12] https://www.anarchistcommunism.org/2023/10/11/neither-israel-nor-hamas/
[13] https://anarcomuk.uk/2023/10/09/neither-one-state-nor-two-states-no-state-will-end-the-slaughter-of-our-class/
[14] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/conflit-israelo-palestinien
[15] https://fr.internationalism.org/content/10489/pays-bas-apres-elections-fin-stabilite-politique
[16] https://fr.internationalism.org/content/9937/rapport-decomposition-aujourdhui-mai-2017
[17] https://nl.internationalism.org/content/1524/rapport-over-de-hedendaagse-ontbinding-mei-2017
[18] https://fr.internationalism.org/revue-internationale/201609/9440/contribution-probleme-du-populisme-juin-2016
[19] https://fr.internationalism.org/isme355/elections-communales_rien_que_du_bluff_et_des_illusions.html
[20] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/39/hollande
[21] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/mark-rutte
[22] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/elections-2023-pays-bas