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ICCOnline - septembre 2022

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Après six mois de barbarie guerrière en Ukraine, le prolétariat en Grande-Bretagne donne un début de réponse

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Le CCI tiendra, le samedi 17 septembre, des réunions publiques pour discuter de l'accélération de la barbarie capitaliste, démontrée par la guerre en Ukraine ainsi que par l'approfondissement de la crise économique mondiale et l'aggravation des effets du changement climatique. En considérant la réponse de la classe ouvrière internationale, nous accorderons une attention particulière aux importantes luttes ouvrières qui se déroulent actuellement en Grande-Bretagne.

Ces réunions se dérouleront dans les villes suivantes :

Lille : Café "Les Sarrazins", 54 rue des Sarrazins 59000, à 15H00.

Marseille : Association Mille Bâbords, 61 Rue Consolât 13001, à 15H00.

Paris : CICP, 21 ter rue Voltaire (métro "rue des boulets") 75011, à 15H00.

Toulouse : Restaurant On’ador, 5 Rue de Université du Mirail, métro "Mirail Université", 31000, à 15H00.

 

 

 

Rubrique: 

Réunions publiques du CCI

Ni le camp de Lula, ni le camp de Bolsonaro, ni aucun autre ! Contre tous les camps capitalistes, le seul avenir réside dans le développement de la lutte de classe du prolétariat.

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Au moment où se préparent les élections générales au Brésil, la bourgeoisie intensifie sa propagande, renforce la mystification démocratique à travers ses "alternatives", en mettant en scène le duel opposant d'un côté Lula, représentant le visage démocratique de la gauche, et de l'autre l'actuel président Bolsonaro, expression caricaturale du populisme et de l'extrême droite (une sorte de Trumpist sud-américain).

Les arguments présentés par les formations politiques ou les candidats dans la course pour convaincre les électeurs de leur accorder leur vote se résument généralement à ceci, au Brésil comme dans tout autre pays : les élections constituent un moment où les "citoyens" sont confrontés à un choix dont dépendrait l'évolution de la société et, par conséquent, leurs futures conditions de vie. Grâce à la démocratie, chaque citoyen aurait la possibilité de participer aux grands choix de société. Selon eux, le vote serait l'instrument de transformation politique et sociale qui définirait l'avenir du pays.

Mais la réalité n'est pas celle-là puisque la société est divisée en classes sociales aux intérêts parfaitement antagonistes ! L'une d'entre elles, la bourgeoisie, exerce sa domination sur l'ensemble de la société par la possession des richesses et, grâce à son État, sur toute l'institution démocratique, les médias, le système électoral, etc. Elle peut ainsi imposer en permanence son ordre, ses idées et sa propagande aux exploités en général, et à la classe ouvrière en particulier. Cette dernière, en revanche, est la seule classe qui, par ses luttes, est capable de contester l'hégémonie de la bourgeoisie et faire table rase de son système d'exploitation.

Le capitalisme, le système de production qui domine la planète et tous ses pays, est en train de sombrer dans un état de décomposition avancée. Après un siècle de déclin, il atteint sa phase finale, menaçant la survie de l'humanité par une spirale de guerres insensées, de dépression économique, de catastrophes écologiques et de pandémies dévastatrices.

Tous les États-nations de la planète s'engagent à maintenir ce système moribond. Tout gouvernement, qu'il soit démocratique ou dictatorial, ouvertement pro-capitaliste ou faussement "socialiste", existe pour défendre les véritables objectifs du capital : l'accroissement du profit aux dépens du seul avenir possible pour notre espèce, une communauté mondiale où la production n'a qu'un seul but - la satisfaction des besoins humains.

Mais, nous dit-on, cette fois au Brésil les enjeux sont différents. Réélire Bolsonaro -ou participer à sa réélection en ne votant pas- reviendrait à approuver toutes les politiques qu'il a menées pendant ses quatre années de mandat. 

Il est vrai que Bolsonaro, comme ce fut le cas pour Trump, est un défenseur acharné du système capitaliste: intensification de l'exploitation, dans la mise en œuvre des "réformes" du travail et des retraites, dans la poursuite des mesures d'austérité qui ont élargi les coupes dans les domaines de l'éducation, de la santé, etc. Mais il n'est pas seulement un défenseur classique du capitalisme, il s'est révélé être un défenseur de tout ce qu'il y a de plus pourri dans le capitalisme, une caricature de populisme : son déni de la réalité du Covid-19 et du changement climatique, son encouragement à la brutalité policière au nom de la loi et de l'ordre, ses appels au racisme et à l'extrême droite, son comportement personnel répugnant de nature homophobe et misogyne, ... Mais le fait qu'il soit un escroc et un raciste n'a pas empêché d'importantes factions de la classe capitaliste de le soutenir parce que ses politiques de restriction des contrôles environnementaux et sanitaires servent à augmenter leurs profits.

Si, comme c'est plus probable, Lula est élu, ce ne sera pas pour améliorer la situation de la classe ouvrière, mais pour être plus efficace que ne l'a été Bolsonaro au service de la défense du capital national, laquelle se fait toujours au détriment des intérêts de la classe ouvrière.

Pour la gauche du capital, l'élection de Lula constitue une tâche primordiale, d'abord pour faire sortir Bolsonaro du "Planalto" (palais présidentiel), ensuite pour défendre la démocratie. À cet égard, le PT (Parti du Travail, l'appareil politique au service de Lula) a réussi à articuler un large front de gauche, ainsi qu'à faire des coalitions avec des partis de centre-droit.

La plus grande clarté sur ce que représentent Lula et Bolsonaro est d'autant plus nécessaire que les menaces de Bolsonaro de ne pas respecter le verdict des urnes -comme ce fut le cas avec Trump- pourraient conduire, si elles étaient mises à exécution, à des affrontements violents entre fractions de la bourgeoisie, voire à une tentative de coup d'État. Si cela devait se produire, il est de la plus haute importance pour l'avenir de la lutte des classes au Brésil qu'aucune fraction du prolétariat ne se laisse embarquer dans la défense de l'un ou l'autre des deux camps opposés. Les deux sont des ennemis du prolétariat mais Lula, soutenu par les partis de gauche de la bourgeoisie, est plus capable de tromper la classe ouvrière. C'est là une raison supplémentaire pour s'en méfier particulièrement.

Revolução Internacional (27 09 2022)

Géographique: 

  • Brésil [1]

Personnages: 

  • Jair Bolsonaro [2]

Récent et en cours: 

  • élections présidentielles au Brésil [3]

Rubrique: 

Elections présidentielles au Brésil

Explication des amendements rejetés du camarade Steinklopfer

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Présentation du CCI

Dans la continuité de la discussion des documents publiés à la suite du 23e Congrès du CCI(1), nous publions de nouvelles contributions exprimant des divergences avec la Résolution sur la situation internationale du 24e Congrès(2). Comme avec la précédente contribution du camarade Steinklopfer, le désaccord porte sur la compréhension de notre concept de la décomposition, sur les tensions inter-impérialistes et la menace de guerre, et sur le rapport de force entre le prolétariat et la bourgeoisie. Afin d’éviter tout retard supplémentaire lié à la pression des événements récents, nous publions de nouvelles contributions des camarades Ferdinand et Steinklopfer sans la réponse défendant la position majoritaire dans le CCI, mais nous répondrons évidemment à ce texte en temps voulu. Nous devons signaler que ces contributions ont été écrites avant la guerre en Ukraine.

Au cours du 24e Congrès international, j’ai présenté un certain nombre d’amendements à la résolution sur la situation internationale. Leur orientation générale est un approfondissement des divergences que j’ai présentées, sous la forme d’amendements, au Congrès précédent. Certains ont été acceptés par le Congrès, d’autres ont été rejetés parce que le Congrès a estimé nécessaire de prendre le temps de les discuter plus profondément avant de les voter. En reproduisant certains de ces derniers amendements, cet article va se concentrer principalement sur ceux qui ont été rejetés parce que le Congrès était en désaccord avec leur contenu. Ces divergences concernent avant tout deux des dimensions essentielles de notre analyse sur la situation mondiale : les tensions impérialistes et le rapport de force de classes global entre la bourgeoisie et le prolétariat. Mais il y a un fil rouge qui relie entre eux ces désaccords, qui tourne autour de la question de la décomposition. Bien que l’ensemble de l’organisation partage notre analyse de la décomposition comme phase ultime du capitalisme, lorsque nous voulons appliquer ce cadre à la situation actuelle, des différences d’interprétation apparaissent. Ce sur quoi nous sommes tous d’accord est que cette phase terminale, non seulement a été ouverte par l’incapacité de l’une ou l’autre des principales classes de la société d’offrir une perspective à l’humanité toute entière, unir de grandes parties de la société soit derrière la lutte pour la révolution mondiale (le prolétariat), soit derrière la mobilisation pour la guerre généralisée (la bourgeoisie), mais qu’elle y a ses plus profondes racines. Mais, pour l’organisation, il y aurait une seconde force motrice à cette phase terminale, qui serait la tendance au chacun-pour-soi : entre les États, au sein de la classe dominante de chaque État national, dans la société bourgeoise au sens large. Sur cette base, en ce qui concerne les tensions impérialistes, le CCI tend à sous-estimer la tendance à la bipolarisation entre grands États dominants, la tendance vers la formation d’alliances militaires entre États, tout comme il sous-estime le danger grandissant de confrontation militaire directe entre grandes puissances, qui contient une dynamique potentielle vers ce qui ressemble à une Troisième Guerre mondiale, laquelle pourrait potentiellement détruire l’humanité entière. Sur la même base, le CCI aujourd’hui, en ce qui concerne le rapport de force entre les classes, tend à sous-estimer le sérieux de l’actuelle perte de perspective révolutionnaire de parties du prolétariat, ce qui mène l’organisation à assurer que la classe ouvrière peut retrouver son identité de classe et sa perspective communiste essentiellement à travers les luttes ouvrières défensives.

Les tendances vers la guerre

Pour ma part, bien que je sois d’accord avec l’idée que le chacun-pour-soi bourgeois est une très importante caractéristique de la décomposition, qui a joué un très grand rôle dans l’ouverture de la phase de décomposition avec la désintégration de l’ordre impérialiste mondial de l’après-Seconde Guerre mondiale, je ne crois pas que c’en soit une des principales causes. Il est bien plus vrai que le chacun-pour-soi bourgeois est une tendance permanente et fondamentale du capitalisme depuis sa naissance (allant même dans certaines circonstances jusqu’à la fragmentation et la désintégration de l’État bourgeois lui-même), tout comme la contre-tendance au rapprochement de forces nationales bourgeoises - dont l’État de classe est le principal outil -est fondamentale et permanente, allant jusqu'à la tendance au totalitarisme capitaliste d'État à l'époque du capitalisme décadent. Pour moi, l’incapacité à la fois du prolétariat et de la bourgeoisie d’imposer une solution à la crise qui menace l’existence de notre espèce est le facteur essentiel de la phase de décomposition, depuis 1989 jusqu’à aujourd’hui, et pas la tendance vers le chacun-contre-tous.

Au contraire, je dirais que la brutalité grandissante des deux tendances vers la fragmentation et la désunion, et vers l’imposition d’un minimum d’unité nationale à travers le capitalisme d’État, y compris l’affrontement toujours plus dur entre ces deux tendances opposées, sont ce qui caractérise, à ce niveau, cette phase terminale. Pour moi, le CCI s’éloigne de sa position originelle sur la décomposition en assignant au chacun-contre-tous un rôle de cause fondamentale et décisive qu’il n’a jamais eu aussi unilatéralement. Comme je le comprends, l’organisation a migré vers la position que, avec la décomposition, le chacun-contre-tous a acquis une qualité nouvelle par rapport à la précédente phase du capitalisme décadent, représentée par une sorte de domination absolue de la tendance à la fragmentation. Pour moi, par contre, il n'y a pas de tendance majeure dans la phase de décomposition qui n'existait pas déjà auparavant, en particulier dans la période de la décadence capitaliste ouverte par la Première Guerre mondiale. C’est pourquoi j’ai proposé un amendement à la fin du point trois de la résolution sur la situation internationale (qui a été rejeté par le Congrès) qui disait : « en tant que telle, la présente phase de décomposition n’est pas une période qualitativement nouvelle au sein -ou au-delà - de la décadence du capitalisme, mais est caractérisée -en tant que phase terminale du capitalisme - par la pire aggravation de toutes les contradictions du capitalisme en déclin ». La qualité nouvelle de la phase de décomposition consiste, à ce niveau, dans le fait que toutes les contradictions déjà existantes d’un mode de production en déclin sont exacerbées au plus haut point. Il en va de même avec la tendance au chacun-contre-tous qui est, elle aussi, exacerbée par la décomposition. Mais la tendance à la guerre entre puissances dominantes, et ainsi vers la guerre mondiale, est également exacerbée, comme le sont toutes les tensions générées par les mouvements vers la formation de nouveaux blocs impérialistes et par les tendances visant à les contrecarrer. L’incapacité à comprendre ceci nous amène aujourd’hui à gravement sous-estimer le danger de guerre, en particulier les conflits qui vont sortir des tentatives des États-Unis d’utiliser leur actuelle supériorité militaire contre la Chine, afin de stopper le développement de cette dernière, tout comme nous sous-estimons sérieusement le danger de conflits militaires entre l’OTAN et la Russie (ce dernier conflit étant, au moins à court terme, potentiellement encore plus dangereux que le conflit sino-américain du fait qu’il comporte un risque encore plus grand de déboucher sur une guerre thermonucléaire). Considérant que le CCI cherche à se rassurer sur l’improbabilité d’une guerre nucléaire du fait de l’inexistence de blocs impérialistes, le très important danger à l’heure actuelle est celui de guerres majeures entre les grandes puissances, autour des tentatives de rapprochement de ces blocs d’une part et des tentatives de l’empêcher d’autre part. C’est par souci de cette inquiétante trajectoire de l’analyse de l’organisation que j’ai proposé l’ajout suivant à la fin du point 8 : « Tout au long du capitalisme décadent jusqu’à aujourd’hui, des deux principales expressions du chaos généré par le déclin de la société bourgeoise, - conflits impérialistes entre État et perte de contrôle au sein de chaque capital national - au sein des régions centrales du capitalisme lui-même, la précédente tendance a prévalu sur la dernière. En supposant, comme nous le faisons, que cela continuera à être le cas dans le contexte de la décomposition, cela signifie que seul le prolétariat peut constituer un obstacle aux guerres entre grandes puissances, mais pas les divisions au sein de la classe dominante de ces pays. Si dans certaines circonstances ces divisions peuvent retarder le déclenchement de la guerre impérialiste, elle peuvent aussi les catalyser. » Cet amendement a été également rejeté par le Congrès. La Commission d’Amendements du Congrès a écrit que cet amendement « revient en fin de compte à mettre en question le cadre de la décomposition ; il pourrait donc apparaître de nouvelles zones de prospérité ». Pourtant le but de cet amendement n’était pas de mettre en avant la perspective de nouvelles zones de prospérité, mais de mettre en garde contre l’illusion que les divisions au sein des différentes classes dominantes nationales constitueraient nécessairement un obstacle aux guerres entre États nationaux. Loin d’être exclus par notre théorie de la décomposition, les conflits entre puissances dominantes confirment de façon frappante la validité de cette analyse. La décomposition est une accélération, l’exacerbation de toutes les contradictions du capitalisme décadent. Ce que le CCI pensait au départ mais risque maintenant d’oublier, c’est que le chacun-contre-tous impérialiste n’est qu’un pôle de la contradiction, l’autre étant la bipolarisation impérialiste à travers l’émergence d’un concurrent dominant toutes les autres puissances dominantes (une tendance qui contient en soi le germe de la formation de blocs impérialistes opposés, sans lui être identique). A ce niveau, nous souffrons d’un manque d’assimilation (ou d’une perte d’assimilation) de notre propre position. En partant de l’idée que le chacun-pour-soi est fondamental et constitutif de la phase de décomposition, la véritable idée que le pôle opposé à la bipolarisation peut se renforcer lui-même et pourrait même éventuellement finir par prendre le dessus doit apparaître comme mettant notre analyse en question. Il est vrai qu’autour de 1989, avec l’effondrement du bloc de l’Est (rendant le bloc occidental superflu), lors de la phase d’ouverture de la décomposition, c’est peut-être la plus importante explosion de chacun-pour-soi de l’histoire moderne qui s’est ouverte. Mais ce chacun-pour-soi a plus été le résultat que la cause de cette chaîne historique d’événements. La cause première était cependant l’absence de perspective, le « no future » qui prévalait et caractérise cette phase terminale. En ce qui concerne la classe dominante, ce « no future » est lié à sa tendance grandissante, dans le capitalisme décadent, à agir de façon « irrationnelle », en d’autres termes d’une façon préjudiciable à ses propres intérêts de classe. Ainsi, tous les principaux protagonistes de la Première Guerre mondiale en sont sortis affaiblis, et dans le Second conflit mondial, les deux principales puissances impérialistes à l’offensive (l’Allemagne et le Japon) ont toutes les deux été défaites. Mais cette tendance était loin d’être totalement dominante comme l’a montré l’exemple des États-Unis qui ont bénéficié à la fois militairement et économiquement de leur participation aux deux conflits mondiaux, et qui, grâce à leur supériorité économique écrasante sur l’Union soviétique, ont été à même, en un sens, de gagner la Guerre froide sans avoir à se lancer dans une nouvelle guerre mondiale. En revanche, il est difficile de voir comment, sur le long terme, la rivalité actuelle entre les États-Unis et la Chine peut ne pas conduire à une guerre entre eux, ou comment l’un et l’autre pourraient tirer profit d’une telle issue. Contrairement à l’URSS, la Chine est un concurrent sérieux pour la domination des États-Unis, pas seulement militairement mais aussi (et pour le moment, surtout) économiquement, de sorte qu'il est peu probable que son défi puisse être efficacement relevé sans des affrontements militaires directs de quelque nature que ce soit. C’est précisément pourquoi l’actuelle rivalité sino-américaine est l’une des expressions les plus dramatiques du « no future » généralisé de la phase terminale du capitalisme. Le défi chinois aux États-Unis a manifestement le potentiel pour amener notre espèce au bord de l’abîme. Dans l’analyse actuelle de l’organisation, cependant, la Chine n’est pas et ne sera jamais un concurrent sérieux des États-Unis, parce que son développement économique et technologique est considéré comme « un produit de la décomposition ». Si l’on suit cette interprétation, la Chine ne peut être et ne sera jamais plus qu’un pays semi-développé incapable de rivaliser avec les vieux centres du capitalisme d’Amérique du Nord, d’Europe ou du Japon. Cette interprétation n’implique-t-elle pas que l'idée, sinon d'un arrêt du développement des forces productives - que nous avons toujours, à juste titre, exclu comme caractéristique du capitalisme décadent - du moins de quelque chose qui n'en est pas loin, est maintenant postulée par l'organisation dans la phase finale de la décadence ? Comme un lecteur attentif l’aura noté, le 24e Congrès a condamné non seulement l’idée d’un défi global de l’impérialisme chinois comme remettant en cause la question de l’analyse théorique de la décomposition -l’idée même que la Chine a renforcé sa compétitivité au détriment de ses rivaux est rejetée comme une expression de mes prétendues illusions sur la bonne santé du capitalisme chinois. De façon similaire, mon idée que la Chine, au moins jusqu’à maintenant, s’en est beaucoup mieux sortie dans sa gestion de la pandémie de Covid que son rival américain est considérée comme une démonstration de mon rejet du caractère global de la décomposition. En lien avec la pandémie, j’ai proposé l’amendement suivant au point cinq de la résolution (rejeté par le Congrès) : « Dans une analyse marxiste, il est important de prendre ces différences en compte, en particulier dans la mesure où elles révèlent des tendances majeures qui existaient déjà avant la pandémie et ont été renforcées par elle. Ces trois tendances ont une particulière signification. Premièrement, l’établissement d’un troisième centre majeur du capitalisme mondial en Extrême-Orient (aux côtés de l’Europe et de l’Amérique du Nord), qui dans certains domaines surpasse même les autres au niveau de la modernité et de l’efficience capitaliste. Deuxièmement, l’émergence de la Chine aux dépens des États-Unis. Troisièmement, le fiasco de la forme « néo-libérale » du capitalisme d’État face à la pandémie (dont le modèle d’« État sobre », sans stocks -production « juste à temps » et livraison - a été le plus radicalement appliqué dans les vieux pays capitalistes) ». J’ai l’impression que, pour l’organisation aujourd’hui, les lois immuables du capitalisme ne s’appliquent plus dans la phase de décomposition. N’y a-t-il plus de gagnants ni de perdants dans la lutte de la concurrence capitaliste ? De même, jusqu'à présent, nous n'avons jamais nié qu'il puisse y avoir différents degrés de développement de la décomposition selon les différents pays et situations. Pour moi, la question de savoir pourquoi ce ne serait plus le cas est un mystère. Qu’il s’agisse de la pandémie ou de la situation en général, notre application du cadre de la décomposition risque de favoriser une tendance à une superficialité théorique et à la paresse. Notre compréhension de la décomposition donne le cadre de l’analyse de la pandémie, tout comme elle le fait pour cette phase en général, tout comme le fait notre compréhension de la décadence ou du capitalisme dans son ensemble. Ce cadre, absolument essentiel, n’est pas encore notre analyse en tant que telle. Nous risquons cependant de confondre les deux, de penser que nous avons déjà fait l’analyse lorsque nous donnons le cadre. Et que signifie dire que « le développement de la Chine est le produit de la décomposition » ? Est-ce que la prolétarisation de 600 millions de paysans (une part significative de toute éventuelle future révolution prolétarienne mondiale) est le produit de la décomposition ? Ne serait-il pas plus correct de dire que cet aspect du développement en Chine a lieu MALGRÉ la décomposition ?

Quant à la question vitale du danger d’affrontements militaires entre des puissances de premier plan comme les États-Unis et la Chine, elle ne relève pas du pronostic, personne ne sait véritablement de quoi le futur sera fait. Ce que l’organisation sous-estime gravement, c’est ce qui se passe sous ses yeux ici et maintenant. Ainsi que les représentants les plus éminents de la bourgeoisie américaine l’ont eux-mêmes récemment rendu public, le gouvernement chinois s’attendait à une attaque militaire américaine d’un certain type avant la fin du premier mandat de Donald Trump. Ce qui pouvait aboutir à cette conclusion était non seulement la rhétorique belliciste de la Maison Blanche, mais aussi la grande hâte avec laquelle Washington a retiré ses troupes du Proche-Orient (de Syrie) et les a redéployées en Extrême-Orient. C’est de toute façon une hypothèse plausible de dire que l’un des moyens utilisés par la classe dominante chinoise pour répondre à cette menace a été, au début de la pandémie, de permettre à ce nouveau virus de contaminer le reste du monde, dans le but de saboter les plans de son rival américain. Compte tenu des critiques formulées par le Parti démocrate américain à l’encontre de la politique étrangère de Trump au cours de cette période, on peut supposer qu’après que Joe Biden ait remplacé Trump dans le Bureau ovale, Pékin a adopté une politique attentiste, mais en fin de compte le retrait encore plus précipité de Biden d’Afghanistan suivi par la formation de l’alliance militaire AUKUS auront convaincu les Chinois que Biden suit la même logique d’affrontement que Trump. Considérant que, selon le célèbre journaliste d'investigation américain Bob Woodward, Trump envisageait d'utiliser des armes atomiques contre la Chine, ce qui est en ce moment en discussion au sein de la « communauté de sécurité » américaine, c’est avant tout la déstabilisation politique du régime chinois actuel, en particulier à travers la construction d’une politique systématique de provocation au sujet de la question taïwanaise. L’hypothèse sous-jacente est que, si Xi Jinping ne réagit pas militairement face aux mouvement en faveur de l’indépendance de Taïwan, si la Chine réagit militairement mais sans succès, cela peut aboutir à une telle « perte de face » qu’elle pourrait contribuer à marquer le début de la fin du règne du stalinisme en Chine (le chaos qui s’ensuivrait dans le pays le plus peuplé du monde serait accepté comme un moindre mal par Washington comparé à l’actuelle menace constituée par la poursuite de l’émergence de son rival chinois). Au nom de ce qui est censé être une défense du concept de décomposition, l’organisation a en réalité commencé à saper la clarté et la cohérence de l’analyse de la décadence du CCI. Auparavant, nous comprenions la période de déclin du capitalisme non seulement comme une époque de guerres et de révolutions, mais de guerres et de révolutions mondiales. L’actuelle sous-estimation de la tendance propre, innée du capitalisme décadent vers la guerre mondiale est vraiment alarmante.

Sur le rapport de force entre les classes

Si nous nous tournons maintenant vers la seconde divergence fondamentale qui concerne le rapport de force entre les classes, j’ai proposé, à côté d’autres amendements sur la lutte de classe, le passage suivant concernant le point 32, soulignant la gravité de la retraite prolétarienne à travers les trois défaites politiques principales qu’il a subies. Cet ajout, rejeté par le Congrès, est le suivant : « Depuis le retour d’une génération non défaite sur la scène de la lutte de classe en 1968, le prolétariat a subi trois défaites politiques consécutives d’importance, chacune accroissant les difficultés de la classe. La première défaite a été son incapacité initiale à se politiser. Le gauchisme et la politique de la « gauche au gouvernement » (qui a augmenté les aides sociales) ont été, dans les années 70, les fers de lance de ce retour en arrière, suivi dans les années 80 par la gauche dans l’opposition mobilisée sur le terrain contre la très réelle combativité ouvrière, et le revirement vers une politique économique et gouvernementale « néo-libérale ». L’un des buts de cette dernière était de ralentir l’inflation, mais pas uniquement, parce qu’en érodant le pouvoir d’achat de tous les ouvriers, celle-ci tendait à favoriser les luttes pour les salaires et la possibilité de leur unification. Ainsi affaiblie, la classe ouvrière au cours des années 80 s’est révélée incapable d’aller dans le sens imposé par la situation économique (crise internationale, « mondialisation ») et objectivement préparée par les gigantesques luttes de 1968 en France et de 1980 en Pologne : que les mouvements de masse débordent les frontières nationales. La seconde défaite, en 1989 (de loin la plus importante), qui a conduit à la phase de décomposition, a été marquée par le fait que le stalinisme a été mis à terre par sa propre décomposition, et pas par les luttes ouvrières. La troisième défaite, celle de ces cinq dernières années, résulte de l’incapacité de la classe de répondre de façon adéquate à la crise « de la finance » et « de l’Euro », laissant un vide qui a été comblé, parmi d’autres choses, par l’identitarisme et le populisme. Alors que le centre de gravité du recul mondial se trouvait en Europe de l’Est, pour le moment ce centre de gravité se trouve aux États-Unis (par exemple avec le phénomène du Trumpisme) et en Grande-Bretagne (Brexit). La défaite de 1989 et la plus récente portent les caractéristiques d’une défaite politique dans le contexte de la décomposition. Aussi sérieuses qu’elles soient, ce ne sont pas des défaites de même nature que celles subies pendant la contre-révolution. Ce sont des défaites dont le prolétariat peut se remettre (idée que nous avons développée au cours de notre dernier Congrès international). Bien qu’il ne soit pas possible aujourd’hui de mesurer combien de temps elles pourraient peser, nous ne pouvons plus exclure (plus de trois décennies après le début du recul général du combat prolétarien en 1989) que ce recul de l’après 1989 pourrait peser aussi longtemps que la contre-révolution qui a duré pratiquement quatre décennies (depuis le milieu des années 20 jusqu’au milieu des années 60). Cependant, d’un autre côté, le potentiel pour le dépasser plus rapidement est réel, du fait que sa cause profonde se trouve avant tout à un niveau subjectif, dans le dramatique sophisme qu’il n’y a aucune alternative au capitalisme. »

Il est déjà frappant dans la résolution du 23e Congrès que le problème de la faiblesse, bientôt de l’absence de perspective révolutionnaire prolétarienne, n’est pas considéré comme central pour expliquer les problèmes des luttes ouvrières au cours des années 80. Dans l’actuelle résolution, l’accent est mis une nouvelle fois sur l’impact négatif du « chacun pour soi », et sur le machiavélisme de la bourgeoisie qui met en avant cette mentalité. Mais parce que les résolutions des 23e et 24e Congrès continuent d’avancer que la lutte de classe, après la défaite de la grève de masse en Pologne, a continué d’avancer durant les années 80, elles sont incapables d’expliquer en profondeur pourquoi ce chacun-pour-soi et cette stratégie de la bourgeoisie ont obtenu un succès aussi indubitable. Cette incapacité, cet attachement à l’analyse de l’avancée de la lutte prolétarienne au cours des années 80 (une analyse qui était déjà erronée, mais d’une certaine manière compréhensible à l’époque vu le nombre significatif de luttes ouvrières, mais qui l’est bien moins aujourd’hui), est d’autant plus frappante, vu que cette décennie est entrée dans l’histoire comme celle du « no future ». Comme nous l’avons déjà constaté en ce qui concerne l’impérialisme, nous avons eu tendance à analyser les luttes des années 80 d’abord et avant tout du point de vue du chacun-pour-soi, ce qui nous a conduit à être incapables de reconnaître le caractère central de la perte de confiance croissante du prolétariat dans sa perspective révolutionnaire au-delà du capitalisme. Les luttes ouvrières de la fin des années 60 et du début des années 70 ont mis fin à ce que nous avons très justement appelé la plus longue contre-révolution de l’histoire, pas seulement du fait de leur caractère massif, spontané et auto-organisé, mais aussi parce qu’ils commençaient à se dégager de la camisole de la Guerre froide, dans laquelle le seul choix apparent était soit le « communisme » (c’est-à-dire le bloc de l’Est, ou l’alternative chinoise) soit la « démocratie » (c’est-à-dire le bloc occidental). Dans ce renouveau du combat prolétarien, il apparaissait l’idée, vague et confuse, mais très importante, de la lutte à la fois contre l’Est et l’Ouest, un rejet des deux, avec une mise en cause du cadre politique construit par le capitalisme pour une Troisième Guerre mondiale. C’était central pour ce que à l’époque nous décrivions (de façon tout à fait correcte) comme un changement du cours historique, d’un cours vers la guerre généralisée en un cours vers des affrontements de classe de plus en plus importants. Cette politisation initiale, bien que centrée à l’Ouest, a quand même rejoint l’Est, devenant ainsi un obstacle à la conduite vers la guerre du Pacte de Varsovie : l’idée de défier et éventuellement de renverser non seulement le capitalisme occidental (où se trouve le cœur du système mondial), mais également le stalinisme à l’Est, au moyen de l’auto-organisation et éventuellement des conseils ouvriers qui marcheraient vers l’établissement du véritable communisme. Cette première politisation a été combattue avec succès par la classe dominante au cours des années 70, et le résultat a été qu’après la défaite de la grève de masse de 1980 en Pologne, de plus en plus d’ouvriers ont commencé à se tourner vers le modèle économique de type occidental, alors que dans les pays centraux d’Occident, les luttes des années 80 ont été de plus en plus caractérisées par une attitude fataliste de « rejeter la politique », ou de se positionner démonstrativement soi-même sur un strict terrain économique. Face à cette dépolitisation, l’espoir qu’avait le CCI dans les années 80 -celui que ces luttes économiques, en particulier la confrontation avec les syndicats, pourrait devenir le creuset d’une repolitisation, peut-être même à un niveau supérieur - ne s’est pas réalisé. La réalité de cette faillite de la repolitisation a été reconnue (à partir de la fin des années 80) par notre analyse de la décomposition, laquelle définit la nouvelle phase comme étant sans perspective. Si l’on en croit la résolution, le combat prolétarien, malgré tous les problèmes qu’il affronte, s’est au départ développé correctement avant d’être stoppé dans son élan par un événement historique mondial qui apparaît lui être extérieur : l’effondrement du bloc de l’Est. Vu comme ça, le CCI aujourd’hui affirme que les effets les plus accablants de cet événement sont voués à disparaître avec le temps, permettant à la classe en quelque sorte de poursuivre son parcours antérieur, une saine politisation liée à ses luttes défensives. L’organisation affirme qu’en comparaison avec les années 80, le processus de politisation sera poussé en avant par l’approfondissement de la crise économique, qui dans un premier temps contraint les ouvriers à lutter et leur fait perdre leurs illusions, leur ouvrant les yeux sur la réalité du capitalisme.

Au contraire, à mon avis, la principale faiblesse, déjà présente dans les années 80, n’était pas le niveau des luttes économiques, mais les niveaux politique et théorique. Ce que l’organisation semble avoir oublié, c’est qu’un accroissement du militantisme ouvrier n’est pas nécessairement accompagné d’un développement en étendue et en profondeur de la conscience au sein du prolétariat. Le fait que c’est même le contraire qui pourrait être le cas est clairement illustré par l’évolution de la situation sociale avant la Seconde Guerre mondiale. Dans de nombreux pays d’Europe occidentale (comme la France, la Belgique, les Pays-Bas et surtout en Espagne), mais aussi par exemple en Pologne et (encore plus important) aux États-Unis, la combativité ouvrière était bien plus développée au cours des années 30 qu’au cours de la décennie précédente : les dix ans qui ont suivi la première vague de la révolution mondiale étaient centrés sur la Russie et l’Europe centrale. L’une des principales explications de ce développement paradoxal est simple. Elle se trouve dans la brutalité de la crise économique, de la Grande Dépression, laquelle après 1929 a contraint les ouvriers à se défendre. Et malgré cette activité militante, le cours historique tendait vers une Seconde Guerre mondiale, et pas vers une intensification de la lutte de classe. Face à la contre-révolution en URSS et à l’échec de la révolution en Allemagne et ailleurs en Europe centrale, la combativité des ouvriers a reculé à un niveau mondial. Loin de bloquer le cours à la guerre mondiale, il a même été possible pour la classe dominante d’utiliser cette activité militante à ses propres fins, en particulier à travers l’« anti-fascisme » (« arrêter Hitler ») et pour défendre la soi-disant patrie du socialisme en URSS. Même les grèves extrêmement importantes et massives en Italie au cours de la Seconde Guerre mondiale n’ont pas été capables de se sortir de ce piège politico-idéologique. En Irlande du Nord, par exemple, il y a eu de très grandes grèves au cours de la Seconde Guerre mondiale, souvent centrées précisément sur l’industrie d’armements, les ouvriers reconnaissant là le renforcement de ce que les syndicats appelaient leur « pouvoir de négociation » précisément grâce à la guerre, mais malheureusement sans affaiblir de quelque façon que ce soit l’ambiance patriotique belliqueuse qui a également submergé ces travailleurs. En ce sens, même si c’est un facteur indispensable, le militantisme ouvrier seul est insuffisant que ce soit pour développer la politisation ou pour juger si le combat prolétarien avance ou pas. Tout ceci est illustré non seulement par l’expérience des années 30 et 80, mais aussi par l’actuelle situation. Bien entendu, nous avons vu ces dernières années se dérouler d’importantes luttes ouvrières de résistance. Bien entendu, nous en verrons d’autres dans la période à venir. Bien entendu, il y a même de bonnes chances que cette activité militante s’accroisse, vu la dégradation des conditions de vie et de travail du prolétariat qui, dans beaucoup de secteurs, prend une tournure dramatique (les effets de la crise économique), vu également les meilleures conditions de « négociation » dans d’autres secteurs en raison d’un dramatique manque de travailleurs suffisamment qualifiés (les effets de l’anarchie capitaliste). Et, oui, il y a de nombreux exemples, qui plus est qualitativement très convaincants dans l’histoire démontrant que les ouvriers peuvent répondre aux attaques, non seulement par une grande combativité, mais par un développement correspondant de conscience de classe (de 1848 à 1989, et la vague révolutionnaire qui a débuté au cours de la Première Guerre mondiale fut dans une importante mesure une réaction à la misère économique et sociale). Mais qu’en est-il des perspectives à plus court terme de la politisation prolétarienne dans la situation concrète actuelle ? Que les années 60 et le début des années 70 aient vu à la fois une effervescence de combativité et de conscience de classe ne prouve pas que la même chose se produit aujourd’hui, l’exemple des années 30 ou celui des années 80 prouvant le contraire. Aujourd’hui, le CCI se rassure lui-même en disant que le prolétariat mondial n’est pas prêt à marcher vers une Troisième Guerre mondiale - ce qui est vrai. Mais à ce niveau, la situation ne fait que ressembler à celle de l’après-1968, lorsqu’une nouvelle génération de prolétaires est devenue l’obstacle majeur à une telle guerre. À ce moment, deux blocs impérialistes rivaux s’étaient préparés, étaient prêts et capables de déchaîner une Troisième Guerre mondiale. Il n’y a aujourd’hui aucune préparation de ce type de la part de la classe dominante. Non seulement parce que le prolétariat ne veut pas aller vers une telle guerre, mais parce que la bourgeoisie elle-même n’a pas l’intention de faire marcher qui que ce soit vers une nouvelle guerre mondiale. Le but de la bourgeoisie chinoise, par exemple, est comment surpasser les États-Unis en évitant une guerre mondiale, du fait que ces derniers disposent d’une énorme supériorité militaire et qu’ils la conserveront probablement pour quelque temps encore. Le but de la bourgeoisie américaine, par exemple, dans sa tentative d’arrêter l’émergence de la Chine, est de l’empêcher de former un bloc militaire (en particulier avec la Russie), lequel augmenterait la probabilité qu'elle ose finalement déclencher une Troisième Guerre mondiale. Ainsi nous voyons que, à la différence de la situation au cours de la Guerre froide, aujourd’hui personne ne planifie de guerre mondiale. Au contraire, les différents capitaux nationaux, pour la plus grande partie, développent différentes stratégies dont les buts sont tous d’accroître leur propre influence et position, tout en évitant une Troisième Guerre mondiale. Mais l’une des questions que les révolutionnaires doivent se poser est de savoir si tout cela rend une Troisième Guerre mondiale moins probable qu’elle ne l’était durant la Guerre froide. La réponse du CCI est aujourd’hui affirmative : nous sommes mêmes allés jusqu’à parler de l’improbabilité d’une telle catastrophe. Je ne partage pas du tout cette idée. Je considère même qu’elle est très dangereuse - avant tout pour l’organisation elle-même. Comme je le vois, le danger d’une Troisième Guerre mondiale est aujourd’hui aussi grand, si ce n’est plus grand, que pendant les deux dernières décennies de la Guerre froide. Ainsi, le principal danger est précisément que les différentes manœuvres stratégiques et tactiques militaires censées éviter une conflagration mondiale vont y conduire. Sous cet éclairage, la question pour le prolétariat d’être prêt à marcher vers la Guerre mondiale ne peut plus être posée comme lors de la Guerre froide (c’est pourquoi le 23e Congrès du CCI avait raison de conclure que le concept que nous appelons cours historique n’est plus valable dans la situation actuelle). On peut être d’accord, par exemple, pour dire que le prolétariat des États-Unis n’est pas aujourd’hui prêt à envahir la Chine. Mais ne serait-il pas possible pour la bourgeoisie des États-Unis dans la situation présente, de gagner le soutien de la population à des « actions militaires dures » contre la Chine, apparemment et ostensiblement sous le seuil de la guerre mondiale. Il est je pense bien plus difficile de répondre à cette question, et la situation est plus difficile aussi pour un prolétariat politique plus vulnérable. Mais c’est la question que nous pose la situation historique, et pas celle, abstraite, d’être hypothétiquement prêt à aller vers la guerre mondiale. Cette dernière peut avoir lieu même si aucun des principaux acteurs n’en a l’intention : la tendance vers la guerre est enracinée bien plus profondément dans l’essence du capitalisme que le niveau des impulsions conscientes ou inconscientes de la classe dominante, cette dernière n’étant qu’un des facteurs les plus importants, et très loin d’être le seul. Il est de la plus haute importance politique de dépasser toute approche schématique, unilatérale de faire de l’existence de blocs impérialistes une précondition des affrontements militaires entre grandes puissances dans la situation actuelle. Pas seulement parce que le noyau d’une alliance militaire de plus long terme contre la Chine a déjà été créé par les États-Unis et l’Australie, dont la partie intérieure est actuellement leur accord « AUKUS » avec la Grande-Bretagne, et la partie extérieure leur coopération appelée « QUAD » avec le Japon et l’Inde. Mais avant tout parce que cela mène à d’autres facteurs d’importance similaire ou plus grande, dont un est que les principaux rivaux impérialistes sont gonflés à la fois de ressentiment et de soif de revanche. Dans le cas de la Chine, c’est l’orgueil blessé d’une grande puissance qui se sent humiliée par ses anciens maîtres coloniaux, qu’elle considère comme l’Occident barbare ou le Japon. On voit à quel point ces facteurs sont importants grâce à la situation après la Première Guerre mondiale, par exemple, lorsque de nombreux marxistes, après la défaite subie par l’impérialisme allemand, pensaient que la prochaine guerre mondiale aurait lieu entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, du fait qu’ils étaient les deux plus importantes des grandes puissances restantes. A l’opposé, au cours de la Première Guerre mondiale, Rosa Luxemburg avait déjà justement prédit que la constellation pour une Seconde Guerre mondiale se trouverait plutôt dans une sorte de continuation de la première, vu le degré de haine et l’envie de vengeance suscités par la première. Dans cette optique, il est hautement significatif que, ces dernières années, un ressentiment sorti des entrailles de la société bourgeoise soit en train d’engloutir les États-Unis, présentant une certaine ressemblance avec la haine instillée en Allemagne en conséquence de sa défaite au cours de la Première Guerre mondiale, et ce qui était ressenti comme « l’humiliation de Versailles » qui l’a suivie. L’exemple le plus frappant de ce phénomène aux États-Unis aujourd’hui est que, alors que l’Amérique, surtout depuis 1989, supporte le fardeau militaire et financier de la surveillance du globe, le reste du monde a saisi l’opportunité de poignarder son bienfaiteur dans le dos, en particulier au niveau économique, afin de supprimer des millions de « jobs américains ». Sur cette base a émergé une très vigoureuse « opinion publique » du rejet de « perdre des vies et des dollars américains » sous n’importe quel prétexte (que ce soit « aide humanitaire », « croisade démocratique » ou « construction d’une nation »). Derrière ce qui semble être une forte réaction anti-guerre, il y a malheureusement d’abord et avant tout bien sûr un virulent nationalisme américain, qui permet d’expliquer, non les retraits militaires d’abord de Syrie (sous Trump) puis d’Afghanistan (sous Biden) en soi, mais le caractère chaotique, de fuite en avant de ces évacuations : qui est capable de ramener au plus vite « nos gars et nos filles » de tels pays est devenu un important facteur de la furieuse lutte de pouvoir qui se développe au sein de la bourgeoisie américaine. Ce nationalisme représente un danger politique important pour le prolétariat des États-Unis du fait qu’il est capable de générer une importante force de gravité autour de belligérants aussi longtemps qu’il sera vu comme étant lui-même dirigé contre le « véritable » ennemi (non les Talibans, mais la Chine : celle qui est présentée comme la responsable de la destruction de l’industrie américaine). Rien de tout ceci ne signifie que le déchaînement des formes les plus destructrices de l’état de guerre capitaliste soit inévitable. Mais la tendance dans cette direction est inévitable, tant que le capitalisme poursuit son règne.

En ce qui concerne le rapport de force entre les classes, l’organisation a avancé que ma position est proche de celle du « modernisme ». Par modernisme, on entend, dans ce contexte, le souhait de remplacer la lutte des ouvriers par celle d’autres catégories (comme on l’a déjà postulé dans le passé, par exemple celle entre riches et pauvres, ou entre les donneurs d’ordre et les preneurs d’ordre) comme élément central dans la société bourgeoise moderne. Le terme « moderniste » a été utilisé par différents courants politiques de l’après-guerre pour se différencier de ce qu’ils considéraient être une conception révolue de la lutte ouvrière. D’un autre côté, il faut aussi noter que le rejet ou la sous-estimation des luttes ouvrières défensives est bien plus ancienne que le courant moderniste. Au XIXe siècle, les soutiens de Lassalle en Allemagne, par exemple, se prononçaient contre les grèves sur la base de la théorie lassallienne de la « loi d’airain des salaires », d’après laquelle aucune amélioration, même temporaire, de la condition ouvrière n’était possible par le biais des luttes salariales. Dans les années 1920, la Tendance d’Essen du groupe communiste de gauche KAPD, également en Allemagne, a commencé à rejeter la nécessité de la lutte ouvrière quotidienne avec l’argument que seule la révolution elle-même permet de défendre les intérêts de classe. On peut trouver beaucoup d’arguments différents, et même de tendances politiques qui remettent en question l’importance de la lutte ouvrière quotidienne, pas seulement le modernisme. Ce qu’elles ont toutes en commun, c’est la sous-estimation erronée et fatale du rôle de la lutte ouvrière quotidienne. Pour ma part, je ne partage ni les conceptions modernistes, ni celle de Lassalle ou de la Tendance d’Essen. Au contraire, je suis d’accord avec le reste du CCI sur l’importance de la dimension défensive de la lutte ouvrière. La divergence dans le CCI n’est pas de savoir si ces luttes sont importantes. Elle est de savoir quel rôle elles peuvent et doivent jouer dans une situation historique donnée. Nécessairement, une telle discussion doit se confronter, non seulement avec le potentiel de ces luttes, mais aussi avec leurs possibles limitations. La situation historique actuelle est caractérisée par le fait que le prolétariat mondial a perdu confiance dans sa boussole révolutionnaire et dans son identité de classe. Trouver une issue à ce dilemme est clairement la tâche centrale du prolétariat révolutionnaire aujourd’hui. Face à cette situation, le CCI se pose la question : quelles forces matérielles peuvent de façon réaliste montrer le chemin ? La réponse de l’organisation donnée aujourd’hui par l’organisation est que, avant tout, la lutte de classe quotidienne garde tout son potentiel. Cette réponse contient une part importante de vérité. Même si le monde entier en venait à partager l’idée que la lutte de classe prolétarienne est une chose du passé, non seulement elle est encore très vivante, mais elle est même indestructible tant que le capitalisme existe. Le CCI, néanmoins, a absolument raison de garder sa confiance dans la dynamique des antagonismes de classe, en contradiction avec le mode de production bourgeois, dans la souffrance du prolétariat causée par la crise capitaliste, dans la résilience de la réponse prolétarienne, tout ceci venant démontrer que nous vivons toujours dans une société de classes, dont les contradictions ne peuvent être résolues que par le dépassement du capitalisme par le prolétariat. Pour ma part, je ne critique pas du tout cette position. Ce que je critique est son caractère unilatéral, la sous-estimation de la dimension théorique de la lutte ouvrière. Sans la lutte de classe quotidienne, il n’y aura ni perspective communiste, ni identité de classe prolétarienne. Ceci étant dit, ni la perspective communiste, ni l’identité de classe ne sont le produit DIRECT de la lutte ouvrière immédiate. Ils en sont le produit indirect, en particulier si l’on prend en compte leur dimension théorique. La lutte de classe prolétarienne n’est pas une révolte plus ou moins aveugle, pas plus qu’elle ne réagit de façon simplement mécanique à la dégradation de sa situation, comme les chiens du professeur Pavlov. L’abstraction des relations capitalistes contraint le prolétariat à suivre le chemin indirect de la théorie afin d’être capable de comprendre et de dépasser la domination de classe. Non seulement la perspective du communisme, mais aussi l’identité de classe prolétarienne ont une dimension théorique essentielle que même les plus importants mouvements économiques et politiques, jusqu’à et y compris la grève de masse, peuvent accroître, mais ne pourront jamais remplacer. Forger à la fois une perspective révolutionnaire et une identité de classe adéquate est impossible sans l’arme du marxisme. C’était moins le cas au tout début du mouvement ouvrier parce que le capitalisme et la classe bourgeoise n’étaient pas encore complètement développés, la révolution prolétarienne n’était pas encore « à l’agenda de l’histoire ». Dans de telles conditions immatures, des versions du socialisme plus ou moins utopiques et/ou sectaires aidaient quand même la classe ouvrière à développer sa conscience révolutionnaire et une identité de classe propre. Dans les conditions du capitalisme d’État totalitaire décadent, ce n’est plus possible : les différentes versions non-marxistes de « l’anti-capitalisme » sont incapables de mettre le capitalisme en question, piégées qu’elles sont par leur propre logique. Mon insistance sur le caractère indispensable de cette dimension théorique a été mal comprise par l’organisation, comme une manifestation de dédain envers la lutte ouvrière quotidienne. La critique portée à mon encontre que je défendrais une conception « substitutionniste » de la lutte de classe est peut-être encore plus significative. Par « substitution », il est signifié que je défendrais soi-disant l’idée que le travail théorique de quelques centaines de Communistes de gauche (dans un monde occupé par plus de sept milliards d’habitants) peut, en lui-même, être une contribution essentielle pour retourner la tendance en faveur du prolétariat. Je pense en effet que le travail théorique est essentiel pour retourner la tendance. Mais ce travail doit être accompli, pas uniquement par quelques centaines de militants communistes seuls, mais par des millions de prolétaires. Le travail théorique est la tâche, non des révolutionnaires seuls, mais de la classe ouvrière comme un tout. Étant donné que le processus de développement du prolétariat est inégal, il est de la responsabilité particulière des couches les plus politisées du prolétariat de l’assumer ; des minorités, donc, oui, mais cela comprend potentiellement des millions d’ouvriers qui, loin de se substituer eux-mêmes à l’ensemble, pousseront pour impulser et stimuler plus avant les autres. Pour leur part, les révolutionnaires ont la tâche spécifique d’orienter et d’enrichir cette réflexion qui doit être accomplie par des millions. Cette responsabilité des révolutionnaires est au pire au moins aussi importante que celle d’intervenir dans des mouvements de grève, par exemple. Cependant, l’organisation a peut-être oublié que les masses prolétariennes sont capables de participer à ce travail de réflexion théorique. Cet oubli, il me semble, exprime une perte de confiance dans la capacité du prolétariat de trouver une voie de sortie de l’impasse où le capitalisme a piégé l’humanité. Cette perte de confiance s’exprime elle-même dans le rejet de toute idée que le prolétariat a subi des défaites politiques importantes au cours des décennies qui ont suivi 1968. Faute de cette confiance, nous finissons par minimiser l’importance de ces très graves revers politiques, en nous consolant avec les luttes défensives quotidiennes, vues comme le principal creuset de la voie à suivre, ce qui est à mes yeux une concession significative à une approche « économiciste » de la lutte de classe déjà critiquée par Lénine et Rosa Luxemburg au début du XXe siècle. La compréhension que le « prolétariat n’est pas vaincu », qui donnait une vision correcte et très importante dans les années 70 et 80, est devenue un article de foi, un dogme creux, qui empêche toute analyse sérieuse, scientifique du rapport de force. Dans un amendement au point 35, concernant le retour à la conscience en relation avec la question de la guerre, j’ai proposé l’ajout suivant (rejeté par le Congrès) : « Récemment, cependant, la situation a commencé à changer. Depuis que la rivalité États-Unis/Chine est devenue le principal antagonisme de l’impérialisme mondial, la possibilité s’ouvre que, à un moment dans le futur, le prolétariat commence à comprendre le caractère inexorable de l’impérialisme dans le capitalisme. Si la crise économique et la guerre ensemble peuvent, dans des circonstances favorables, contribuer à une politisation révolutionnaire, il est raisonnable de supposer que la combinaison des deux facteurs peut être plus efficace même que chacun d’entre eux seul. » La Commission d’Amendement du Congrès a écrit, pour s’expliquer, que « L’idée doit être rejetée, elle ne prend pas en compte que la bourgeoisie ne peut pas déclencher la guerre. »

Steinklopfer

 

1 "Divergences avec la résolution sur la situation internationale du 23e congrès [4]"

2 "Résolution sur la situation internationale (2021) [5]"

Rubrique: 

24e congrès du CCI

La révolution internationale n'a rien à voir avec les méthodes de la bourgeoisie et ses organisations d'extrême gauche!

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Le 1er mai dernier, le journal Le Monde a publié sur son site internet, dans la rubrique « Direct », la photographie reproduite ci-dessus, qui a été prise lors de la manifestation de Nantes, où des manifestants aident à dresser une banderole représentant différents personnages : un manifestant antiraciste de Black Lives Matter, un combattant kurde armé d’une kalachnikov, et des membres de black blocs anarchistes. Ces personnages sont censés personnifier la « Révolution internationale » !

La publication d’un slogan similaire au nom de la section du CCI en France, Révolution Internationale, n’a rien d’anodin. Cet amalgame permet à la presse bourgeoise d’assimiler la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière, et donc ses organisations révolutionnaires, à des éléments gauchistes et petits bourgeois, notamment les « casseurs » et les black blocs, dont les méthodes de violence aveugle et nihiliste n’ont absolument rien à voir avec la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. Nous le disons très clairement : ce n’est pas notre bannière !

Ce type d’amalgame ou d’assimilation, par lequel les organisations de la classe ouvrière sont frauduleusement assimilées à des groupes qui pratiquent le banditisme, la lutte armée ou le terrorisme, vise purement et simplement à criminaliser les organisations de la classe ouvrière comme le CCI, afin de mieux préparer et justifier la répression que l’État bourgeois leur infligera au moment qu’il choisira.

CCI

Récent et en cours: 

  • Black blocs [6]

Courants politiques: 

  • Gauchisme [7]

Questions théoriques: 

  • Terrorisme [8]

Rubrique: 

Bannière "Révolution Internationale" brandie par des gauchistes

La Gauche communiste sur la guerre en Ukraine

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Introduction du CCI

Nous publions ci-après un échange de courriers principalement entre les groupes de la Gauche communiste, depuis la première proposition d’écrire, de finaliser et de publier une Déclaration commune.

La correspondance au sein du mouvement marxiste a toujours été un aspect important de son développement et de son intervention dans la classe ouvrière. La Gauche communiste a poursuivi cette tradition. La correspondance ci-dessous est particulièrement significative parce qu’elle montre le processus de contact et de discussion entre les groupes constituant la Gauche communiste au sujet des principes et procédures permettant la mise en place d’une action commune comme la Déclaration commune sur la guerre en Ukraine.

Le fait que beaucoup de cette correspondance concerne le CCI et la Tendance Communiste Internationaliste (TCI) au sujet du refus de cette dernière de participer et de signer la Déclaration commune devrait aider les lecteurs à comprendre les arguments contradictoires concernant la motivation de cette Déclaration, les critères d’inclusion de groupes dans la Déclaration, la question de savoir comment aborder les différentes analyses de la situation impérialiste dans la Déclaration, et d’autres questions. Bien que la TCI ait mis fin à cet aspect de la correspondance, les questions vitales contenues dedans restent à clarifier et à débattre. (1)

Nous avons également inclus à la fin la correspondance avec deux groupes n’appartenant pas à la tradition de la Gauche communiste : le KRAS, un groupe anarcho-syndicaliste russe, et Perspective Communiste Internationaliste, un groupe coréen. Nous leurs avons demandé de soutenir la Déclaration commune du fait de leur rejet internationaliste de la guerre en Ukraine.

Par ailleurs, la correspondance est présentée dans l’ordre chronologique.


Le CCI aux groupes du Milieu Politique Prolétarien, 25/02/2022

Le CCI à :

– La TCI,

– Parti Communiste International (Programma Comunista)

– Parti Communiste International (Il Comunista)

– Istituto Onorato Damen

– Internationalist Voice

– Fil Rouge

 

Camarades,

La guerre impérialiste frappe à nouveau l’Europe à une échelle massive. Une fois de plus la guerre en Ukraine nous rappelle dramatiquement la véritable nature du capitalisme, un système dont les contradictions mènent inévitablement à des confrontations militaires et des massacres de populations, particulièrement des exploités. Depuis le début du XXe siècle, les organisations politiques du prolétariat ont, au-delà de leurs divergences, uni leurs forces pour dénoncer la guerre impérialiste et appeler le prolétariat de tous les pays à s’engager dans la bataille pour dépasser le système qui la génère, le capitalisme. Les Congrès de Stuttgart en 1907, de Bâle en 1912, les conférences de Zimmerwald en 1915 et Kienthal en 1916 ont ouvert la voie menant à la révolution communiste d’octobre 1917 en Russie et à la fin du carnage impérialiste.

Au cours des années 30 et du second carnage impérialiste mondial, c’est tout à l’honneur de la Gauche communiste d’avoir fermement brandi la bannière de l’internationalisme prolétarien face à ceux qui appelaient les prolétaires à se battre entre eux au nom de l’« anti-fascisme », la « défense de la démocratie » ou la « défense de la patrie du socialisme ». Aujourd’hui, il est de la responsabilité de ces groupes qui proclament appartenir à cette Gauche communiste de défendre fermement l’internationalisme prolétarien, et en particulier :

– de dénoncer les mensonges de tous les secteurs nationalistes de la classe dominante afin d’enrôler les prolétaires dans la guerre impérialiste, ou de les associer dans leurs politiques impérialistes en les appelant à prendre parti pour un camp impérialiste ou l’autre ;

– d’appeler les prolétaires du monde entier à refuser tous les sacrifices que la classe dominante et ses États veulent lui imposer, de mener la lutte de classe contre ce système qui les exploite férocement et voudrait en faire de la chair à canon ;

– de rappeler l’importance et l’actualité des vieux slogans du mouvement ouvrier : « les prolétaires n’ont pas de patrie ! » « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »

Nous sommes convaincus que votre organisation, comme nous, ne faillira pas à assumer sa responsabilité internationaliste face à l’actuelle guerre. Cependant, le CCI pense que l’affirmation de l’internationalisme aurait un impact plus important si les positions prises par chacun s’adossaient à une prise de position commune à nos organisations, basée sur les positions fondamentales que nous partageons tous. Nous vous appelons donc à accepter notre proposition et, si vous y êtes favorables, à contacter notre organisation aussi rapidement que possible afin de préparer cette prise de position commune.

Recevez, camarades, nos saluts communistes et internationalistes.


Il Programma au CCI, 01/03/2022

Chers amis,

Il n’est pas aujourd’hui temps de discuter, mais de mettre en pratique les directives inchangées et immuables de la préparation révolutionnaire : le travail pour préparer le défaitisme révolutionnaire, pour détacher la classe prolétarienne de l’hégémonie bourgeoise et petite-bourgeoise et, en perspective, de transformer la guerre impérialiste en guerre civile.

Sincèrement vôtres,

Programme Communiste


TCI au CCI, 02/03/2022

Camarades,

Nous avons discuté votre proposition. Personne ne peut être en désaccord avec la volonté des organisations de la Gauche communiste de répondre au nouveau et toujours plus dangereux cours qu’a maintenant pris le monde impérialiste, et nous y avons déjà nous-mêmes répondu de diverses manières.

Nous ne sommes pas non plus en désaccord avec votre vision des positions prolétariennes de base.

« - de dénoncer les mensonges de tous les secteurs nationalistes de la classe dominante afin d’enrôler les prolétaires dans la guerre impérialiste, ou de les associer dans leurs politiques impérialistes en les appelant à prendre parti pour un camp impérialiste ou l’autre ;

– d’appeler les prolétaires du monde entier à refuser tous les sacrifices que la classe dominante et ses États veulent lui imposer, de mener la lutte de classe contre ce système qui les exploite férocement et voudrait en faire de la chair à canon ;

– de rappeler l’importance et l’actualité des vieux slogans du mouvement ouvrier : « les prolétaires n’ont pas de patrie ! » « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »

Cependant, nous devons chercher à aller plus loin que ces points importants de propagande. Par le passé, nous avons toujours constaté que nos perspectives entièrement différentes rendaient impossible toute déclaration commune, et ce phénomène s’est accentué au fil du temps. Par conséquent, bien que nous ne soyons pas par principe opposés à une forme quelconque de prise de position commune, nous nous trouverons face au même vieux problème. La question est : où en êtes-vous aujourd’hui sur ces perspectives ? Est-ce qu’elles nous permettront de produire un document significatif pouvant constituer un guide pour l’action ? Notre seconde question est : à qui d’autre avez-vous proposé cette initiative conjointe ? Nous savons que tous les partis bordiguistes non seulement la refuseront, mais prendront plaisir à nous répéter qu’ils sont LE parti. Et cela peut vouloir dire qu’il est ainsi nécessaire de voir au-delà de la « Gauche communiste » (qui malgré notre récent accroissement reste malheureusement petite), mais vers ceux qui partagent notre perspective de classe, sinon notre politique précise. Le slogan de « No War But the Class War », non seulement pose cette question pour d’autres groupes politique, mais les tire en avant vers la perspective de la Gauche communiste. Plus important, c’est un appel au combat pour la classe ouvrière dans son ensemble, liant comme elle le fait la lutte contre les attaques quotidiennes du capitalisme avec l’épouvantable futur que le capitalisme nous prépare. Un futur qui semble maintenant plus proche que jamais.

Nous avons fait circuler l’annonce de réunion parmi tous les camarades.

Saluts internationalistes

Le Bureau International de la TCI


Réponse d’Internationalist Voice, 03/03/2022

Chers camarades !

Nous saluons votre initiative de faire une déclaration commune sur la guerre et sommes d’accord avec vous qu’une déclaration commune aurait un impact plus important. Cependant, un point essentiel pour nous est de savoir qui a reçu cette lettre, et nous pouvons vous croire que seuls des révolutionnaires l’ont reçu.

Une déclaration a déjà été publiée ; voir en annexe, et la version anglaise sera bientôt disponible.

Saluts internationalistes,

Internationalist Voice


Lettre de l’Institut Onorato Damen, 03/03/2022

Camarades,

Nous saluons votre proposition.

Nous pensons, comme vous, que les communistes internationalistes du monde entier ont la responsabilité de clarifier les causes de la guerre impérialiste et de prendre position sur la guerre.

Notre organisation croit que la perspective politique communiste, basée sur l’internationalisme prolétarien, le défaitisme révolutionnaire et le rejet de tous les camps impérialistes, représente de plus en plus la seule réponse possible de la classe ouvrière au carnage impérialiste et à la barbarie capitaliste. C’est la seule possibilité de futur pour l’humanité, dans une société qui sera finalement humaine : la société communiste.

Nous saluons l’idée que les révolutionnaires, au-delà des divergences entre organisations, doivent être unis pour dénoncer la guerre impérialiste et soutenir le prolétariat mondial dans la perspective d’une révolution communiste internationale.

Notre organisation est ainsi d’accord pour préparer une déclaration commune, soutenue par différents groupes communistes révolutionnaires internationalistes, en plus des prises de positions et analyse que chaque organisation publiera indépendamment.

Cela devrait représenter une voix internationaliste plus forte ; nous pensons également que cela pourrait représenter un pas en avant sur la route de la confrontation franche et fraternelle entre communistes, dans la perspective de construire le futur Parti communiste mondial, sur la base de la clarté programmatique.

En ce qui concerne comment préparer cette déclaration commune, nous suggérons que le CCI prépare une proposition sur la façon de travailler ensemble.

Avec nos saluts communistes fraternels,

IOD


Le CCI au Milieu Politique Prolétarien concernant l’appel, 13/03/2022

Le CCI à :

Tendance Communiste Internationaliste

PCI (Programma Comunista)

PCI (Il Comunista)

PCI (Il Partito Comunista)

Institut Onorato Damen

Internationalist Voice

PCI (Le Prolétaire)

 

Chers camarades,

Nous écrivons suite à notre lettre du 25 février 2022 proposant une prise de position publique commune sur les principes internationalistes fondamentaux contre la guerre en Ukraine partagés par la tradition de la Gauche communiste dans son ensemble. Nous avons reçu un soutien positif à notre proposition de la part de l’Institut Onorato Damen et d’Internationalist Voice. La Tendance Communiste Internationaliste a également répondu positivement aux principes généraux que nous avions proposé pour la déclaration, mais a quelques questions concernant l’analyse de la situation, les groupes invités et la possibilité de mener d’autres initiatives communes. Le PCI (Programma) a fait une courte réponse rejetant notre proposition, en disant que « c’est le temps d’agir, pas de parler ». Les autres groupes invités n’ont pour l’instant pas répondu.

La principale tâche de la Gauche communiste aujourd’hui est de parler d’une voix unitaire des principes internationalistes fondamentaux de notre tradition en ce qui concerne la nature impérialiste de la guerre, la dénonciation des illusions pacifistes et la perspective alternative de la lutte de la classe ouvrière menant au dépassement du capitalisme. Nous devons défendre la seule tradition politique qui a maintenu ces principes à l’épreuve du feu dans le passé.

À notre avis, la fonction de cette prise de position n’est par conséquent pas d’aller en profondeur dans l’analyse de la situation, sur laquelle il y a sans doute des divergences d’appréciations entre les organisations se réclamant de la Gauche communiste ; nous ne pensons pas non plus que la déclaration soit le lieu pour aborder la question d’autres initiatives communes. Une prise de position commune par les groupes de la Gauche communiste ne serait en aucun cas un obstacle pour discuter des divergences et approches alternatives dans d’autres contextes.

Les camarades d’IOD ont suggéré que le CCI rédige la déclaration commune. Afin d’accélérer le processus, nous avons accepté cette suggestion et le projet d’appel est mis en lien avec cette lettre. Nous avons essayé de présenter les principes internationalistes d’une façon que tous les signataires peuvent accepter. Cependant, toute proposition des camarades de formulation alternative à celles du texte est bienvenue afin de réaliser l’objectif commun de la déclaration. Mais nous espérons que les camarades, considérant que le temps est compté, se limiteront d’eux-mêmes aux modifications qu’ils considèreront essentielles pour remplir l’objectif commun, pour qu’une version définitive soit rapidement produite.

Nous sommes confiants que la déclaration commune de la Gauche communiste permettra aujourd’hui de faire connaître plus largement ces principes et cette tradition au sein de la classe ouvrière.

Nous attendons une réponse rapide de votre part.

Saluts communistes,

Le CCI


La TCI au CCI, 21/03/2022

Sur la proposition de déclaration commune sur la guerre en Ukraine

Camarades,

Merci de l’envoi du projet d’appel et de nous avoir informés qui en serait signataire. De façon regrettable, nous devons vous dire que nous ne pouvons être d’accord.

Le projet proposé contient plusieurs lacunes (ainsi que des erreurs factuelles que nous laisserons de côté pour l’instant) et n’est pas adéquat en tant que guide politique pour montrer à la classe ouvrière comment lutter contre la guerre. En premier lieu il ne s’intéresse pas à la signification réelle de cette guerre en ce moment particulier. Il lui manque également une analyse cohérente de ce qui se passe actuellement. En tant que tel, il ne propose aucune perspective. C’est une pure déclaration de papier et nous avons besoin d’offrir plus que cela. Comme Lénine l’a dit il y a longtemps, « sans théorie révolutionnaire, pas de pratique révolutionnaire ».

Un exemple de cette faiblesse est le fait que ce projet de déclaration fait référence au fait que « la classe ouvrière mondiale ne peut que développer sa lutte contre la dégradation des salaires et des conditions de vie », mais ne dit pas comment, alors que depuis des décennies c’est le contraire, la lutte de classe doit maintenant revivre. Ce qui lie l’actuelle guerre et les attaques continues sur les conditions de vie des ouvriers, c’est la crise économique capitaliste qui après 50 ans reste insoluble. Cette guerre est une nouvelle et claire indication que les options strictement économiques s’épuisent pour le capitalisme, et le monde est bien plutôt engagé sur la route inter-impérialiste de l’ultime « solution ». Il n’est pas question dans le projet d’un nouveau et dangereux départ dans l’histoire du capitalisme (confirmé, par exemple, par l’absence de toute référence à la Chine et au fait que la guerre en Ukraine a permis de définir un alignement impérialiste plus clair à un niveau général).

Cette intemporalité abstraite face à une réalité qui émerge est renforcée par de longs passages sur l’histoire de la Gauche communiste. Aussi inattaquables que soient les détails, nous ne vivons pas dans le même monde que nos prédécesseurs, et ce document transpire le sentiment d’avoir été écrit pour « le milieu » comme vous l’appelez. La Gauche communiste peut avoir une histoire fondée sur des principes d’opposition à la guerre dont nous pouvons être fiers, mais comme la déclaration l’admet à la fin, nous n’avons que peu d’influence sur la classe aujourd’hui. Dans notre situation actuelle d’obscurité politique, pensez-vous qu’annoncer que : « aujourd’hui, face à l’accélération du conflit impérialiste en Europe, les organisations de la Gauche communiste ont le devoir de lever la bannière de l’internationalisme prolétarien conséquent, et de fournir un point de référence pour tous ceux qui cherchent les principes de la classe ouvrière » soit à même d’étendre notre influence ? Nous ne vivons plus à l’époque de la Seconde ou de la Troisième Internationale lorsqu’il y avait une masse qui suivait, ce qui s’est terminé par des ouvriers trahis et a mené à la guerre impérialiste. Notre tâche n’est pas de réagir aux trahisons historiques des Internationales supposément ouvrières, mais de continuer à poser les bases d’une nouvelle Internationale. Nous avons la tâche bien plus difficile de reconstruire de zéro.

Ce qui nous amène à votre liste de potentiels signataires. Elle est vraiment courte, et même plus courte encore qu’elle le paraît, du fait que nous savons tous que chaque parti « bordiguiste » se considère lui-même comme le seul parti international possible. Vous ne développez pas pourquoi cette sélection est aussi étroite parmi les groupes de la Gauche communiste, mais sur votre site Internet nous pouvons le trouver.

« Controverses, GIGC, Perspective Internationaliste, Matériaux Critiques et quelques autres appartiennent au milieu parasite et n’ont rien à voir avec l’internationalisme prolétarien, même s’ils écrivent dessus et même s’ils mettent exactement la même position en avant. Leur activité est caractérisée par le sabotage des activités communistes et se trouve sur le chemin de toute possibilité d’action unitaire de l’authentique Gauche communiste. Les groupes qui appartiennent à la Gauche communiste sont Il Partito Comunista, Il Programma Comunista, l’Institut Onorato Damen, Programme Communiste, la Tendance Communiste Internationaliste et Internationalist Voice. » Donc ce que vous nous demandez est de signer votre propre définition de qui est ou n’est pas dans la Gauche communiste, et en plus, votre idée ancienne que toute organisation formée par ceux qui ont quitté le CCI doivent être coupable de « parasitisme ». Nous avons depuis longtemps critiqué cette étiquette destructrice. Nous avons également critiqué ces groupes à l’occasion, mais toujours dans des termes politiques dans un but de clarification, pas avec une étiquette visant à détruire leur droit à l’existence.

Dans tous les cas, votre proposition est trop étroite. Même si nous étions d’accord sur qui fait partie de la Gauche communiste, nous n’avons pas le monopole de la vérité sur le sujet. L’influence des idées internationalistes (souvent comme résultat de tous nos efforts passés pour promouvoir l’internationalisme) a pénétré des organisations politiques venant de différentes traditions. Dans cette situation, nous devrions tenter de les tirer vers un mouvement plus vaste contre la guerre.

D’une certaine façon le débat est une répétition de celui que le CCI a mené en Grande-Bretagne avec la CWO sur la promotion de No War But the Class War en tant que corps organisé de résistance de classe à la guerre. En effet, à l’époque nous étions tout aussi critiques de votre approche étroite que nous le sommes maintenant. La CWO écrivait alors que nous reconnaissions : « l’absolue faiblesse des forces communistes dans le monde et notamment en Grande-Bretagne. À l’inverse du CCI, nous ne nous gonflons pas nous-mêmes par des auto-descriptions d’un mouvement international qui a survécu plus longtemps qu’aucune des trois Internationales dans l’histoire du mouvement ouvrier. Nous reconnaissons notre tâche centrale de sauvegarder et de développer la théorie et la pratique communistes mais c’est une tâche impossible si nous restons isolés et introvertis.

Les communistes ne peuvent se défendre et enrichir leur programme et leur organisation qu’en interagissant avec la réalité sociale. Nous devons reconnaître l’actualité du développement des forces, et développer la théorie et la pratique en fonction de ce développement. Cela s’applique à la fois aux développements sous-jacents dans l’économie mondiale et ces éléments qui sont pris dans toutes sortes de mouvements sociaux et sont réceptifs au programme communiste ». (voir https://www.leftcom.org/en/articles/2002-12-01/communism-against-the-war… [9]

Aujourd’hui, la TCI voit la promotion de cette forme d’organisation à un niveau international comme le meilleur moyen de contribuer à un véritable mouvement de classe contre les guerres que ce système produit inévitablement. Et comme nous l’avons dit auparavant, il n’est pas suffisant de faire des déclarations de papier (même si elles sont un début nécessaire), nous devons trouver des moyens de toucher l’ensemble de la classe ouvrière, et certainement de nous engager avec ses éléments les plus concernés. Il ne reste pas beaucoup de temps et, vu les quatre décennies de recul de la classe, il y a d’énormes défis à affronter. Une nouvelle génération vient vers la Gauche communiste au fur et à mesure que la crise monte et nous devons lui donner quelque chose qu’elle peut utiliser pour construire un véritable mouvement. Cela signifie que nous avons besoin de quelque chose de plus clair et concret que la proposition que vous mettez aujourd’hui en avant.

Saluts internationalistes

Le Bureau International de la Tendance Communiste Internationaliste


Le CCI à la TCI, 22/04/2022

Chers camarades,

Le CCI est d’accord avec les principes internationalistes fondamentaux contenus dans l’appel de No War but the Class War sur la guerre en Ukraine. Puisqu’il est demandé à ceux qui sont globalement d’accord de répondre à l’appel, nous voudrions souligner notre soutien avec les principes de la Gauche communiste qu’il contient :

– la guerre en Ukraine est de nature entièrement impérialiste et aucunement une guerre de défense nationale. La classe ouvrière ne doit pas soutenir quelque camp que ce soit dans ce carnage dont elle est la principale victime ;

– la présente période de guerres impérialistes du capitalisme, matérialisée par la guerre en Ukraine, nous rapproche de l’extinction de l’humanité ;

– seul le dépassement du capitalisme peut mettre fin aux guerres impérialistes. Les illusions pacifistes en un capitalisme paisible masquent que la perspective révolutionnaire de la classe ouvrière est la seule solution face à l’impérialisme ;

– la route vers la révolution prolétarienne ne peut être basée que sur la lutte de la classe ouvrière pour défendre ses conditions de vie (et contre les syndicats comme vous le soulignez), et l’engagement dans le processus qui mène à la formation du parti politique international de la classe ouvrière. Ce processus exclut nécessairement les traditions contre-révolutionnaires sociale-démocrate, stalinienne et trotskyste.

Après avoir affirmé notre accord fondamental sur ces questions, il y a un problème lié à l’appel de la TCI qu’il est important de clarifier : vu l’accord étroit sur la question des principes internationalistes exprimé dans l’appel de la TCI, il était parfaitement possible pour elle de signer la Déclaration commune des groupes de la Gauche communiste (publiée sur les sites des signataires), qui était basée sur ces véritables principes et laisser de côté les désaccords secondaires entre les groupes. La Déclaration commune, du point de vue des principes internationalistes, pourrait être signée par la TCI, même si votre organisation trouve qu’elle est en elle-même insuffisante pour la lutte contre la guerre impérialiste (nous reviendrons en détail sur les raisons que vous mentionnez dans votre lettre de refuser de signer cette Déclaration).

Peut-être pensez-vous qu’il n’est pas approprié de se référer dans un tel appel à l’expérience et à la tradition du mouvement ouvrier depuis la Conférence de Zimmerwald, et en particulier à la tradition de la Gauche communiste. Si tel est le cas, pourriez-vous nous dire pourquoi ? Si, au contraire, vous considérez valide cette préoccupation d’y inscrire la position des internationalistes sur la guerre en Ukraine en continuité avec celle de nos prédécesseurs, nous ne voyons pas, sur la base des positions internationalistes claires que nous partageons, pourquoi vous ne pourriez pas soutenir la Déclaration commune des groupes de la Gauche communiste.

Peut-être la proposition originelle d’une Déclaration conjointe que nous vous avons envoyée était-elle insuffisamment claire sur le point qu’elle ne cherche pas à être une initiative exclusive contre la guerre impérialiste. Comme les comités NWCW que vous proposez dans votre appel par exemple, les signataires peuvent avoir d’autres activités avec lesquelles les autres signataires ne sont pas d’accord, ou dont les modalités et objectifs ne leur sont pas clairs.

Les signataires pouvaient également être en désaccord sur leur analyse de la situation mondiale, mais ils étaient néanmoins d’accord sur le fait que le capitalisme n’a d’autre alternative que de sombrer dans la barbarie.

Mais un important besoin dans la situation est de faire une Déclaration commune et donc d’affirmer plus fortement l’internationalisme de la Gauche communiste. Bien entendu, ces principes communs pourraient être reformulés ou renforcés par rapport au projet proposé (comme ils ont été discutés avec IOD), et les critères pour les groupes signant la Déclaration pourraient être discutés.

Nous vous demandons donc de reconsidérer votre refus de signer la Déclaration Commune.

En ce moment, l’appel rendu public de la TCI apparaît comme une mise en concurrence avec la Déclaration commune, et ceux qui s’approchent des positions internationalistes de classe de la Gauche communiste seront confrontés à deux « unités » d’appels face à la guerre, séparées et rivales.

Pouvons-nous être d’accord au moins sur un point : que cette situation ambiguë est une faiblesse de tout le camp internationaliste ?

Nous allons examiner vos suggestions pour essayer de résoudre ce problème.

Saluts communistes,

Le CCI


La TCI au CCI, 24/04/2022

Camarades,

Si vous êtes réellement sérieux dans votre tentative de nous persuader de signer votre déclaration, vous n’êtes pas sur la bonne voie.

En premier lieu, vous n’abordez pas le point principal de notre décision de refuser de signer le document qui est que nous n’acceptons pas votre définition étroite de qui peut le faire et qui ne le peut pas au sein du « milieu ». Nous n’avons jamais été d’accord avec votre idée de « parasitisme » et nous ne souhaitons pas même implicitement l’approuver.

Nous notons également que vous acceptez les principes de l’appel de NWCW, mais le but de NWCW n’est pas simplement de s’adresser à la Gauche communiste, mais de rassembler de façon pratique tous ceux et toutes les organisations réellement internationalistes et contre la guerre impérialiste. Nous approchons d’un point critique dans l’histoire mondiale où le système capitaliste a pris un tournant décisif vers des conflits nouveaux et plus larges. Prendre position en se basant sur les positions internationalistes est un point de départ nécessaire, mais le but est d’aller plus loin que la simple affirmation des principes. Nous avons besoin de créer un mouvement au sein de la classe ouvrière la plus large qui prépare la voie pour une réponse politique aux horreurs que le système impose déjà à certains ouvriers et qu’il imposera finalement à tous. Nous notons que la version de la déclaration que vous nous avez demandé de signer n’est pas la version actuellement sur votre site Internet. Nous avons mis en ligne cette version avec les signatures des autres organisations le 6 avril. Aujourd’hui la version sur votre site a été modifiée. Sans la phrase que nous avions critiquée dans notre précédente réponse qui stipulait que : « seules les organisations de la Gauche communiste ont le droit de lever la bannière de l’internationalisme prolétarien conséquent. »

La phrase qui stipulait que : « le combat continu, conscient de la classe ouvrière contre l’austérité qui s’accroît du fait de la guerre impérialiste est donc aujourd’hui le seule obstacle sérieux à l’accélération du militarisme » a également été supprimée.

Il n’y a eu aucune confirmation de cela, et nous ne savons pas si les groupes qui ont signé la déclaration le 6 avril ont été consultés sur ces modifications. Il est difficile d’avoir un dialogue sérieux si les conditions du débat ne cessent de changer.

Dans tous les cas, notre position sur la signature de la « déclaration commune » reste la même.

Saluts internationalistes,

La TCI


Le CCI à la TCI, 29/04/2022

Chers camarades,

Merci pour votre réponse du 24 avril. Nous regrettons que vous refusiez toujours de signer la Déclaration commune de la Gauche communiste sur la guerre en Ukraine.

Vous remarquez que la version finale de la Déclaration commune de la Gauche communiste n’est pas tout-à-fait la même que le projet que nous vous avons envoyé le 13 mars à vous et à d’autres groupes pour approbation. Dans cette dernière correspondance, nous avons demandé aux groupes de la Gauche communiste des commentaires et des formulations alternatives au projet, il est donc tout à fait normal et logique que ces discussions aient amené des modifications du projet avec les co-signataires, afin d’être d’accord sur une version finale de la Déclaration. Évidemment, les co-signataires ont été consultés et la version finale modifiée est le résultat d’une discussion commune. Vous auriez pu participer à ce processus d’amendements communs mais vous vous êtes prononcés contre l’idée d’une déclaration conjointe dans la lettre que vous nous avez envoyée le 21 mars (au passage, nous notons que le premier appel de No War but the Class War daté du 6 avril sur le site web de la TCI comportait douze points d’accord, tandis que le second du 23 avril n’en a plus que cinq. Qu’est-il arrivé aux sept autres ?).

Évidemment, nous n’avons pas cherché à publier le projet initial de Déclaration commune de la Gauche communiste ; tout l’enjeu pour une Déclaration commune, c’est que les co-signataires soient d’accord sur une version finale avant sa publication, en tant qu’expression de leur action commune. Il n’existe donc pas de « changement » comme vous le prétendez dans les termes du débat. Les termes sont restés les mêmes depuis la première lettre proposant une Déclaration commune jusqu’à sa réalisation finale. En tous les cas, vous admettez que vous n’auriez de toute façon pas signé la Déclaration commune, aussi ces modifications entre le projet et la version finale ne sont pas la raison de votre refus de la signer.

Mais quelles sont donc les raisons de votre refus de signer la Déclaration Commune ? Votre lettre reste assez obscure sur ce point fondamental.

Votre lettre évoque la motivation de la TCI derrière l’appel de No War but the Class War. Quels que soient les mérites qu’ait cet appel – nous sommes d’accord avec les principes internationalistes sur lesquels il se base – ou ses faiblesses, il était et reste parfaitement possible pour la TCI de signer aussi la Déclaration Commune, qui contient les mêmes principes internationalistes. Le groupe coréen Perspective Communiste Internationaliste a montré en pratique le recours à cette option. Mais votre lettre ne répond pas à cette possibilité que posait votre lettre précédente. Pas plus qu’elle ne répond au problème posé par l’existence de deux appels internationalistes qui peuvent apparaître comme une compétition entre eux. Le besoin fondamental du camp révolutionnaire n’est pas pour les groupes de la Gauche communiste de juste produire des prises de position internationalistes séparément, mais d’unir leurs forces dans l’esprit de Zimmerwald et de l’unité prolétarienne en action. Pourquoi rejetez-vous résolument ces principes fondamentaux ?

La conception du milieu de la Gauche communiste derrière la Déclaration Commune est trop étroite pour vous. Était-ce réellement pour laisser de côté de faux groupes de la Gauche communiste et des bloggeurs qui préfèrent attaquer ce milieu plutôt que d’attaquer la bourgeoisie impérialiste, que vous avez refusé de signer la Déclaration Commune ? Bien que n’étant pas d’accord avec la qualification de « parasite » de cette fausse Gauche communiste, vous avez néanmoins reconnu son rôle négatif dans une récente correspondance avec le CCI. Donc, le rejet du terme « parasite » n’est pas une raison suffisante pour éluder l’importante responsabilité d’aider à unifier la véritable Gauche communiste contre la guerre impérialiste.

Finalement, vous dites que nous prenons la « mauvaise voie » pour vous persuader de signer la Déclaration Commune. Dites-nous s’il vous plaît quelle serait la « bonne voie » pour vous en persuader.

Saluts communistes,

Le CCI


La TCI au CCI, 30/04/2022

Camarades,

Nous avons clairement expliqué dans notre précédente correspondance que, malgré le fait que nous soutenons toute déclaration internationaliste contre la guerre, votre Appel est défini par l’étroitesse de son but. Non seulement vous excluez tous les groupes que vous considérez « parasites », mais le document initial disait que « seules les organisations de la Gauche communiste ont le droit de lever haut la bannière de l’internationalisme prolétarien conséquent », et c’est la version que vous avez publiée le 6 avril. Maintenant vous prétendez que votre Appel vient de la « Gauche communiste », ce qui vous place au même niveau que les bordiguistes.

Nous ne pensons pas que vous partagez notre préoccupation concernant la gravité de la présente situation. Nous notons qu’il y a un article sur votre site qui avance qu’il n’y aura pas de guerre impérialiste généralisée tant « que les blocs n’auront pas été formés » (voir https://en.internationalism.org/content/17151/ruling-class-demands-sacrifices-altar-war [10]). Le monde a pris un tournant décisif vers la guerre impérialiste, ce que la Gauche communiste savait être l’issue de cette longue crise du cycle d’accumulation du capital. Même si elle fait la paix avec l’Ukraine (ce qui semble de moins en moins probable), il ne s’agira que d’une trêve. Les contradictions croissantes du système dictent maintenant le cours que le capitalisme impérialiste nous fait prendre. Ça a pris plus longtemps que nous le pensions tous, mais ce n’est pas la seule question d’importance. Comme nous l’avons dit dans notre Appel à l’action, la classe ouvrière subit un recul depuis des décennies, et, comme nous l’avions prévu, aucun mouvement de masse pour l’instant ne pourrait mener à une convergence théorique de vues pouvant produire une nouvelle internationale viable. Notre idée autour de NWCW est d’essayer de donner aux internationalistes de toutes tendances la capacité de résister d’une façon pratique à la fois à la guerre impérialiste et à toutes les fausses réponses de la gauche capitaliste (y compris le pacifisme), tout autant que d’étendre le plus largement au sein de la classe ouvrière la critique internationaliste du capitalisme comme initiateur des guerres impérialistes. En bref, tandis que votre appel regarde vers l’intérieur, nous cherchons à regarder à l’extérieur.

Nous ne souhaitons pas être associés de quelque façon que ce soit à votre vision de longue date que certains autres groupes seraient des « parasites », et il est malhonnête de votre part de même sous-entendre que nous partagerions votre vision sur ce point. Nous avons émis des critiques envers d’autres groupes du camp prolétarien, mais sur des questions précises (comme l’idée que la classe ouvrière empêcherait la guerre, par exemple), mais nous ne leur dénions pas le droit à l’existence politique ou ne croyons pas, comme vous le dites dans votre lettre, qu’il seraient « faux ». De la même façon, nous ne jugeons pas les autres groupes comme vous le faites. L’ICP coréen peut prendre ses propres décisions sur ce qu’il veut faire et nous avons accepté l’explication qu’il nous a donnée pour signer votre Appel. L’élément important est qu’il a ainsi pu voir la véritable valeur de tenter de développer une opposition à la guerre et au capitalisme de la façon la plus large possible. A cet égard, nous ne nous attendons pas à ce que tout le monde soit d’accord avec l’ensemble des douze points de notre « Appel à l’action », étant donné qu’il s’agit notamment de la raison pour laquelle la TCI a demandé la création du comité NWCW. Cependant, comme en 2002 avec les groupes NWCW de la CWO contre la guerre en Irak, nous avons toujours eu un ensemble opérant de critères internationalistes qui devaient permettre à d’autres de nous rejoindre. Bien sûr, si nous insistions pour que tous soient exactement d’accord avec la façon dont la TCI voit le monde, nous répéterions votre erreur.

C’est notre dernier mot sur le sujet. Tant que vous ne voudrez considérer qu’un petit nombre de personnes dignes d’être reconnues, il n’y aura pour nous rien à ajouter. Par contraste, nous avons mis en place un Appel à l’action qui donne à tout internationaliste la possibilité de répondre. En ce sens, nous pouvons en fait faire un petit pas en avant au mouvement internationaliste de classe réel contre le Capital avant qu’il ne soit trop tard pour l’humanité.

Saluts internationalistes,

La TCI


Le CCI à la TCI, 16/05/2022

Camarades,

Malheureusement, votre toute dernière lettre (du 30 avril) ne permet à nouveau pas d’expliquer correctement pourquoi la TCI refuse toujours de signer la Déclaration Commune des groupes de la Gauche communiste sur la guerre en Ukraine, même si votre organisation, en tant que partie de la Gauche communiste, appuie les principes prolétariens internationalistes de la Déclaration.

Nous comprenons que la TCI veuille un « Appel à l’action » contre la guerre impérialiste, mais nous ne comprenons pas pourquoi, en ce qui concerne une position commune du camp de la Gauche communiste, la TCI reste inactive.

Votre organisation veut un « large » appel opposé à « l’étroitesse » de la Déclaration Commune. Mais en refusant de signer la Déclaration Commune, vous avez réduit l’impact d’une prise de position commune de la Gauche communiste.

Pire, parce que la TCI refuse de signer la Déclaration Commune, l’appel de No War But the Class War de la TCI paraît mettre en œuvre une compétition au sein de la Gauche communiste. Nous vous avons demandé votre réponse à ce problème dans nos précédentes lettres, mais pour l’instant aucune réponse sur ce point ne nous est parvenue.

L’« Appel à l’action » de la TCI, si on en juge par votre dernière lettre, semble gagner en flexibilité : ceux qui sont d’accord avec lui n’ont pas besoin de l’être avec tous les douze points, ce qui offre à la TCI un « ensemble fonctionnel de critères internationalistes ». Mais envers les groupes de la Gauche communiste, la TCI est implacablement rigide dans son refus d’une prise de position commune.

Vous prétendez à nouveau avoir été trompés sur le contenu de la Déclaration Commune. La réalité, c’est que vous avez refusé le processus de révision du projet de prise de position qui vous était proposé quand il vous a été envoyé pour des formulations alternatives. Le véritable problème pour vous n’était pas telle ou telle formulation, mais la volonté d’avoir une Déclaration commune, le véritable principe d’un effort commun, que vous avez décliné.

A nouveau, les différences de la TCI sur l’analyse de la situation mondiale nous sont présentées comme la justification de votre refus. Mais les différences d’interprétation des événements récents ne sont pas un obstacle pour faire une prise de position commune que la Gauche communiste partage concernant la banqueroute du capitalisme mondial et le caractère inévitable de l’extension et de l’intensification de la guerre impérialiste. La Déclaration commune qui défend les axes communs fondamentaux de l’analyse de l’impérialisme mondial par la Gauche communiste n’exclut pas un débat ultérieur sur les différences d’interprétation de ces axes. Au contraire, la Déclaration commune est la base d’un tel débat, une précondition vitale.

Si l’on vous suit, la définition de la Gauche communiste dans le projet de la Déclaration commune était trop restrictive et par conséquent impossible à signer parce qu’elle exclut les blogueurs parasites et les prétendus groupes politiques qui se réclament mensongèrement de cette tradition. Mais la TCI met en question l’inclusion dans la proposition originelle de la Déclaration commune des Partis bordiguistes, qui sont un élément important de la véritable tradition de la Gauche communiste, avec lesquels vous partagez une origine commune. L’exclusion des groupes bordiguistes de l’invitation de l’appel aurait créé une base encore plus étroite, et évidemment encore plus inadéquate pour la participation. Bien sûr, le critère de qui doit être inclus dans la Déclaration Commune de la Gauche communiste est une discussion importante. Cependant, cette question de critère ne saurait être en elle-même utilisée comme justification pour abandonner la tentative de forger une prise de position commune de la Gauche communiste. Être d’accord sur ce critère est une partie d’un processus de discussion qui mène à une position commune. Ce qui est essentiel est la volonté d’y parvenir, laquelle a été totalement absente dans l’attitude de la TCI vis-à-vis de la Déclaration commune.

Dans une situation analogue, le CCI, en répondant positivement à l’appel de Battaglia Comunista en 1976 à rejoindre des conférences de discussions conjointes entre groupes de la Gauche communiste, a montré sa volonté de faire l’effort mais a regretté que l’initiative de Battaglia ne contienne aucun critère pour décider quels groupes pourraient participer à ces conférences. Ce regret n’a pas empêché le CCI de poursuivre le travail conjoint et de participer à la première Conférence. Comme nous l’avions écrit à l’époque à Battaglia :

« À cet égard, nous ne pouvons que regretter que vous ne considériez pas utile de communiquer les noms des groupes invités à cette réunion, ni la base sur laquelle les critères de choix de ces groupes ont été faits. Cependant, ce manque d’information ne nous empêche pas de participer à cette réunion avec notre meilleure volonté révolutionnaire. Par ailleurs, nous aurions aimé, comme nous l’avons déjà dit, qu’un bulletin contenant les lettres de réponses et les autres textes des différents groupes invités soit préparé et distribué aux participants avant la réunion. » (1er mars 1977)

Par bonheur pour la seconde Conférence de la Gauche communiste, une liste de critères proposés par le CCI a été acceptée, et les partis bordiguistes furent invités. Les leçons de cet épisode pour l’effort vers un travail conjoint de cette nature sont que toutes ses conditions ne sont pas nécessairement remplies d’avance, et que les désaccords qui émergent ne doivent pas constituer une excuse pour se retirer du projet. Ce qui est vital, et l’une des principales leçons de la faillite finale des Conférences Internationales au cours des années 70, c’est que la conviction dans le principe d’un effort commun et la volonté de maintenir un forum de discussion des divergences dans la Gauche communiste a manqué. Effectivement, la troisième Conférence a échoué à produire une prise de position internationaliste commune, proposée par le CCI, contre l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS à ce moment-là.

Dans votre lettre du 24 avril 2022, vous avez écrit que le CCI vous demandait de reconsidérer votre refus de signer la Déclaration commune qui était « la mauvaise voie ». Nous vous avions donc demandé dans notre réponse quelle devrait être la « bonne voie ». Votre dernier courrier ne répond pas à cette question. Au cours de la dernière réunion publique du CCI à Londres, le samedi 7 avril, la TCI s’est retrouvée face à la même question : que devrait faire le CCI pour vous convaincre de signer la Déclaration commune de la Gauche communiste contre la guerre impérialiste ? Le camarade de la TCI présent à cette réunion a admis qu’il n’avait pas non plus de réponse à cette question.

Est-ce parce que vous ne répondez pas à cette question que vous déclarez aussi péremptoirement que votre dernière lettre était votre « dernier mot » sur le sujet ?

Pour notre part, le CCI reste ouvert à la discussion avec vous sur nos divergences sur le refus de la TCI de signer la Déclaration commune des groupes de la Gauche communiste contre la guerre en Ukraine.

Saluts communistes,

Le CCI


Le CCI au Parti Communiste International (Il Partito),

Chers camarades,

Nous avons lu sur votre site l’annonce d’une conférence publique que vous organisez à Gênes le vendredi 22 avril au sujet de la guerre en Ukraine. Nous avons également lu les cinq thèmes que vous suggérez pour la discussion, avec lesquels nous sommes entièrement d’accord dans leur approche basique. Ainsi que vous le dites justement, la guerre est constante dans le capitalisme, et d’autant plus dans cette phase de déclin historique. Nous considérons également que le choix de votre organisation de tenir une Conférence Publique sur ce sujet est un choix important et responsable pour se confronter à la campagne bourgeoise qui tend à nous demander de soutenir l’un des deux camps dans la guerre, dans ce cas particulier l’Ukraine, comme un pays agressé et donc qu’il faut aider en envoyant… des armes. La propagande bourgeoise, à travers un pacifisme culpabilisant, tente de nous entraîner dans l’horreur de la guerre actuelle. Tout cela doit être dénoncé avec force et nous sommes sûrs que vous le ferez au cours de votre Conférence. Malheureusement, nous n’avons appris que tardivement la tenue de votre réunion, nous regrettons d’être dans l’impossibilité d’y participer physiquement, et nous n’avons pas vu qu’il soit possible d’y participer par Internet. Toutefois, permettez-nous de vous envoyer le texte de la Déclaration commune des groupes de la Gauche communiste sur la guerre en Ukraine, une Déclaration, déclaration que nous avons proposée à d’autres expressions de la Gauche communiste et dont nous pensons important de la présenter au prolétariat aujourd’hui comme expression de ce qui unit les organisations révolutionnaires face aux différentes mystifications bourgeoises. Ainsi que nous vous l’avons écrit dans notre précédent courrier, nous vous demandons de signer cette déclaration, pas pour faire nombre mais pour ouvrir, en partant de la reconnaissance mutuelle que nous appartenons au même camp révolutionnaire, un processus de discussion capable de produire avec le temps une décantation des positions et une clarification politique face à la classe. Nous aimerions saisir cette opportunité d’annoncer la tenue de nos prochaines réunions publiques sur un thème similaire, qui pourront se tenir via Internet, et seront donc facilement accessible, pour l’instant en italien le 4 mai et en anglais le 8 mai. L’annonce de ces réunions paraîtra aussi rapidement que possible sur notre site web – celle en italien dès demain. Nous vous invitons par la présente officiellement à ces réunions, qui peuvent offrir une précieuse opportunité de confrontation entre des organisations réellement révolutionnaires.

Nous attendons impatiemment de recevoir votre réponse et vous adressons nos saluts fraternels.

Courant Communiste International


Le CCI au KRAS

Chers camarades,

Nous vous envoyons des liens vers notre prise de position commune sur la guerre impérialiste en Ukraine (en anglais et russe) signée par trois groupes de la Gauche communiste et un autre groupe proche de cette tradition politique. Nous comprenons que vous venez d’une tradition politique différente, mais nous avons toujours reconnu que vous défendez courageusement et de façon constante – particulièrement dans les conditions actuelles en Russie – les positions internationalistes contre les guerres du capitalisme, et nous avons ainsi récemment publié en plusieurs langues sur notre site web votre prise de position sur la guerre en Ukraine (voir « Une prise de position internationaliste de Russie, https://fr.internationalism.org/content/10731/declaration-internationaliste-russie [11])

Nous vous demandons d’apporter votre soutien à notre prise de position, ou en la signant directement, ou en annonçant que vous êtes globalement d’accord avec elle en dépit de nos divergences, et en la publiant sur votre propre site web ou autre moyens de communications qui vous sont accessibles.

Tous vos commentaires et critiques sont les bienvenus en ce qui concerne la prise de position.

En solidarité,

Le CCI


Réponse du KRAS, 14 avril 2022

Salut camarades.

Merci d’avoir diffusé notre prise de position sur la guerre. Nous ne pouvons nous joindre à celle que vous avez publiée conjointement avec d’autres organisations communistes de gauche, non parce que nous ne serions pas d’accord avec son orientation internationaliste, mais du fait de désaccords théoriques, par exemple la mention de « dictature du prolétariat », un concept que nous ne partageons pas.

Néanmoins, nous avons traduit et publié votre texte sur notre site web (avec une préface et la mention de nos désaccords), « Contre la guerre impérialiste, lutte de classe », dont nous partageons fondamentalement les analyses et l’approche internationaliste : https://aitrus.info/node/5949 [12]

En solidarité,

KRAS-IWA


Le CCI à l’ICP (Corée)

Chers camarades,

Nous vous envoyons l’introduction de notre prise de position commune :

« Les organisations de la Gauche communiste doivent défendre ensemble leur héritage commun d’adhésion aux principes de l’internationalisme prolétarien, en particulier à une époque de grand danger pour la classe ouvrière mondiale. Le retour du carnage impérialiste en Europe dans la guerre en Ukraine est un tel moment. C’est pourquoi nous publions ci-dessous, avec d’autres signataires de la tradition de la Gauche communiste (et un groupe ayant une trajectoire différente mais soutenant pleinement la Déclaration), une Déclaration commune sur les perspectives fondamentales pour la classe ouvrière face à la guerre impérialiste. »

Nous allons publier cela comme nous l’avons écrit hier mercredi à 06 h 04,

2) nous proposons de mettre les groupes signataires suivants :

Courant Communiste International

Institut Onorato Damen

Internationalist Voice

Internationalist Communist Perspective (Corée) soutiennent complètement cette déclaration commune.

Est-ce que cela vous va ?

 

 

1 Certains groupes de la tradition du PCI bordiguiste, invités à participer, comme Il Partito et Le Prolétaire/Il Comunista, n’ont pas répondu aux lettres d’invitation, il n’y a donc pas de courrier de leur part. Il Programma a seulement envoyé un court refus qui est inclus dans cette correspondance. Le groupe Fil Rouge n’a pas répondu non plus. Par erreur, le nom de Il Partito a été omis de la liste des destinataires dans la lettre originale de proposition, mais la proposition leur a cependant bien été envoyée. Son nom a été inclus dans les destinataires des lettres postérieures. Une autre lettre a été envoyée à Il Partito, qui est incluse vers la fin, et contient une demande de signer la prise de position, et au cours d’une réunion en ligne d’Il Partito le 22 mai, le CCI a demandé pourquoi il n’avait pas répondu à l’invitation de l’appel sur la guerre en Ukraine. Nous n’avons pas non plus reçu de réponse à ces questions.

Récent et en cours: 

  • Déclaration commune [13]

Courants politiques: 

  • Gauche Communiste [14]

Rubrique: 

Correspondances dans le milieu politique prolétarien

Source URL:https://fr.internationalism.org/en/node/10805

Links
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