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Internationalisme n° 373 - 3e & 4e trimestre 2020

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La deuxième vague de COVID-19 en Belgique et aux Pays-Bas: L'impuissance des états et gouvernements à contrôler la pandémie

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Il est étonnant de voir à quel point des pays disposant des technologies les plus avancées sont incapables de contrôler et de contenir la propagation du virus Covid-19. Selon les partisans de la théorie du complot, tout cela cache quelque chose. Il y a bien quelque chose derrière tout cela, mais pas une conspiration. En vérité, la crise du covid-19 révèle un mode de production capitaliste en déclin qui non seulement entrave de plus en plus le développement des forces productives de la société, mais menace également la survie même de l’humanité.

Les gouvernements n’ont pas été une fois de plus surpris mais ont une fois de plus failli!

Pour le moment, la deuxième vague frappe aussi fort que la première. C’est à nouveau une catastrophe en ce qui concerne la santé et certains secteurs de l’économie, victimes d’un large confinement. Comment est-ce possible? Les autorités n’ont-elles rien appris de la première vague? Apparemment très peu, car, dans les mois qui ont précédé la deuxième vague, les gouvernements se sont satisfaits de quelques mesures superficielles pour la galerie.

Après la première vague, la bourgeoisie aux Pays-Bas et en Belgique a eu amplement le temps de tirer les leçons et de prendre les mesures nécessaires pour limiter pour le moins l’impact d’une deuxième vague et pour garantir des soins adéquats aux patients atteints du corona, par exemple en développant une bonne stratégie de tests de dépistage, en mettant au point la recherche et l’identification des contacts («tracking and tracing ») en formant davantage de personnel médical et infirmier, en créant davantage de lits de soins intensifs, ….

En tout état de cause, les gouvernements des deux pays avaient déclaré qu'en cas de deuxième vague, ils ne se résigneraient pas à l'inévitabilité d'un nouveau confinement général qui fermerait tous les secteurs non essentiels de l'économie. Ils avaient l'intention de limiter les mesures dans un premier temps à quelques secteurs particuliers et locaux de la société, puis d'attendre de voir comment la deuxième vague allait se développer. Cette approche à court terme s'est avérée désastreuse.

Et puis subitement, la deuxième vague annoncée était là et les gouvernements ont déclaré être soi-disant surpris par son ampleur. Cet argument n'était déjà pas valable pour la première vague puisque des études internationales sur les virus de maladies transmissibles avaient déjà régulièrement mis en garde contre le danger de pandémies avant 2020. La dernière mise en garde date de septembre 2019, c'est-à-dire juste la veille de la pandémie actuelle, et est exprimée dans le rapport de l'OMS «The World at Risk. Annual Report on Global Preparedness for Health Emergencies »[1] Et pour la deuxième vague, l’argument de la surprise est encore moins valable. Tous les experts de tous les pays dans le domaine de la virologie et de l’épidémiologie avaient clairement et plus d’une fois averti que le virus était toujours présent et qu’une deuxième vague serait inévitable. Mais le choix de la rentabilité du système d’exploitation - la production de plus-value- a bien sûr été le facteur décisif. Et une fois de plus, les conséquences sont catastrophiques: des hôpitaux inondés, un personnel infirmier débordé et des milliers de morts supplémentaires.

La négligence cynique et l’impuissance dans la gestion des gouvernements

Les nombreux décès inutiles des première et deuxième vagues sont le résultat de la négligence coupable et de l'incompétence des autorités occidentales. C'est aussi le verdict accablant d'un livre publié cet été par Richard Horton, le rédacteur en chef de The Lancet. Il considère les nombreux décès inutiles comme «la preuve d'une inconduite systématique des autorités, de négligences irresponsables qui constituent un manquement aux devoirs des responsables publics»[2]. La situation politique aux Pays-Bas et en Belgique ne constitue nullement une exception à cette tendance générale. Au contraire, les deux gouvernements ont commis tant d'erreurs au printemps et à l'automne que le contrôle de l'épidémie leur a complètement échappé des mains aux moments les plus forts.

Le comportement irresponsable des politiciens était dans de nombreux cas non seulement constitué de décisions erronées, mais était principalement motivé par une politique cynique qui accordait la priorité aux intérêts économiques du capital national et en acceptait les risques sanitaires «collatéraux» pour la population:

Alors que des millions de personnes devaient, chaque jour, prendre les transports publics pour se rendre au travail, le gouvernement a échoué à mettre en place des transports publics suffisants, où chacun avait suffisamment d'espace et où personne n'avait à craindre d'être infecté ;

Bien que diverses données montrent que les entreprises et les écoles sont les principales sources de contamination, il a été décidé de les garder ouvertes à tout prix;[3]

Alors qu’un pays comme le Sénégal a réussi à mettre en place une politique de test efficace et à grande échelle, les Pays-Bas et la Belgique ont complètement échoué dans ce domaine. Le fait que les Pays-Bas et la Belgique n'aient pas réussi à le faire est pour le moins le signe d'une mauvaise hiérarchisation des priorités et, au pire, d'une négligence délibérée;

Alors que les deux gouvernements ont dépensé des dizaines de milliards d'euros en 2008 pour sauver les banques, le personnel de santé reçoit, en 2020, une salve d'applaudissements et une aumône pour être d’emblée renvoyé au front. Quant aux hôpitaux, encore plus que lors de la 1ère vague, ils ont été inondés par les malades atteints du Covid dans un système de santé une fois de plus au bord de l'effondrement. La différence d'approche est choquante, alors que des vies humaines sont en jeu.

Néanmoins, le nouveau gouvernement belge a déclaré qu'il ne prendrait aucune mesure contre les responsables de cette gestion catastrophique de la première vague. Ce qui est tout à fait compréhensible de son point de vue, car ce serait dévoiler les choix cyniques de la classe dirigeante et l'échec systématique du système. Au contraire, le programme de relance du nouveau gouvernement De Croo tente, avec de belles promesses et des mesures superficielles, d'inculquer l'idée que la crise s'est abattue sur nous, que personne ne peut rien y faire, et que nous devons donc être unis pour affronter les conséquences de la crise et y faire face.[4] (voir l’article sur le nouveau gouvernement en Belgique).

Comment ça, personne ne pouvait rien y faire? La mort de milliers de civils aurait bel et bien pu être évitée. Les gouvernements belge et néerlandais ont délibérément négligé leur devoir de prise en charge de leurs résidents respectifs[5] au profit du maintien de la production. La maximisation du profit, qui pour la bourgeoisie a la force d'une loi de la nature, signifie qu'elle ne peut que donner la priorité absolue à la production, en essayant d’en restreindre autant que possible tous les effets nocifs.

Le «chacun pour soi» et la bataille entre les Etats nationaux

Une autre manifestation qui rend la gestion de la crise du covid encore plus chaotique est la lutte entre les États. Lors de la première vague, nous avions déjà pu constater comment les États se sont battus pour obtenir des masques buccaux et des vêtements de protection. Ce «chacun pour soi», si caractéristique de la période de décomposition, s’exprime en pleine intensité aujourd'hui dans la guerre pour les vaccins dont nous avons déjà parlé dans la CCI.[6] En juin, les Pays-Bas, l’Allemagne, la France et l’Italie s’étaient déjà mis d’accord entre eux pour être les premiers à avoir accès à un vaccin contre le covid-19. Cette tendance a pris une telle ampleur ces derniers mois que le directeur de l'OMS a dû mettre en garde contre le «nationalisme vaccinal».

Des vaccins sont actuellement développés à un rythme sans précédent pour se protéger contre le corona. Et à un rythme tout aussi effréné, les gouvernements concluent des contrats simples, doubles et triples avec toutes sortes de sociétés pharmaceutiques afin de réserver suffisamment de vaccins pour leur population. Dans cette folie, le plan COVAX de l'OMS pour assurer une distribution correcte et équitable du nombre encore limité de vaccins dans le monde est complètement foulé du pied. Malgré les déclarations rassurantes du président de la commission, U. Von der Leyen, et du «président» européen, Ch. Michel, selon lesquels il existe suffisamment de vaccins pour tous les pays du monde, l'Union Européenne agit également de manière très agressive pour conquérir suffisamment de vaccins, pleinement soutenue par les gouvernements néerlandais et belge.

La négation des mesures contre le coronavirus

La décadence du mode de production capitaliste a ouvert une phase de décomposition du système, dans laquelle le « chacun pour soi » et la désintégration de la cohésion sociale auront un poids de plus en plus important. Cela s'exprime aussi fortement dans cette crise du covid, en particulier sous la forme d'un nombre croissant de protestations de groupes tels que « Virus Truth » (anciennement Virus Frenzy) qui, le 24 octobre à La Haye, a de nouveau réussi à rassembler plusieurs centaines de personnes pour protester contre les mesures covid « antidémocratiques ». Une manifestation similaire, prévue pour le 25 octobre à Bruxelles et qui devait rassembler au moins autant de personnes, a été interdite par les autorités.

Afin de cacher leurs propres échecs, les gouvernements tentent de faire porter la responsabilité de l'émergence et de l'expansion de la deuxième vague au «comportement irresponsable des citoyens» et en particulier à la «jeunesse désobéissante et égoïste». C'est d'autant plus cynique que ce sont essentiellement les autorités elles-mêmes qui «ont fait entrer le loup dans la bergerie» en donnant la priorité absolue à la sauvegarde de la capacité de production et en omettant d’intervenir à temps dans la prise de mesures préventives nécessaires qui auraient pu endiguer la deuxième vague. Dans un contexte de perte croissante de contrôle sur la société, leurs actions «nulles» ont conduit à une perte de crédibilité encore plus grande, pour lesquelles ces mêmes autorités doivent  payer la note aujourd’hui: de larges pans de la population se sentent de moins en moins concernés par les directives du gouvernement et prennent leur propres décisions. Ces derniers mois, la police est intervenue à plusieurs endroits et a effectué d’innombrables raids pour stopper des fêtes « illégale ». Le scepticisme à l'égard des vaccins annoncés est également élevé.

La fuite dans la pensée conspiratrice

« Certains parmi ceux qui en ont assez des mesures doutent de la réalité de la propagation du virus et de la gravité de l’infection. Il y a beaucoup d’idées fausses qui circulent sur Internet ainsi que des théories complotistes », explique Steven Van Gucht, virologue en Belgique. Des influenceurs sur les réseaux sociaux en Belgique[7] font croire à ceux qui les suivent que le coronavirus est une invention, appellent à ne pas suivre les mesures et se déclarent ouvertement contre un vaccin.

Des parties de plus en plus importantes de la population recourent à des explications pseudo-scientifiques à propos de l'existence de la pandémie et celles-ci leur fournissent des arguments pour remettre en question les avis avancés par les experts et pour contester les mesures du gouvernement. L’augmentation du nombre de négationnistes du coronavirus est tout aussi importante que le nombre de personnes infectées par le virus. Une étude de Kieskompas montre qu'aux Pays-Bas, une personne sur dix croit que la pandémie au covid-19 fait partie d'une conspiration contre l'humanité.

Plus la pandémie dure longtemps, plus les sentiments au sein de la population commencent à devenir amers. Au cours des six derniers mois, quatre mâts 5G aux Pays-Bas et deux en Belgique ont été incendiés car, selon les tenants de cette théorie, ce n'est pas le coronavirus qui nous rend malades, mais les radiations des mâts 5G qui affaiblissent notre système immunitaire. Dernièrement, à Breda aux Pays-Bas, une allée de testing a été assaillie par des négationnistes du covid, qui ont saccagé du matériel et intimidé un contrôleur.

La classe ouvrière à la croisée des chemins

Dans les circonstances actuelles, il existe également un risque croissant qu'une partie de la classe soit entraînée dans des manifestations populistes contre les mesures de confinement, telles qu’elles ont eu lieu à grande échelle dans d'autres pays d'Europe, comme l'Italie, l'Espagne, la France et l'Allemagne. Jusqu'à présent, ni aux Pays-Bas ni en Belgique, cela ne s'est produit: la classe ouvrière n'a pas été activement impliquée dans ces manifestations, mais la situation où une telle implication était exclue dans les deux pays est à présent bel et bien révolue.

Les travailleurs sont toujours capables de se battre sur leur propre terrain pour défendre leur santé contre les conditions de travail dangereuses, comme chez InBev, Colruyt, Carrefour, etc. Cependant, cela devient de plus en plus difficile car le chantage exercé tant par l'État que par les entreprises commence à peser de plus en plus lourd sur la volonté de lutte de la classe ouvrière. Le mécontentement et la colère suscités par la négligence du gouvernement n'ont pas disparu, mais les chances que cela se traduise dans la période à venir par une combativité ouverte sont minces.

Cependant, la classe ouvrière conserve toujours sa mémoire historique et sa conscience de classe. C'est un phare qui peut l'empêcher de devenir la proie de l'irrationalité croissante et de l'incohérence de la pensée qui caractérisent la pensée conspirationniste dans les protestations populistes. C'est aussi un programme solide qui montre comment la perspective de la lutte des classes ouvre la voie à une société dans laquelle la domination de l'économie sur l'homme, mais aussi l'opposition entre la société et la nature, peuvent être surmontées. Ainsi, l'harmonie avec la nature, qui pourra alors être rétablie, fera que les virus zoonotiques (transmissibles de l'homme à l'animal) apparaîtront moins souvent n

Dennis & Jos/03.12.2020

 

[1] Pour plus d'informations sur les différentes études et mises en garde, voir Ignacio Ramonet : «La pandémie et le système mondial» , 14.01.2020.

[2] Richard Horton, “The COVID-19 Catastrophe. What’s gone wrong and how to stop it happening again”, Polity Press, 2020.

[3] Plus de 21% des infections se produisent au travail. L’éducation (19,5 %), les contacts avec le cercle familial élargi (17,3 %) et les loisirs (15,8 %) viennent ensuite. (Recherche par les onze cabinets de médecine générale de la médecine pour le peuple, PVDA/PTB)

[4] Le nouveau gouvernement belge De Croo : une « équipe dynamique » pour restaurer la confiance dans la politique ? [2]

[5] En ce qui concerne les maisons de repos belges, le rapport d'Amnesty International parle même de violations des droits de l'homme: le droit à la santé, le droit à la vie et l'interdiction de la discrimination ont été, selon l'étude, violés.

[6] Guerre des vaccins : Le capitalisme est un obstacle à la découverte d’un traitement [3]

[7] En Belgique, on a eu recours à des »influencers», des personnes influentes sur les réseaux sociaux pour informer sur le covid certains groupes de jeunes, qui ne sont pas atteints par les canaux d'information habituels.

Géographique: 

  • Belgique [4]
  • Hollande [5]

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en Belgique [6]

Rubrique: 

Covid-19

Le nouveau gouvernement belge De Croo: Une «équipe dynamique» pour restaurer la confiance dans la politique?

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Au cours des dix dernières années, la population en Belgique - et plus particulièrement les travailleurs - ont été mis à rude épreuve, tout d’abord par la «mondialisation» de l'économie et les délocalisations qui y sont associées, ainsi que par la crise financière et le nombre élevé de faillites. Ces conditions ont conduit à une augmentation du chômage et de l'insécurité de l'emploi (contrats flexibles et contrats «zéro heure»). En outre, ils ont assisté aux différentes crises politiques qui ont accentué la mauvaise gestion des affaires publiques et à un gaspillage financier. En conséquence, les problèmes sur le plan des soins de santé et de la migration, ainsi qu'en ce qui concerne l’équilibre budgétaire et le fardeau de la dette, n'ont fait qu'empirer, renforçant l'impression que ce « malgoverno » a laissé le pays complètement à l’abandon.

Les intrigues politiques, qui durent depuis le début de 2019, ont été alimentées et intensifiées au début de cette année par l’éclatement de la crise du coronavirus. La combinaison de cette dernière avec la crise politique a produit un mélange explosif et a mené à une fuite de responsabilité de la part des «dirigeants» politiques et, en conséquence, à un chaos considérable dans la gestion du pays. Les forces politiques établies ont laissé faire le sale boulot de gestion de la crise sanitaire part un gouvernement d’affaires courantes qui se heurtait régulièrement aux initiative « sauvage » des dirigeants régionaux et locaux. Le manque de confiance entre les différents niveaux de pouvoir et l'échec de la communication publique ont mis le système en pagaille de sorte que la Belgique compte aujourd’hui le plus grand nombre de décès par corona pour 100.000 habitants dans le monde entier.

Crédibilité lourdement entamée du « politique »

Dans l'article d'avril de cette année, nous rapportions qu’«Une étude réalisée par des politologues de cinq universités belges a conclu que l’aversion pour l’establishment politique, l’une des caractéristiques essentielles du populisme, augmente dans la société et qu’un climat général antipolitique se développe même parmi les électeurs».[1]

Au cours des six derniers mois, ce sujet est resté plus que jamais d'actualité. L'enquête quinquennale sur la jeunesse de l'hebdomadaire Humo montre que seuls 12 % des jeunes Flamands ont confiance dans les politiciens, contre 15 % il y a cinq ans. (22-09-2020) Des experts, des leaders d'opinion et des sondages confirment que «les Belges semblent avoir peu confiance dans les partis politiques, dans la «politique politicienne» (Carl Devos sur Radio1; 9-3-2020).

Les partis politiques eux-mêmes sont également bien conscients de l'aversion croissante de la population pour la «politique politicienne». C'est pourquoi, selon Egbert Lachaert, président des libéraux flamands (Open VLD), l'un des principaux objectifs du nouveau gouvernement De Croo est d'œuvrer à la restauration de la confiance, car «après deux ans de stagnation, cela n'est pas vraiment illogique». Le cynisme de la bourgeoisie ne connaît pas de limites. Deux années de stagnation sont un véritable euphémisme pour la négligence totale de ses tâche de gestionnaires et l'attitude cynique dont elle fait preuve à l'égard de sa «propre» population.

Après un an et demi de manœuvres politiques des plus dégoûtantes, nous devrions désormais saluer avec des acclamations ce nouveau gouvernement qui est en grande partie composé de partis co-responsables du chaos. Ces mêmes partis qui ont considérablement perdu aux dernières élections et dont certains d'entre eux, un an plus tard, ne digèrent toujours pas cette défaite. Lorsque, fin septembre, les partis ont dû se mettre d'accord sur la participation au gouvernemen « Vivaldi »,[2] il est apparu clairement à quel point par exemple les relations sont encore fragiles au sein de la démocratie-chrétienne flamande (CD&V).

L’interminable formation du gouvernement, qui a duré presque aussi longtemps qu'en 2010-2011, est l'expression non seulement de la faiblesse et de la division au sein de la bourgeoisie belge, mais aussi d'une irresponsabilité abjecte des partis de gauche et de droite, d'une impuissance totale de l'appareil politique de la bourgeoisie à gérer les intérêts opposés entre ses différentes fractions et à affronter la crise : des partis apparaissant comme le fief des élites établies et le pourrissement des relations entre eux  voilà le bilan que nous devons tirer de ces événements politiques.

.... et forte pression sur l'économie

En avril, nous écrivions déjà : «Selon les prévisions de la Commission européenne à l’époque, l’économie belge était l’un des élèves les plus faibles d’une classe européenne (…..). C’est dans cette situation de faiblesse que l’ouragan Corona a fondu sur l’économie belge»[3]

La confiance de la population dans l'économie belge est également tombée à son plus bas niveau au cours des six derniers mois. En avril, elle était descendue à -26, après quoi elle est remontée légèrement, jusqu'à ce qu'elle retombe en août à son niveau d'avril. Sur l'ensemble de la période d'avril à octobre, la moyenne de la confiance des consommateurs est restée négative de 21 points.

Sur l'ensemble des investisseurs, seuls 18 % ont vu l'économie belge se redresser au cours des mois d'octobre-novembre-décembre, tandis que 53 % craignaient un ralentissement (Baromètre des investisseurs ING du 15-09-2020). En outre, la crise du coronavirus a un impact sévère sur les perspectives d'investissement pour 2021, qui menacent également d'être l'année prochaine de 21% inférieures à la normale.

Sur la base d'une enquête menée les 19, 20 et 21 octobre par l'Economic Risk Management Group du gouvernement belge, il ressort que les entreprises belges estiment que leur chiffre d'affaires à la fin du mois d'octobre sera inférieur de 14 % à ce qu'il était avant la crise. Depuis le mois d'août, la reprise des investissements est au point mort. Aucune amélioration du chiffre d'affaires n'est attendue au quatrième trimestre.

La confiance dans l'économie a atteint son niveau le plus bas et la confiance dans le gouvernement belge pour aider l'économie à se remettre sur pied est également extrêmement restreinte. Dans la période qui a précédé la crise du coronavirus, l'absence de toute coordination nationale pour combler le déficit budgétaire a failli mettre la Belgique sur la touche européenne. Et pendant la période de la crise du coronavirus, la population est devenue encore plus sceptique quant aux efforts des autorités pour revitaliser l'économie.

Contrer l'antipolitique au moyen d'un « programme stimulant »

Il n'est donc pas surprenant que le nouveau gouvernement ait un objectif principal en tête : sous la devise « une Belgique prospère, solidaire et durable », il s'est fixé pour tâche de restaurer la confiance de la population dans les décisions politiques et dans l'économie. Comment compte-t-il s'y prendre? :

 Par le biais (de la présentation) d'une équipe gouvernementale jeune et fraîche qui doit symboliser l'innovation et entend mettre fin à l'ancienne politique socialement destructrice.
L'âge moyen du nouveau gouvernement est de 44 ans et la moitié des ministres sont des femmes. C'est une équipe aux nombreux nouveaux visages, sans passé politique chargé. Le choix d’une autre façon de faire de la politique doit constituer le ciment forgeant l'unité du nouveau gouvernement : « C'est un groupe qui a choisi de laisser les contradictions derrière lui », dit le 1er ministre. De Croo. Ainsi, personne ne sera cloué au pilori pour les erreurs récentes. Le gouvernement s’engage à « sortir de la crise », mais chacun devra y mettre du sien.
Alors que, selon le président du syndicat socialiste Thierry Bodson, il y a « une véritable rupture avec les cinq dernières années » (Het Nieuwsblad, 1-10-2020), le PVDA/PTB  (Parti des Travailleurs Belges) plus « à gauche », reproche au gouvernement de ne pas être assez à gauche (De Standaard, 1-10-2020), mais, avec la critique selon laquelle un gouvernement plus à gauche aurait dû être constitué pour répondre aux besoins du capitalisme actuel, le PVDA/PTB est en fait un très bon complément à la politique du gouvernement et remplit parfaitement son rôle d'opposition de gauche.

Au moyen d'un programme «stimulant» qui se présente comme innovant, durable et social.
- Innovant : le gouvernement De Croo veut faire de la Belgique une championne du numérique. «La Belgique du futur est la Belgique numérique», déclare le nouveau Premier ministre De Croo, « le gouvernement va investir dans une nouvelle croissance. Dans les secteurs d'avenir ». Il s'agit d'un plan d'action ambitieux, dont l'objectif principal est de créer 1.000 nouvelles entreprises (start-ups ) et 50.000 emplois.
- Durable : le nouveau gouvernement soutient l'Accord de Paris sur le climat et le Green Deal européen. Il veut également décourager l'utilisation des combustibles fossiles en leur imposant une taxe supplémentaire. « Toutes les nouvelles voitures de société doivent être exemptes de gaz à effet de serre d'ici 2026. » Enfin, la réutilisation des produits est encouragée, une attention particulière étant accordée aux synthétiques tels que le plastique.
- Social : dans ce domaine, le plan prévoit d'augmenter à terme les pensions les plus basses et les prestations minimales. De plus, les travailleurs hospitaliers recevront une augmentation de salaire et du personnel supplémentaire sera recruté. Enfin, il vise à réduire le coût des services de garde d'enfants, à plus de financement pour les aides-soignants et à doubler le congé parental.

Compte tenu des circonstances extrêmement dangereuses d’une deuxième vague, prévenir l’effondrement des soins de santé et de l'économie est, bien entendu, la priorité numéro un du moment. Ainsi, la bourgeoisie ne peut tout simplement pas se permettre de laisser la santé de la force de travail être massivement affectée. Même si elle est incapable de réduire réellement l'ampleur de la pandémie, elle devra continuer à prendre des mesures pour éviter que sa crédibilité en tant que classe dirigeante ne s'érode davantage. En conséquence, afin de limiter les dommages que la pandémie causera à l'économie, les dépenses sous forme de soutien financier aux entreprises et aux travailleurs - cependant nettement moins importantes que sous le gouvernement d’affaires courantes Wilmès - seront maintenues même si c’est à contrecœur, mais dans ce cas, nécessité oblige.

Le plan du nouveau gouvernement est incontestablement du pur bluff et n'a rien de durable et de social. Il n'a qu'un seul but : tromper la population, et en particulier la classe ouvrière. Nous expliciterons dans la partie suivante en quoi consiste en réalité le fameux plan gouvernemental.

Les travailleurs paieront la facture

Le gouvernement exploite les mesures temporaires de soutien financier et surtout son image «rafraîchissante» et le caractère «social» de son programme pour rétablir la confiance dans la politique et, en particulier, obtenir le ralliement de la classe ouvrière à la perspective d'un plan d'urgence de sauvetage de l'économie belge. Sous la devise «personne n'est responsable de la crise», les travailleurs doivent déjà se préparer à l'ère post-coronavirus où ils devront se serrer la ceinture pour, en collaboration avec leur ennemi de classe, remettre l'économie belge sur pied. Et n’en doutons pas, c’est la classe ouvrière qui devra finalement payer la note.

1.La bourgeoisie ne distribue jamais de cadeaux. Elle s'efforcera toujours de réduire au minimum absolu l’ensemble du capital variable (salaires, prestations sociales, pensions) nécessaire à la reproduction de la force de travail. Au sein du capitalisme, il y a « une lutte incessante entre le capital et le travail, par laquelle le capitaliste s'efforce constamment de réduire les salaires ... ou la valeur du travail plus ou moins jusqu'à sa limite minimale ».[4]
La Belgique fait partie d'un système mondial qui soumet tous les coins de la planète à ses lois. Cela signifie que, si la Belgique veut maintenir son économie à flot dans la guerre commerciale acharnée, elle devra réduire les coûts salariaux, intensifier au maximum le rythme de travail et, si nécessaire, même prolonger la journée de travail. Sur un certain nombre de ces points, elle est fort en retard par rapport aux autres pays d'Europe occidentale. La Belgique, par exemple, a le plus faible niveau de flexibilité du marché du travail en Europe, à l'exception du Portugal. En outre, le taux d’activité y est bien inférieur à 70 % et le coût total des prestations sociales y est nettement plus élevé que dans les pays voisins.
Ces données illustrent comment la lutte contre la « fraude sociale » doit être envisagée. Le gouvernement veut mettre en œuvre des mesures visant à soumettre le «facteur travail» à un régime plus strict. Elle veut porter le taux d'activité à 80 % et accroître la flexibilité du travail en prévoyant des dispositions pour réduire le nombre de contrats à durée indéterminée, pour stimuler une mise au travail flexible, des emplois à temps partiel, pour introduire des modalités de licenciement plus souples, etc.  En conséquence, il sera plus difficile d’entrer en ligne de compte pour des prestations sociales et donc d’en bénéficier.

Le gouvernement se vante de ses projets de développement durable: «Cela fait de cet accord l'accord de coalition le plus vert de l'histoire de notre pays», a déclaré le Premier ministre Alexander De Croo. Les représentants d'Ecolo-Groen sont bien sûr enthousiastes, mais sont plutôt silencieux quant à savoir qui doit payer la facture pour cela. Le nouveau gouvernement adhère au « principe que le pollueur paie », mais qui n'est pas un pollueur? En fait, cela signifie que tout le monde devra payer.
Prenons l'exemple de la transition nucléaire, l'un des chevaux de bataille d'Ecolo-Groen. Le nouveau gouvernement s'est engagé à respecter la décision de fermer toutes les centrales nucléaires d'ici 2025. La Commission européenne n'est pas convaincue de sa faisabilité et l'une des questions les plus cruciales est de savoir d'où l'argent devrait provenir pour cette transition. Le Bureau fédéral du plan a calculé en 2018 que les coûts annuels de l'énergie (importée) seraient de 750 à 900 millions plus élevés que si deux réacteurs nucléaires restent ouverts 10 ans de plus. Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, n'a pas tourné autour du pot. « La transition vers une économie plus verte et vers la neutralité carbone de l'UE d'ici 2050 sera incroyablement complexe, difficile, lourde et coûteuse » (La Libre Belgique, 10/12/2020).
Pour le député vert Kristof Calvo, rien de tout cela n'est un problème; selon lui, ce seront « les grandes fortunes et les grands pollueurs [;] les Arcelors de ce monde, les entreprises énergivores », qui seront facturés pour payer les mesures «vertes». (Knack; 3-02-2019). Si ce plan échoue, selon Ecolo-Groen, de l'argent supplémentaire pourra également être imprimé. « Nous l'avons fait pour sauver les banques. Nous devons donc faire cela aussi pour sauver le climat » (Bart Staes; HLN; 10-03-2019).  Ces déclarations révèlent que l'argent devra être mis sur la table, d’une manière ou d’une autre. Et ce ne seront pas des montants négligeables. Il est clair que les travailleurs peuvent se préparer à des taxes supplémentaires pour payer les plans écologiques du gouvernement.[5]

L'impasse des protestations bourgeoises et de l'interclassisme

Le nouveau gouvernement donne l'impression de défendre «la population laborieuse». Son image «progressiste» est destinée à les gagner à son «autre politique». Cependant, les travailleurs ne doivent pas se laisser berner par l'apparence extérieure du gouvernement et par ses vagues plans. Dans un capitalisme en décadence, il est hors de question d'améliorer durablement leurs conditions de vie, et la classe ouvrière n'a rien à gagner mais tout à perdre si elle se laisse séduire par le discours «progressiste» des laquais de la bourgeoisie.

Certes, les conditions de la lutte ouvrière sont actuellement très difficiles. Aujourd'hui, elle est régulièrement occultée par des formes de lutte démocratique bourgeoise contre les « inégalités » (mouvement Black Lives Matter-BLM), des protestations d'autres couches non exploiteuses de la société (étudiants, commerçants, ...) ou même des manifestations communes d'entrepreneurs et travailleurs (dans le secteur de l'hôtellerie ou les compagnies de taxi).De plus, plusieurs manifestations ont eu lieu en Belgique mais surtout aux Pays-Bas contre les mesures de confinement national prises par le gouvernement.

Toutes ces protestations, bien qu'elles soient généralement alimentées par le mécontentement et l'indignation face aux conditions misérables et violentes du capitalisme, restent néanmoins embourbées dans les revendications d'un capitalisme « à visage humain ». Parce qu’un tel capitalisme est aujourd’hui impossible - pour que ce monde redevienne vivable, le capitalisme doit être détruit - ces manifestations n'offrent aucune solution aux « fléaux » inhumains déclenchés par le capitalisme en décomposition. Elles restent simplement piégées dans la logique capitaliste et, bien souvent, elles sont récupérées par les courants politiques les plus réactionnaires qui rongent la société, comme le populisme.

Les mouvements sur un terrain bourgeois (comme le BLM) et même les manifestations interclassistes, dans lesquelles différentes couches sociales expriment leurs revendications (mouvement des «gilets jaunes»), ne se terminent pas accidentellement par une violence aveugle: « N'ayant évidemment à offrir aucune perspective de transformation radicale de la société pour abolir la pauvreté, les guerres, l'insécurité croissante, et autres calamités du capitalisme en agonie, ils ne peuvent alors qu'être porteurs de toutes les tares de la société capitaliste en décomposition. »[6]

Tous ces types de protestations se transforment souvent en affrontements violents, donnant l'impression d'être très radicaux. Ils sont aussi souvent accompagnées de campagnes médiatiques de grande ampleur dont  le but essentiel est de dévoyer les ouvriers de leur terrain de classe, de les noyer dans ces manifestations et ainsi de  les empêcher d'agir en tant que classe distincte avec leurs propres moyens de lutte et revendications.

Néanmoins, la détérioration drastique des conditions de vie impose aux travailleurs de renforcer leur volonté de lutte, comme nous l’avons vu dans certaines parties de la Belgique au cours des six derniers mois. Le 14 juin, des centaines d'agents de la santé sont descendus dans la rue pour obtenir un meilleur financement des soins de santé : une augmentation des salaires et plus de main d'œuvre féminine et masculine. Des travailleurs de diverses entreprises se sont également opposés aux conditions de travail dangereuses dues au coronavirus, à la fermeture d’entreprises et aux licenciements, à l’augmentation du rythme de travail. Ce sont ces luttes, aussi limitées soient-elles dans leur portée et leur durée, qui montrent la voie.

Ce n'est qu'en luttant en tant que classe, de façon autonome, avec leurs propres revendications, que les travailleurs peuvent parvenir à une véritable rupture avec la logique capitaliste du profit pour le profit, de l'accumulation pour l'accumulation, bref, de l'exploitation effrénée de la force de travail, de la nature et finalement de la vie. C'est le seul et unique «programme stimulant» que les minorités communistes organisées doivent présenter à la classe ouvrière n

Dennis / 15.12.2020

 

[1] Instabilité politique en Belgique et COVID-19: Les prolétaires ne doivent pas payer pour le pourrissement croissant du système [7]

[2] Gouvernement "Vivaldi" : les couleurs des 4 saisons : bleu (libéraux), rouge (socialistes), jaune (démocrates-chrétiens) et vert (écologistes).

[3] Instabilité politique en Belgique et COVID-19: Les prolétaires ne doivent pas payer pour le pourrissement croissant du système [7]

[4] Salaire, prix et profit [8], Karl Marx.

[5] Ecolo-Groen et Vlaams Belang, les vainqueurs des élections : Les dangereuses mystifications de l'idéologie verte et du populisme [9]

[6] Face à la plongée dans la crise économique mondiale et la misère, les "révoltes populaires" constituent une impasse [10]

Géographique: 

  • Belgique [4]

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en Belgique [6]

Personnages: 

  • De Croo [11]
  • Lachaert [12]
  • Bodson [13]
  • Wilmès [14]

Rubrique: 

Vie de la bourgeoisie en Belgique

Pays-Bas: le gauchisme et la crise de covid-19 La mystification d’un nouveau départ au sein du capitalisme

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La pandémie de covid-19 a plongé le monde dans la pire crise depuis la Seconde Guerre mondiale. De plus, le ralentissement économique n’a jamais été aussi important depuis les années 1930. La faillite matérielle du capitalisme se fait sentir dans la vie quotidienne de quiconque se retrouve au chômage ou fait faillite et se trouve ainsi confronté à une réduction drastique ou à une perte totale de revenus. Il en va de même pour les personnes qui ont dû engager des frais médicaux excessifs pour se soigner du coronavirus, pour celles obligées de gagner leur vie sur un lieu de travail insuffisamment protégé contre le virus ou celles qui ont pris en charge les soins et l’assistance aux malades au risque de leur propre vie.

Aux Pays-Bas aussi, les signes d’alarme ont commencé à retentir. Non seulement le gouvernement néerlandais a été terriblement négligent dans la lutte contre la propagation du virus, mais il a également complètement perdu le contrôle dès les premiers signes de l’épidémie.[1] Aujourd’hui encore, il n’a pas lancé le programme de tests de dépistage et de recherche de contacts (« tracking and tracing »), qui joue un rôle clé dans le contrôle et la réduction de l'épidémie. Les GGD (services de santé municipaux ou communaux) n'ont pas assez de chercheurs en poste pour exécuter ces tests face au nombre croissant de personnes infectées. C’est pourquoi moins de la moitié des personnes infectées sont identifiées comme source de l’infection.[2]

De plus, au cours du deuxième trimestre de 2020, l'économie néerlandaise a traversé une profonde récession comme cela ne s'est pas produit depuis les années 1930:

  • en avril, mai et juin, l'économie s'est contractée de 8,5%;
  • au cours du même trimestre, le nombre de chômeurs a augmenté de 150.000;
  • sur la même période, le nombre de ménages avec des dettes problématiques est passé à 1 million;
  • dans la même période, la confiance des consommateurs est passée de -2 en janvier 2020 à -26 en juillet.

Si la situation ne change pas radicalement - ce qui ne semble pas être le cas– on s’attend à ce que:

  • le nombre de faillites augmentera de 35 % en 2020 par rapport à 2019;
  • le nombre de chômeurs officiellement enregistrés cette année va doubler pour atteindre 7 % de la population active;
  • le nombre de ménages ayant des dettes problématiques passera à 2 millions en 2020;
  • l'activité économique (PIB) diminuera de plus de 5 % sur l'ensemble de l'année 2020.

L'opposition extra-parlementaire renforce la mystification.

La classe ouvrière se pose de sérieuses questions quant à la capacité du système existant à fournir une réponse au chaos causé par la pandémie, quant à son aptitude à offrir une perspective d'existence saine et digne. Dans ce contexte, cet été, la coalition d'organisations (de base) #BeterUitDeCrisis, qui «a vu comment les problèmes s'accumulaient et en a eu assez des querelles parlementaires et de l'incompétence politique», a présenté un Manifeste de revendications consistant en «cinq changements de cap cohérents, soutenus par une sélection de mesures, pour parvenir à une société plus juste, plus saine et plus sûre».[3] L'initiative de cette action a été prise par le groupe « DeGoedeZaak » (« LaBonneCause ») et est aujourd’hui soutenue par une cinquantaine d'organisations et de groupes, dont les organisations trotskistes « Socialisme.nu (GIS) » et « Grenzeloos » (SAP).

Ces deux organisations trotskistes ont rejoint l'initiative parce qu'elles sont conscientes du fait que des brèches se creusent dans le système capitaliste. D’autant plus que les discours traditionnels de la droite et de la gauche, qui se ressemblent de plus en plus, commence à perdre de sa crédibilité auprès de plus en plus de travailleurs. C’est pourquoi ils approuvent le projet de reprendre un nouveau départ: «Cette crise nous offre ce moment. Saisissons-le à deux mains!». (Le Manifeste de #BeterUitDeCrisis). Mais quel genre de départ veulent-ils faire et sur quoi celui-ci est-il basé? Dans quelle mesure les plans présentés par les signataires du Manifeste suivent-ils «une autre voie»?

Le Manifeste nous présente une autre société qui «est au service de toutes les couches de la société, pas seulement des 1%», dans laquelle les gens «se concentrent sur la vie plutôt que sur la prospérité» et où il ne s'agit pas «d'accumuler la richesse, mais de la redistribuer» (Idem). Cela paraît un objectif louable auquel personne ne s'opposera, mais n'exige-t-il pas une société différente, non capitaliste? Cela ne nécessite-t-il pas un changement fondamental dans l'équilibre des pouvoirs existants? Cela ne devrait-il pas être le résultat d’un bouleversement révolutionnaire? Autant de questions auxquelles le Manifeste ne répond pas.

Le Manifeste ne critique pas fondamentalement les contradictions existantes, qui font que des changements essentiels ne peuvent être apportés que par une lutte de classe sans concessions. Le Manifeste semble sous-entendre qu’ils peuvent être atteints dans le cadre des relations de production existantes du travail salarié et du capital. Le gouvernement bourgeois n'est pas présenté comme l'ennemi de classe, mais comme « notre gouvernement » qui est « obligé » de « changer de cap ». L'appel du Manifeste s'adresse donc à la «société » y compris à « notre gouvernement ».

Dénonçant les contradictions, le Manifeste s'appuie sur le slogan bien connu du mouvement Occupy selon lequel 99% des gens «paient le plus lourd tribut» tandis que le 1% de riches « ne font qu’améliorer leur sort ». C'était déjà un grand leurre lors du mouvement Occupy, qui assimilait le système bancaire au capitalisme et appelait «notre gouvernement» à protéger les 99% de la population de l'extorsion financière des banquiers: « les personnes de couleur, les personnes à faibles revenus et à revenus précaires, les personnes handicapées, les personnes sans permis de séjour » .[4]

À l’appui de ses « revendications », #BeterUitDe Crisis mène des actions comme la mise en place d'une piste d’atterrissage de 40 mètres de long vers la Chambre des représentants dans le but de dénoncer le soutien financier de 3,4 milliards d'euros à la KLM, qui est une gifle pour les personnes qui en ont beaucoup plus besoin. Selon l'organisation, il est absolument nécessaire de se concentrer sur la vie des gens plutôt que sur le marché. Après les vacances d’été, #BeterUitDeCrisis entend poursuivre les actions sans relâche jusqu’à ce que le Parlement agisse vraiment comme une représentation du peuple plutôt que des multinationales et des 1% des plus riches.

Contrairement à ce que suggère le Manifeste, la principale contradiction n’est pas entre riches et pauvres. « Le conflit fondamental dans la société capitaliste est entre la bourgeoisie dirigeante et la classe ouvrière qui produit toute la valeur dans la société. La lutte des travailleurs ne consiste pas à attaquer les riches en tant qu'individus, mais d'attaquer, de démanteler et de remplacer les relations sociales fondamentales du capital (travail salarié et production pour le profit) et l'État qui tente de les maintenir en vie malgré le fait qu'ils sont la raison fondamentale de l'appauvrissement de la grande majorité de la population »[5].

Le rôle perfide des trotskistes et de l’extrême gauche de la bourgeoisie

Au sein du capitalisme, il n'y a qu'une seule classe révolutionnaire, qui n'a rien à perdre sauf ses chaînes, et c'est la classe ouvrière, une chose que «Socialisme.nu» (GIS) et «Grenzeloos» (SAP) doivent parfaitement savoir, à en croire du moins des publications très récentes:

  • « Après tout, nous avons les moyens de créer un monde sans faim, sans exploitation, sans avoir à mettre en balance des vies humaines et des intérêts économiques. Pour rendre cela possible, nous devons nous organiser en tant que classe ouvrière pour vaincre le système capitaliste une fois pour toutes»;[6]
  • et encore: «Maintenant, la classe ouvrière doit combattre la classe qui est à l'origine de la crise. Au centre de notre lutte socialiste, nous devons mener une lutte de classe contre la crise capitaliste et contre la classe qui l’engendre» . [7]

Ces citations donnent-elles une indication concernant la politique de ces organisations? Oui et non. D’une part, les trotskistes veulent attirer les travailleurs qui se posent de plus en plus de questions sur l’échec du mode de production actuel sur un terrain totalement inoffensif pour le capitalisme et sa classe dirigeante. Car adhérer et faire campagne au sein de #BeterUitDeCrisis, noient les travailleurs dans une opposition civique composée des nuances les plus exotiques de la société: les femmes FNV (syndicat de gauche), les futurs agriculteurs, la Green Cross Netherlands, la Fondation Anima Mundi, et ainsi de suite qui ne vise rien d’autre que donner un visage plus « démocratique » à l’exploitation.

D'autre part, pour que cette politique mystificatrice réussisse, ils doivent bien sûr se faire passer pour des défenseurs «sincères» et «radicaux» des intérêts des travailleurs, la seule classe capable de renverser ce système. Dans leurs déclarations générales et leurs textes, ils s’élèvent souvent contre «le système capitaliste», contre «le système d'esclavage salarial» et contre «le système d'exploitation», afin de récupérer le mécontentement des travailleurs pour le ramener au niveau des objectifs concrets vers une lutte stérile contre ...... les riches: « prenons l'argent là où il est » et « que les riches paient pour la crise » ou encore « une taxe corona pour les très riches », etc.

La raison pour laquelle ces deux organisations trotskystes ont rejoint l'initiative #BeterUitDeCrisis a donc tout à voir avec leur fonction de factions d'extrême gauche de la bourgeoisie. Leur tâche spécifique est de leurrer les travailleurs avec des mensonges du genre: «le contrôle démocratique des moyens de production» serait suffisant pour parvenir à «une répartition équitable des richesses». Il devrait être clair pour tout le monde que ce conte de fées, que nous avons entendu à maintes reprises, ne changera fondamentalement rien à l’exploitation et à la misère croissantes.

En fin de compte, les trotskystes ne luttent pas du tout pour une société fondamentalement différente. En témoignent leur soutien «critique» aux syndicats, leur soutien «critique» aux différents mouvements nationalistes et leur soutien «critique» aux partis parlementaires de gauche, autant de formes de politique dans lesquelles le capitalisme n'est jamais remis en question. Au contraire, conformément à leur fonction dans la société bourgeoise, leur objectif politique n'est pas seulement de maintenir l'État bourgeois mais même de le renforcer face à une société de plus en plus en proie à la décomposition alors que la structure de cet État présente des lacunes toujours plus importantes.[8]

Il en va de même dans ce cas-ci : si le gouvernement et le parlement eux-mêmes ne parviennent pas à endiguer la crise, qui touche réellement tous les aspects de la vie sociale, il y a encore cette opposition extra-parlementaire trotskyste pour leur donner un coup de main. Au moment où le capitalisme montre de façon flagrante son incompétence à offrir une issue à la décadence de son système, et où tout le monde est en quelque sorte menacé dans son existence immédiate et même dans sa vie, les trotskystes «révolutionnaires» avec d'autres surgissent avec leur propagande pour «une société plus juste, plus saine et plus sûre» (Manifeste de #BeterUitDeCrisis).

Ce faisant, les trotskystes tentent d'empêcher les éléments de la classe ouvrière, qui ont perdu toute illusion dans le système capitaliste et qui ne voient plus l'intérêt de lui accorder encore plus de crédit, d'entamer une réflexion sérieuse menant à une alternative, à savoir une société qui ne soit pas basée sur l'exploitation et l'oppression, libre de toute domination de classe par le capital, et dans laquelle le but de la production est de satisfaire les besoins humains.

Le nouveau départ, c’est une société communiste

Les conséquences de la pandémie qui a atteint des proportions catastrophiques, ne peuvent pas être résolues dans le cadre du système capitaliste existant: les capitaux nationaux s'entretuent de plus en plus chaque jour dans la guerre commerciale mondiale afin de s'approprier la plus grande part possible du marché à l’échelle planétaire. Et tout est soumis à cette guerre commerciale, y compris les vies humaines, à moins qu'une pandémie ne menace de causer encore plus de pertes au niveau des forces productives et de la valeur ajoutée qu'un confinement.

Un système basé sur la propriété privée des moyens de production - que cette propriété appartienne à un entrepreneur individuel, à une entreprise ou à un État souverain, ne change pas essentiellement la forme de propriété et donc l'appropriation privée de la plus-value produite par les travailleurs salariés - est un système impitoyable qui sacrifie tout un chacun pour atteindre son but: l’accumulation insatiable de valeur ajoutée. Un tel système plonge le monde entier dans la barbarie, et la crise du coronavirus actuelle en est la preuve la plus profonde et la plus flagrante.

L’enjeu est de taille et les difficultés sans précédent. La route vers une société communiste est parsemée d’obstacles majeurs. C'est pourtant le seul moyen de sortir de cette misère barbare. Et la seule force qui peut y parvenir est la classe ouvrière qui, exclue de cette société et de la richesse qu'elle produit, expropriée et dépossédée, n'a rien d'autre que sa force de travail à vendre n

Dennis /10.032020

 

[1] “Hoe Nederland de controle verloor De corona-uitbraak van dag tot dag [15]”, nrc.nl, 19 juni 2020.

[2] “De ja-knikkers van Hugo de Jonge - De GGD heeft het zwaar” [16], De Groene Amsterdammer, 10 juni 2020.

[3] Le Manifeste de #BeterUitDeCrisis [17]

[4] Le Manifeste de #BeterUitDeCrisis [17]

[5] The crisis brings ever deepening poverty [18] (La crise entraîne toujours plus de pauvreté), CCI, 2011.

[6] Une réponse socialiste à Covid-19 [19], Socialisme.nu, 21 juillet 2020.

[7] La crise n'est pas une opportunité, mais l'ennemi [20], Grenzeloos, 8 avril 2020.

[8] Pandémie du Covid-19: Le capitalisme est responsable de la catastrophe sanitaire!, CCI, 2011.

Géographique: 

  • Hollande [5]

Rubrique: 

Gauchisme aux Pays-Bas

Source URL:https://fr.internationalism.org/en/node/10279

Links
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/f_isme373_klweb.pdf [2] https://fr.internationalism.org/content/10280/nouveau-gouvernement-belge-croo-equipe-dynamique-restaurer-confiance-politique [3] https://fr.internationalism.org/content/10190/guerre-des-vaccins-capitalisme-obstacle-a-decouverte-dun-traitement [4] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/40/belgique [5] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/39/hollande [6] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/situation-sociale-belgique [7] https://fr.internationalism.org/content/10101/instabilite-politique-belgique-et-covid-19-proletaires-ne-doivent-pas-payer [8] https://www.marxists.org/francais/marx/works/1865/06/km18650626i.htm [9] https://fr.internationalism.org/content/9948/ecologroen-et-vlaams-belang-vainqueurs-des-elections-illusions-dangereuses-lideologie [10] https://fr.internationalism.org/content/9992/face-a-plongee-crise-economique-mondiale-et-misere-revoltes-populaires-constituent [11] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/croo [12] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/lachaert [13] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/bodson [14] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/wilmes [15] https://www.nrc.nl/nieuws/2020/06/19/hoe-nederland-reageerde-op-het-nieuwe-virus-uit-china-van-niks-aan-de-hand-tot-blinde-paniek-a4003075 [16] https://www.groene.nl/artikel/de-ja-knikkers-van-hugo [17] https://actie.degoedezaak.org/petitions/beteruitdecrisis-een-alternatief-steunpakket-om-beter-uit-de-crisis-te-komen [18] https://en.internationalism.org/wr/345/poverty [19] https://socialisme.nu/een-socialistisch-antwoord-op-covid-19/ [20] https://www.grenzeloos.org/content/de-crisis-geen-kans-maar-de-vijand