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Dans le port de Marseille, on voit depuis quelques années des ferrys, ressemblant à de très grands immeubles, transporter des milliers de touristes à qui on propose une visite de bâtiments anciens très bien restaurés qui ont marqué les 2 600 ans d’histoire de la cité phocéenne. Mais ce mardi 5 novembre, c’est la partie abandonnée de cette même cité, à deux pas du Vieux Port, qui a été frappée par une tragédie : deux immeubles se sont effondrés dans la rue d’Aubagne en plein centre-ville, coûtant la vie à huit personnes et occasionnant de nombreux blessés.
À cause des risques imminents d’effondrement, l’écroulement d’un troisième immeuble a été provoqué par les marins-pompiers qui, par précaution, ont demandé à plusieurs habitants d’évacuer les bâtiments voisins. À l’heure où nous écrivons ces lignes, plus de 800 personnes ont été évacuées de 83 immeubles et prises en charge pour être relogées par les services sociaux. Cinq jours après le drame, pendant la marche blanche dénonçant les conditions de vie et l’apathie coupable des autorités locales, un balcon s’effondrait faisant trois blessés supplémentaires. Ces événements résument à eux seuls le vrai visage du capitalisme : l’exploitation commerciale de l’histoire de l’humanité fait face à l’abandon de l’habitat populaire et à l’intensification de la misère pour une large partie de la population.
Suite à la catastrophe, les politiciens de tous bords ont aussitôt dénoncé l’absence de mesures pour préserver la sécurité des habitants. De tels propos de la part de ceux qui sont au service d’une société basée sur le profit et la marchandisation de tout, y compris de la vie humaine, sont parfaitement hypocrites. Aujourd’hui, tous les politiciens enfilent leur costume de philanthrope et affirment vouloir lancer un grand plan de réhabilitation. Pourtant, le maire et les services de l’État sont directement responsables, comme le rappellent plusieurs rapports. Depuis de nombreuses années, si certains services cachaient la réalité, d’autres avaient alerté sur la situation déplorable des habitations. Comme le précisent de nombreux rapports, dont un de 2015, “48 % des immeubles [de ce quartier] sont considérés comme du bâti indécent ou dégradé”. Plusieurs rapports ont suivi, sans que rien ne soit réalisé, sauf, dans certains cas, des ravalements de façade. Comment Gaudin et son équipe ne pouvaient-ils pas être informés ? Le cynisme de la bourgeoisie n’a pas de limite !
Afin de dissimuler la responsabilité du capitalisme et sa folle course au profit, les immeubles effondrés à Marseille, comme tous les bâtiments susceptibles de s’effondrer partout et à tout moment sur leurs habitants du fait de leur vétusté et de leur insalubrité, sont sobrement nommés : “habitats indignes”. Mais la vérité, comme la députée des Bouches-du-Rhône, Alexandra Louis, est obligée de le reconnaître, c’est qu’un marseillais sur dix met en jeu “sa santé, sa sécurité, voire sa vie du fait de ses conditions d’habitat” parce qu’il est, en effet, toujours intéressant pour un “marchand de sommeil” de profiter de la misère de ceux qui n’ont pas d’autre choix que de louer des logements à risque, parce que, dans un monde où la concurrence règne en maître, les budgets municipaux pour la rénovation des habitats de quelques insignifiants prolétaires trouveront toujours à mieux s’investir dans de juteux projets permettant à la commune de “tenir son rang”. En ce qui concerne les constructions de prestige, les financements ont ainsi été trouvé comme par magie, à l’image de la Tour CMA-CGM livrée en 2011 et la Tour Jean Nouvel que les touristes pourront photographier plusieurs fois car elle change de couleur en fonction de son ensoleillement. En somme, l’effondrement des immeubles dans le centre-ville de Marseille n’est rien de plus qu’une énième catastrophe “naturelle” du capitalisme !
Pour calmer le mécontentement et la colère des exploités qui subissent cette situation, la Justice désignera à coup sûr des “coupables”, de malheureux bouc-émissaires qui seront peut-être condamnés pour blessures et homicides involontaires. La chasse est déjà ouverte puisque la Justice, depuis quelques jours, procède à des perquisitions pour trouver les documents qui désignent tel ou tel service, tel ou tel employé qui n’auraient pas signalé l’état déplorable de très nombreux logements.
Bien sûr, on va nous dire que Marseille est une exception, que la ville compte 13 % de logements insalubres, contre “seulement” 6 % au niveau national. D’abord, cela signifie que des logements dangereux, il y en a dans d’autres villes ! Certains rapports parlent de 400 000 logements “indignes” ! C’est même le ministre de l’intérieur qui nous le dit : “Il n’existe pas ou très peu en France de villes anciennes qui ne connaissent pas ce type de fragilités”. En effet, la catastrophe de Marseille n’est pas un événement ponctuel, elle vient s’ajouter à une liste déjà longue d’accidents comme à Perpignan (2009), à Romans-sur-Isère (2016), à Montreuil (2011), à Elbeuf (2009)… occasionnant à chaque fois des accidents mortels.
Pour les mêmes raisons de rentabilité, nous avons vu récemment la Tour Grenfell (1) s’enflammer à Londres et le bâtiment d’une usine textile s’effondrer au Bengladesh avec les ouvriers à l’intérieur. Ces catastrophes ont frappé tous les continents : en Inde, en Chine, à Rio au Brésil, mais aussi à New York… sans oublier l’effondrement récent du pont à Gênes en Italie,(2) un pays qui a connu l’effondrement de dix ponts en cinq ans. En France, ces dernières semaines, de nombreux documentaires télévisés ont rappelé que de très nombreux ponts risquaient de s’effondrer ou étaient fragilisés (840 au total).
Si les catastrophes “naturelles” et industrielles, les effondrements d’immeubles ou d’infrastructures routières ont à première vue peu de lien apparent, ils ont en réalité en commun la même logique capitaliste, celle d’un monde où la course au profit et la rentabilité ne peuvent que primer sur la vie humaine.
Eng, 16 novembre 2018
1) “L’incendie de la Tour Grenfell : un crime du Capital”, RI n° 465.
2) “Effondrement du pont de Gênes en Italie : la loi du profit engendre les catastrophes !”, RI n° 472.