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À l’heure où nous écrivons ces lignes, le mondial de football vient de s’achever sur la victoire retentissante de l’équipe de France. Les différents États et leur appareil médiatique n’ont pas manqué cette belle occasion pour attiser le sentiment patriotique de “l’unité nationale” en appelant à soutenir leurs équipes tout au long de l’événement. Cela a donné lieu à une “liesse nationale” avec, le jour de la finale, des dizaines de milliers de supporters français descendus dans les rues pour clamer leur joie chauvine sous des milliers de drapeaux bleu-blanc-rouge.
De la mi-juin à la mi-juillet, les caméras du monde entier étaient braquées sur la Russie pour couvrir l’événement. En France, à chaque victoire des “Bleus”, les autres sujets d’actualités étaient relégués au second plan, si ce n’est complètement occultés par les principaux médias. Au fil du parcours de l’équipe nationale dans la compétition, les gros titres et les journaux télévisés laissaient une place croissante à ce sujet d’une importance capitale pour… l’unité nationale ! Quelques jours avant la coupe du monde, dans une interview donnée au siège de l’équipe de France à Clairefontaine où il se rendit début juin pour motiver les troupes, Emmanuel Macron déclarait : “C’est toute une nation de football qui est derrière cette équipe.” Ou encore : “le sport permet la cohésion nationale”. Dans cette démarche qui évoque celle d’un général passant en revue ses troupes avant le combat, l’objectif était parfaitement clair. Il s’agissait, en quelque sorte, du coup d’envoi d’une campagne nationaliste à grande échelle : guirlandes tricolores dans les bars, les restaurants et dans certains grands magasins, bandeau sur internet, le drapeau accroché aux fenêtres des maisons ou aux rétroviseurs des voitures, etc. Certaines écoles primaires ont même mis en place une “fan zone”(1) pour les élèves, d’où ces derniers sortaient marqués d’un signe tricolore sur le visage ou en chantant la Marseillaise. Il faut dire que le succès de l’équipe de France fut un atout majeur pour cette campagne nationaliste et l’État a très bien su tirer profit du calendrier de la coupe du monde. En particulier, la fête nationale du 14 juillet, se tenant juste après la victoire de l’équipe de France en demi-finale et à la veille même de la finale, donna lieu à un impressionnant déballage de patriotisme, une “communion” orchestrée derrière les “Bleus”. A maintes reprises, des références ont été faites à la “victoire de 98”.(2) En particulier, nous avons vu des tentatives pour reprendre le thème hypocrite de la France “black-blanc-beur”, comme symbole de l’unité nationale, pour mieux endormir la classe ouvrière avec des slogans interclassistes. L’unité nationale repose sur le mythe de l’union du grand patron avec l’ouvrier, indispensable aux intérêts du capital national. Dans tous les pays où l’équipe nationale participait à la compétition, la bourgeoisie s’est servie du Mondial pour gommer et rejeter les antagonismes de classe et distiller la propagande qu’“ensemble”, “soudée pour défendre et encourager son équipe”, chaque nation est plus forte et par la même induire que l’ouvrier d’ici est nécessairement en concurrence, en rivalité, avec l’ouvrier de là-bas.
L’utilisation du sport comme vecteur du nationalisme n’est pas un fait nouveau. Le premier exemple qui vient à l’esprit, sans doute le plus marquant, est celui des Jeux Olympiques de Berlin en 1936, où la volonté du IIIe Reich était clairement affichée : “le jeune sportif allemand devait être “résistant comme le cuir, dur comme l’acier de Krupp””.(3) Cela présageait ce qui allait suivre. Durant la guerre froide, l’agressivité des sportifs d’URSS comme des États-Unis n’avait d’égale que celle de l’impérialisme de leur pays respectifs… De la même manière, en 1969, le match de football opposant le Honduras au Salvador pour la qualification en coupe du monde l’année suivant fut un prélude à la guerre qui ne tarda pas à éclater entre ces deux pays. On peut également rappeler le match qui opposa le Dynamo de Zagreb au Red Star de Belgrade en 1990 débouchant sur une bataille rangée qui fit des centaines de blessés et plusieurs morts, contribuant à envenimer les tensions nationalistes déjà existantes qui allaient déboucher sur la guerre en ex-Yougoslavie. Parmi les supporters serbes les plus radicaux, on remarquait le chef de guerre Arkan, spécialiste de “l’épuration ethnique”, nationaliste recherché plus tard par l’ONU pour “crime contre l’humanité” !(4) Nous pourrions remplir nos pages d’exemples de ce type.
Lors de ce Mondial, certains joueurs se sont fait directement les porte-paroles de ces tensions impérialistes et de la haine qu’elles véhiculent. Lors du match Suisse-Serbie, deux joueurs suisses originaires du Kosovo (ancienne province Serbe majoritairement albanaise) ont célébré leurs buts en mimant avec leurs mains l’aigle albanais, adressant un véritable message de défiance vis-à-vis des Serbes. On voit bien à quel point les compétitions sportives internationales sont la forme refoulée des champs de bataille.
Par conséquent, il est indispensable de dénoncer le piège que constituent ces “rencontres” sportives ultra médiatisées pour la conscience et pour l’unité internationale du prolétariat mondial. La ferveur nationaliste, l’hystérie chauvine, outil indispensable au développement de l’impérialisme, y est alors attisée par tous les moyens. Le battage médiatique qui accompagne les principaux événements sportifs a vocation à “améliorer le moral des ménages”, favorisant ainsi la consommation mise à mal par l’enfoncement du capitalisme dans sa crise historique. Dans la dynamique de la société capitaliste qui entraîne l’ensemble de l’humanité vers la barbarie et le chaos, tout cela évoque la formule de la Rome antique : Panem et circenses (du pain et des jeux) !
La classe ouvrière doit rejeter fermement le poison nationaliste sous toutes ces formes qui mène inévitablement à des guerres fratricides. Face à la misère que sème le capitalisme, elle ne doit pas se laisser happer par le cirque orchestré par la bourgeoisie, mais elle doit chercher la solidarité au delà des frontières nationales, elle doit défendre le caractère international de la perspective communiste. C’est l’unique voie pour mener l’humanité vers un monde sans exploitation, sans misère, sans guerres, et sans frontières !
Marius, 20 juillet 2018
1Zone spéciale réservée aux supporters les plus fanatiques.
2La coupe du monde de football de 1998 organisée et gagnée par la France avait également donné lieu à une assourdissante campagne nationaliste.
3Lire notre série d’articles publiés en 2012 et 2013 : Le sport, le nationalisme et l’impérialisme (Histoire du sport dans le capitalisme), Révolution Internationale n° 437, 438, 439.
4Le sport, un concentré de nationalisme, Révolution Internationale, juin 2010.