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Dernièrement, est sorti un petit livre, aux éditions Flammarion, titré : On Vaut Mieux Que Ça. Ce livre a été rédigé par un collectif du même nom fondé par plusieurs Youtubeurs1 à l’occasion de la loi El Khomri : « Il faut remercier le projet de loi El Khomri. Il a été la goutte d'eau qui a fait éclater notre indignation et il nous a réuni avec d'autres autour de l'initiative : On Vaut Mieux Que Ça. Alors que nous étions révoltés mais isolés, ce fut l'occasion d'inscrire notre projet collectif dans un mouvement plus vaste dont il ne fut ni l'initiateur, ni le moteur, ni le cerveau, mais un carburant parmi d'autres ». L’autre « carburant » de ce « projet collectif » fut sans doute l’extraordinaire publicité qu’en fit l’ensemble des partis de « gauche » et la presse bourgeoise alors que le mouvement contre la loi El Khomri n’avait pas encore débuté. Comme la mode est à « l’apolitisme », On Vaut Mieux Que Ça affirme n’avoir aucun « lien avec les politiciens ».2 Que cette affirmation soit sincère ou non, le discours du collectif est quant à lui parfaitement politisé et s’inscrit dans la droite ligne de ¡Democracia Real Ya!, d’ATTAC et toute la joyeuse compagnie des réformistes « radicaux » de l’appareil politique bourgeois. Leur ouvrage ne déroge malheureusement pas à la règle.
Pour montrer ce que vivent des millions de gens, les auteurs décrivent les angoisses de ceux qui travaillent, des précaires, de ceux qui sont au chômage, angoisses qui conduisent certains au suicide. La description de ce que vit une grande partie de la population est très parlante. Par contre, on ne trouve pas une seule fois ni le mot « prolétaires », ni le terme « classe ouvrière ». En fait, pour le collectif, les travailleurs, les salariés, n'appartiennent pas à une classe sociale. Ils ne sont que des « citoyens » au même titre qu'un commerçant, un patron ou un politicien. Sur le site internet du collectif, il est d’ailleurs souligné : « on invite tout le monde à témoigner : les salariés, les travailleurs, les auto-entrepreneurs, les entrepreneurs, les patrons des petites et moyennes entreprises ». La classe ouvrière délayée dans le grand fourre-tout national n’a plus qu’à se constituer, bras dessus bras dessous avec ses exploiteurs (seulement ceux qui respectent la législation en vigueur !), en somme de « citoyens » inoffensifs.
Quelle est la cause de cette vie indigne et inhumaine où nous ne sommes plus que des choses, un chiffre, une variable qu'on jette comme des kleenex, où l'on nous demande de tenir des cadences qui nous cassent les reins, le dos et qui nous stresse ? Le livre tente d’y répondre mais pas une seule fois on ne trouve une référence ou une dénonciation du système capitaliste. Par contre, on retrouve le même discours que les instigateurs des Nuits debout3, de DRY, d’ATTAC, du Front de Gauche, etc. C'est ainsi qu'on peut lire : « Beaucoup ont cru – même à moitié – que les politiciens (avec leurs discours si bien écrit) seraient nos défenseurs et qu'ils tiendraient les promesses faites la main sur le cœur au moment de nous convaincre de leur confier le pouvoir. Ils allaient sauver le climat, protéger notre santé, assurer notre sécurité, faire reculer le chômage et le monde de la finance. Qu'ont-ils faits ? Ce n'est pas qu'ils ont perdu la bataille contre les banques, les lobbies et les grandes entreprises, c'est qu'ils ont refusé de combattre. Pire, ils ne se cachent même plus, aujourd'hui, pour sabrer le champagne avec ceux qu'ils qualifiaient, parfois, hier, d'adversaires ». Mais pourquoi l’État irait-il mener une « bataille » contre sa raison d’être, la défense à tous prix des rapports de domination capitalistes ? En réalité, On Vaut Mieux Que Ça véhicule l’image d’un « État neutre », « au-dessus des classes » et qui pourrait, à force de bonne volonté, mener la « bataille » pour le bien de… la nation : « Nous rêvons d'un pays qui place ses citoyens au-dessus des critères d'équilibre budgétaires. Nous rêvons d'un pays qui garantisse à tous un environnement sain et durable. Nous rêvons d'un pays construit sur le bon sens, ou la valeur des gens passe avant celles des choses. Nous rêvons d'un pays qui protège tous ses enfants sans distinction. Nous rêvons d'un pays qui donne à tous les meilleurs soins, la meilleure nourriture, la meilleure éducation. Nous rêvons d'un pays qui nous encourage à donner le meilleur de nous-mêmes ».
On Vaut Mieux Que Ça, demande ensuite : « Que faire vis-à-vis d'un système bancal, ou nous ne pouvons plus avoir confiance dans les politiciens pour rendre plus digne et plus humaine nos vie ? » Pour le collectif, cela passe par des gestes et des actes de solidarité sur les lieux de travail et dans la vie de tous les jours. Le livre démontre que cette entraide se développe de plus en plus et qu'à travers cette solidarité « on est de plus en plus nombreux à comprendre qu'on rend déjà le monde plus vivable que ce à quoi leurs décisions nous destinent. Et un plus, on commence à se croiser les uns les autres. Certes, on peut parfois avoir l'impression d'être seul dans cette réalité, mais il suffit de lever les yeux pour reconnaître tous ceux qui la vivent aussi. Notre exaspération et nos aspirations, loin d'être marginales, sont en réalité partagées par une très grande majorité de personnes qui s'y reconnaissent. Nous commençons à comprendre : nous ne sommes pas seuls, nous sommes le monde qui tourne, nous sommes déjà ensemble. En prenant conscience, en nous reconnaissant dans l'autre, nous devenons plus qu'une somme d'individus esseulés. Nous devenons une force créatrice ». Si cette entraide peut permettre de ne pas se sentir seul, de se reconnaître dans l'autre parce qu'il vit la même galère, de développer des initiatives créatrices, cela suffit-il à rendre plus digne et plus humaine la vie des exploités ? En tant que révolutionnaires, nous ne le pensons pas. Retrouver de la dignité, avoir une vie véritablement humaine n’est possible qu'en luttant dans le but de détruire les rapports sociaux capitalistes, les nations, l'exploitation d'une classe par une autre, qui sont à la base de cette indigne et inhumaine existence. On Vaut Mieux Que Ça nous appelle à défendre des valeurs qui ne sont ni plus ni moins que celle de la bourgeoisie : la démocratie, la fausse solidarité de la citoyenneté et de la nation. Une réelle perspective ne passe que par la lutte unie de la classe ouvrière à l’échelle internationale pour une société sans classes : le communisme.
Cealzo, le 24 mai 2016.
1 Il s’agit de vidéastes publiant en ligne (sur la plateforme YouTube) des vidéos sur des sujets culturels, scientifiques, de divertissement, etc.
2 Cf. le site internet du collectif.
3 Voir notre article : Quel est la véritable nature du mouvement Nuits debout ? (RI n° 458)