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A l’occasion des 70 ans de la défaite de l’Allemagne, nous republions ci-dessous un article paru dans Révolution Internationale n°15 en 1975.
Chaque fois, cet anniversaire est honoré par la bourgeoisie et ses médias aux ordres par une intense propagande qui vise à soigneusement entretenir le sentiment nationaliste et à travestir ce que fut réellement la Seconde Guerre mondiale : non pas une lutte entre l’humanité démocratique et la barbarie fasciste mais entre des nations capitalistes toutes prêtes, au nom de leurs sordides intérêts, à verser le sang des prolétaires, à exciter les haines et à commettre les pires atrocités.
Voilà ce que rappelle ce texte écrit par notre camarade Marc Chirik, ce militant de la Gauche communiste qui, durant la guerre, a défendu fermement le principe de l’internationalisme prolétarien, en appelant par tracts à la fraternisation des prolétaires de tous les pays.
Dans un grand nombre de pays, la bourgeoisie a mené grand battage autour du trentième anniversaire de la victoire sur l’Allemagne. Sa variété de gauche a été particulièrement virulente à cet égard : en Europe de l’Est, ce sont de grandes cérémonies qui ont célébré la date du 8 mai, et, là où le gouvernement a décidé de rayer cette date du calendrier officiel, la vestale du passé historique de la Patrie, le parti dit « communiste » a « engagé toutes les forces dans une bataille nationale de très grande ampleur », pour faire annuler cette décision « scandaleuse », « monstrueuse », « ignoble et infamante » (cf. L’Humanité du 12 mai 1975). Après avoir catalysé le chauvinisme entre les deux guerres autour de Jeanne d’Arc, le voici qui dispute à la bourgeoisie de droite la palme du culte nationaliste, dénonce la « politique anti-nationale de Giscard d’Estaing », « en appelle à toutes les forces nationales (sic) et démocratiques » pour faire de la lutte contre la décision de Giscard « un devoir national pour tous les patriotes » et rappelle que :
« Les communistes se sont retrouvés dans la Résistance avec les gaullistes. Ils ont pris les mêmes risques. Ils se sont faits ensemble une certaine idée de la France, de son rôle, de son avenir… »
pour en conclure que :
« la politique de M. Giscard d’Estaing conduit bien à trahir le combat commun que communistes et gaullistes ont mené contre le fascisme pour l’indépendance et la grandeur de la France.» (sic !)
Bien plus que les gaullistes à qui il tend la main, il n’y a que le PC pour atteindre aujourd’hui de tels sommets dans l’hystérie nationaliste la plus répugnante.
Pour la fraction de la bourgeoisie au chauvinisme le plus virulent, surtout quand elle se pare de l’antifascisme, l’heure est au recueillement, au souvenir. « Souvenez-vous, dit-elle aux prolétaires, combien vous avez été héroïques dans la défense de nos intérêts ».
Effectivement, SOUVENONS-NOUS !
D’abord, souvenons-nous de la cause de cette guerre, de la crise qui commence en 1929 et qui plonge le monde entier dans une misère insupportable à côté de stocks qui n’arrivent à s’écouler ! Souvenons-nous des dizaines et des dizaines de millions de chômeurs affamés, cherchant de villes en villes un emploi introuvable !
Souvenons-nous de la barbarie fasciste que la bourgeoisie oppose à cette crise ainsi que de l’hystérie antifasciste, qui, toutes deux conduisent les prolétaires d’Espagne, puis des principaux pays du monde au massacre !
Souvenons-nous des camps de concentration staliniens aussi bien qu’hitlériens, où c’est par dizaines de millions que sont exterminés des êtres humains !
Souvenons-nous du pacte de septembre 1939 entre les deux brigands, Hitler et Staline, entre l’Allemagne nazie et la Russie « socialiste », dont la première clause est le partage de la Pologne et qui débouche directement sur la guerre !
Souvenons-nous des massacres de 1939 à 1945 qui, avec 55 millions de morts, constituent de loin le plus grand holocauste de l’humanité !
Souvenons-nous de la façon dont cette guerre s’est terminée : par l’explosion de deux bombes atomiques qui, en une fraction de seconde, ont rasé deux villes japonaises, tuant sans distinction plusieurs centaines de milliers d’individus, immédiatement ou après une agonie atroce !
Souvenons-nous de la « Libération », de « l’épuration », et ses règlements de comptes sordides, des « à chacun son Boche ! », « plus forts les coups sur le Boche chancelant ! », « vive la France éternelle ! » du PCF, des cris de victoire « de la liberté », « contre le fascisme », des trotskistes et des anarchistes, lesquels s’enorgueillissaient du fait que les premiers tanks de la division Leclerc entrés dans Paris arboraient le portrait de Durruti !
Souvenons-nous de la « Reconstruction », de la surexploitation sauvage pour moins qu’une bouchée de pain avec des ministres staliniens disant aux travailleurs : « retroussons nos manches » et des militants du même parti faisant les flics dans les usines !
Prolétaires, souvenons-nous du rôle qu’ont joué les staliniens dans le passé comme bourreaux, flics, tortionnaires, exploiteurs et prenons garde à ce qu’ils nous réservent pour demain si nous ne déjouons pas leurs pièges, ni ceux de leurs compagnons de route « en antifascisme » et « en Résistance » : trotskistes et anarchistes !
Prolétaires, souvenons-nous du passé et regardons ce qui nous attend si nous nous écartons de notre terrain de classe par les chemins de l’antifascisme, du nationalisme, des illusions démocratiques, si nous ne sommes pas capables de nous unir à l’échelle internationale pour affronter et détruire l’État bourgeois !
C.M (mai 1975)