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Dire que le CCI "aura peut-être la prochaine fois davantage de raisons de jouer les victimes" ne peut s’interpréter que d’une seule façon : cet individu projette une agression ou une attaque contre nous. La menace est cependant plus virulente à l’encontre du camarade Stan, signataire de l’article, qui est prévenu "de sérieuses conséquences en ce qui concerne la santé et le bien-être général". Cet euphémisme hypocrite peut se traduire clairement : il veut faire mal au camarade.
Contre ce type de menaces et ce comportement indigne, nous voulons exprimer notre solidarité pleine et entière avec la camarade Stan, et bien entendu nous ne tendrons pas l’autre joue, nous nous défendrons et, pour commencer, nous tenterons de comprendre ce qu’il y a derrière ces menaces.
Ne pas confondre le débat prolétarien avec la télé-poubelle
En septembre 2014, nous avons tenu une réunion publique à Madrid sur le centenaire du début de la Première Guerre mondiale. Dans l’assistance étaient présents cinq individus dont Monsieur John Henry dit que "quatre d’entre eux se revendiquaient de la Gauche italienne," "assistèrent à la réunion, s’assirent et défendirent leurs idées".
La façon de "défendre leurs idées" étaient plus proche d’un programme de télé-poubelle que d’un débat prolétarien, dans la mesure où les intervenants coupaient la parole, haussaient le ton et répétaient comme des perroquets les mêmes balivernes.
Le prolétariat est la première classe sociale de l’histoire dont les seules armes soient la conscience, l’unité, la solidarité et l’organisation, qui sont aussi les principes-mêmes de la société communiste qu’il aspire à instaurer. Le débat est fondamental pour le développement de la conscience. Un débat qui veut participer d’une recherche de la clarté exige une méthode, une organisation de la discussion, un tour de parole, une discipline pour respecter ce que disent les autres et pour exposer arguments et contre-arguments, en s’en tenant au thème en débat, et rejette la tendance à pouvoir dire à tout moment tout ce qui passe par la tête. Nous pouvons à ce titre voir l’expérience historique du prolétariat et concrètement de la Révolution russe où se tinrent de gigantesques débats dans les soviets comme dans les multiples autres organismes de masse (2).
Au lieu de participer au débat qui se proposait d’analyser les causes de la Première Guerre mondiale, de comprendre comment le prolétariat mit fin à la guerre, les méthodes de lutte qu’il employa et les transformations qu’elles signifièrent par rapport à la période antérieure, les "amis de John Henry" s’acharnèrent à répéter obstinément des idées qui étaient hors sujet sur "le besoin de syndicats de classe" et "l’organisation de la lutte immédiate" (3), la petite référence qu’ils firent à la guerre se limitant à deux absurdités : la première étant que la guerre est un montage fabriqué par la bourgeoisie pour résoudre la question de la surproduction et l’autre que la bourgeoisie peut entraîner le prolétariat vers la boucherie impérialiste à n’importe quel moment.
Ces éléments furent à maintes reprises invités à intervenir sur le sujet et dans le cadre du débat en cours, à quoi ils répondirent que c’était de la "philosophie" et du "travail d’érudits", qu’il fallait "en venir au présent" et "défendre les luttes immédiates". Cette attitude si définitivement "pratique" révèle une impatience immédiatiste et un aveuglement pragmatique qui sont aux antipodes de la méthode de la Gauche italienne dont "quatre d’entre eux" prétendent se réclamer.
Cette attitude constitue un obstacle à la clarification mais n’est cependant pas le plus grave. Les "quatre d’entre eux" ne cessèrent d’interrompre les camarades qui avaient la parole, en particulier un de nos militants. Nous avons compté pour le moins quatorze interruptions. Le ton était agressif et menaçant : s’adressant directement à un de nos camarades, l’un d’entre eux hurla que "face à la terreur blanche de la bourgeoisie, il fallait riposter par la terreur rouge de la dictature du prolétariat" (4).
Pourquoi adoptèrent-ils ce comportement ? Nous pensons qu’il y a deux explications possibles. La première, c’est que ces individus qui se réclament d’une "Gauche italienne" d’outre-tombe ne disposent dans leur répertoire que de quatre formules mal digérées qu’ils ânonnent comme des sourates coraniques. Quel que soit le sujet, qu’il s’agisse de la guerre, de l’autogestion ou de la culture du tapioca, leur contribution est toujours la même : "la nécessité d’un syndicat de classe", "l’aristocratie ouvrière est l’alliée de l’impérialisme" et quelques autres phrases du même genre. Leur contribution théorique majeure consiste à répéter inlassablement que les syndicats tels qu’ils sont dans la réalité actuelle "ne sont pas des syndicats" et qu’il faut construire un "vrai syndicat" (5).
Incapables de s’inscrire dans un débat où l’on argumente et réfléchit, qui est la condition pour éclaircir un problème et par conséquent développer la conscience de classe, ces individus sont convaincus que "l’apprentissage se fait à coups de trique" et réduisent le "débat" à des vociférations pour tenter d’atteindre le plus haut niveau de décibels. C’est donc cela les "arguments" et le "marxisme vivant" dont parle John Henry dans son texte !
Dans sa recherche du "marxisme vivant", ils ont certainement lu quelque part que le marxisme est intransigeant et combatif, et ils en ont déduit qu’il fallait être arrogant et imposer "la terreur rouge" par des hurlements et de grossières interruptions.
Il est donc nécessaire de rappeler que l’intransigeance et la combativité du marxisme n’ont rien à voir avec la contrainte et l’arrogance. Déjà en 1843, Marx signalait que "nous ne disons pas au monde : voici la vérité, agenouille-toi". Bien au contraire, elle convie les révolutionnaires à soumettre à la vérification des évènements les positions qu’elle défend actuellement aussi bien que les positions politiques contenues dans ses documents de base. "Certes, notre fraction se réclame d’un long passé politique, d’une tradition profonde dans le mouvement italien et international, d’un ensemble de positions politiques fondamentales. Mais elle n’entend pas se prévaloir de ses précédents pour demander l’adhésion inconditionnelle aux solutions qu’elle préconise pour la situation actuelle. Bien au contraire, elle convie les révolutionnaires à soumettre à la vérification des évènements les positions qu’elle défend actuellement aussi bien que les positions politiques contenues dans ses documents de base" (6). Cet extrait est une des plus claires expressions de cette Gauche italienne dont se réclament tant les "amis de John Henry". Dans sa recherche des principes, le marxisme argumente, examine de façon critique ses positions antérieures, cherche la cohérence et la clarté… exactement à l’opposé des formules simplistes défendues avec des méthodes de voyous.
La défense du débat prolétarien
La seconde explication, qui n’est pas en contradiction avec la première et peut la compléter, est que ces individus – au-delà de la conscience qu’ils peuvent en avoir – venaient faire une action-commando contre un lieu de débat prolétarien où se développait un effort de discussion honnête, patient, méthodique, basé sur l’écoute et le respect mutuel, conditions nécessaires pour une véritable clarification.
Face au spectacle pitoyable que donnèrent les amis de John Henry, pour défendre un lieu de débat prolétarien et se donner les moyens théoriques – qui se complètent nécessairement par des moyens pratiques –, il fut décidé au cours d’une réunion avec des sympathisants proches du CCI d’écrire l’article – que rédigea le sympathisant Stan – dont il est question et qui apportait des arguments sur la nécessité de la culture du débat et de la théorie comme armes indispensables dans la lutte contre le capitalisme.
Tout cela n’est pas du goût de John Henry qui, après l’action de sabotage de septembre, profite de la publication de cet article pour lancer des menaces et remplir son texte de toutes sortes d’insultes et de falsifications. Il parle de "débat endogamique", nous reproche de nous consacrer à des discussions avec des étudiants, et va même dans son délire jusqu’à affirmer que "face aux positions que nous défendions pendant le débat, il y avait celle où se rejoignaient le CCI, les anarchistes et les maoïstes". Soit John Henry était absent, soit il ment délibérément car aucun des présents ne s’est jamais réclamé de l’anarchisme ou du maoïsme (quoique par ailleurs nous soyons totalement disposés à écouter et débattre avec des camarades qui viendraient du camp maoïste ou anarchiste pour peu qu’ils respectent le cadre de la réunion : le sujet choisi, une façon sérieuse et responsable de s’exprimer, etc.).
Il faut choisir : soit le débat prolétarien qui exige un effort pour suivre une méthode organisationnelle, aborder patiemment les thèmes pour parvenir à des conclusions, qui peuvent parfaitement contenir des accords et des désaccords ou des points qui nécessitent une autre discussion, soit les méthodes des "amis de John Henry" qui sont monnaie courante dans les groupes bourgeois de toutes teintes, basées sur la concurrence, le pugilat, les menaces de violence physique, etc.
CCI, 9 mars 2015
1 Nous nous demandons pourquoi cet individu a choisi ce moyen plutôt que s’adresser directement au CCI pour expliquer ouvertement ses récriminations.
2 Deux livres, Histoire de la Révolution russe de Trotski et 10 jours qui ébranlèrent le monde, de John Reed, peuvent servir de référence.
3 Nous organisons des réunions publiques sur un thème particulier. Si les participants ont d’autres préoccupations, nous sommes disposés à organiser une autre réunion sur celles-ci, et d’ailleurs il leur fut proposé d’organiser une réunion pour traiter de la question syndicale et de la lutte revendicative.
4 Dans l’introduction de l’article : "Cultura de la teoría y cultura del debate: necesidades para la lucha contra el capitalismo", nous disions que ces éléments agirent “de façon agressive en interrompant, en menaçant, en insinuant”. Pour être précis, disons que ce fut la seule menace indirecte, les menaces directes n’arrivant que par la suite avec le texte de John Henry.
5 La question syndicale, la négation de la lutte revendicative aux mains des syndicats, la nature du prolétariat, l’existence ou non d’une "aristocratie ouvrière" sont des sujets que nous sommes disposés à aborder avec quiconque est intéressé. On peut aussi lire notre brochure Les syndicats contre la classe ouvrière, notre série d’articles sur le syndicalisme révolutionnaire, notre article récapitulatif : Apuntes sobre la cuestión sindical. (https://es.internationalism.org/node/3103). En ce qui concerne l’aristocratie ouvrière, voir : L'aristocratie ouvrière : une théorie sociologique pour diviser la classe ouvrière. (https://fr.internationalism.org/rinte25/aristocratie.htm)
6 Introduction à Bilan no 1, organe théorique de la Fraction Italienne de la Gauche communiste, novembre 1933.