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Dès la fin des années 1980, le CCI mettait en évidence l’entrée du capitalisme dans sa phase de décomposition. "Dans une telle situation où les deux classes fondamentales et antagoniques de la société s'affrontent sans parvenir à imposer leur propre réponse décisive, l'histoire ne saurait pourtant s'arrêter. Encore moins que pour les autres modes de production qui l'ont précédé, il ne peut exister pour le capitalisme de "gel", de "stagnation" de la vie sociale. Alors que les contradictions du capitalisme en crise ne font que s'aggraver, l'incapacité de la bourgeoisie à offrir la moindre perspective pour l'ensemble de la société et l'incapacité du prolétariat à affirmer ouvertement la sienne dans l'immédiat ne peuvent que déboucher sur un phénomène de décomposition généralisée, de pourrissement sur pied de la société" (Revue internationale n° 62, 1990, "La décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme").
L’implosion du bloc de l’Est a dramatiquement accéléré la débandade des différentes composantes du corps social dans le "chacun pour soi", l’enfoncement dans le chaos. S'il est un domaine où s'est immédiatement confirmée cette tendance, c’est bien celui des tensions impérialistes : "La fin de la "guerre froide" et la disparition des blocs n'a donc fait qu'exacerber le déchaînement des antagonismes impérialistes propres à la décadence capitaliste et qu'aggraver de façon qualitativement nouvelle le chaos sanglant dans lequel s'enfonce toute la société (...)" (Revue internationale n° 67, 1991, 9e congrès du CCI, "Résolution sur la situation internationale", point 6). Deux caractéristiques des affrontements impérialistes dans la période de décomposition étaient pointées :
a) l’irrationalité des conflits, qui est une des caractéristiques marquantes de la guerre en décomposition."Si la guerre du Golfe constitue une illustration de l'irrationalité d'ensemble du capitalisme décadent, elle comporte cependant un élément supplémentaire et significatif d'irrationalité qui témoigne de l'entrée de ce système dans la phase de décomposition. En effet, les autres guerres de la décadence pouvaient, malgré leur irrationalité de fond, se donner malgré tout des buts apparemment "raisonnables" (comme la recherche d'un "espace vital" pour l'économie allemande ou la défense des positions impérialistes des alliés lors de la seconde guerre mondiale). Il n'en est rien pour ce qui concerne la guerre du Golfe. Les objectifs que s'est donnée celle-ci, tant d'un côté comme de l'autre, expriment bien l'impasse totale et désespérée dans laquelle se trouve le capitalisme" (Revue internationale n° 67, 1991, 9e congrès du CCI, "Rapports sur la situation internationale (extraits)").
b) le rôle central joué par la puissance dominante dans l’extension du chaos sur l’ensemble de la planète : "La différence avec la situation du passé, et elle est de taille, c'est qu'aujourd'hui ce n'est pas une puissance visant à modifier le partage impérialiste qui prend les devants de l'offensive militaire, mais au contraire la première puissance mondiale, celle qui pour le moment dispose de la meilleure part du gâteau. (...). Le fait qu'à l'heure actuelle, le maintien de "l'ordre mondial" (...) ne passe plus par une attitude "défensive" (...) de la puissance dominante mais par un utilisation de plus en plus systématique de l'offensive militaire, et même à des opérations de déstabilisation de toute une région afin de mieux s'assurer de la soumission des autres puissances, traduit bien le nouveau degré de l'enfoncement du capitalisme décadent dans le militarisme le plus déchaîné. C'est justement là un des éléments qui distingue la phase de décomposition des phases précédentes de la décadence capitaliste (...)" (Revue internationale n° 67, 1991, 9e congrès du CCI, "Rapports sur la situation internationale (extraits)").
Ces caractéristiques nourrissent un chaos croissant qui s’est encore accéléré après les attentats du 11 septembre 2001 et les guerres d’Irak et d’Afghanistan qui en ont découlé. Le rapport du 19e congrès du CCI visait précisément à évaluer l’impact de ces dix dernières années de "war against terror" sur l’expansion générale des tensions impérialistes, le développement du ‘chacun pour soi’, l’évolution du leadership américain. Il mettait en évidence les quatre orientations suivantes dans le développement des confrontations impérialistes :
a) L’accroissement du chacun pour soi, qui se traduisait en particulier par une multiplication tous azimuts des ambitions impérialistes, menant à l’exacerbation des tensions, surtout en Asie, autour de l’expansionnisme économique et militaire chinois. Cependant, malgré une expansion économique impressionnante, une puissance militaire croissante et une présence de plus en plus marquée dans les confrontations impérialistes, la Chine ne dispose pas des capacités industrielles et technologiques suffisantes pour s’imposer comme tête d’un bloc pour challenger des États-Unis sur un plan mondial.
b) L’impasse croissante de la politique des États-Unis et la fuite dans la barbarie guerrière. L’échec cuisant des interventions en Irak et en Afghanistan a affaibli le leadership mondial des États-Unis. Même si la bourgeoisie américaine sous Obama, en choisissant une politique de retraite contrôlée d’Irak et d’Afghanistan, a su réduire l’impact de la politique catastrophique menée par Bush, elle n’a pas pu en inverser la tendance et cela a entraîné sa fuite en avant dans la barbarie guerrière. L’exécution de Ben Laden a exprimé une tentative des États-Unis de réagir à ce recul de leur leadership et a souligné leur supériorité technologique et militaire absolue. Cependant, cette réaction ne remettait pas en question la tendance de fond à l’affaiblissement. Au contraire, cette liquidation a accéléré la déstabilisation du Pakistan et donc l’extension de la guerre, alors que les bases idéologiques pour la "guerre contre le terrorisme" sont plus que jamais minées.
c) Une tendance à l’extension explosive des zones d’instabilité permanente et de chaos sur des pans entiers de la planète, de l’Afghanistan jusqu’en Afrique, à un point tel que certains analystes bourgeois, tels le français Jacques Attali, parlent carrément de "somalisation" du monde.
d) L’absence de tout lien mécanique et immédiat entre l’aggravation de la crise et le développement des tensions impérialistes, même si certains phénomènes témoignent d’un certain impact de l’un sur l’autre :
- l’exploitation par certains pays de leur poids économique pour dicter leur volonté à d’autres pays et favoriser leur propre puissance industrielle (États-Unis, Allemagne) ;
- l’arriération industrielle et technologique (Chine, Russie), mais aussi les difficultés budgétaires (Grande-Bretagne, Allemagne) qui peuvent peser sur développement de l’effort militaire.
Ces caractéristiques générales, mises en avant lors du précédent congrès, ont non seulement été confirmées lors des deux dernières années, mais leur validité s'est trouvée rehaussée de manière spectaculaire durant cette période : leur exacerbation accroît de manière dramatique la déstabilisation des rapports de force entre impérialismes, le risque de guerre et de chaos dans des régions importantes de la planète, et plus particulièrement au Moyen-Orient ou en Extrême-Orient, avec toutes les conséquences catastrophiques qui pourraient en découler sur les plans économique, écologique et humain pour l’ensemble de la planète et pour la classe ouvrière en particulier.
Quarante-cinq ans d’histoire au Moyen-Orient expriment de manière frappante l’avancée de la décomposition et la perte de contrôle de la première puissance mondiale :
- années 1970 : bien que le bloc américain s’assure du contrôle global du Moyen-Orient et réduise progressivement l’influence du bloc russe, la venue au pouvoir des Mollahs en Iran en 1979 marque le début du développement de la décomposition ;
- années 1980 : Le bourbier libanais souligne les difficultés d’Israël mais aussi des États-Unis à garder le contrôle sur la région, ces derniers poussant l’Irak à mener la guerre contre l’Iran ;
- 1991 : première guerre du golfe où le gendarme américain mobilise un grand nombre d'États autour de lui dans sa guerre contre Saddam Hussein pour le chasser du Koweït ;
- 2003 : échec de la tentative de mobilisation de George W. Bush contre l’Irak et montée de l’Iran qui, depuis les années 1990, est lui-même à l’offensive en tant que puissance régionale défiant les États-Unis ;
- 2011 : retrait américain d’Irak et chaos croissant au Moyen-Orient.
Certes, la politique de retrait progressif ("step by step") des États-Unis d’Irak et d’Afghanistan par l’administration Obama a réussi à limiter les dégâts pour le gendarme mondial, mais le résultat de ces guerres est un chaos incommensurable dans toute la région.
L’accentuation du chacun pour soi dans les confrontations impérialistes et l’extension du chaos, qui rendent le développement des événements particulièrement imprévisibles, ont été illustrés dans la période récente à travers quatre situations plus spécifiques :
1. le danger de confrontations guerrières et l’instabilité croissante des États au Moyen-Orient ;
2. la montée en puissance de la Chine et l’exacerbation des tensions en Extrême-Orient ;
3. la fragmentation des États et l’extension du chaos en Afrique ;
4. l’impact de la crise sur les tensions entre États en Europe.
1. L’extension du chaos au Moyen-Orient
1.1. Brève perspective historique.
Pour des raisons économiques et stratégiques (routes commerciales vers l’Asie, pétrole, ...) la région a toujours été un enjeu important dans la confrontation entre puissances. Depuis l’entrée en décadence du capitalisme et l’effondrement de l’empire ottoman en particulier, elle a été au centre des tensions impérialistes :
- jusqu'en 1945 : après l’effondrement de l’empire ottoman, l'application des accords Sykes-Picot répartit la région entre l’Angleterre et la France. Elle est le théâtre de la guerre civile turque et du conflit gréco-turc, de l’émergence du nationalisme arabe et du sionisme ; elle est un enjeu de la Seconde Guerre mondiale (offensives allemandes en Russie et en Afrique du nord).
- après 1945 : elle constitue une zone centrale pour les tensions Est-Ouest (1945-1989), avec les tentatives du bloc russe de s’implanter dans la région qui se heurtent à une forte présence des États-Unis. La période est marquée par l’implantation du nouvel État d’Israël, les guerres israélo-arabes, la question palestinienne, la "révolution" iranienne (première expression de la décomposition), la guerre Iran-Irak.
- après 1989 et l’implosion du bloc russe : toutes les contradictions qui existaient depuis l’effondrement de l’empire ottoman vont exacerber le développement du chacun pour soi, la mise en question du leadership américain et le développement du chaos. L’Irak, l’Iran et la Syrie sont dénoncés par les États-Unis comme des États voyous. La région connaît deux guerres américaines en Irak, trois guerres israéliennes au Liban, la montée en puissance de l’Iran et de son allié le Hezbollah au Liban.
- depuis 2003, on assiste à une explosion de l’instabilité : fragmentation de fait de l’Autorité palestinienne et de l’Irak, "printemps arabe" qui a mené à la déstabilisation de nombreux régimes dans la région (Libye, Égypte, Yémen) et à la guerre des factions et des impérialismes en Syrie. Massacres permanents en Syrie, tentatives d’acquisition par l’Iran de l’arme nucléaire, récents bombardements israéliens sur Gaza, instabilité politique permanente en Égypte, : chacun de ces événements doit être replacé dans la dynamique globale de la région.
1.2. Danger croissant de confrontations guerrières entre impérialismes
Plus que jamais, la guerre menace dans la région : intervention préventive d’Israël (avec ou sans l’aval des États-Unis) contre l’Iran, possibilité d’intervention de différents impérialismes en Syrie, guerre d’Israël contre les palestiniens (soutenus à présent par l’Égypte), tensions entre les monarchies du golfe et l’Iran. Le Moyen-Orient est une terrible confirmation de nos analyses à propos de l’impasse du système et de la fuite dans le "chacun pour soi" :
- la région est devenue une immense poudrière et les achats d’armes se sont encore multipliés ces dernières années (Arabie Saoudite, Qatar, Koweït, Émirats arabes unis, Oman) ;
- une armada de vautours de premier, second ou troisième ordre se confrontent dans la région, comme l’illustre le conflit en Syrie : les États-Unis, la Russie, la Chine, la Turquie, l’Iran, Israël, l’Arabie Saoudite, le Qatar, l’Égypte, avec en plus les gangs armés au service de ces puissances ou les chefs de guerre agissant pour leur propre compte ;
- dans ce contexte, il faut pointer le rôle déstabilisateur au Moyen-Orient de la Russie, intéressée à défendre ses derniers points d’appui dans la région, et de la Chine, avec une attitude plus offensive en soutien à l’Iran qui constitue pour elle un fournisseur crucial de pétrole. L’Europe est plus discrète, même si un pays comme la France avance ses cartes en Palestine, en Syrie, voire même en Afghanistan (organisation d'une conférence réunissant les principales factions afghanes en décembre 2012 à Chantilly, près de Paris).
Il s’agit d’une situation explosive qui échappe au contrôle des grands impérialismes et le retrait des forces occidentales d’Irak et d’Afghanistan accentuera encore la tendance à la déstabilisation, même si les États-Unis ont entrepris des tentatives de limiter les dégâts :
- en restreignant les velléités guerrières israéliennes envers l’Iran et envers le Hamas dans la bande de Gaza ;
- en tentant un rapprochement avec les Frères Musulmans et le nouveau président Morsi en Égypte.
Globalement cependant, dans le prolongement du "printemps arabe", les États-Unis ont montré leur incapacité à protéger des régimes à leur dévotion (ce qui conduit à une perte de confiance, comme l'illustre l'attitude de l'Arabie Saoudite cherchant à prendre ses distances envers les États-Unis) et ont encore gagné en impopularité.
Cette multiplication des tensions impérialistes peut mener à des conséquences majeures à tout moment : des pays comme Israël ou l’Iran peuvent provoquer des secousses terribles et entraîner toute la région dans un tourbillon, sans que quelque puissance que ce soit puisse empêcher cela, car ils ne sont véritablement sous le contrôle de personne. Nous sommes donc dans une situation extrêmement dangereuse et imprévisible pour la région, mais aussi, à cause des conséquences qui peuvent en découler, pour la planète entière.
1.3. Instabilité croissante de la plupart des États de la région
Dès 1991, avec l’invasion du Koweït et la première guerre du Golfe, le front sunnite mis en place par les occidentaux pour contenir l’Iran s’est effondré. L’explosion du "chacun pour soi" dans la région a été ahurissante. Ainsi, l’Iran a été le grand bénéficiaire des deux guerres du Golfe, avec le renforcement du Hezbollah et des mouvements chiites ; quant aux Kurdes, leur quasi-indépendance est un effet collatéral de l’invasion de l’Irak. La tendance au chacun pour soi s’est encore accentuée, surtout dans le prolongement des mouvements sociaux du "printemps arabe", en particulier là où le prolétariat est le plus faible. On a ainsi assisté à une déstabilisation de plus en plus marquée de nombreux États de la région :
- c’est de toute évidence le cas du Liban, de la Libye, du Yémen, de l’Irak, de la Syrie, du "Kurdistan libéré" ou des territoires palestiniens qui sombrent dans la guerre de clans voire la guerre civile ;
- c’est aussi le cas de l'Égypte, de Bahreïn, de la Jordanie (où les Frères musulmans s'opposent au roi Abdallah II) et même de l’Iran où les tensions sociales et oppositions de clans rendent la situation imprévisible.
L’exacerbation des tensions entre factions adverses recoupe tout autant les diverses tendances religieuses. Ainsi, outre l’opposition sunnites / chiites ou chrétiens / musulmans, les oppositions au sein du monde sunnite se sont aussi multipliées avec l’arrivée au pouvoir en Turquie de l’islamiste modéré Erdogan ou récemment celle des Frères musulmans et assimilés en Égypte, en Tunisie (Ennahda) et au sein du gouvernement marocain. Les Frères musulmans sont aujourd’hui soutenus par le Qatar, et s’opposent à la mouvance salafiste / wahhabite, financée par l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis., qui eux avaient soutenu Moubarak et Ben Ali respectivement en Égypte et en Tunisie.
Bien sûr, ces tendances religieuses, les unes plus barbares que les autres, ne sont là que pour cacher les intérêts impérialistes qui gouvernent la politique des diverses cliques au pouvoir. Plus que jamais aujourd’hui, avec la guerre en Syrie ou les tensions en Égypte, il est évident qu’il n’existe pas de "bloc musulman" ou de "bloc arabe", mais différentes cliques bourgeoises défendant leurs propres intérêts impérialistes en exploitant les oppositions religieuses (chrétiens, juifs, musulmans, diverses tendances au sein du sunnisme ou du chiisme), ce qui apparaît d’ailleurs aussi dans le combat de pays comme la Turquie, le Maroc, l’Arabie Saoudite ou le Qatar pour le contrôle des mosquées à "l’étranger", en Europe en particulier.
Mais cette explosion des antagonismes et du fractionnement religieux depuis la fin des années 1980 et l’effondrement des régimes "laïcs" ou "socialistes" (Égypte, Syrie, Irak, ...) exprime aussi et surtout le poids de la décomposition, du chaos et de la misère, de l’absence totale de perspective à travers une fuite dans des idéologies totalement rétrogrades et barbares.
Bref, l’idée que les États-Unis pourraient rétablir une forme de contrôle sur la région, par l’éviction d'el-Assad par exemple, est une pure vue de l’esprit. Depuis la première guerre du Golfe, toutes les tentatives de ce pays pour restaurer son leadership ont échoué et ont, au contraire, favorisé l’éclosion d’appétits régionaux, celui de l’Iran en particulier, fortement militarisé, riche en énergies et soutenu par la Russie et la Chine. Mais ce pays est en compétition avec l’Arabie Saoudite, Israël, la Turquie. Les ambitions impérialistes "ordinaires" de chaque État, l’explosion du "chacun pour soi", la question israélo-palestinienne, les oppositions religieuses, mais aussi les divisions ethniques (Kurdes, Turcs, Arabes) jouent dans l’ensemble des foyers de tension et rendent la situation particulièrement imprévisible et dramatique pour les habitants de la région, mais potentiellement aussi pour l’ensemble de la planète : ainsi, toute nouvelle exacerbation des tensions autour de l’Iran et un blocage éventuel du détroit d'Ormuz auraient des conséquences incalculables sur l’économie mondiale.
2. Exacerbation des oppositions impérialistes en Extrême-Orient
2.1. Brève perspective historique.
L’Extrême-Orient a constitué une zone cruciale pour le développement des confrontations impérialistes dès les prémices de la décadence du capitalisme : guerre russo-japonaise de 1904-1905, "révolution" chinoise de 1911 et guerre civile féroce entre les diverses cliques de seigneurs de la guerre, offensive japonaise en Mandchourie (1931), invasion japonaise de la Chine (1937), conflit entre le Japon et l’URSS (mai-septembre 1939), débouchant sur la Seconde Guerre mondiale où l’Extrême-Orient constituera un des fronts principaux de cette guerre et des conflits ultérieurs.
- entre 1945 et 1989, la région est au centre des tensions Est-Ouest : s’y déroulent la guerre civile en Chine (1946-1950), les guerres de Corée, d’Indochine et du Vietnam, mais aussi les conflits frontaliers russo-chinois, sino-vietnamien, sino-indien et indo-pakistanais. La politique américaine de "neutralisation" de la Chine dans le courant des années 1970 allait être un moment important dans l’augmentation de la pression exercée par le bloc américain sur le bloc russe.
- depuis l’implosion du bloc russe, le "chacun pour soi" s’est aussi développé en Extrême-Orient (État voyou de Corée du Nord, décomposition du Pakistan). La région est surtout marquée par la montée en puissance sur le plan économique et militaire de la Chine, ce qui a exacerbé les tensions impérialistes régionales (incidents réguliers ces derniers mois en mer de Chine avec le Vietnam ou les Philippines et surtout avec le Japon, accrochages répétés dans la zone des deux Corées, ...) et a, à son tour, accéléré l’armement des autres États de la région (Inde, Japon, Corée du Sud, Singapour, ...).
2.2. Montée en puissance de la Chine et exacerbation des tensions guerrières.
Le développement de la puissance économique et militaire de la Chine et ses tentatives de s’imposer comme puissance de premier plan non seulement en Extrême-Orient mais aussi au Moyen-Orient (Iran), en Afrique (Soudan, Zimbabwe, Angola) ou même en Europe où elle recherche un rapprochement stratégique avec la Russie, font qu’elle est perçue par les États-Unis comme le danger potentiel le plus important pour leur hégémonie. Ceux-ci orientent dès lors l’essentiel de leurs manœuvres stratégiques contre la Chine, comme l’illustre la visite fin 2012 d’Obama en Birmanie et au Cambodge, deux pays alliés de la Chine.
L’essor économique et militaire de la Chine la pousse inévitablement à mettre en avant ses intérêts économiques et stratégiques nationaux, à exprimer en d’autres mots une agressivité impérialiste croissante et donc à être de plus en plus un facteur déstabilisant en Extrême-Orient.
Cette montée en puissance de la Chine inquiète non seulement les États-Unis, mais aussi de nombreux pays d’Asie eux-mêmes, du Japon à l’Inde, du Vietnam aux Philippines, qui se sentent menacés par l’ogre chinois et qui ont accru très sensiblement leurs dépenses d’armement. Stratégiquement, les États-Unis ont beau jeu de promouvoir une large alliance visant à contenir les ambitions chinoises, regroupant autour des piliers que sont le Japon, l’Inde et l’Australie d’autres pays moins puissants, tels que la Corée du Sud, le Vietnam, les Philippines, l’Indonésie ou Singapour. En se profilant comme chef de file d’une telle alliance et surtout dans l’hypothèse d’un "rappel à l’ordre" de la Chine, le "gendarme mondial" vise à restaurer la crédibilité de son leadership en chute libre partout dans le monde.
Les données récentes confirment que, dans la période actuelle, le développement économique important d’un pays ne peut se faire sans une exacerbation importante des tensions impérialistes. Le contexte d’apparition de ce rival actuellement le plus important sur la scène mondiale, dans une situation d’affaiblissement des positions du premier gendarme mondial, annonce un futur de confrontations plus nombreuses et plus dangereuses, pas seulement en Asie mais dans le monde entier.
Ce danger de confrontations est d’autant plus réel que les tendances au "chacun pour soi" sont également très présentes dans d’autres pays en Extrême-Orient. Ainsi, le raidissement du Japon se confirme avec le retour au pouvoir de Shinzo Abe qui a fait campagne sur le thème de la restauration de la puissance nationale : il veut remplacer les Forces d’autodéfense par une véritable armée de défense nationale, promet de tenir tête à la Chine sur le conflit à propos d'un groupe d’îles en mer de Chine orientale et veut rétablir les liens quelque peu dégradés avec les anciens alliés dans la région, les États-Unis et la Corée du Sud. De même, en Corée du Sud, l’élection de Park Geun-hye, candidate du parti conservateur (et fille de l’ancien dictateur Park Chung-hee) pourrait également entraîner une accentuation du "chacun pour soi" et des ambitions impérialistes de ce pays.
De plus, toute une série d’autres conflits apparemment secondaires entre pays asiatiques peuvent apporter de l’eau au moulin de la déstabilisation : il y a bien sûr le conflit indo-pakistanais, les accrochages continuels entre les deux Corées, mais aussi des tensions moins médiatisées entre la Corée du Sud et le Japon (à propos des rochers Liancourt), entre le Cambodge et le Vietnam ou la Thaïlande, entre la Birmanie et la Thaïlande, entre l’Inde et la Birmanie ou le Bangladesh, etc. qui participent à l’exacerbation des tensions guerrières tous azimuts.
2.3. Tensions au sein de l’appareil politique de la bourgeoisie chinoise.
L’organisation récente du congrès du Parti "communiste" chinois a révélé divers indices confirmant que la situation économique, impérialiste et sociale actuelle provoquait de fortes tensions au sein de la classe dirigeante. Cela pose une question insuffisamment traitée jusqu’à présent : la question des caractéristiques de l’appareil politique de la bourgeoisie dans un pays comme la Chine et la manière dont évoluent les rapports de force en son sein. L’inadéquation de cet appareil politique a été un facteur important dans l’implosion du bloc de l’Est, mais qu’en est-il de la Chine ? Rejetant toute "glasnost" ou "perestroïka", les classes dirigeantes ont introduit avec succès les mécanismes d’économie de marché tout en maintenant sur le plan politique une organisation stalinienne rigide. Dans les rapports précédents, nous avions pointé la faiblesse structurelle de l’appareil politique de la bourgeoisie chinoise comme un des arguments pour établir que la Chine ne pouvait devenir un véritable challenger des États-Unis. Aussi, la plongée de l’économie sous l’impact de la crise mondiale, la multiplication d’explosions sociales et la montée des tensions impérialistes renforcent sans aucun doute les tensions existantes entre fractions de la bourgeoisie chinoise comme en témoignent divers événements surprenants, tels l’éviction de "l’étoile montante" Bo Xilai et la disparition mystérieuse pendant quinze jours du futur président Xi Jinping quelques semaines avant la tenue du congrès.
Différentes lignes de fracture doivent être prises en compte pour saisir les luttes entre factions :
- une première ligne de fracture concerne l’opposition entre régions bénéficiant fortement du développement économique et d’autres quelque peu négligées, donc aussi entre politiques économiques. S’opposeraient ainsi deux grands réseaux marqués par le clientélisme. D’une part une coalition circonstancielle entre le "parti des princes", des enfants de cadres supérieurs du temps de Mao et de Deng, et la clique de Shanghai, des fonctionnaires des provinces côtières. Représentant les groupes dirigeants des provinces côtières plus industrialisées, elle prône la croissance économique à tout prix, même si cela accroît encore le fossé social ; cette faction serait représentée par le nouveau président Xi Jinping et l’expert macro-économique du Bureau politique Wang Qishan. Face à elle, il y a la faction "Tuanpai" autour de la Ligue de la jeunesse "communiste", au sein de laquelle les principales figures de ce réseau ont fait carrière. Comme il s’agit de fonctionnaires ayant fait carrière plutôt dans les provinces plus pauvres de l’intérieur, cette faction prône une politique de développement économique des régions du centre et de l’ouest, ce qui favoriserait une plus grande "stabilité sociale" ; ceux-ci représentent des groupes ayant plus d’expérience dans l’administration et la propagande. Représentée par l'ancien président Hu Jintao, cette faction est présente dans la nouvelle direction à travers Li Keqiang, qui a remplacé Wen Jiabao comme premier ministre. Cet affrontement semble avoir joué un rôle dans le clash autour de Bo Xilai.
- La situation sociale peut également générer des tensions entre factions au sein de l’État. Ainsi, certains groupes, en particulier dans les secteurs industriels et de l’exportation, sans doute aussi dans la production de biens de consommation, peuvent être sensibles aux tensions sociales et être favorables à plus de concessions au niveau politique envers la classe ouvrière. Ils s’opposent alors aux factions "dures", qui prônent la répression pour préserver les privilèges des cliques au pouvoir.
- la politique impérialiste joue également un rôle dans ces confrontations entre cliques. D’une part, des factions poussent à une attitude plus agressive, de confrontation, tels les gouvernements des régions côtières de Hainan, du Guangxi et du Guangdong, en quête de nouvelles ressources pour leurs entreprises, qui poussent au contrôle de zones riches en hydrocarbures et en ressources halieutiques. D’autre part, cette agressivité peut entraîner des contrecoups sur le plan des exportations ou des investissements étrangers, comme le montre le conflit avec le Japon précisément sur la question des îlots. Les poussées de fièvre nationalistes de plus en plus fréquentes en Chine sont sans doute le produit de ces affrontements internes. Quel est par ailleurs l’impact du nationalisme sur la classe ouvrière, quelle est la capacité de la jeune génération prolétarienne à ne pas se faire embobiner, à défendre ses intérêts ? Sur ce plan, le contexte est assez différent de celui de 1989-1991 en URSS.
Ces trois lignes de fracture ne sont bien sûr pas séparées, mais se recouvrent et ont joué dans les tensions qui ont marqué le congrès du PCC et la nomination de la nouvelle direction. Selon les observateurs, celui-ci a été marqué par la victoire des "conservateurs" sur les "progressistes" (les 4 nouveaux membres du Comité permanent du Bureau politique, composé de 7 membres, sont des "conservateurs"). Mais les révélations de plus en plus fréquentes que ces luttes internes apportent sur les mœurs, la corruption, l’accumulation de fortunes gigantesques qui touchent les plus hautes sphères du parti (ainsi, la fortune de la famille de l’ancien premier ministre Wen Jiabao est estimée à 2,7 milliards de dollars à travers un réseau complexe de sociétés, souvent au nom de sa mère, sa femme ou sa fille, et celle du nouveau président Xi Jinping est déjà d'au moins 1 milliard), mettent en évidence non seulement un problème aux proportions effectivement gigantesques mais aussi une instabilité croissante au sein même de la sphère dirigeante que la nouvelle direction conservatrice et vieillissante semble peu à même de prendre à bras le corps.
3. Extension de la "somalisation" : le cas de l’Afrique
L’explosion du "chacun pour soi" et du chaos a fait naître une zone d’instabilité et de "non-droit", qui n’a cessé de s’élargir depuis la fin du XXe siècle et qui s’étend à présent sur l’ensemble du Moyen-Orient jusqu’au Pakistan. Elle couvre également la totalité du continent africain qui s’enfonce dans une barbarie terrifiante. Cette "somalisation" s’y manifeste sous plusieurs formes:
3.1. Tendance à la fragmentation des États.
Inscrit dans la charte de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en 1964, le principe de l’intangibilité des frontières semble bien écorné. Dès 1991, l’Érythrée se sépare de l’Éthiopie et, depuis lors, ce processus touche l’ensemble de l’Afrique : depuis les années 1990, l’évaporation du pouvoir central en Somalie a vu la fragmentation du pays, avec l’apparition de semblants d’États, tels le Somaliland et le Puntland. Récemment, il y a eu la sécession du Soudan du Sud par rapport au Soudan et la sanglante rébellion du Darfour, la sécession de l’Azawad envers le Mali et des tendances séparatistes se manifestent en Libye (la Cyrénaïque autour de Benghazi), au Sénégal (la Casamance) et récemment dans la région de Mombasa au Kenya.
Outre la prise d’indépendance de régions de plus en plus nombreuses, on assiste aussi depuis les années 1990 à une multiplication de conflits internes à caractère politico-ethnique ou ethno-religieux : le Libéria, la Sierra Leone, la Côte d’Ivoire tentent de se remettre de guerres civiles politico-ethniques qui ont fait imploser l’État au profit de clans armés. Au Nigéria, il y a la rébellion musulmane dans le nord, "l’Armée de résistance du Seigneur" en Ouganda et les clans Hutus et Tutsis qui s’entre-déchirent dans l’est de la RDC. La diffusion transnationale de tensions et de conflits dans un contexte d’États affaiblis, voire en cours d’effondrement et incapables d’assurer l’ordre national, pousse au repli sur les appartenances religieuse ou ethnique qui vont dominer. En conséquence, la défense de ses intérêts se fera à partir de milices constituées sur ces bases.
Ces fragmentations internes sont souvent attisées et exploitées par des interventions extérieures : ainsi, l’intervention occidentale en Libye a exacerbé l’instabilité interne et provoqué la dissémination d’armes et de groupes armés dans tout le Sahel. La présence accrue de la Chine sur le continent a constitué, par exemple, un appui pour la politique guerrière du Soudan et donc une déstabilisation de toute la région. Enfin, les grandes multinationales et leur État de tutelle instrumentalisent, voire orchestrent les conflits locaux pour s’emparer des richesses minières (dans l'est de la RDC par exemple).
Seul le sud du continent semble échapper à ce scénario. On assiste pourtant là aussi à une dilution des limites territoriales, mais ici cela se fait au profit d’une sorte "d’aspiration" des États faibles de la région (le Mozambique, le Swaziland, le Botswana, mais aussi la Namibie, la Zambie, le Malawi) par l’Afrique du Sud qui les transforme en semi-colonies.
3.2. Effacement des frontières.
La déstabilisation des États est alimentée par une criminalité transfrontalière, telle que le trafic d’armes, de drogue ou d’êtres humains. En conséquence, les limites territoriales se diluent au profit de zones frontalières, où les régulations s’effectuent "par le bas". Insurrections armées, incapacité des autorités à maintenir l’ordre, trafics transnationaux d’armes et de munitions, caïds locaux, ingérences étrangères, course aux ressources naturelles, etc. Les États déliquescents perdent le contrôle sur des "zones grises" de plus en plus amples, administrées souvent de manière criminelle (parfois aussi, il y a l’effet pervers de l’intervention des organisations humanitaires qui de fait rendent "extra-territoriales" les zones "protégées" ). Quelques exemples :
- toute la zone saharo-sahélienne, du désert de Libye à l’Azawad, la Mauritanie, le Niger ou le Tchad est de fait le terrain d’action de mouvements criminels et de groupes islamistes radicaux ;
- entre le Niger et le Nigéria existe une bande de 30 à 40 km qui échappe à la supervision de Niamey et d’Abuja. Les frontières se sont évaporées ;
- dans l’est de la RDC, le contrôle des frontières avec l’Ouganda, le Rwanda, et la Tanzanie par l’État central est inexistant, favorisant les trafics transnationaux de matières premières et d’armes ;
- à travers des États tels le Burkina Faso, le Ghana, le Bénin ou la Guinée existe une traite de migrants destinés à l’agriculture ou la pêche. Quant à la Guinée-Bissau, elle est devenue dans sa totalité une zone de "non-droit", centre névralgique d’entrée et de redirection de la drogue d’Amérique du Sud ou d’Afghanistan vers l’Europe et les États-Unis.
3.3. Dominance de clans et de seigneurs de guerre
Avec la déliquescence des États nationaux, des régions entières passent sous le contrôle de groupes et de seigneurs de guerre qui se jouent des frontières. Il n’y a pas qu’en Somalie et au Puntland où des clans et des chefs locaux font régner leur loi par les armes. Dans la région sahélienne, ce rôle est rempli par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Ançar Dine, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), des groupes nomades touaregs. Dans l’est du Congo, un groupe comme le M23 est une armée privée au service d’un seigneur de guerre qui propose ses services au plus offrant.
De tels groupes sont généralement liés à des trafiquants avec lesquels ils échangent argent et services. Ainsi au Nigeria, dans le delta du Niger, des groupes similaires rançonnent les entreprises et sabotent les installations pétrolières.
L’émergence et l’extension de zones de "non-droit" ne sont certes pas limitées à l’Afrique. Ainsi, la généralisation du crime organisé, de la guerre entre gangs dans divers pays d’Amérique latine, comme le Mexique ou le Venezuela, voire le contrôle de quartiers entiers par des bandes dans les grandes villes occidentales, témoignent de la progression de la décomposition sur toute la planète. Cependant, le niveau de fragmentation et de chaos atteint à l’échelle d’un continent entier donne une idée de la barbarie qu’apporte la décomposition du système capitaliste à l’ensemble de l’humanité.
4. Crise économique et tensions entre États en Europe
Dans le rapport pour le 19e congrès du CCI, nous avions souligné l’absence de tout lien mécanique et immédiat entre l’aggravation de la crise économique et le développement des tensions impérialistes. Néanmoins, cela ne signifie pas l'absence d'impact de l’un sur l’autre. C’est particulièrement le cas du rôle des États européens sur la scène impérialiste.
4.1. Impact sur les ambitions impérialistes dans le monde.
La crise de l’Euro et de l’UE impose à la plupart des États européens des cures d’austérité budgétaire qui s’expriment aussi au niveau des dépenses militaires. Ainsi, contrairement aux États d’Extrême-Orient ou du Moyen-Orient, qui ont vu leurs dépenses d’armement exploser, les budgets des principales puissances européennes sont en baisse sensible.
Le recul des efforts d’armement va de pair avec des ambitions impérialistes moins prononcées des puissances européennes sur la scène internationale (à l’exception peut-être de la France, présente au Mali et tentant une percée diplomatique en Afghanistan en réunissant l’ensemble des factions afghanes sous sa tutelle à Chantilly) : elles manifestent une autonomie moins affirmée et ont même amorcé un certain rapprochement envers les États-Unis, une "rentrée dans le rang" partielle et sans doute conjoncturelle.
4.2. Impact sur les tensions entre États européens.
Cela va de pair, au sein de l’UE, avec une tension croissante entre une tendance centripète (un besoin de centralisation plus forte pour faire face à l’effondrement économique) et une tendance centrifuge (tendance au chacun pour soi de chaque État).
Les conditions de la naissance de l'UE avaient été un projet pour contenir l'Allemagne après 1989 ; mais ce dont la bourgeoisie a besoin aujourd'hui, c’est d'une centralisation beaucoup plus forte, une union budgétaire et donc beaucoup plus politique, si elle veut faire face à la crise de la manière la plus efficace possible, ce qui correspond aux intérêts allemands. La nécessité d’une centralisation plus poussée renforce donc le contrôle allemand sur l’ensemble des États européens, dans la mesure où cela permet à l’Allemagne de dicter les mesures à prendre et d’intervenir directement dans le fonctionnement d’autres États européens : "Désormais, l’Europe parle allemand", constatait en 2011 le président du groupe CDU/CSU au Bundestag.
D’autre part, la crise et les mesures drastiques imposées poussent vers un éclatement de l’UE et un rejet de la soumission au contrôle d’un pays quelconque, c’est-à-dire poussent vers le chacun pour soi. La Grande-Bretagne refuse radicalement les mesures de centralisation proposées et dans les pays du sud de l’Europe, un nationalisme anti-allemand croît. Les forces centrifuges peuvent aussi impliquer une tendance à la fragmentation d’États, à travers l’autonomisation de régions comme la Catalogne, l’Italie du nord, la Flandre ou l’Écosse.
Ainsi, la pression de la crise, à travers le jeu complexe des forces centripètes comme centrifuges, accentue le processus de désagrégation de l’UE et exacerbe les tensions entre États.
De manière globale, ce rapport accentue les orientations pointées dans le rapport pour le 19e congrès du CCI et souligne l’accélération des tendances identifiées. Plus que jamais apparaît le caractère de plus en plus absolu de l’impasse historique du mode de production capitaliste. Aussi, la période qui s’est ouverte "tendra à imposer de plus en plus nettement la connexion entre :
- la crise économique, révélant l'impasse historique du mode de production capitaliste,
- et la barbarie guerrière, mettant en relief les conséquences fondamentales de cette impasse historique : la destruction de l'humanité.
Ce lien représente dès aujourd’hui pour la classe ouvrière un point de réflexion fondamental sur le futur que le capitalisme réserve à l'humanité et sur la nécessité de trouver une alternative face à ce système à l’agonie".