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Le samedi 13 novembre s'est tenue à Paris une réunion publique du CCI sur le thème de la décadence du capitalisme à laquelle de nombreux sympathisants ont assisté.
Avant la présentation de l'exposé, le présidium a fait un point d'information sur les campagnes de calomnies dont le CCI a été l'objet, notamment depuis le début du mois d'octobre de la part de la prétendue "Fraction interne du CCI" et du "Circulo de Comunistas Internacionalistas" (voir nos articles sur Internet). A la demande de plusieurs de nos sympathisants, nous avons fait un point d'information afin de donner des nouvelles du NCI d'Argentine (voir notre article dans RI n°352). Lors du rapide tour de parole qui a suivi, un participant a salué la politique menée par le CCI qui a permis "d'éclaircir cette affaire". Plusieurs autres camarades sont intervenus pour apporter leur soutien au CCI et ont exprimé leur indignation face aux attaques portées aujourd'hui par la "FICCI" contre nos sympathisants qualifiés de "claque du CCI" (voir notre article sur Internet "Réponse aux calomnies honteuses d'une petite association de malfaiteurs").
L'exposé sur le thème de cette réunion publique a développé dans les grandes lignes notre analyse de la décadence du capitalisme, en rappelant que ce mode de production tout comme ceux qui l'ont précédé (l'esclavagisme et le féodalisme) a connu une période d'ascendance, de plein épanouissement des forces productives qui s'est achevée au début du 20e siècle lorsque le capitalisme, après avoir étendu son mode de production à toute la planète, s'est heurté à ses limites historiques. L'entrée dans sa période de décadence, de déclin historique a été marquée par l'éclatement de la Première Guerre mondiale (voir article page 4).
Au cours de la discussion, très vivante et animée, aucun des participants n'a émis de désaccord avec cette analyse élaborée par l'Internationale communiste. Le débat a porté surtout autour des questions suivantes :
- Comment explique-t-on que l'empire romain, qui était basé sur l'esclavagisme et qui a connu une période de décadence, n'ait pas été renversé par une classe sociale ?
- Pourquoi le capitalisme ne s'effondrera-t-il pas comme les autres modes de production antérieurs ?
- Quelle différence existe-t-il entre la révolution bourgeoise et la révolution prolétarienne ?
- Quelles seront les caractéristiques du nouveau mode de production qui surgira après la révolution prolétarienne ?
- Quelles sont les conditions historiques qui font que le capitalisme ne peut plus entrer dans le cycle "crise-guerre-reconstruction-nouvelle crise" ?
Les questions posées dans cette réunion ont révélé une volonté des participants d'approfondir et de comprendre les fondements du matérialisme historique permettant d'appréhender le concept de décadence d'un mode de production.
La différence entre la décadence capitaliste et celle des autres sociétés
Face à plusieurs questions concernant la décadence de l'empire romain, les militants du CCI sont intervenus et ont mis en avant les arguments suivants :
- l'empire romain n'a pas été renversé par une nouvelle classe révolutionnaire. Il s'est effondré comme un château de cartes. Son mode de production est entré en décadence parce que l'esclavagisme n'était plus en mesure de développer les forces productives. Les conquêtes de l'empire romain avaient pour but de trouver des esclaves pour cultiver la terre ;
- plusieurs causes expliquent l'effondrement de ce vaste empire. Les distances très grandes avaient nécessité la construction de routes pour acheminer les armées contre les révoltes. A ces causes géographiques se sont encore ajoutées des causes techniques : pour augmenter la productivité de la culture de la terre, il fallait un soin plus grand dans les techniques agricoles. Il fallait libérer les esclaves qui travaillaient au fouet. Le coût d'entretien des esclaves étaient devenu un facteur d'affaiblissement de l'empire romain. C'est aussi pour cela qu'ils ont été remplacés par les serfs, des "hommes libres" qui pouvaient vivre de leur production en donnant une partie de leurs récoltes aux propriétaires des terres, les seigneurs féodaux ;
- l'empire romain s'est effondré car il était miné de l'intérieur. La décadence romaine a été un processus qui s'est développé sur plusieurs siècles. Ce sont les "barbares" qui ont introduit le mode de production féodal, et non pas une nouvelle classe révolutionnaire issu de l'empire romain. Ainsi, la nouvelle classe dominante venait de l'extérieur. Le mode de production féodal s'est imposé progressivement sans révolution sociale.
La discussion a également mis en évidence les différences entre la décadence capitaliste et celle des autres mode de production antérieurs :
- dans le système esclavagiste ou féodal, l'ancienne société avait disparu sans mettre en cause la survie de l'humanité (cela avait été aussi le cas par exemple de l'empire maya) ; par contre, la décadence du capitalisme porte en elle la menace de destruction de toute la planète si une révolution sociale n'intervient pas ;
- dans les modes de production antérieurs au capitalisme, la nouvelle classe dominante ne faisait pas partie intégrante de l'ancienne société. Ainsi, la bourgeoisie s'est développée et a coexisté aux côtés de la classe féodale. Dans le capitalisme, la classe révolutionnaire, le prolétariat, fait partie intégrante de ce mode de production. Le capitalisme ne peut pas vivre et ne pouvait pas se développer sans le prolétariat. C'est pour cela que Marx disait que le capitalisme, en se développant à l'échelle mondiale, a créé son propre fossoyeur car c'est du sein même de cette société bourgeoise que surgit la nouvelle classe révolutionnaire dont la mission sera de détruire ce système de fond en comble pour pouvoir édifier la société communiste ;
- la perspective du communisme signifie que l'humanité mettra fin à toute forme d'exploitation. Le prolétariat ne fera pas surgir une nouvelle classe exploiteuse. Comme le disait Marx, ce sera la fin de la préhistoire et le début de l'histoire de l'humanité.
Les interventions du CCI ont également rappelé la différence entre les révolutions du passé et la révolution prolétarienne avec les arguments suivants :
- la révolution bourgeoise n'était pas le point de départ de la nouvelle société qui a succédé au féodalisme. La bourgeoisie se développe en marge de la société féodale, d'abord sous sa forme commerciale. Elle devient la classe qui détient la richesse. Avec le développement des villes et du commerce, la noblesse est devenue une classe parasitaire qui, avec ses droits et ses privilèges, constituait une entrave à la liberté du commerce et au développement des nouvelles forces productives ;
- c'est parce que la bourgeoisie a d'abord étendu sa domination économique pour développer les forces productives avec la grande industrie, qu'elle a pu ensuite s'imposer comme classe dominante sur le plan politique ;
- la révolution française n'est pas le modèle sur lequel s'est calqué la prise du pouvoir de la bourgeoisie dans d'autres pays d'Europe. Par exemple en Angleterre, on a vu un retour de la monarchie après que la bourgeoisie ait pris le pouvoir politique. De nombreux aristocrates anglais faisaient du commerce et étaient intégrés à la bourgeoisie. De même en Allemagne, l'aristocratie détient le pouvoir pendant très longtemps. Face à la nouvelle expansion capitaliste en Allemagne en 1870, Bismarck représentait les propriétaires terriens. Ainsi, l'ancienne société décadente contenait les germes de la nouvelle société. Il y avait une possibilité de régénération à partir de l'ancienne société ;
- dans le capitalisme, le mécanisme est totalement différent. D'une certaine façon, la décadence du capitalisme est la forme la plus achevée et la plus complète de la décadence. La nouvelle société ne peut surgir que sur les décombres du capitalisme.
La contribution de Rosa Luxemburg à la compréhension de la décadence
Nos interventions ont mis en évidence que la compréhension des lois qui conduisent le capitalisme à sa perte est très importante pour élaborer les règles de la future société communiste. En ce sens, le point de vue de Rosa Luxemburg aide à comprendre ces lois et cette perspective. Dans la vision de Rosa, c'est la saturation du marché mondial qui est à la base de la compréhension du phénomène de la décadence du capitalisme. Le capitalisme fonctionne un peu comme le poussin dans l'oeuf : pour se développer il mange d'abord le blanc, puis il est obligé de casser la coquille pour pouvoir survivre. C'est le même mécanisme pour le capitalisme : il s'est développé en conquérant les marchés extra-capitalistes et lorsqu'il a étendu son mode de production à toute la planète, quand il a atteint ses limites historiques, les principales puissances capitalistes ont été obligées de se repartager le monde à travers les guerres mondiales. Le capitalisme se heurte donc à ses propres contradictions : il ne peut plus trouver à l'intérieur même de son système des marchés suffisants pour écouler sa production. L'entrée dans sa période de décadence signifie l'entrée dans sa crise permanente de surproduction. Pour abolir cette contradiction, il faut abolir le salariat. C'est une nécessité pour la survie même de l'humanité. C'est pour cela que la Révolution prolétarienne apparaît comme une nécessité historique.
Au cours de cette discussion, une sympathisante a regretté que le BIPR ne soit pas venu à cette réunion publique du CCI pour défendre sa position suivant laquelle le cycle "crise-guerre-reconstruction" existe toujours. Elle a mis en avant que, pour le BIPR, il semble que ce soit le facteur subjectif (la classe ouvrière) qui doit casser ce cycle. Elle a affirmé que cette analyse du BIPR ne tient pas compte de la réalité : les bases mêmes de la reconstruction sont affaiblies par l'ampleur des destructions de la guerre.
Le CCI est intervenu en rappelant les positions du mouvement ouvrier au début du 20e siècle :
- lorsque Rosa Luxemburg a écrit son livre L'Accumulation du capital, cela avait soulevé un tollé chez les opportunistes de l'époque. Elle affirmait que le système capitaliste va à la catastrophe; il est condamné par des contradictions de plus en plus violentes ;
- nous avons rappelé que Rosa n'a fait que poursuivre le travail inachevé de Marx qui a passé sa vie à étudier l'économie mais avec comme objectif d'en faire la critique et de mettre en évidence les mécanismes conduisant le capitalisme à sa perte. Bien que la thèse de Rosa était déjà contenue dans le travail de Marx, elle est allée plus loin en répondant à la question : pourquoi le capitalisme est-il condamné historiquement ?
Nous avons également répondu à la question posée dans le débat : pourquoi aujourd'hui les bordiguistes et le BIPR ne reprennent-ils pas l'analyse de Rosa Luxemburg ? En fait, s'ils rejettent l'analyse de Rosa, c'est au nom de "l'orthodoxie" envers la vision de Lénine dont l'analyse de la décadence est basée essentiellement sur la "baisse tendancielle du taux de profit" (idée reprise par les conseillistes et par Paul Mattick).
Dans les années 1930, Mitchell a fait connaître les travaux de Rosa Luxemburg et la Gauche italienne, à la fin des années 1930, avait adopté cette analyse. Nous avons mis en évidence que l'un des grands mérites de la Gauche italienne avait été justement de prendre en compte les réflexions qui existaient dans le mouvement ouvrier.
Concernant la question posée sur le cycle "crise-guerre-reconstruction", nous sommes intervenus pour mettre en avant que cette spirale n'est pas un cycle éternel. La vision du BIPR laisse entendre que le capitalisme pourrait se survivre éternellement. Selon sa vision, qui ne prend en compte que la baisse tendancielle du taux de profit, il suffit de détruire le capital constant et le capital variable dans la guerre pour relancer les profits. La question de la saturation des marchés est ignorée. Avec une telle vision, on ne voit pas pourquoi la classe ouvrière devrait faire la révolution. En réalité, l'analyse du BIPR participe à sous-estimer la gravité des enjeux de la période historique actuelle et le fait que le capitalisme est devenu une menace pour la survie même de l'humanité.
L'analyse de Rosa Luxemburg met très clairement en évidence la gravité des enjeux et l'alternative historique : révolution prolétarienne ou destruction de l'humanité. Elle montre de façon très claire que l'histoire de l'humanité c'est l'histoire de la lutte de classe.
Nous avons également tenté de répondre, brièvement, faute de temps, à la question : quelles seront les caractéristiques du mode de production qui va succéder au capitalisme ? Nos interventions ont notamment mis en avant que le communisme apportera les réponses aux contradictions actuelles du capitalisme. Dans le communisme primitif, il y avait une égalisation par le bas du fait du faible développement des forces productives et de la pénurie. Le capitalisme a créé les conditions d'une égalisation par le haut. Nous avons rappelé que la base du communisme sera l'abondance. Le capitalisme a créé les conditions de cette abondance et de la satisfaction des besoins humains. Les règles de fonctionnement de la future société seront fondées sur l'idée "à chacun selon ses besoins" et "de chacun selon ses moyens". La discussion a aussi souligné la nécessité de ne pas tomber dans la spéculation, de ne pas faire des "recettes pour les marmites de l'avenir" (comme le disait Marx).
A la fin de cette réunion, l'une de nos sympathisantes, qui découvre depuis peu les positions de la Gauche communiste, nous a dit avoir été convaincue par nos arguments en affirmant : "J'ai beaucoup mieux compris pourquoi l'analyse de la décadence n'est pas une 'broutille'. Elle est au coeur du marxisme." Cette camarade a également affirmé avoir lu avec beaucoup d'intérêt notre brochure sur La Décadence du capitalisme qu'elle a qualifiée de "merveilleuse".
La discussion fut très riche et très animée. En particulier, les nouveaux éléments à la recherche d'une perpective de classe n'ont pas hésité à poser des questions, et à intervenir plusieurs fois pour demander davantage d'explications ou pour exprimer leurs incompréhensions. C'est avec beaucoup de sérieux et d'intérêt que tous les participants ont suivi la discussion et ont regretté le manque de temps pour poursuivre le débat.
Ainsi, la très grande richesse de la discussion, son caractère très vivant, de même que le nombre des participants, a apporté un démenti cinglant à nos calomniateurs de la "FICCI" qui colportent le mensonge suivant lequel les réunions publiques du CCI à Paris sont "désertées" et ne sont plus des "lieux de débat".
GL