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“Ce que nous avons fait était pour libérer...” : voici ce que le président Hollande pouvait déclarer devant les caméras lors de sa visite du 2 février dernier à Tombouctou. Difficile de ne pas se laisser prendre au jeu des apparences ! En effet, c’est bien une foule en liesse, agitant des drapeaux tricolores et maliens, chantant et vantant les mérites du Président français, qui a accueilli le “héros national du Mali”. Hollande, le “grand libérateur”, ne s’est probablement pas trompé en y voyant “la journée la plus importante de sa vie politique”. La communication est une arme stratégique et, comme Mitterrand l’avait fait à Sarajevo en son temps, Hollande a voulu marquer les esprits d’un sentiment de légitime victoire au nom d’un prétendu combat “pour la paix”.
Par contre, pas une image du conflit n’a filtré, pas l’ombre d’un cadavre, aucune trace des bombardements massifs de l’armée française au Nord du Mali, à peine quelques mots chuchotés des exactions des troupes maliennes. Circulez, il n’y a rien à voir ! Tout cela ne porte pas à critique, tant le travail de propagande a été facilité par la terreur même des fondamentalistes et hordes mafieuses d’un côté et la liesse d’une population exsangue soulagée, pouvant enfin “se mettre à chanter” de l’autre ! La cruauté des bandes armées qui régnaient au Nord du Mali ne fait aucun doute. Ces seigneurs de guerre sèment la mort et la terreur partout où ils passent. Mais, contrairement à ce que nous racontent en chœur politiciens et journalistes, les motifs de l’intervention française n’ont évidemment rien à voir avec les souffrances des populations locales. L’Etat français ne vise qu’à défendre ses sordides intérêts impérialistes. En réalité, l’allégresse des populations sera de courte durée. Quand une “grande démocratie” passe avec ses chars, l’herbe n’est jamais plus verte après ! Au contraire, la désolation, le chaos, la misère, sont les preuves de leur intervention. La carte ci-contre détaille les principaux conflits qui ont ravagé l’Afrique dans les années 1990 et les famines qui l’ont frappé. Le résultat est spectaculaire : chaque guerre – souvent opérée sous la bannière du droit à l’ingérence humanitaire, comme en Somalie en 1992 ou au Rwanda en 1994 – a entraîné de graves pénuries alimentaires. Il ne va pas en être autrement au Mali. Cette nouvelle guerre, paradoxalement, va déstabiliser la région entière et accroître considérablement le chaos.
Une guerre impérialiste
“Avec moi Président, c’est la fin de la “Françafrique’”. Ce mensonge grossier de François Hollande pourrait prêter à rire s’il n’impliquait pas une logistique militaire imposante et de nouvelles victimes. Il y a autant de soldats mobilisés qu’en Afghanistan, 4000 hommes ! Selon le ministre de la Défense français : “Nous avons acheminé 10 000 tonnes de matériel en quinze jours. C’est autant que ce que nous avons transporté en un an lors du retrait d’Afghanistan.” L’utilisation du matériel aérien a été particulièrement intensive, notamment avec les frappes aériennes au nord de Kidal.
La gauche n’a de cesse de mettre en avant son humanisme mais, depuis près d’un siècle, les valeurs dont elle se drape ne servent qu’à dissimuler sa réelle nature : une fraction bourgeoise qui comme les autres est prête à tout, à tous les crimes, pour défendre l’intérêt national. Car c’est bien de cela qu’il s’agit au Mali : défendre les intérêts stratégiques de la France. Comme François Mitterrand qui avait décidé d’intervenir militairement au Tchad, en Irak, en ex-Yougoslavie, en Somalie et au Rwanda, François Hollande prouve que les “socialistes” n’hésitent jamais à protéger leurs “valeurs” (entendre les intérêts bourgeois de la nation française) à la pointe de la baïonnette.
Depuis le début de l’occupation du Nord du pays par les islamistes, les grandes puissances, en particulier la France et les Etats-Unis, poussaient en coulisses les pays de la zone à s’impliquer militairement en leur promettant financements et moyens logistiques. Mais à ce petit jeu d’alliances et de manipulations, l’État américain semblait plus doué et gagner peu à peu en influence. Se faire ainsi damer le pion au cœur de son “pré-carré” était tout simplement inacceptable pour la France, elle se devait de réagir et de taper un grand coup : “A l’heure des décisions, la France a réagi en usant de son “droit-devoir” d’ancienne puissance coloniale. Le Mali se rapprochait certes un peu trop des Etats-Unis, au point d’apparaître comme le siège officieux de l’Africom, le commandement militaire unifié pour l’Afrique, instauré en 2007 par George Bush et consolidé depuis par Barack Obama” (Courrier international du 17 janvier 2013).
En réalité, dans cette région du globe, les alliances impérialistes sont d’une infinie complexité et très instables. Les amis d’aujourd’hui peuvent devenir les ennemis de demain quand ils ne sont pas les deux en même temps ! Ainsi, tout le monde sait que l’Arabie Saoudite et le Qatar, ces “Grands alliés” déclarés de la France et des Etats-Unis, sont aussi les principaux bailleurs de fonds des groupes islamiques agissants au Sahel. Il n’y a donc aucune surprise à lire dans les colonnes du Monde du 18 janvier, le Premier ministre du Qatar se prononcer contre la guerre que la France a engagée au Mali en mettant en doute la pertinence de l’opération “Serval”. Et que dire des superpuissances que sont les Etats-Unis et la Chine qui soutiennent officiellement la France pour mieux agir en coulisses et continuer d’avancer leurs pions ?
Selon Hollande, “le combat n’est pas terminé”
Conscient des difficultés, le président français n’a pas hésité à déclarer : “Le terrorisme a été repoussé, chassé, mais il n’a pas encore été vaincu.” Si Gao, centre névralgique de la lutte contre les islamistes radicaux a été reprise comme tout le nord du Mali, les zones montagneuses restent un ultime refuge pour des groupes terroristes bien armés et fanatisés, conditions qui rappellent la situation et le terrain difficiles de l’Afghanistan. On ne peut, en outre, s’empêcher aussi de faire un rapprochement avec la Somalie. “La violence dans le pays, à la suite des tragiques événements de Mogadiscio au début des années 1990, s’est propagée dans toute la Corne de l’Afrique qui, vingt ans après, n’a toujours pas retrouvé sa stabilité.” (A. Bourgi, le Monde du 15 janvier 2013). Cette dernière idée doit être soulignée : la guerre en Somalie a déstabilisé toute le Corne de l’Afrique qui, “vingt ans après, n’a toujours pas retrouvé sa stabilité”. Voilà ce que sont ces guerres prétendument “humanitaires” ou “antiterroristes”. Quand les “grandes démocraties” brandissent le drapeau de l’intervention guerrière pour défendre le “bien-être des peuples”, la “morale” et la “paix”, elles laissent toujours derrière elles des champs de ruines où règne l’odeur de la mort.
De la Libye au Mali, de la Côte d’Ivoire à l’Algérie, le chaos se généralise
“Impossible (...) de ne pas noter que le récent coup d’Etat (au Mali) est un effet collatéral des rébellions du Nord, qui sont elles-mêmes la conséquence de la déstabilisation de la Libye par une coalition occidentale qui n’éprouve étrangement ni remords ni sentiments de responsabilité. Difficile aussi de ne pas noter cet harmattan kaki qui souffle sur le Mali, après être passé par ses voisins ivoirien, guinéen, nigérien et mauritanien” (Courrier international du 11 avril 2012). En effet, nombreux ont été les groupes armés qui se battaient aux côtés de Kadhafi qui se trouvent aujourd’hui au nord du Mali, et ailleurs, avec leurs armements après avoir vidé les caches d’armes libyens. Pourtant, en Libye aussi, la “coalition occidentale” intervenait prétendument pour faire régner l’ordre et la justice, pour le bien être du peuple libyen… Aujourd’hui, la même barbarie est subie par les opprimés de cette région du monde et le chaos ne cesse de s’étendre. Ainsi, avec cette guerre au Mali, l’Algérie elle même se trouve aujourd’hui déstabilisée. Depuis le début de la crise malienne, le pouvoir algérien menait un double jeu, comme l’ont montré deux faits significatifs : d’un côté la “négociation” ouverte avec certains groupes islamistes, laissant même certains s’approvisionner sur son sol en grosses quantités de carburant lors de leur offensive pour la conquête de la ville de Konna en direction de Bamako ; d’un autre côté, Alger a autorisé le survol de son espace aérien aux avions français pour bombarder les groupes djihadistes au Nord du Mali. Ce positionnement contradictoire et la facilité avec laquelle les éléments d’AQMI ont pu accéder au site industriel le plus “sécurisé” du pays, tout cela a montré le caractère décomposé des rouages de l’Etat comme de la société. A l’instar des autres Etats du Sahel, l’implication croissante de l’Algérie ne peut qu’accélérer le processus de décomposition en cours.
Toutes ces guerres indiquent que le capitalisme est plongé dans une spirale extrêmement dangereuse et qui met en péril la survie même de l’humanité. Progressivement, des zones entières du globe plongent dans le chaos et la barbarie. S’entremêlent la sauvagerie des tortionnaires locaux (seigneurs de guerre, chefs de clans, bandes terroristes…), la cruauté des seconds couteaux impérialistes (petits et moyens Etats) et la puissance dévastatrice des grandes nations, chacun étant prêt à tout, à toutes les intrigues, à tous les coups bas, à toutes les manipulations, à tous les crimes, à toutes les atrocités… pour défendre ses minables et pathétiques intérêts. Les incessants changements d’alliances donnant à l’ensemble des allures de danse macabre.
Ce système moribond ne va cesser de s’enfoncer, ces conflits guerriers ne vont faire que s’étendre, embrasant des régions du globe toujours plus vastes. Choisir un camp, au nom du moindre mal, c’est participer à cette dynamique qui n’aura d’autre issue que la mort de l’humanité. Il n’y a qu’une seule alternative réaliste, qu’une seule façon de sortir de cet engrenage infernal : la lutte massive et internationale des exploités pour un autre monde, sans classe ni exploitation, sans misère ni guerre.
Amina (15 février)