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Une méfiance sourde, constante, de lourds préjugés, le jugement cruel et destructeur, la culpabilité, la peur de l’autre... Voilà ce qui se glisse aujourd’hui au plus profond de la société. Voici, brutalement énoncées, les formes que dessinent les rapports entre les individus, d’un trait toujours plus sombre et plus agressif. Chacun dans sa propre bulle, regardant avec mépris la bulle de son voisin en train de crever d’asphyxie. Voilà ce qui chaque jour pèse sur nos esprits et nous mène vers toujours plus d’incompréhension et de désarroi. Face à la crise généralisée catastrophique qui frappe son système, face au besoin croissant d’unité et de solidarité des prolétaires, la bourgeoisie cherche, en effet, par tous les moyens à distiller le poison de la division et de la confrontation, à nous entraîner sur le terrain obsolète de la compétition et de la concurrence, terrain indissociable du capitalisme lui-même. Par tous les moyens, des plus subtils aux plus grossiers, la classe dominante cherche à pourrir l’esprit des prolétaires avec cette idée : “Vos intérêts sont ceux de telles ou telles fractions de la bourgeoisie.” Bien sûr, la bourgeoisie camoufle ceci en parlant des “intérêts supérieurs” de l’entreprise ou de la nation en général, comme si l’entreprise ou la nation étaient des formes sociales au-dessus de la lutte des classes, qu’elles n’existaient pas pour servir précisément les seuls intérêts de classe de nos exploiteurs.
Les syndicats, véritable police de l’Etat dans l’entreprise, sont à la pointe de ces manœuvres de divisions, prenant également eux-mêmes en charge les campagnes de propagandes chauvines. Ainsi, tandis que les attaques pleuvent au nom de la “réduction des déficits” et de la “compétitivité”, que les plans de licenciements se multiplient, en clair, que la bourgeoisie fait payer à la classe ouvrière la crise de son système, c’est entreprise par entreprise, catégorie par catégorie, que les syndicats minent le terrain de la “résistance.” Face à l’attaque généralisée de la classe dominante contre nos conditions de vie, les mêmes syndicats saucissonnent la riposte, nous lancent méthodiquement, par petits paquets dispersés, dans des combats pour la défense de tel ou tel intérêt particulier. Ces spécialistes autoproclamés des luttes ouvrières, opposent également les ouvriers entre eux, entre qualifiés et précaires. La bourgeoisie sait parfaitement que la crise et les attaques vont se poursuivre ; avec ses syndicats, elle prépare donc le terrain, elle nous épuise dans des combats aussi stériles que démoralisants afin de retarder au maximum le processus menant à des luttes massives.
Cette distillation du poison de la division a de nombreux visages. Ainsi nous assistons, depuis plusieurs années, à la montée en puissance des revendications régionalistes. En Espagne, tandis que les indépendantistes basques et catalans remportaient les élections locales, une manifestation monstre était organisée à Barcelone pour réclamer “une Catalogne indépendante.” De même, en Belgique, après la crise politique de 2010-2011 sur fond d’indépendantisme flamand, la Nieuw-Vlaamse Alliantie – Alliance néo-flamande – triomphait aux élections communales, notamment son chef de file, Bart De Wever, qui remportait haut la main la ville d’Anvers. Au Royaume-Uni, l’Écosse, région riche en ressources minières, organisera un référendum en 2014 à propos de son indépendance ! Dans une moindre mesure, en Italie, la puissante Ligue du Nord revendique, depuis des années, l’autonomie de la Padanie.
Partout, ces velléités indépendantistes s’accompagnent d’un discours écœurant dénonçant les ouvriers des autres régions qui, tels des vampires, suceraient le sang fiscal et économique des travailleurs locaux. Ces revendications ne sont pas autre chose qu’une forme de nationalisme irrationnel, typique de la décomposition capitaliste.
La propagande bourgeoise ne cesse alors de chercher des bouc-émissaires afin de dédouaner son système capitaliste en faillite. Elle canalise la colère des ouvriers et de la population en livrant en pâture des “coupables” désignés, fabriqués sur mesure, afin de “diviser pour mieux régner”. Ce nationalisme réactivé s’exprime de plus en plus ouvertement à la TV et dans les journaux, de manière “décomplexée”. D’un côté, par exemple, la bourgeoisie allemande, avec en échos les propos de ce qu’on appelle la “troika” (Commission, BCE, FMI), accuse la population et les prolétaires “grecs” d’être de véritables “tricheurs”, des “fainéants” qui ne “payent pas d’impôt” ; les populations espagnoles ou portugaises, de vivre elles aussi “aux crochets” des pays du nord de l’Europe. De l’autre côté, les bourgeoisies et médias de ces mêmes pays incriminés, se présentant comme les “victimes de l’Allemagne” et de la “politique de Merkel”, expliquent simplement la misère noire croissante qu’elles imposent du fait de “l’égoïsme” de voisins “nantis” ! Quant aux ouvriers allemands et français, pourtant eux aussi victimes d’attaques, ils sont condamnés à faire des “efforts” et des “sacrifices” pour “payer les années de laxisme” des pays du sud les plus endettés, soulager ceux qui sont accusés de “voler le travail des autres” et qui ne devraient “ne s’en prendre qu’à eux-mêmes” !
Face à cette propagande nauséabonde, à ces préjugés bassement entretenus et cultivés, aux divisions, aux conflits des uns contre les autres, nous devons réaffirmer la nécessité de l’unité internationale de nos luttes.
Notre véritable force, c’est en effet notre nombre, la massivité de notre combat, l’union par-delà les secteurs, les races, les frontières et les nations. A un monde divisé et cloisonné par les intérêts privés du capital, ceux d’une classe d’exploiteurs arrogants, les fameux “1 %” dénoncés par les “Indignés”, nous devons opposer notre solidarité. Nous devons prendre conscience, nous qui travaillons dans des conditions de plus en plus inhumaines, que nous sommes tous les vraies victimes d’un système barbare à l’agonie. Face au chacun pour soi, nous devons lutter pour nous rassembler, réfléchir et discuter ensemble, sur les moyens de défendre notre dignité et nos conditions de vie. En perspective, nous avons devant nous à conquérir un futur qui nous appartient, un autre monde, débarrassé de la violence, des haines et des terreurs de l’exploitation. Ce futur, cet autre monde, n’est pas seulement nécessaire, il est possible. Il devra affirmer le “règne de la liberté”, celui d’une vraie communauté humaine mondiale.
WH/El Generico, 27 octobre