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Partout, la classe ouvrière paie la note de l’accélération de la crise mondiale du capitalisme à travers une terrible dégradation de ses conditions de vie et de travail. Partout, elle subit les coups de boutoir des attaques de chaque bourgeoisie nationale : paupérisation, chute des salaires, chômage massif, plans de licenciements, précarité, réduction des budgets sociaux… Malgré le poids de l’idéologie démocratique, les manœuvres de division, l’encadrement syndical de ses luttes, la répression directe comme en Afrique du Sud, et les obstacles multiples que dresse la bourgeoisie devant elle, la classe ouvrière ne se résigne pas. Au contraire, elle tend à démontrer son unité et sa solidarité.
Afin de contribuer à rompre l’isolement et le black-out que les médias aux ordres font peser sur les luttes du prolétariat, nous tenons à mettre en évidence quelques unes des mobilisations récentes et significatives du prolétariat mondial qui témoignent du caractère international de la lutte de classe.
Espagne
Alors que de nouvelles mesures d’austérité dictées par l’UE sont annoncées et que le gouvernement Rajoy a décidé de supprimer l’aide de l’État au secteur du charbon, prélude à la fermeture prochaine de toutes les mines restantes, les principaux syndicats (CCOO, UGT) avaient organisé, pour contrer la mobilisation massive des 30 000 mineurs en grève depuis le mois de mai, une marche sur Madrid, le 11 juillet. Elle devait servir d’enterrement de première classe au mouvement des mineurs. Mais d’autres travailleurs ont rejoint cette marche à la recherche de solidarité. Les jours suivants, des rassemblements spontanés ont regroupé des ouvriers du secteur public, mais aussi du secteur privé, pour manifester devant les sièges des partis bourgeois, en-dehors de l’encadrement syndical. La classe ouvrière est donc en train de digérer ses combats antérieurs et de mettre l’unification et la solidarité au cœur de ses luttes.
Portugal
Dans cet autre pays au cœur de la tourmente européenne, où les plans de rigueur se succèdent à un rythme effréné et où le chômage touche officiellement 15 % de la population, une grève des dockers a paralysé les principaux ports le 14 août (notamment ceux de Lisbonne Aveiro, Figueira da Foz, Setubal et Sines) pour protester contre un projet du gouvernement de mettre en place des contrats de travail temporaires ou intermittents et de favoriser la précarisation des emplois. La moitié des salariés du secteur portuaire risquent ainsi de perdre leur travail.
Norvège
Environ 10 % des 6515 employés du secteur pétrolier s’étaient mis en grève le 24 juin pour réclamer des hausses de salaires et le droit de partir à la retraite à 62 ans. La Norvège est le premier producteur de pétrole et de gaz naturel en Europe et cela constitue la 8ème richesse industrielle du monde. Brandissant aux côtés des grands groupes pétroliers, la menace du blocage à l’accès des plateformes offshore en Mer du Nord, le gouvernement “travailliste” a décrété au bout de 15 jours, le 7 juillet, la fin de la grève tout en convoquant une commission d’arbitrage. Cette manœuvre s’est opérée suite à une odieuse campagne idéologique présentant les ouvriers du secteur pétrolier comme des “nantis” et des “privilégiés”, alors que leurs conditions de travail, baptisées “antichambre de l’enfer”, sont parmi les plus pénibles et les plus dangereuses du monde, les exposant pendant de nombreuses heures au froid ou aux tempêtes. Malgré leurs protestations de pure forme et la menace de reprendre la grève dans quelques mois, les syndicats, ont appelé les ouvriers à la reprise immédiate du travail.
Argentine
Les employés du métro de Buenos Aires ont fait grève durant 10 jours, paralysant l’activité de la capitale du 3 au 13 août. Il s’agit de la plus longue grève du métro argentin depuis sa création en 1913. Les salariés demandaient une hausse de salaire de 28 % alors que la hausse annuelle du coût de la vie galope à 25 % par an. Au bout du compte, les syndicats ont appelé les travailleurs à suspendre leur grève, après la “concession” d’une augmentation salariale limitée à 23 %. Mais ce conflit sur un terrain revendicatif a surtout été exploité et dénaturé par la bourgeoisie et ses médias pour, d’une part, tenter de diviser les ouvriers entre employés et usagers du métro et, d’autre part, pour polariser l’attention sur un conflit interne à la bourgeoisie, opposant la présidente Cristina Kirchner de “centre gauche” au maire de “droite” de Buenos Aires, Mauricio Macri. Celui-ci avait signé en janvier dernier un accord de principe pour assumer la gestion du métro, incombant jusque là à l’État. Dans la foulée, il décide de doubler le tarif des tickets de transport. Par la suite, le sieur Macri, mettant en avant le non-respect par l’État de plusieurs clauses du contrat et notamment le mauvais état des wagons et l‘absence d’entretien du réseau, a décidé de renoncer à la gestion du métro. Le gouvernement a alors fait adopter par le Congrès une loi transférant à la ville la gestion du réseau, tandis que le parlement autonome de la capitale votait de son côté une loi transférant l’administration du métro à l’État. Et ce sont les travailleurs, non seulement les employés du métro, mais tous les prolétaires usagers des transports en commun, qui ont fait les frais de cette guerre entre deux clans bourgeois, avec la complicité active des syndicats et leur sale boulot de division.
Turquie
Le secteur des transports est un secteur crucial pour le capitalisme. Pour cette raison, le transport aérien a une grande signification. Un mouvement de grève lancé par le personnel naviguant de la compagnie aérienne nationale, la Turkish Airlines, a paralysé les 29 et 30 mai, le grand aéroport d’Istambul, avec des centaines de vols annulés et d’importants retards. La durée du travail dans le secteur des transports aériens peut en effet s’élever à 16 ou 18 heures par jour en Turquie ! Certaines compagnies obligent même les équipages en cabine à dormir dans la même pièce pour réduire le coût du travail quand ceux-ci sont en dehors de leur résidence. Les navigants doivent ainsi travailler pendant de longues heures en n’ayant dormi que 2 ou 3 heures avant, au mépris de leur santé, de leur vie sociale et de leurs besoins humains. Avant que la grève n’éclate, le ministre de l’industrie avait lancé une véritable provocation en menaçant d’interdire le droit de grève “dans des secteurs stratégiques comme les transports”. Les syndicats, qui n’avaient pourtant rien fait quand des centaines de travailleurs avaient été licenciés à l’aéroport Sabiha Gokeen à Istanbul, ou quand on les avait contraints à travailler davantage d´heures pour des salaires de misère, ont adressé un message “urgent” aux travailleurs les appelant à “exercer leur droit de grève”. Et les travailleurs ont effectivement déclenché une grève “illégale” le 29 mai, ce qui a servi de prétexte aux licenciements par Turkish Airlines. Ainsi, lors d’un piquet de grève, 305 grévistes, essentiellement des femmes, recevaient ce SMS sur leur téléphone portable leur signifiant simplement : “votre contrat de travail a été annulé”. Tout cela démontre que ces attaques de la bourgeoisie ont été menées main dans la main avec les syndicats.
Il était nécessaire, pour les travailleurs, de lutter non seulement contre l’administration de Turkish Airlines et le gouvernement, mais aussi contre les syndicats dont ils étaient membres. Ainsi, l’Association du 29 mai, formée par les travailleurs des compagnies aériennes en tant qu’organe de lutte indépendant des syndicats, a déclaré, à l’image de la Plate-forme des Ouvriers en lutte qui a surgi suite à la lutte de Tekel : “l’administration du syndicat Hava-Is, dont nous sommes membres, a joué un grand rôle dans le fait que cette protestation justifiée ait été déclarée “illégale” en ne prenant même pas la responsabilité d’une action à laquelle ils avaient appelé eux-mêmes. Les patrons de Turkish Airlines comptent bien tirer profit de cette situation pour éliminer des employés et les rendre quasiment esclaves. Est-ce que l’administration de Havas-Is manquait à ce point d’expérience qu’elle ne pouvait prévoir ce qui allait se passer quand elle a laissé des centaines de ses membres seuls face à l’administration de Turkish Airlines ? Quelle sorte de mentalité syndicale cela reflète t-il ?”
La gauche bourgeoise a mené une campagne déplorant le manque de soutien des travailleurs au président du syndicat tandis qu’elle présentait l’Association du 29 mai comme les “diviseurs de la lutte”. Tout au contraire, mettant l’accent sur l’importance de la solidarité, l’Association du 29 mai n’a cessé de pousser à étendre la lutte pour défendre les intérêts de la classe ouvrière toute entière et à l’organisation d’assemblées ouvertes à tous les prolétaires.
Égypte
Plus de 23 000 salariés de la plus grande entreprise de textiles d’Égypte se sont mis en grève, dimanche 15 juillet, en réclamant une revalorisation de leurs salaires. L’usine de la société nationale Mir Spinning and Weaving, à Mahalla dans le delta du Nil, a déjà connu en 2008 des manifestations qui ont déclenché une vague de grèves à travers le pays, considérée par beaucoup comme le catalyseur du soulèvement qui a abouti à la chute d’Hosni Moubarak en février 2011. Sept mille grévistes de Misr Spinning and Weaving ont organisé un sit-in dans l’usine en réclamant une hausse des salaires de base, le renvoi de responsables corrompus et l’amélioration des conditions dans l’hôpital rattaché à l’entreprise. De nombreux salariés égyptiens, encouragés par le soulèvement du début 2011, ont fait grève ces derniers mois dans l’espoir d’obtenir des augmentations et une amélioration de leurs conditions de travail. La majeure partie de ces mouvements sociaux ont pris fin, mais certains arrêts de travail continuent d’être observés de temps à autre. Des manifestations ont lieu devant le palais présidentiel au Caire depuis l’élection de Mohamed Morsi, membre des Frères musulmans. Nombre de ces rassemblements portent sur les questions du chômage et des salaires.
Tunisie
La ville de Sidi Bouzid, berceau du “printemps arabe” et du mouvement qui a conduit à la chute du président Ben Ali, a connu le mardi 14 août une grève générale extrêmement suivie et une manifestation “pour la liberté d’expression et contre la répression”, rassemblant environ 2000 personnes : les protestataires réclamaient la libération d’une quarantaine de personnes arrêtées dans la région depuis fin juillet lors de manifestations contre les difficultés sociales et les coupures d’eau et d’électricité. La population locale, et plus globalement du bassin minier attendent toujours l’aide promise. Il y a ceux qui attendant le versement d’indemnités à tous les proches des victimes du soulèvement de janvier 2011. Il y a aussi ceux qui ne supportent plus les coupures d’eau ou d’électricité récurrentes et ceux qui désespèrent d’être au chômage. C’est la misère et le chômage qui ont d’ailleurs été au cœur du soulèvement de décembre 2010. Depuis, la situation n’a pas changé et les manifestations comme les conflits sociaux se sont multipliés ces dernières semaines dans le pays, face à un gouvernement dominé par les islamistes d’Ennahda. Une manifestation rassemblant plusieurs milliers de personnes a également eu lieu à Tunis le 13 août pour la protection du droit des femmes.
Arno, 31 août