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Nous avons récemment été attristés par la nouvelle du décès à l’hôpital du camarade Il Jae Lee, militant du Groupe de la Gauche Communiste en Corée ; il avait 89 ans.
Il Jae est né en 1923 dans la ville de Daegu, dans ce qui est maintenant la Corée du Sud mais qui était alors connue sous le nom de Choseon. A cette époque, l’ensemble de la Corée était une colonie japonaise, très prisée pour ses matières premières et sa production agricole, destinées à soutenir l’effort de guerre de l’impérialisme japonais. La police officielle japonaise tentait de réduire la culture coréenne en curiosité folklorique. A l’école, les enfants devaient apprendre le japonais que Il Jae parlait couramment. Pendant la guerre, alors qu’il n’avait pas encore 20 ans, Il Jae prenait déjà part aux luttes ouvrières. Avec le départ des forces d’occupation japonaises en août 1945, le pays fut livré au chaos et, dans beaucoup d’endroits, les travailleurs prenaient le contrôle de la production dans ce que Il Jae appelait des conseils ouvriers (le Changpyong, ou Conseil Ouvrier National de Choseon), bien que dans les conditions d’un pays dévasté par la guerre ces conseils n’étaient pas en mesure de faire plus que produire le strict minimum pour la vie quotidienne. Il Jae rejoignit le Parti Communiste en septembre 1946, et fut un membre dirigeant de la grève générale qui éclata à Daegu, la même année. Avec l’interdiction des grèves ouvrières par les autorités d’occupation américaine, Il Jae rejoignit les partisans qui combattaient dans le sud du pays, et fut blessé à la jambe en 1953. En 1968, sous la dictature de Park Chung Hee, il fut arrêté et condamné à l’emprisonnement à vie à cause de ses activités politiques. Pendant son séjour en prison, sa santé était constamment mise en danger et son visage a toujours conservé les traces des tortures subies. En 1988, il fut relâché, en liberté surveillée, ce qui ne l’empêcha nullement d'aussitôt s’impliquer dans une activité politique à Daegu. Il devint un membre dirigeant des Syndicats Coréens en 1997. C’était tout à fait naturel pour un jeune travailleur entré au Parti Communiste en 1946. Mais, indépendamment de la sincérité et du courage de beaucoup de ses membres, ce Parti n’était en fait rien de plus que l’instrument des impérialismes chinois et russes, et, à la fin de la guerre de Corée, une caricature particulièrement grotesque et barbare du stalinisme : la dictature de la famille Kim.
Si sa vie n’avait été que cela, nous n’aurions alors pas écrit cet hommage : l’histoire est pleine d’héroïsme au service de mauvaises causes. Mais Il Jae était vraiment remarquable par sa capacité, à près de 80 ans, de remettre en question le combat mené tout au long de sa vie. En 2002, il a participé aux activités de l’Alliance Politique Socialiste (SPA), un nouveau groupe qui introduit les idées de la Gauche Communiste en Corée. C'est à l'occasion de la Conférence Internationale Marxiste, organisée par le SPA en octobre 2006, qu'une délégation du CCI, venue en Corée, rencontra le camarade Il Jae. Pendant les débats, bien que nous ayons eu des désaccords avec lui sur de nombreuses questions – en particulier sur la possibilité de faire revivre les syndicats comme formes organisationnelles des luttes ouvrières – nous étions convaincu d'être en présence d’un authentique internationaliste, en particulier sur la question brûlante de la Corée du Nord. Il Jae rejetait tout soutien à ce régime odieux.
Dans nos discussions avec lui ces dernières années, le camarade Il Jae était surtout préoccupé par deux questions : l’unité internationale de la classe ouvrière et, en Corée, la destruction des barrières entre les travailleurs à contrat permanent, ceux à contrat précaire et les ouvriers immigrés du Bengladesh et des Philippines qui commencent à être nombreux en Corée. C’est sur cette dernière question qu’il a rompu avec les syndicats officiels bien qu’il n’ait pas perdu l’espoir d’utiliser le syndicat comme forme d’organisation. Il a participé au 17e Congrès du CCI en 2007 et espérait accompagner la délégation du CCI au Japon en 2008 : malheureusement sa santé déclinante ne lui a pas permis de faire le voyage.
Le camarade Il Jae Lee fut un combattant inébranlable de la cause prolétarienne dont le courage n’a pu être brisé ni par les épreuves et ni par la prison. Il est resté un internationaliste jusqu’à la fin de sa vie. Surtout, il avait le courage moral de constamment chercher la vérité, même si cela signifiait remettre en question les idées pour lesquelles il avait combattu et souffert dans le passé. La classe ouvrière a subi une perte mais elle s’est enrichie de son exemple.
CCI