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"Le mouvement Occupy a lieu partout dans le monde. Nous sommes les 99%. Nous sommes un forum pacifique et non-hiérarchique. Nous convenons tous que le système actuel est antidémocratique et injuste. Nous avons besoin d’alternatives, vous êtes invités à nous rejoindre dans le débat et de les développer, à créer un avenir meilleur pour tous“. Ceci est la déclaration qui vous accueille sur le site Web de Occupy Londres. 1
Indéniablement, les appels, les rencontres et occupations d’espaces public partout dans le monde trouvent leur source d’inspiration dans le mouvement Occupy Wall Street, qui s’étend dans plus d’une centaines de villes aux Etats-Unis 2, ainsi que dans d’autres villes à travers l’Europe, et également à des villes en Asie et en Amérique-Latine. Nous avons aussi vu cette vague d’Occupy traverser la Belgique et les Pays-Bas. Le format général de ce mouvement a été l’occupation (pour une courte ou longue durée) d’une place public centrale, suivie par des discussions ouvertes, discours, témoignages, appelant à des manifestations et autres actions.
Que les gens prenant part aux mouvements Occupy aient des préoccupations sincères sur la santé du monde actuel, l’état de son économie et de sa politique, est incontestable. Les nombreux sites Web, pages Facebook et Twitter, les discussions ouvertes et les déclarations en témoignent. Des camarades du CCI ont visité différents sites du mouvement dans plusieurs pays et ils ont activement pris part aux discussions qui se déroulaient. Parmi les participants aux manifestations, on retrouvait aussi bien des gens qui travaillaient, que des chômeurs, retraités et étudiants. De nombreux orateurs exprimaient leurs frustrations, leur mécontentement, d’autres tentaient de développer des analyses. Des témoignages suivaient des "discours" classiques et un nombre croissant de participants voulait vraiment lancer une discussion collective entre eux. Les occupations fournissent en effet, quelque chose qui n’est pas disponible en grand nombre dans le monde - un espace public où les gens sont libres de venir et de discuter en assemblées générales (AG) dans un effort d’essayer de comprendre la situation actuelle du monde.
Comme les événements récents en Espagne et la Grèce l’ont démontré, les assemblées sont l’élément vital de l’auto-organisation des travailleurs. Elles sont le lieu où la confrontation politique, la clarification et la réflexion peuvent avoir lieu. Mais au stade actuel il ne faut surtout pas confondre le point de départ et la forme avec le stade final. La route est encore longue. L’exemple le plus clair en est les discussions intenses en Espagne entre ceux qui plaident pour la "démocratie réelle», c’est à dire une meilleure démocratie gouvernementale réformée et ceux mettant en avant une perspective prolétarienne: "Il y a eu quelques moments très émouvants où les orateurs étaient très excités et presque tous parlaient de révolution, de dénoncer le système, d’être radical (dans le sens d’ "aller à la racine du problème» comme l’un d’eux l’a dit).“3
Beaucoup de discussions autour des protestations Occupy s’articulent encore autour de deux thèmes principaux: comment "améliorer» la démocratie parlementaire, la reconquérir pour le peuple contre les riches, les banquiers, les élites et, deuxièmement comment amener la justice sociale c’est à dire une répartition plus équitable sous le capitalisme. Comme un de nos camarades en Grande-Bretagne rapporta: "J’ai finalement trouvé la réunion où il y avait une discussion sur la démocratie et où j’ai appris qu’ils n’ont pas vraiment la démocratie en Espagne ... Dans cette réunion, les politiciens étaient à blâmer presque pour tout. Il y a eu quelques voix dissidentes qui ont tenté de soulever la question de l’économie, de souligner que la démocratie au Royaume-Uni n’est pas meilleure. Et il y avait quelques contributions bizarres à la discussion, y compris l’idée que nous devrions faire participer le public dans la fonction publique dans le même sens qu’il soit appelé à faire partie d’un jury public ...ou nous devrions obtenir de meilleurs gestionnaires dans le gouvernement comme en Chine ..."
Lors des discussions et discours, il y a eu des tentatives à certains endroits d’envoyer des délégations, entre autre à des manifestations ouvrières (électriciens en Grande-Bretagne, d’autres conflits ouvriers en Espagne, les métallurgistes en Belgique). Ceci à un moment où, aussi bien en Grande-Bretagne, en Belgique qu’aux Pays-Bas, malgré la peur et la colère engendrées par l’austérité, il n’y avait pas réellement de riposte ouvrière.
Il devient de plus en plus clair que l’énergie spontanée initiale du mouvement est en reflux un peu partout, comme le montrent les assemblées générales, de plus en plus transformées en chambres d’écho passives des “groupes de travail" et des “comités", dont beaucoup semblent être dominés par des militants professionnels, des militants gauchistes, etc.
En Belgique et en Hollande, le CCI a également apporté des contributions limitées aux discussions. Parmi celles-ci: (a) que la façon dont les politiciens se comportent n’est pas causée par le système électoral, que ce soit en Espagne, ou en Belgique ou aux Pays-Bas, mais par le fait qu’ils défendent le capitalisme; (b) sur le rôle de la crise, qui n’est pas seulement provoquée par les banquiers; (c) sur l’importance des assemblées générales et la référence aux principales expériences historiques.
Le mouvement Occupy en Belgique et aux Pays-Bas n’est pas seulement beaucoup plus limité en taille que les mouvements en Espagne et aux Etats-Unis, mais il a surtout beaucoup plus de peine à parvenir à un véritable débat collectif et à obtenir la profondeur dans sa quête d’analyses et de réponses aux questions actuelles.
Un bon nombre de groupes gauchistes en Belgique, aux Pays-Bas, comme en Angleterre, ont souvent essayé de surfer sur les vagues du mouvement afin de faire passer leur propre agenda à travers de nombreux discours et des groupes de travail. Ce ne fut pas très difficile, parce que les réunions avaient la forme d’une réunion ouverte à tous sans beaucoup de structure. En outre, le mouvement n’était pas assez mature pour contrer les tentatives de ces groupes de monopoliser le mouvement. Aussi par une aversion aveugle de la politique, il y avait une réticence à annoncer la couleur politique, un nombre se cachant derrière "une idéologie a-politique" engendrant rapidement le nivellement de nombreuses discussions vers des slogans, vers la désignation de "coupables» et une série de protestations sans perspectives. Cela signifiait que la teneur des débats a été la plupart du temps, à part quelques cas positifs, limitée à un mélange de contributions réformistes, a-historiques et mystiques.
Les mouvements Occupy ici, mais aussi dans de nombreux autres pays, ont été très sensibles à leur image dans les médias. En effet, l’absence d’une claire conscience qu’ils devaient prendre en main et organiser eux-même l’extension et la solidarité les ont placé dans une position de faiblesse. La réaction des médias a été assez prévisible: de titres dans le genre "le choc! l’horreur!" aux articles dans la presse plus libérale ou de gauche qui mettaient en avant que ces occupations stimulaient ou constituaient un coup de pouce pour un système démocratique pondéré. Dans l’ensemble, la plupart de la presse a essayé de mettre en évidence que les politiciens devraient "répondre» aux "préoccupations" de cette protestation légitime. Mais par l’absence d’une perspective d’élargissement du mouvement vers la classe ouvrière, le mécontentement et la colère, alimentés par les médias et comment ils présentaient l’occupation, devenaient un point de fixation.
Aussi la menace d’expulsion et comment se défendre contre la violence et la répression consécutives, sont évidemment une préoccupation importante dans les lieux où il y avait une occupation permanente. Dans de nombreux endroits, tels qu’à travers les Etats-Unis, la "réponse" des politiciens a pris la forme d’une répression sévère. Cependant, quand ils ont discuté dans les assemblées générales sur la façon de réagir aux menaces d’expulsion, la préoccupation majeure était de savoir comment les médias dépeignaient leur réactions. Une proposition d’aller aux travailleurs, soutenue par nos camarades sur place, ainsi qu’ un rappel par un autre participant que leurs objectifs vont au-delà d’un maintien indéfiniment de l’occupation, ne sont pas repris. En fait les deux propositions ont été considérées comme une distraction.
Nous craignons que le plus grand danger aujourd’hui est que les mouvements Occupy se trouvent piégés dans une dynamique de recherche désespérée introspective et laissent ainsi les gauchistes et les médias décider de l’avenir du mouvement.
Lac & Ward / 20.11.2011
2 https://en.internationalism.org/node/4571
3 https://en.internationalism.org/icconline/2011/september/indignados