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Enfin …… la Belgique aura son gouvernement. Huit différents partis ont pris leur responsabilité. Les "séparatistes" sont temporairement mis de côté pour pouvoir exécuter "dans l’union" un plan d’austérité solide. Après le record mondial en exercice comme premier d’un "gouvernement d’affaires courantes", Leterme pourra largement profiter d’un petit job bien payé par une institution internationale. Est-ce un retour vers une situation normale dans une Europe où les cours de la bourse oscillent? Qui peut maintenant pousser un soupir de soulagement: les politiciens ou la classe ouvrière?
Selon les nouvelles économiques, l’économie belge a connu une relative bonne période: maintenant cela ne peut que davantage s’améliorer. La situation économique était relativement stable. Au niveau social, c’était tranquille. La population s’est conduite calmement. Seuls les politiciens ont longtemps adopté une attitude irresponsable. Maintenant qu’eux aussi en sont arrivés à l’idée qu’une telle situation ne peut plus durer, la situation ne peut qu’aller mieux.
Est-ce effectivement ainsi? Ou veulent-ils simplement nous le faire croire? Bien qu’ un certain nombre d’affirmations mentionnées ci-dessus sont correctes, la situation économique belge jusqu’ici ne s’est pas détériorée seulement par le fait qu’elle pouvait parasiter l’économie d’un certain nombre de ses pays voisins.
Depuis des mois (en réalité depuis 2008 déjà), la Belgique a nouveau été confrontée à tout un "battage communautaire, nationaliste, (sous)-nationaliste, les chamailleries entre partis pour diviser les ouvriers, dévier leur attention, obstruer la conscience qu’ils font partie de la classe qu’on exploite au niveau international… " (….) "Et tout comme les gouvernements de tous les pays, l’ensemble des partis
Belges, unitaires ou régionalistes appellent les travailleurs à être "solidaires", c’est-à-dire à se serrer la ceinture, à accepter des sacrifices pour garantir le niveau concurrentiel du capital national." (Le problème n’est pas la crise de gouvernement, mais la crise du système capitaliste ; Internationalisme 349).
Mais, tandis que le système capitaliste plonge dans une crise économique mondiale de plus en plus effroyable, la Belgique a été toujours présentée comme une exception en Europe:
- un Etat relativement épargné par la crise et l’austérité;
- un Etat où le problème essentiel n’était pas la question sociale, les luttes contre les licenciements et l’austérité, "l’indignation" des jeunes générations contre le manque de perspectives, mais la question de la scission d’un arrondissement électoral et les tensions communautaires entre Wallons "profiteurs’ et flamands "arrogants".
Mais contrairement à ce que prétendent les groupes gauchistes, ces "spécificités nationales", auxquelles font parfois aussi référence les gauchistes, sont un leurre. Plus spécifiquement en ce qui concerne la Belgique, c’est de point de vue de la classe ouvrière important á
a) dénoncer l’incroyable mystification à propos de la "spécificité belge" que la bourgeoisie a diffusée et diffuse dans la population en général et au sein de la classe ouvrière en particulier;
b) expliquer comment cette mystification a été rendue crédible ;
c) mettre en garde les travailleurs, les chômeurs et les jeunes contre la nouvelle vague d’austérité qui se prépare à court terme.
1. La mystification sur la bonne santé de l’économie Belge a été entretenue par l’ensemble des partis politiques qui affirment que "la Belgique résiste mieux à la crise", mais aussi par le gouvernement "démissionnaire" Leterme qui affirme que "le gouvernement a tout sous contrôle" et qu’il gère le pays "en bon père de famille". Cette mystification a largement pris eau cet été: la crise de la dette souveraine des Etats et la pression sur les obligations d’Etat en Europe, la crise de l’euro, la pression sur les banques et la bourse touchent tous les Etats d’Europe, y compris la Belgique.
- La pression devient de plus en plus importante sur les banques et sociétés d’assurance Belges et sur celles liées aux banques Françaises (Dexia, Kredietbank, Ethias, BNP Paribas Fortis, ...).
- La pression croît également sur la dette de la Belgique (ampleur de la dette et coût de l’argent emprunté).
- De nouveaux soubresauts économiques menacent, avec le ralentissement de la production en Allemagne, le premier partenaire économique de la Belgique et la crise bancaire aiguë qui touche la France.
- Enfin, l’instabilité de la gouvernance en Belgique est un facteur important de déstabilisation à l’époque actuelle.
La brouillard nationaliste et sous-nationaliste est particulièrement intense en Belgique pour cacher la réalité de la crise et les enjeux qu’elle pose et ce serait une illusion de penser que la bourgeoisie s’attachera à le dissiper dans la période actuelle. D’ailleurs, ici aussi, il est erroné de voir un tel battage (sous-)nationaliste comme une "exception Belge". Avec l’approfondissement de la crise, en particulier en Europe, ce type de campagne s’accentue partout: en Allemagne, il y a la campagne contre "les Grecs menteurs et voleurs", en Hollande, c’est un sentiment anti-Européen qui est exacerbé sous la poussée du populiste Wilders, en Italie ou en Espagne, les régions riches (l’Italie du Nord, la Catalogne) veulent larguer les parties plus pauvres, ces "gouffres à subsides".
Ainsi, au-delà de ses spécificités, l’exacerbation des campagnes (sous-)nationalistes en Belgique, elle aussi, s’inscrit dans un cadre général marqué par l’enrayement croissant des mécanismes du capitalisme mondial. En effet, l’exacerbation des tensions au sein de la bourgeoisie américaine, au début d’août, sur les mesures budgétaires à prendre (réduire les dépenses ou stimuler la consommation) souligne bien que, sans nier les spécificités de l’Etat et de la bourgeoisie Belge, cette exacerbation des tensions entre fractions bourgeoises est une réalité internationale. Et elle exprime (de manière variable bien sûr selon les pays) avant tout la pression croissante de la crise historique du capitalisme sur la cohésion de l’ensemble des bourgeoisies de la planète.
2. Qu’est-ce qui a permis cette illusion d’une "Belgique qui échappe à la crise", qu’est-ce qui a pu lui donner un semblant de vérité ? En réalité, trois facteurs l’ont favorisé:
- la forte reprise de l’économie allemande après 2008 lui a attribué pour un temps le rôle de locomotive de l’économie mondiale. Or, ce pays est le premier partenaire économique de la Belgique, et, en conséquence, cette dernière en a aussi bénéficié. Entre 2008 et 2011 l’économie Belge était pour 65% dépendante de deux pays voisins (1): La France et l’Allemagne. Elle a donc pu "parasiter’ pendant quelques années sur les mesures de ces deux pays, en profitant du plan de relance de la France et de la croissance Allemande.
- la gestion des affaires s’est poursuivie. D’une part, le gouvernement fédéral étant en "affaires courantes’ depuis en gros 2008, la bourgeoisie a pu éviter la pression sur le budget des dépenses "partisanes’ classiques imposées par les partis gouvernementaux pour satisfaire leur électorat classique. D’autre part, les gouvernements régionaux, non démissionnaires, sont responsables de larges domaines de la gestion étatique, comme l’enseignement, la santé publique, l’écologie et la culture, et ont donc pu pleinement prendre les mesures d’austérité qui s’imposent dans ces domaines.
- mais le plus important, c’est que toute une série de mesures cadres pour imposer l’austérité ont été prises en douce, d’abord un premier plan d’austérité, concocté par Van Rompuy en 2009 et engagé depuis déjà deux ans: passer d’un déficit budgétaire de 6% en 2009 à 0% en 2015, soit 22 milliards d’euros d’économies en 2011. Mais ensuite aussi d’autres mesures, telles l’imposition d’un blocage des salaires strict pour 2011 et 2012 - comme en ont fait l’expérience les travailleurs du secteur des cimenteries- ou le non remplacement des fonctionnaires par gouvernement "d’affaires courantes" de Leterme.
3. Aujourd’hui, des attaques sans merci contre les conditions de vie de la classe ouvrière se préparent, à l’instar de ce qui se fait dans les autres pays d’Europe. Les mesures prises dans des pays comme la Hollande, la France, l’Italie ou l’Espagne donnent le cadre général et annoncent les mesures supplémentaires qui seront prises en Belgique. Les attaques prendront une double forme :
a. des mesures d’attaques globales contre l’ensemble de la classe ouvrière, en dessus des mesures déjà prises dans le cadre du plan "pluriannuel" 2010-2015 de Van Rompuy, justifiées à partir de la défense de l’Europe et de l’euro contre la crise mondiale (cf. les différentes mesures proposées par le formateur E. Di Rupo):
- réduction budgétaires dans les soins de santé, menaçant la qualité des soins aux patients;
- réduction et même suppression des allocations pour les chômeurs de longue durée, y compris chefs de famille et sans cohabitant + sanctions renforcées contre les chômeurs, suppression de l’allocation d’attente pour les jeunes;
- limitation du droit au crédit d’heures et à la pause carrière;
- suppression de la prise en compte des périodes de chômage, de retraite anticipée et de crédit d’heures pour la retraite;
- la limitation de l’accès à la retraite anticipée, sans même attendre l’évaluation des résultats du Pacte des générations par les partenaires sociaux;
- la limitation du départ à la retraite à 60 ans;
-une attaque contre les retraites des fonctionnaires.?
L’accroissement de la pression sur les banques (cfr Dexia) et sur la dette de l’Etat imposera des mesures supplémentaires (impôts nouveaux et/ ou restrictions budgétaires plus drastiques) pour renflouer les banques ou pour supporter le coût de la dette.
b. l’exacerbation de la concurrence entre les régions, au nom d’une régionalisation plus poussée.
Cette dernière dynamique mènera à l’exploitation des tensions communautaires sur le plan économique à travers l’organisation d’une concurrence interne entre régions: fiscalité différenciée entre régions pour "attirer les entreprises", financement des régions partiellement lié à l’atteinte de critères de rentabilité et d’efficacité (exemple le budget pour les allocations chômage sera lié à l’efficacité de la politique de "mise au travail" des chômeurs). La concurrence et la course à la performance entre les régions impliqueront une pression accrue sur les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière.
4. Pour la classe ouvrière en Belgique, la situation ces dernières années a été difficile et cela va encore rester difficile pendant une certaine période: les campagnes et les divisions qu’on fait avaler restent intenses. La classe ouvrière ne sera pas seulement confrontée à une perduration des campagnes de division mais aussi dans un premier temps, par la mise en place du nouveau gouvernement, à son propre soulagement du fait que les affaires au niveau de la gestion de l’Etat belge sont enfin réglées.
Toutefois, les éléments avancés dans cet article démontrent bien que le décalage avec la situation sociale dans les autres pays d’Europe est plus une question de perception et de prise de conscience qu’une réalité objective: la réalité économique et sociale en Belgique est complètement similaire à celles de pays comme la France ou les Pays-Bas.
Aussi, la situation sociale peut évoluer très vite, comme l’ont illustré le "printemps arabe’ et les événements en Espagne ou en Angleterre. Bien qu´une hésitation dans le premier temps est plus que probable; très vite la classe ouvrière en Belgique peut retrouver le chemin de la lutte. Et une fois en mouvement, elle peut très bien réagir avec encore beaucoup plus de combativité et de détermination qu’ailleurs. Sur ce plan-là aussi, contrairement aux campagnes de la bourgeoisie, la Belgique n’est pas une exception n
Ricardo / 29.09.2011
(1) www.ing.be/xpedio/groups/internet/@public/@bbl/@publications/documents/portalcontent/502395_nl.pdf.