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Le miracle technologique du coton génétiquement modifié en Inde n'aura pas eu lieu. Bien au contraire, c'est un véritable désastre qui s'est déroulé en moins d'une décennie.
En 2002, l'Inde autorise la plantation de semences de coton modifiées pour résister au ver de la capsule, parasite ravageur qui détruit les plantations si aucun épandage d'insecticide coûteux n'est pas opéré régulièrement. La semence miracle s'appelle le « coton BT » et elle est fabriquée par la société Monsanto.
Monsanto est une société américaine spécialisée dans la chimie et plus récemment dans la biotechnologie, principalement la production de semences hybrides et génétiquement modifiées, notamment pour résister aux insectes et parasites.
Bien que jusqu'à dix fois plus chère que la graine classique, la « BT » a de quoi séduire : Monsanto ne promet rien de moins que le triplement des rendements. Si on économise l'insecticide, la mise importante de départ sera récupérée et même dépassée sans souci. De ce fait, les paysans indiens investissent au maximum, s'endettent s'il le faut et en quelques années, c'est 90% des surfaces cotonnières du pays qui sont couvertes du coton magique.
Il n'y en a qu'un finalement qui n'a pas cru au miracle : c'est le ver de la capsule. Lui, il a rapidement développé des résistances, tellement rapidement qu'on se demande même s'il a un jour été touché par la substance insecticide délivrée par la plante. Et finalement, le coton BT ne fait pas mieux que n'importe quelle autre graine de coton. Pour contrer la baisse inévitable de rendement, il faut maintenant passer par l'épandage massif d'insecticides, augmentant la facture d'au moins 30%.
Sans compter que cette belle plante voit son prix augmenter sans cesse. Aujourd'hui, elle coûte cent fois plus cher que le coton classique !
Sans compter, bien sûr, que comme toute plante génétiquement modifiée, cette jolie fleur est stérile et que donc chaque saison, il faut racheter les semences.
Sans compter enfin que cette douceur de la nature aime l'eau et les nutriments plus que le coton ordinaire : la terre s'appauvrit et se dessèche, et là encore, le maintien des rendements passe par l'enrichissement artificiel et l'arrosage... tout cela coûte cher, et l'eau est une denrée fragile, surtout si le ciel s'en mêle.
Et c'est ce qui s'est passé en 2009, avec une saison de mousson la plus faible depuis 37 ans. Faute d'eau en quantité suffisante, les rendements ont chuté irrémédiablement.
Il ne fait aucun doute que le coton BT aura été un succès commercial pour Monsanto. Mais techniquement, c'est un échec complet. Et humainement, le résultat est un véritable drame. On estime aujourd'hui que depuis 1991, près de 20 millions de paysans ont quitté la campagne pour venir remplir les bidonvilles des grandes métropoles. Mais ce chiffre ahurissant n'est encore rien face à l'incontrôlable vague de suicides qui ravage le milieu rural touché par le désastre du coton BT. Au moins 150 000 personnes auraient mis fin à leurs jours, certains parlent de plus de 200 000 depuis quinze ans. En 2009, un suicide collectif impliquait 1500 personnes. 1500 personnes qui, sans aucune issue face à la faillite complète qui les touche, n'ont même plus la force de se battre et décident ensemble de se donner la mort.
Depuis, après avoir tenté de faire porter la responsabilité aux paysans indiens qui auraient mal utilisé leur produit, Monsanto a reconnu l'inefficacité de sa semence. Pour tous ceux qui sont morts, tous ceux qui sont partis crever dans la boue des bidonvilles et tous ceux qui tentent encore de survivre en s'endettant pour acheter une graine aux rendements minables, cela ne « modifie » rien du tout.
Cette histoire est écoeurante, révoltante, poignante. Elle n'est pourtant qu'un exemple parmi un nombre incommensurable d'autres du prix que le capitalisme donne à la vie humaine, du prix qu'il donne à la sauvegarde et au développement de nos ressources.
Le coton BT est une illustration éclatante de comment le capitalisme manipule la nature dans le seul but de dégager des profits. Il est clair que cette semence a été mise sur le marché sans disposer des garanties suffisantes sur son efficacité sur toutes les espèces de ravageurs susceptibles de s'attaquer à la plante. Ce qui comptait avant tout, c'était de la vendre, et pour cela, la promesse de rendements supérieurs suffisait.
La misère humaine, les ravages sur la nature ne compromettent finalement que l'avenir commercial du produit ; ce qui a été encaissé reste dans les caisses. C'est la logique d'un système qui vit au jour le jour et accumule ses richesses en détruisant toujours plus de ressources, y compris la vie humaine.
Ce n'est pas seulement le procès de Monsanto qu'il convient de faire, mais celui du capitalisme. C'est lui le vrai coupable.
G (25 mai)