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Nous publions ci-dessous, comme contribution au débat, un texte rédigé par un jeune étudiant de Barcelone qui nous l'a adressé. Ce texte souligne à juste titre l'hétérogénéité du mouvement des "indignés". Il a surtout le mérite d'être très clair sur les manœuvres de Démocracia Real Ya, une véritable "auberge espagnole" soi disant "apolitique" (dans laquelle se retrouvent rassemblés dans un "front populiste", aussi bien des "citoyens" de droite, d'extrême-droite que de gauche et d'extrême gauche) .
15 M et Spanishrevolution
Contrôle, confusion et manipulation
Le Mouvement du 15M, dit Mouvement des Indignés, est né à Madrid le 15 mai 2011et trouve son origine dans la répression et les passages à tabac de la Puerta del Sol, après les affrontements entre la police et le Bloc autonome et libertaire qui suivirent la manifestation de Democracia Real Ya (DRY), dont ce Bloc se distinguait clairement en critiquant son discours insuffisant, réformiste et vide de conscience de classe (1). Le détonateur de ce mouvement qui s’enflamma comme une traînée de poudre dans tout l’Etat a cependant été en réalité son explosion médiatique. DRY ne put que constater la spontanéité des rassemblements et se refusa à en prendre la tête, non sans parvenir à faire reprendre son discours ambigu et citoyen par les porte-paroles présumés du mouvement.
Le manifeste de DRY ne demande pas la disparition du capitalisme, mais seulement l’amélioration des conditions de vie des exploités et plus de « transparence démocratique » (2). Parmi ses idéologues se distingue Enrique Dans, de NoLesVotes (2 3). Enrique Dans a suivi une formation d’entreprise à l’UCLA et à Harvard, il travaille pour de grands groupes financiers qui font partie du réseau oligarque responsable et défenseur de la situation actuelle d’injustice sociale (4).
Parmi les manifestations de soutien reçues parle 15M se distinguent pêle-mêle celles de Ynestrillas, de la Phalange espagnole des JONS, des Communautés chrétiennes populaires ou d’Eduard Punset, solide défenseur du Nouvel ordre mondial qui prit la parole avec les Indignés d’Oviedo et coïncida avec eux sur plusieurs points : listes électorales ouvertes, limitation du mandat présidentiel, réforme de la Loi électorale… (5) (6) (7), qui semblent être le fruit d’une indignation ultralibérale proche des idées anti-étatistes de Ron Paul (qui incarne le néofascisme déguisé en mouvement social). Ces faits permettent deux interprétations.
1) La première est que les rassemblements de Madrid, Barcelone et autres villes se font en marge de DRY et fonctionnent de façon assembléiste et autonome. L’infiltration de groupes d’extrême-droite serait donc une lamentable conséquence de l’hétérogénéité du mouvement qui a écarté tout sectarisme pour avancer dans la voie de la révolution « des gens ordinaires » (8).
2) La future convocation à une manifestation mondiale pour le 15 octobre (9), les rapports entre DRY et l’oligarchie financière, la symbolique anarcho-capitaliste présente dans plusieurs plateformes citoyennes étroitement liées (10), en accord avec le discours globaliste et interclassiste du « Nouvel ordre mondial » expliqueraient l’impact médiatique du mouvement. La dictature médiatique de l’État espagnol est bien connue ; seul un groupe puissant, avec une forte influence, riche, et ayant un intérêt à la chose est capable de faire changer le regard des medias sur la lutte sociale, tout comme d’empêcher la répression et la violence policière qui se sont déchainées en d’autres occasions lors d’actions populaires contre le système (lutte contre le TAV à Euskal Herria, manifestations étudiantes contre le Plan Bologne, grève générale du 29 Septembre, etc.).
La complicité de la dictature médiatique, tout comme les mots d’ordre « nous sommes apolitiques », « nous ne sommes ni de droite ni de gauche » et autres « nous n’avons pas d’idéologie » nous font suspecter que le 15M n’est qu’un projet de dissidence contrôlée fabriqué par le système capitaliste lui-même, afin de servir de soupape au mal-être social et le canaliser vers des positions acceptables pour le Pouvoir. L’élément le plus important dans ce sens est le pacifisme irrépressible qui s’impose, ajouté au rejet de toute collaboration avec les partis et syndicats minoritaires de la gauche radicale qui ont toujours eu un poids plus ou moins important dans la lutte de classe.
Il n’est cependant pas évident de contrôler un mouvement de masses. Dans certaines assemblées, l’existence d’un groupe de personnes qui monopolise les tours de parole est évidente, elle influe sur les commissions populaires et manipule les votes en cachant les résolutions derrière des termes abstraits et interprétables ou en limitant les options. A la Plaça de Catalunya (Barcelone), par exemple, nombreux sont les accords obtenus à partir de discussions privées et la centralisation de l’assemblée, ce qui la rend plus facilement manipulable (11). A Valence, par contre, les assistants ont détecté une sorte de secte qui limite la liberté d’expression (12), comme ce fut le cas lors de la macabre manœuvre pour faire approuver la « restructuration » du campement de Sol : le peuple vota pour choisir s’il devait partir le lendemain ou discuter, en commissions, sur comment et quand s’en aller sur la base d’un plan de réduction du campement, sans que soit évoquée l’option de résister indéfiniment comme c’était la volonté populaire. Les votes, cependant, durent être remis face aux protestations de personnes et de commissions rebelles (13) (Lire attentivement cette note).
Un effort démesuré semble être fait pour contenir la masse populaire dans le pacifisme, l’inaction, et la forcer à revenir à la routine de la production et de la consommation. La conclusion que peut tirer un authentique révolutionnaire de tout ce mouvement, après une analyse attentive, est claire. Ce mouvement nouveau est en gestation, il n’est pas orienté idéologiquement et contient une multitude de contradictions internes, mais à la longue ils ne pourront plus le contrôler ; c’est alors que commenceront réellement les évacuations en même temps que les informations sur de prétendues infiltrations « anti-système » qui justifieront la répression policière. Le peuple doit prendre en main ce mouvement pour le conduire jusqu’à la révolution sociale, chose impossible sans certains fondements historiques inexistants encore lors du 15-M. La lutte révolutionnaire se centre donc à présent vers la réalisation de deux objectifs :
1) l’évolution vers un discours de classe dans le mouvement (« nous ne sommes pas des citoyens indignés, mais des exploités qui se révoltent pour l’abolition des classes sociales ») ;
2) la création d’un contre-pouvoir populaire qui fasse perdre toute légitimité aux institutions dictatoriales de l’État espagnol : un réseau d’assemblées locales, librement organisées, dont l’objectif soit la destruction du système capitaliste et de son régime de contrôle social et de propriété privée pour construire une société horizontale, sans leaders ni hiérarchies, dans laquelle se respecte l’autonomie et l’autogestion des peuples et des territoires. Ce qui est impossible sans une grève générale illimitée.
Augusto Pelusita
1 https://www.alasbarricadas.org/noticias/?q=node/17536
2 NoLesVotes est un “mouvement citoyen” qui propose de ne pas voter pour les partis politiques majoritaires PSOE, PP et CiU lors des élections municipales et autonomiques en Espagne le 22 mai 2011 (ndt).
4 boltxe.info.
5 www.kaosenlared.net/noticia/indignado-punset-discursos-coincidentes-glob...
6 www.eduardpunset.es/11280/general/no-tiene-sentido-que-cada-pais-vaya-a-...
7 cadenaser.com/ser/2011/05/25/espana/1306281031_850215.html
8 www.kaosenlared.net/noticia/las-revoluciones-gente-comun
9 https://www.lavanguardia.com/noticias/20110530/54162716915/democracia-real-ya-prepara-una-manifestacion-mundial-para-el-15-de-octubre.html
10 antimperialista.blogia.com/2011/052901-la-refundacion-del-capitalismo.-similitudes-entre-el-movimiento-15-m-el-anarcoca.php
11 barcelona.indymedia.org/newswire/display/421156/index.php
12 barcelona.indymedia.org/newswire/display/422833/index.php
13 www.kaosenlared.net/noticia/sol-nos-quedamos-victoria-popular-ante-amena...