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Les grèves, les luttes et les manifestations continuent en Afrique du Nord ! Des soulèvements de populations opprimées, d’étudiants, des manifestations ouvrières ont gagné de nombreux autres pays du continent africain, du Proche et du Moyen-Orient. Pourtant, les guerres entre fractions bourgeoises nationalistes et les politiques impérialistes des différents pays impliqués dans toutes ces régions pèsent d’un poids très lourd sur toutes ces luttes. Un danger mortel guette les couches opprimées et la classe ouvrière de tous ces pays. Au piège démocratique et nationaliste fait écho une répression de plus en plus généralisée et féroce, la mitraille pour les uns, les obus et les bombes pour les autres. Mais le besoin de se nourrir, de vivre dignement, d’avoir un avenir pousse malgré tout nos frères de classe à ne pas se résigner. Que peut et que doit faire la classe ouvrière en France, en Allemagne, en Angleterre et dans tous les pays du cœur du capitalisme mondial devant une telle situation ? La lutte des opprimés et des ouvriers dans ces pays est notre lutte ; les armées et les cliques bourgeoises qui les massacrent sont nos ennemis communs.
Egypte, Algérie, Tunisie, etc. : quand les luttes sociales et ouvrières persistent
En Egypte, la rue, la détermination des manifestants, la volonté de la classe ouvrière ont eu raison du gouvernement de Moubarak. La bourgeoisie a cru alors la partie gagnée : la place Tahrir, haut lieu de la lutte, pouvait être à nouveau ouverte à la circulation. La population pouvait retourner “librement” crever de faim dans les taudis des villes égyptiennes. Le gouvernement provisoire, sous l’égide de l’armée et de son conseil suprême, allait reprendre les affaires de l’Etat en main avec promesse d’élections libres et démocratiques à venir. Pourtant le 23 mars dernier, le Premier ministre Essam Charaf, appuyé par l’armée, promulguait une loi criminalisant les grèves et les manifestations. Lourdes amendes et peines de prisons, voilà la réponse de la bourgeoisie égyptienne confrontée à une vague de revendications qui continuent à s’exprimer. Les interventions de la police et de l’armée, aussi bien contre les grévistes qu’à l’intérieur de l’université du Caire, ne pouvaient enrayer le mécontentement. Bien au contraire, cette loi a suscité une vague de protestations et de grèves. Le 12 avril, le quotidien Al-Masry Al-Youm soulignait “la permanence de mouvements de protestations et de grèves dans de nombreuses régions de l’Egypte. Elles portaient sur les salaires, les conditions de travail, les contrats de travail, etc. Ces mouvements touchent des secteurs très diversifiés.” A Alexandrie, par exemple, des enseignants demandent la suppression de leur statut de temporaires, réclament des contrats à durée indéterminée. Au Caire, se sont des salariés des services de l’administration fiscale qui exigent une hausse de salaire. Certes, en Egypte, il n’y a plus pour le moment de manifestations massives, mais la colère ouvrière et sa combativité restent bien présentes. Les revendications avancées par les travailleurs en Egypte au cours des derniers mois expriment parfaitement à la fois leur caractère ouvrier et les illusions démocratiques qui pèsent lourdement. Elles ont été affichées sur tous les sites en lutte et reprises dans plus de 500 plates-formes revendicatives. Elles étaient résumées en six points, les voici :
1) Transformer en contrats à durée indéterminée les contrats des travailleurs temporaires qui travaillent depuis plus de trois ans.
2) Limoger les membres des conseils d’administration des institutions et banques mêlés à des actes de corruption impliquant de l’argent public, eux qui profitent encore de leur poste.
3) L’annulation de sanctions arbitraires prononcées par les dirigeants des entreprises contre des cadres et des travailleurs qui ont dénoncé les pratiques de ces dirigeants ; sanctions allant du transfert vers une autre entreprise à des punitions diverses comme à des licenciements.
4) Déterminer un seuil minimum et un plafond pour les salaires et veiller à réduire les disparités entre les revenus ; garantir un niveau de vie digne pour les travailleurs ; assurer une relation entre les salaires et l’évolution des prix des biens et des services, ainsi que celle du montant moyen à payer pour les assurances.
5) Assurer le droit d’organisation syndicale, indépendante de l’Etat.
6) Modifier les textes du Code du travail pour assurer la stabilité des relations de travail et parvenir à la sécurité d’emploi et limiter les pouvoirs de l’employeur dans l’utilisation de licenciements arbitraires.
Tel est le cas également en Algérie. Depuis plusieurs mois, la contestation est permanente. Le 3 avril, le journal Al Watan déclarait : “Les étudiants ne décolèrent toujours pas. Les médecins résidents lancent un défi à Ould Abbès. Les gardes communaux menacent “d’encercler” la Présidence. Les paramédicaux reprennent la grève.” Dans l’enseignement, une grève nationale de trois jours sur la question des retraites était prévue à partir du 25 de ce mois, alors que des employés de l’Education avaient été réprimés deux jours auparavant lors d’une manifestation sur la question des conditions de travail.
En Tunisie, se sont les ouvriers travaillant dans le secteur du pétrole pour la société SNDP qui viennent de rentrer en grève. Ce mouvement touche l’ensemble du personnel des nombreuses sociétés de sous-traitance disséminées dans tout le pays, véritables entreprises de misère. Ils rejoignent ainsi ceux de l’enseignement qui luttent depuis de longues semaines.
Dans des pays comme le Swaziland, le Gabon, le Cameroun, Djibouti et le Burkina Faso, des manifestations estudiantines et ouvrières, influencées par ce qui s’est passé en Egypte et en Tunisie, ont été réprimées dans la plupart des cas. Dans ces pays, la classe ouvrière est peu nombreuse ce qui, malgré la détermination des populations réduites à la misère, ouvre toute grande la porte à la répression de masse.
Syrie, Yémen, Bahreïn, Libye : le déchaînement de la guerre impérialiste sur les lambeaux des révoltes sociales
Au Yémen, alors que le porte-parole de l’opposition avait annoncé, lundi 25 avril, avoir donné son accord au plan de sortie de crise proposé par le Conseil de coopération du Golfe qui prévoyait le départ d’ici quelques semaines du président Saleh, au pouvoir depuis trente deux ans, la réponse de la rue a été claire et sans ambages : “Nous rejetons catégoriquement toute initiative qui ne prévoit pas le départ du président Saleh et sa famille”, a affirmé dimanche dans un communiqué la Coordination des mouvements de jeunes qui encadre le sit-in de la place de l’université de Sanaa. La suite de ce communiqué en dit long sur la détermination des manifestants : “l’opposition ne représente qu’elle même” et invite “à s’abstenir de tout dialogue avec le régime, à demander le départ immédiat de Saleh et son jugement”. Là encore, la réponse fut la même. Lundi, lors de manifestation à Taêz, à Ibb et à Al-Baîdah, l’armée a fait feu sur la manifestation.
Dans le genre chien sanglant, la famille el-Assad en Syrie sait également tenir son rang. Dans ce pays, depuis le 12 mars dernier, une grande partie de la population s’est soulevée. Les raisons sont là encore les mêmes. Misère grandissante et oppression quotidienne sont le lot de toute la population opprimée. Répression, enlèvements et assassinats sont la réponse du sinistre Bachir el-Assad. Selon l’AFP, depuis que le soulèvement a eu lieu, il y aurait eu quelques 390 tués, dont environ 160 depuis la prétendue levée de l’état d’urgence le 21 avril. Lundi dernier, au moins 25 personnes ont été tuées lors du pilonnage de Deraa, où plus de 3000 soldats appuyés par les blindés et des chars étaient arrivés avant l’aube. “La mosquée Abou Bakr Assidiq est la cible de tir intensif, et un sniper est posté sur la mosquée Bilal al-Habachi. Des chars sont postés et des barrières installées aux entrées de la ville” (site Orange du 26 avril 2011). La justification est toujours la même, on croirait entendre un Kadhafi, ou n’importe quel autre dirigeant aux prise avec la révolte et la contestation, qui accuse hypocritement “des gangs criminels armés” d’être à l’origine du mouvement. L’armée serait entrée à Deraa “en réponse aux appels aux secours lancés par les habitants pour mettre fin aux actes de sabotage et d’assassinat commis par des groupes terroristes extrémistes” (idem). Ignobles et pathétiques sont ces justifications de Bachir el-Assad. Comme est ignoble et pathétique l’attitude des grandes puissances. Rome et Paris se disent préoccupés par la situation et appellent le régime à “arrêter la répression violente”, a déclaré le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi à l’issue d’un sommet franco-italien. Quand aux Etats-Unis, ils disent réfléchir à des sanctions ciblées. Le président français Sarkozy, champion toutes catégories du bombardement de la population libyenne, a bien évidemment exclu une intervention militaire en Syrie sans une résolution préalable du Conseil de sécurité de l’ONU. Résolution que tous savent impossible à obtenir, intervention militaire que personne ne veut : la population syrienne peut bien crever, la Syrie n’est pas la Libye ! La Syrie, c’est plus de 21 millions d’habitants, une force armée bien plus conséquente que celle de la Libye ou de l’Irak d’hier et, surtout, c’est une puissance impérialiste qui compte dans la région : elle a des alliés non négligeables dans sa politique anti-américaine, tel l’Iran, et des appuis diplomatiques tels que la Chine ou la Russie. Une intervention militaire en Syrie déstabiliserait tout le monde arabo-musulman, et personne ne sait où cela conduirait. Les impérialismes vont devoir, contrairement à ce qui se passe en Libye, défendre leurs sordides intérêts autrement.
Mais un danger bien réel guette la population insurgée en Syrie. Le gouvernement de Bachir el-Assad s’appuie sur des minorités religieuses dont celle des alaouites, alors que la population est à 70 % sunnite. En l’absence d’une classe ouvrière suffisamment forte et consciente, il peut être facile d’entraîner la population opprimée et affamée derrière une fraction bourgeoise ou une autre. Malheureusement, cette situation peut déboucher sur une véritable guerre civile, à l’image de ce qui se passe à Bahreïn.
Dans cet émirat, depuis maintenant de nombreuses semaines, la population manifeste pour demander la chute du Premier ministre Khalifa ben Salman Al-Khalifa, oncle du roi Hamad ben Issa Al-Khalifa, dynastie sunnite qui règne depuis deux cents ans sur ce royaume dont la population est en majorité chiite. Dans ce pays, réclamer du pain, réclamer le droit à la parole ne peut que se transformer rapidement de la part de la population pauvre en une contestation ouverte de la dynastie sunnite corrompue au pouvoir. A la répression du gouvernement en place s’est alors ajoutée celle de l’entrée en force dans ce petit royaume de l’armée d’Arabie saoudite, venue défendre le pouvoir sunnite. Les chars pouvaient alors occuper les rues de la capitale Manama. Le décor était tristement planté et les tensions impérialistes entre l’Iran et ses voisins du conseil de coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Katar et Oman) ne faisaient que se tendre. A partir de la mi-mars, l’Iran n’a cessé de critiquer la répression d’un mouvement de contestation dirigé de fait par des chiites, majoritaires dans le pays. L’hypocrisie totale de la France, de l’Angleterre, des Etats-Unis qui, rappelons-le, bombardent en ce moment même la Libye au nom de l’humanitaire, éclate ici au grand jour. Pas un mot, pas une protestation de la part de ces gangsters impérialistes. Ici les massacres ne leur révulsent pas le cœur. Et pour cause, leur allié objectif se trouve dans ce pays du côté des massacreurs, le gouvernement du Bahreïn et autre Arabie saoudite. L’ennemi commun s’appelle l’Iran. Pour cette population qui se révolte avec courage et détermination, il n’y a pas d’issue favorable dans tout ce bourbier nationaliste et impérialiste.
Dans tous les pays de ce que l’on appelle le monde arabo-musulman les populations se soulèvent, la crise économique fait des ravages ; se nourrir devient une préoccupation quotidienne. Mais tous ces opprimés qui se révoltent ne sont pas tous logés à la même enseigne. Il est bien plus difficile pour les bourgeoisies locales de réprimer massivement dans des pays comme l’Egypte, la Tunisie ou l’Algérie, comme il est plus difficile pour les différentes grandes puissances impérialistes d’y défendre leurs sordides intérêts à coup de canons. La différence tient à l’existence dans ces pays d’une classe ouvrière qui, si elle ne peut pas prendre la tête du mouvement de révolte, n’en pèse pas moins dans la situation sociale.
Mais dans tous ces pays, quel que soit le prix à payer par les populations opprimées, les révoltes et les luttes ouvrières ne sont pas prêtes de cesser.
D’une barbarie à l’autre
Voilà donc nos dirigeants démocratiques et grands défenseurs des droits de l’homme confrontés à un nouveau problème humain ! Le développement de la misère, la répression violente et massive dans les pays d’Afrique du Nord ont accéléré brutalement la migration de familles entières démunies de tout et cherchant à survivre dans la fuite vers les pays d’Europe. Il est estimé que dans les prochains mois, la vague d’émigrants devrait compter 300 000 personnes. Depuis quelques semaines ce sont quelques 20 000 Tunisiens qui sont arrivés sur les côtes italiennes, cherchant en partie à rejoindre la France. 8000 d’entre eux seraient passés par la désormais célèbre île de Lampedusa. Le problème, c’est qu’aucun gouvernement d’Europe, aucune bourgeoisie nationale ne veut de ces gens. D’ailleurs, bon nombre d’entres eux crèvent tout simplement en mer, de froid, de faim ou de noyade sans qu’un seul de ces magnifiques bateaux de guerre déployés partout dans le monde par nos grandes puissances ne daignent même faire semblant de les secourir. Mais dans l’horreur et l’inhumanité de la classe bourgeoise, il y a toujours pire à faire et à envisager. La France en tête, la bourgeoisie européenne veut jeter aux oubliettes l’espace sans frontière de Schengen. Cela veut dire concrètement que tous les pays d’Europe veulent se protéger, y compris militairement si nécessaire, contre ce qu’ils appellent l’invasion massive d’étrangers venus d’Afrique du Nord. A l’Italie de se débrouiller toute seule ou plus exactement à prendre la responsabilité de rejeter tous ces pauvres gens à la mer.
Que valent alors tous ces grandiloquents discours bourgeois qui justifient les bombardements en Libye au nom de l’humanitaire, au nom de la défense de la vie humaine ? La réponse est simple : RIEN ! Ce sont des paroles d’hypocrites, de menteurs et de gangsters qui ne font que défendre l’intérêt de leur propre impérialisme national.
La lutte de classe internationale, seul remède au poison nationaliste et démocratique
Aujourd’hui, la crise ne sévit pas que dans les pays d’Afrique du Nord. En Asie, en Amérique, en Europe, partout, ses effets commencent à se faire sentir. Des luttes impliquant notamment des jeunes générations ouvrières se sont développées dans des pays tels que la Grèce, le Portugal, l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne. Dans ces pays, la classe ouvrière s’est mobilisée contre les plans d’austérité que chaque bourgeoisie nationale essaie de leur imposer. Ces réactions sont importantes et nécessaires. Dernièrement, dans bien des manifestations, s’exprimait une sympathie certaine pour les révoltes et les luttes qui se développaient en Egypte, en Tunisie, etc. Dans les pays du cœur du capitalisme, la classe ouvrière commence à ressentir confusément que ces révoltes dans ces pays d’Afrique du Nord relèvent des mêmes raisons qui poussent les ouvriers en Chine, aux Etats-Unis et en Europe dans la rue. Mais cela ne suffit pas. Pour se défendre, pour se protéger et freiner ces attaques du capitalisme, il va falloir des luttes beaucoup plus massives et unies que celles que nous avons connues jusqu’à maintenant. Seules ces luttes impliquant la majorité de la classe ouvrière des pays développés pourra freiner le bras meurtrier de la répression dans les pays d’Afrique du Nord. Plus que jamais, les populations opprimées et les ouvriers de ces pays ont besoin de la solidarité active du prolétariat du cœur du capitalisme. Les ouvriers d’Europe peuvent voir concrètement ce qu’est la démocratie en regardant les bombes de la coalition internationale tomber sur la population libyenne et les mesures d’expulsions de ceux qui fuient les massacres et leurs conditions de vie insoutenables, renvoyés purement et simplement crever dans leurs pays, tandis que la bourgeoisie occidentale les noie sous des discours humanitaires.
Dans l’avenir, quelles que soient les difficultés, la résistance de la classe ouvrière ne peut se faire que de plus en plus massive et, au cœur historique du capitalisme, l’Europe, la confrontation à la démocratie bourgeoise de plus en plus claire et frontale.
Tino (28 avril)