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Après les tueries à « petit feu » qui ont commencé dès le lendemain de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010, place maintenant aux massacres de masse et à ciel ouvert. Selon diverses sources (tel le porte- parole d’Ouattara sur RFI), on compte déjà plus de mille morts, des dizaines de milliers de blessés et des centaines de milliers de réfugiés, dont 300 000 qui ont fui les quartiers d’Abidjan. Les combats se déroulent dans la plupart des quartiers de cette ville, notamment Abobo. La population y est prise en tenaille par le feu des assassins des deux camps qui n’hésitent pas à marcher sur les cadavres de leurs victimes, notamment femmes et enfants. Bref, ce ne sont plus seulement des assassinats ciblés et des assauts ponctuels des escadrons de la mort, ce sont aussi les chars, les hélicoptères et autres armes lourdes qui entrent désormais dans cette danse macabre. D’ores et déjà, la guerre va d’Abidjan à Yamoussoukro (capitale politique) et s’étend jusqu’aux frontières libériennes où ces chiens assoiffés de sang règlent leurs comptes. On sait par ailleurs que ceux qui échappent à la mort se heurtent inévitablement à la misère due à l’état de guerre avec son lot de disette, de chômage de masse et d’insécurité permanente.
« Ici, une femme, « une ménagère, une maman », comme la Côte d’Ivoire appelle ses mères de famille avec respect et tendresse, a eu la tête emportée par le tir d’un soldat sur la chaussée d’Abobo, le quartier insurgé d’Abidjan. Autour, peut-être six, sept ou huit autres femmes ont été fauchées par les rafales tirées depuis un blindé des forces de défense (FDS) loyales à Laurent Gbagbo qui venait, selon la foule, d’un camp voisin de la Garde républicaine, appuyé par des hommes de la Brigade anti-émeute (BAE). Des colonnes infernales traversent les zones désormais hostiles, suivies d’ambulances ou de corbillards pour faire disparaître les corps.(…) Jeudi 3 mars, la marche des femmes qui pensaient pouvoir manifester pacifiquement à l’égyptienne ou à la tunisienne avec des pancartes « Gbagbo dégage ! » ne s’est pas soldée par le début de la « révolution » à laquelle a appelé Guillaume Soro, ex-chef de la rébellion devenu le premier ministre d’Alassane Ouattara, président reconnu par la communauté internationale. Les FDS ont tiré sur les femmes, y compris à la mitrailleuse lourde, avec des balles capables d’arracher têtes et membres. Sept morts (Le Monde, 10 mars 2011) ».
Et le carnage s’est reproduit le 8 mars (au cours d'une autre marche à l'occasion de la « journée internationale de la femme »). Au bout du compte, on voit ici l’extrême barbarie dans laquelle excellent les forces loyales au criminel Gbagbo, mais il ne faudrait pas ignorer pour autant la responsabilité non moins criminelle du camp Ouattara qui a sciemment envoyé ces femmes se faire massacrer sans aucune protection. C’est bien Soro, le bras droit d’Ouattara, qui a profité des circonstances, des révoltes dans le monde arabe, pour pousser les femmes vers cet abattoir sous prétexte de déclencher la « révolution » contre le pouvoir de Gbagbo. Ce procédé proprement monstrueux consiste à manipuler les civils et les femmes dans le seul but de satisfaire leurs ambitions criminelles. Mais les deux camps charognards ne s’arrêtent pas là, ils enrôlent les populations dans l’horreur absolue :
« L’impensable se produit : chacun son camp, malheur aux neutres. Il y a de plus en plus de civils en armes. De plus en plus de situations où des innocents se font tuer, brûler vifs, blesser, martyriser, dans les deux camps. La Côte d’Ivoire court à sa perte et ce n’est pas la réunion organisée par l’Union africaine, jeudi, à Addis-Abeba, pour communiquer ses solution « contraignantes » aux deux rivaux de la présidentielle de novembre 2010, qui suscite de grands espoirs … Parallèlement, la gamme des violences se diversifie. Trois mosquées ont été brûlées les jours derniers. Des groupes de miliciens ont aussi saccagé les résidences à Abidjan de responsables de RHDP d’Alassane Ouattara, qui vivent reclus à l’Hôtel du Golf, ou qui sont sortis discrètement du pays. Dix-huit maisons sont pillées sur fond de peur grandissante de voir une prochaine vague d’exactions toucher ceux que leurs voisins suspectent d’être pro-Ouattara. Inversement, les habitants d’Anokoua, un quartier d’Abobo peuplé par l’ethnie Ebrié, supposée appartenir au camp Gbagbo, a été attaqué l’avant-veille. Trois morts, dont une femme brûlée dans sa maison, de nombreux blessés. Aux miliciens Ebrié, on a distribué des armes. La spirale de violence, si elle n’est pas interrompue, va tout embraser (Le Monde, ibid.) ».
Voilà l’enfer que vivent au quotidien les populations, malheureusement sans espoir d’en sortir pour eux car, au vu de la protection dont bénéficient les tueurs, le plus probable est que le pays entier va finir par s’embraser.
Des sanctions de façade, mais de vrais affrontements impérialistes
Pour soutenir Alassane Ouattara désigné vainqueur (par eux) à l’issue du deuxième tour de la présidentielle de novembre dernier, les Etats-Unis et l’Union européenne avaient annoncé une série de « sanctions » à caractère économique et diplomatique contre le clan Gbagbo pour contraindre celui-ci à céder le pouvoir à son rival. Mais 3 mois après, Laurent Gbagbo est toujours là et se moque ouvertement des « sanctions » car il sait que ceux qui les ont décidées tiennent par ailleurs un double langage et ne sont unis sur rien, au contraire ils se battent âprement en coulisses pour défendre leurs intérêts respectifs.
Face à la volonté de « bloquer » le cacao ivoirien, Gbagbo réfléchit désormais à une réorganisation de la commercialisation de cette matière première, y compris en remettant en cause la « toute puissance des groupes occidentaux » et en recherchant de nouveaux débouchés. Son entourage plastronne : « Gbagbo a payé les salaires de février, il payera ceux de mars et d’avril. (…) L’étau de réprobation internationale envers son régime demeure, mais Laurent Gbagbo n’a pas renoncé à le desserrer. Il espère profiter des désaccords apparus au sein de la communauté internationale et veut croire que le temps joue pour lui. Les pharmacies commencent à souffrir de pénuries de médicaments, en raison d’un embargo maritime qui ne dit pas son nom. Mais des hommes d’affaires européens continuent à solliciter des audiences, même si Gbagbo ne les reçoit qu’après avoir éconduit les caméras indiscrètes » (Jeune Afrique, 6/12 mars 2011).
Et le cas de la France est particulièrement édifiant en la matière. En effet, il se trouve que d’un côté, Monsieur Sarkozy a annoncé publiquement une série de mesures pour soi-disant sanctionner le gouvernement Gbagbo, y compris à travers la menace d'un boycott économique alors que de l’autre, il s’est bien gardé d’inciter les grandes sociétés françaises sur place (Bouygues, Bolloré, Total, etc.) à quitter le pays. Au contraire, tous ces groupes continuent de « faire affaires » avec le régime Gbagbo en atténuant ou en contournant ainsi les dites « sanctions économiques ». Une fois de plus, on voit là le caractère odieusement hypocrite de la « politique africaine » de la France en Côte d’Ivoire. En réalité, l’impérialisme français se soucie avant tout de ses capitaux et ne s’est jamais préoccupé du sort des populations, premières victimes de cette boucherie, d’ailleurs ses chiens de l’opération militaire « Licorne » sont sur les dents et, comme en 2004, seront lâchés dès que les intérêts français sur place seront menacés. En clair, dans cette affaire de « sanctions », aucun gangster ne veut laisser des « plumes » au profit de ses concurrents.
L’ONU et l’UA laissent faire les assassins
A chaque grande explosion de violence en Côte d’Ivoire depuis le début du sanglant processus électoral de fin 2010, le Conseil de sécurité de l’ONU se dépêche de se réunir pour prendre des « résolutions », mais jamais dans le sens de faire arrêter les massacres, au contraire car chacun de ses membres soutient plus ou moins ouvertement l’un ou l’autre camp armé en place. Cela montre clairement le comportement sordide de ces messieurs du Conseil de sécurité de l’ONU, d’autant plus cynique que leurs 11 000 soldats de « paix » sur le sol ivoirien ne font rien d’autre que du « recensement » des victimes et pire encore : ils couvrent de fait les groupes armés qui, même entourés des Casques bleus, bombardent et tirent tranquillement sur les populations.
Donc, non seulement les responsables de l’ONU restent scandaleusement indifférents aux souffrances des victimes de la guerre, mais depuis quelque temps ils ont instauré un black-out sur les tueries.
Là encore, soulignons un énième « numéro » du président français qui, à l’adresse du monde entier, avait lancé un ultimatum à Gbagbo lui intimant « l’ordre » de quitter le pouvoir avant fin 2010. Depuis lors ? Rien… Il observe scrupuleusement un silence total sur les horreurs qui se déroulent devant ses services et ses « soldats de paix » sur place.
Quant à l’Union africaine, elle adopte une attitude aussi ignoble que l’ONU. En effet, prise à la gorge par les partisans respectifs des bouchers qui se disputent le pouvoir ivoirien, elle laisse à ses membres le soin de soutenir et d’armer l’une ou l’autre clique sanguinaire en lutte (à l’instar de l’Afrique du Sud et de l’Angola pour Gbagbo, du Burkina Faso et compagnie pour Ouattara). Pour masquer cette réalité, elle fait semblant de « réconcilier » les belligérants en créant commission sur commission, dont la dernière (réunie à Addis-Abeba le 10 mars 2011) n’a rien trouvé de mieux à faire que de nommer un énième « haut représentant chargé de la mise en œuvre de solutions contraignantes en liaison avec un comité de suivi, où siègent des représentants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l‘Ouest et des Nations unes » ».
Derrière ce jargon de diplomates,quel cynisme de tous ces gangsters impérialistes ! Tous ces « réconciliateurs » ne sont rien d’autre que les véritables bourreaux des populations ivoiriennes prises dans un étau.
Amina (17 mars)