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Les grèves et les manifestations d’octobre-novembre en France qui se sont déroulées à l’occasion de la réforme des retraites ont témoigné d’une forte combativité dans les rangs des prolétaires (même si elles n’ont pas réussi à faire reculer la bourgeoisie). Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique internationale de notre classe qui retrouve progressivement le chemin de la lutte. Ainsi, d’autres combats de classe sont en cours dans de nombreux autres pays. La crise économique et la bourgeoisie portent leur coups de boutoir partout dans le monde. Et partout, de l’Europe aux Etats-Unis, les travailleurs commencent peu à peu à réagir et à refuser la paupérisation, l’austérité et les sacrifices « salutaires » (sic !) imposés.
Pour l’instant, cette riposte est en deçà des attaques que nous subissons. C’est incontestable. Mais une dynamique est enclenchée, la réflexion ouvrière et la combativité vont continuer de se développer. Pour preuve, ce fait nouveau : des minorités cherchent aujourd’hui à s’auto-organiser, à contribuer au développement de luttes massives et à se dégager de l’emprise syndicale.
Nous publions dans ce journal (page 5), deux courts articles sur les mouvement qui ont eu lieu récemment en Grande-Bretagne et en Espagne. Un état des lieux plus complet des luttes à travers le monde (Irlande, Etats-Unis, Portugal, France, Pays-Bas… sera très prochainement publié dans notre Revue Internationale et sur ce site).
En Grande-Bretagne, la jeune génération renoue avec la lutte
Le premier samedi après l’annonce du plan de rigueur gouvernemental de réduction drastique des dépenses publiques, le 23 octobre, se sont déroulées un certain nombre de manifestations contre les coupes budgétaires, partout dans le pays, appelées par divers syndicats. Le nombre de participants, variant de 300 à Cardiff à 15 000 à Belfast ou 25 000 à Edimbourg, révèle le profondeur de la colère.
Une autre démonstration de ce ras le bol généralisé est la rébellion des étudiants contre la hausse de 300 % des frais d’inscription dans les universités. Déjà ces frais les contraignaient à s’endetter lourdement pour rembourser après leurs études des sommes astronomiques (pouvant aller jusqu’à 95 000 euros !). Ces nouvelles hausses ont donc provoqué toute une série de manifestations du Nord au Sud du pays (5 mobilisations en moins d’un mois : les 10, 24 et 30 novembre, les 4 et 9 décembre). Cette hausse a tout de même été définitivement votée à la chambre des Communes le 8 décembre.
Grèves des universitaires, dans la formation continue, des étudiants des écoles supérieures et des lycées, occupations d’une longue liste d’universités, de nombreuses réunions pour discuter de la voie à suivre... les étudiants ont reçu le soutien et la solidarité de la part de nombreux enseignants, notamment en fermant les yeux devant les absences des grévistes en classe (l’assiduité au cours est ici strictement réglementée) comme en allant rendre visite aux étudiants et en discutant avec eux.
La révolte des étudiants et élèves contre la hausse des frais de scolarité est toujours en marche. Les précédentes se sont terminées par des affrontements violents avec la police anti-émeutes pratiquant une stratégie d’encerclement, n’hésitant pas à matraquer les manifestants, ce qui s’est traduit par de nombreux blessés et de nombreuses arrestations, surtout à Londres, alors que des occupations se déroulaient dans une quinzaine d’universités avec le soutien d’enseignants. Le 10 novembre, les étudiants avaient envahi le siège du parti conservateur et le 8 décembre, ils ont tenté de pénétrer dans le ministère des finances et à la Cour suprême, tandis que les manifestants ont tenté de s’en prendre à la Rolls-Royce transportant le prince Charles et son épouse Camilla. Les étudiants et ceux qui les soutiennent sont venus aux manifestations de bonne humeur, fabriquant leurs propres bannières et leurs propres slogans, certains d’entre eux rejoignant pour la première fois un mouvement de protestation. Les grèves, manifestations et occupations ont été tout sauf ces sages événements que les syndicats et les ‘officiels’ de la gauche ont habituellement pour mission d’organiser. Les débrayages spontanés, l’investissement du QG du Parti conservateur à Millbank, le défi face aux barrages de police, ou leur contournement inventif, l’invasion des mairies et autres lieux publics, ne sont que quelques expressions de cette attitude ouvertement rebelle. Et le dégoût devant la condamnation des manifestants à Millbank de Porter Aaron, le président du NUS (Syndicat National des Etudiants), était si répandu qu’il a dû ensuite présenter ses plus plates excuses.
Cet élan de résistance à peine contrôlé a inquiété les gouvernants. Un signe clair de cette inquiétude est le niveau de la répression policière utilisée contre les manifestations. Le 24 novembre à Londres, des milliers de manifestants ont été encerclés par la police quelques minutes après leur départ de Trafalgar Square, et malgré quelques tentatives réussies pour percer les lignes de police, les forces de l’ordre ont bloqué des milliers d’entre eux pendant des heures dans le froid. A un moment, la police montée est passée directement à travers la foule. A Manchester, à Lewisham Town Hall et ailleurs, mêmes scènes de déploiement de la force brutale. Après l’irruption au siège du parti conservateur à Millbank, les journaux ont tenu leur partition habituelle en affichant des photos de présumés ‘casseurs’, faisant courir des histoires effrayantes sur les groupes révolutionnaires qui prennent pour cible les jeunes de la nation avec leur propagande maléfique. Tout cela montre la vraie nature de la ‘démocratie’ sous laquelle nous vivons.
La révolte étudiante au Royaume-Uni est la meilleure réponse à l’idée que la classe ouvrière dans ce pays reste passive devant le torrent d’attaques lancées par le gouvernement sur tous les aspects de notre niveau de vie : emplois, salaires, santé, chômage, prestations d’invalidité ainsi que l’éducation. Elle est un avertissement pour les dirigeants que toute une nouvelle génération de la classe exploitée n’accepte pas leur logique de sacrifices et d’austérité.
W. (12 décembre)
En Espagne, diviser pour mieux régner
Le 3 décembre, le gouvernement du “socaliste José Zapatero s’est livré à une véritable provocation prenant pour cible les aiguilleurs du ciel : l’approbation en Conseil des ministres d’une semi-privatisation de l’Autorité de gestion des aéroports (AENA) , dans le cadre de nouvelles mesures anti-crise prises par le gouvernement socialiste. Cette mesure inclut un dispositif portant à 1670 heures par an le temps maximum légal que pourront travailler les contrôleurs, diminuant leur paiement en heures supplémentaires, reculant l’âge de leur départ en retraite et surtout abaissant leur salaire de 40% en moyenne (alors que les fonctionnaires du pays s’étaient vus récemment imposer une amputation entre 5 et 10 % de leur salaire). La riposte a été immédiate : les contrôleurs aériens ont quitté leurs postes de travail dans les heures qui suivaient, entraînant la fermeture de la majeure partie de l’espace aérien espagnol (sauf en Andalousie), en plein début du plus long “pont” de l’année (5 jours) en Espagne. Une gigantesque campagne idéologique a été orchestrée contre les grévistes présentés comme des “privilégiés” qui “gagnent plus que le chef du gouvernement!.””Il n’est pas tolérable qu’une entreprise publique donne des salaires de millionnaires à ses employés”, avait affirmé le ministre des Transports, Blanco. La presse, elle aussi, s’est déchaînée contre les grévistes : “avec cette attitude, les contrôleurs perdent la raison et la bataille de l’opinion publique”, écrivait El Pais (centre-gauche). La Vanguardia (centre-droit) parlait d’une “prise d’otages intolérable” et ABC (droite) se moquait de ces “malades imaginaires”. Sur Internet, la radio Cadena Ser montrait une photo d’un repas samedi entre plusieurs contrôleurs, avec ce titre rageur : “les responsables du chaos boivent un coup à Madrid”, tandis que sur Facebook, un blog réclamait leur renvoi. Plusieurs contrôleurs, interrogés par El Pais, ont tenté de se défendre : “nous voulons seulement défendre nos droits”, a dit l’un d’eux. “Nous aussi nous sommes des victimes”, ajoutait un autre, “on nous montre comme les méchants dans les films (mais) la faute revient au gouvernement”. Immédiatement après, “l’état d’urgence” a été décrété pendant quinze jours. Cela a permis de soumettre les aiguilleurs du ciel à l’autorité du Ministère de la Défense en les faisant passer du statut civil à celui de militaires mobilisés. les contrôleurs ont alors repris le travail sous 24 heures. Cette clause de la constitution espagnole n’avait jamais été invoquée jusqu’à aujourd’hui. Elle est destinée à aider le gouvernement à faire face à des catastrophes naturelles telles que des séismes et des inondations ou, dans ce cas précis, au blocage d’un service public essentiel au fonctionnement du pays comme le trafic aérien. Loin d’être une catastrophe naturelle, cette grève s’inscrivait, tout simplement, dans la lutte engagée contre le plan d’austérité édicté par le gouvernement socialiste en réduisant les dépenses publiques et les dépenses sociales, en rendant plus facile les licenciements dans un pays qui compte déjà 20 % de chômeurs.
L’état d’urgence permet au gouvernement d’arrêter le personnel des « industries stratégiques » qui refusent de travailler. Le ministre de l’Intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba a ainsi menacé : « L’état d’urgence suppose la mobilisation de tous les contrôleurs et la mise à disposition de la justice de tous ceux qui ne se présenteront pas à leurs postes, tombant ainsi sous le coup d’un délit pouvant entraîner de sévères peines de prison pouvant aller de 8 à 10 ans. » Le ministre des Travaux publics et des Transports a en outre demandé qu’une sanction « appropriée » soit appliquée à ce « comportement irresponsable » dont de lourdes amendes et des licenciements contre les grévistes. Un aiguilleur du ciel a déclaré : “On se croirait à nouveau revenu à l’époque de Franco”. C’est en effet la première fois depuis la fin du franquisme que l’article 116-2 de la Constitution est utilisé (les lois permettant l’imposition de tels pouvoirs avaient été laissés dans la constitution « démocratique » rédigée en 1978). Le gouvernement a justifié cette mesure par le caractère exceptionnel du conflit qui l’oppose aux contrôleurs aériens depuis un an. Ces derniers n’ont, en effet, jamais accepté les modifications de leurs conditions de travail en termes de retraite, de temps de travail et de salaire. Outre le soutien massif de la population et des médias, Zapatero a obtenu le renfort du Parti Populaire, PP, qui est sorti de la « contestation systématique » pour appuyer la décision gouvernementale. Loin de s’opposer à cette attaque contre la classe ouvrière, les syndicats espagnols et l’IU (la Gauche unie) conduite par le Parti communiste ont soutenu le gouvernement et ont eux aussi calomnier les grévistes en répétant à satiété qu’il s’agissait là d’une élite privilégiée prenant l’Espagne en otage.
La vérité est évidemment toute autre comme en témoigne ces propos d’un aiguilleur du ciel : « J’ai la tristesse de vous dire que nous nous sentons mal depuis février dernier. On n’arrive pas à dormir correctement. On n’arrive pas à se reposer correctement. On nous change nos vacances et nos jours de congé et on nous réquisitionne pour travailler n’importe quel jour et dans n’importe quelle équipe. On nous force, ce n’est pas du volontariat. […] On est fatigué, épuisé, brisé. […] On veut en finir avec cette situation, mais on ne sait pas comment... De nouveaux décrets sont inventés jour après jour. »
Cette véritable provocation pour discréditer les aiguilleurs du ciel a évidemment pour but de préparer le terrain à d’autres “sacrifices” encore plus gros et à des attaques d’envergure contre d’autres groupes de travailleurs se mettant en grève pour protester contre les mesures d’austérité du gouvernement. Les travailleurs vivant en Espagne ont d’ailleurs vite pris conscience de cette tactique de division, la propagande haineuse du gouvernement socialiste et des syndicats contre cette corporation n’a pas eu un grand succès dans les rangs ouvriers. Il faut dire qu’avec l’impact de la crise le sentiment d’être tous dans la même galère fait son chemin dans toutes les têtes des exploités.
Wim (12 décembre)