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Fin août, a eu lieu la 4ème journée de rencontre et de discussion organisée par le CCI. Nous publions ci-dessous une présentation rédigée par un collectif de présents traitant des deux sujets discutés l’un le matin et l’autre l’après-midi. Nous saluons cette contribution, point de départ pour poursuivre le débat et appelons à ce que d’autres s’y joignent en y apportant leurs réactions et commentaires.
Une salle, décorée d'affiches à propos de l'histoire du mouvement ouvrier, et avec des tables garnies de lectures politiques de plusieurs tendances: un environnement propice à la curiosité, c'est là que des contacts se sont une nouvelle fois retrouvés cette année pour une journée de discussion.
La journée organisée par un groupe de travail composé de sympathisants et de camarades du CCI, s'est déroulée fin août à Anvers, pour la quatrième fois déjà. “Au travers de réunions préparatoires, le CCI, avec les sympathisants, a pu mettre en place cette journée et a pu en approfondir son but et ses moyens”, selon le sympathisant F.
Cette fois-ci aussi, nombreux ont été les participants: surtout en provenance de Belgique, mais aussi de France et des Pays-Bas. Bien que la plupart étaient jeunes, il y avait des gens de tout âge, y compris un camarade de plus de 80 ans.
Le but était d’offrir aux sympathisants l’occasion de se rencontrer dans une ambiance détendue, de se parler, d'échanger leurs idées, de partager un repas, etc. “Avec l'impression de passer un moment entre semblables, l'isolement individuel s'envole et le sentiments d'impuissance fait place à une perspective positive”, avançait le sympathisant R.
De par l’importante participation, il apparaît qu'entre ceux qui défendent des points de vue internationalistes, anticapitalistes ou anti-réformistes, existe le besoin de se rencontrer, d'échanger des idées, de se retrouver dans une réunion générale dans laquelle un sujet est discuté.
Le soir, un barbecue était prévu. La journée était destinée à échanger des idées, à présenter du matériel, en particulier sur deux sujets qui avaient été décidés en collaboration avec les sympathisants et le groupe de travail: la crise économique et la question des réfugiés.
Les discussions qui ont animé la journée avaient pour but, en plus de la clarification politique, de donner vie à la culture du débat: faire connaître aux contacts l'atmosphère ouverte et l'ambiance fraternelle qui règnent dans les discussions que mène le CCI.
D'après le sympathisant R: «l'actuelle culture du débat du CCI, à l'intérieur et à l'extérieur, lors des journées de discussion, lors des interventions et pendant les discussions privées se caractérise par un esprit ouvert, un caractère amical, stimule et pour certains rafraîchit, en comparaison avec les chamailleries souvent dogmatiques des autres partis de gauche». Cela est confirmé par le sympathisant F: “Ces discussions m'ont enrichi non seulement du point de vue de leur contenu, mais aussi de leur forme. Ce qui m'a le plus impressionné, c'est l'honnêteté et la loyauté des participants à la discussion”.
La discussion sur la crise économique
Dans la discussion sur la crise économique, le besoin s'est fait ressentir de développer une plus grande compréhension sur son contexte. L'introduction faite par un sympathisant a tenté d'expliquer l'actualité et a été fortement appréciée par les présents: le poids accru hors de toute proportion de la dette des États, comme la Grèce, les médias qui présentent la crise comme quelque chose de totalement nouveau, les gens qui ne croient plus que les syndicats défendent leurs intérêts, l'hésitation à prendre ses propres luttes en main, résultant dans une certaine passivité, et peu de mobilisations.
La discussion qui a suivi a principalement porté sur:
-la nature du fonctionnement du système actuel, sur l'accumulation de capital comme moteur de la recherche permanente de profit par le capitalisme. Ce profit se réalise en exploitant la force de travail, qui ne peut donc acheter la totalité de sa production. Parce qu'il y a un manque sur le plan du pouvoir d'achat, et que tous les biens produits ne peuvent plus être vendus, l'accumulation stagne. L'argent ne peut alors plus être transformé en argent, et donc ne peut plus être transformé en capital.
-les différentes formes de politique économique mises en place par la bourgeoisie pour tenir tête à la crise: le keynésianisme, le néo-libéralisme accompagné de la spéculation croissante sur les marchés financiers, la politique économique stalinienne (= capitalisme d'État), qui ont toutes trois failli.
D'autres mesures alternatives immédiates sont-elles possibles? Il n'y avait pas unanimité là-dessus. Certains pensaient que cela ne pouvait que renforcer les illusions au sein de la classe ouvrière; d'autres pensaient plutôt qu'en attendant la révolution, ce serait possible. Concernant la différence entre les pays riches et ceux du tiers-monde: un partage différent, honnête de l'abondance n'est pas possible dans le capitalisme, car tous les pays du monde sont soumis à la même dynamique!
Lorsque la bourgeoisie tente de diviser les ouvriers entre ceux des pays riches et ceux des pays pauvres, entre ceux qui vivent pour consommer et ceux qui vivent pour l'environnement, elle essaye d'imposer à la classe ouvrière sa vision de «diviser pour régner». A l'encontre de celle-ci, il n'existe qu'une seule vision, la vision totale de la classe ouvrière comme unité internationale.
La question des réfugiés et des immigrés
L'introduction sur la question des réfugiés a été préparée par un contact, membre de l'AAGU (1). Il a parlé du travail, des motivations et du contexte du groupe.
Le CCI part de l'optique et des positions de la classe ouvrière. L'AAGU dirige ses activités vers tous les réfugiés, parmi lesquels des ouvriers réfugiés. Que veut l'AAGU et comment pensent-ils atteindre leur but?
Selon la Convention de Genève de 1951, un réfugié est “une personne craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays”.
Les réfugiés fuient souvent la misère et la guerre, ce sont les premières victimes du capitalisme. Il n'y a pas de distinction entre réfugiés légaux et réfugiés illégaux.
Du fait de leur situation semi-illégale, ils ne sont jamais reconnus comme semblables et ne reçoivent aucun statut légal. L'État conduit la répression contre les réfugiés en envoyant régulièrement sa police militaire ou sa gendarmerie pour traquer les réfugiés illégaux ou pour les enfermer dans des camps de réfugiés ou centres de détention.
Frontex, une organisation européenne paramilitaire, tente de s'opposer à l'accès à la forteresse européenne. Les réfugiés sont emprisonnés sans aucune forme de procès, parfois pendant plus d'un an.
Le capitalisme, c'est l'individualisme, et chacun peut donc facilement être isolé et mis sous pression. Par une forme de nationalisme moderne, les réfugiés sont tenus à l'écart de la “richesse”.
Dans le capitalisme, le problème des réfugiés ne pourra jamais se résoudre. Comment le combat en faveur des réfugiés peut-il contribuer à la lutte de classe? Qu'est-ce qui s'approche le plus de la révolution: la lutte ouvrière ou le combat en faveur des réfugiés?
AAGU est pour “l'action directe”; pour la vraie lutte. Ils ont un point de vue internationaliste et ne font aucune distinction entre les différentes nationalités, ni sur la possession ou non d'un passeport. Ils sont convaincus qu'une lutte antinationale, combinée à la solidarité internationale, mène à un assaut contre le capitalisme.
AAGU pense que le combat en faveur des réfugiés est donc aussi une sorte de lutte de classe. La question des réfugiés est une des questions centrales pour la lutte de la classe ouvrière. Partout dans le monde, ce sont les ouvriers qui sont touchés, et se retrouvent dans une misère sans perspective, traités comme des parias.
Discussion vivante sur la question des réfugiés
L'introduction a été saluée et suivie d'une discussion vivante qui a abordé différents aspects de la questions des réfugiés. C'est une des questions centrales pour la classe ouvrière dans le monde entier. L'exposé a soulevé toute une série de questions, et le sujet a vivement intéressé tous les participants.
Trois approches sont possibles: raciste, humanitaire-bourgeoise et radicale de gauche, mais aucune des trois ne résout le problème des réfugiés. En fait, les deux premières se complètent mutuellement. Les organisations humanitaires bourgeoises ne sont pas en soi contre les expulsions de réfugiés illégaux. La troisième approche est fondamentalement incapable d'offrir une solution. Exactement comme la classe ouvrière qui n'a aucune solution immédiate actuellement.
Certains ont plaidé pour des frontières ouvertes, pour l'accès libre et la suppression de toute limitation au sein du système capitaliste, mais le capitalisme est incapable de gérer le flux des réfugiés. Le capitalisme en phase ascendante a aussi généré des flux de réfugiés. Mais maintenant qu'il est en pleine décadence, ils ne sont plus considérés comme une force de travail potentielle, mais comme des réfugiés dont on ne sait que faire, et qui ne peuvent occasionner que des problèmes.
La solution est la destruction du capitalisme, mais que faire en attendant? Tout ce qu'on fait n'est jamais que du replâtrage. Exiger l'ouverture des frontières? Cela ne résout rien. Cela aboutirait à l'arrivée massive de réfugiés, alors qu'il existe déjà une paupérisation totale et qu'il n'y a pas assez de travail pour tout le monde.
Quelle attitude envers les réfugiés?
Les minorités servent de bouc émissaire. Elles sont accusées d'être à l'origine de la misère aux Pays-Bas et ailleurs dans le monde. Le capitalisme est hypocrite: il les met au travail dans différents secteurs pour un salaire de misère, mais dès qu'il n'y a plus de profit à faire, ils sont reconduits à la frontière comme étrangers indésirables.
Les réfugiés doivent-ils conserver et alimenter leur propre culture ou tendre vers une culture unitaire? Aussi bien la gauche que la droite de la bourgeoisie tentent de souligner les différences culturelles. La gauche dit que les réfugiés devraient pouvoir conserver leur identité culturelle, et selon la droite, ces différences culturelles sont tellement importantes qu'elles ne peuvent pas subsister.
La classe ouvrière aspire à lever tous les obstacles qui se dressent devant elle. Elle tend vers une culture unitaire des ouvriers en lutte. La révolution d'octobre 1917 en Russie a concerné des ouvriers et des ouvrières de plus de dix “nationalités”. Toutes et tous ont pris part à des assemblées générales et à des rassemblements massifs, et déjà là, des femmes révolutionnaires portaient des foulards ou des bonnets de leurs régions respectives.
Faut-il être solidaires avec tous les réfugiés? Impossible. Certainement avec les ouvriers réfugiés! Mais tous les réfugiés ne font pas partie de la classe ouvrière. Nous ne pouvons pas être solidaires de réfugiés bourgeois qui ont commis des crimes contre leur population dans leur pays. Les réfugiés, à cause de leur statut semi-illégal, tombent relativement vite dans la criminalité. Ce ne sont pas des criminels, mais la criminalité les utilise.
La convention de Genève, une arme aux mains de la «démocratie»
L'intervention du sympathisant M a donné à la discussion une nouvelle dimension. Il a posé le fait que cette convention «portait à première vue sur les réfugiés, mais qu'en réalité elle avait un but de propagande (…) La convention a été adoptée comme un des instruments de la guerre politique et idéologique du bloc occidental contre le bloc de l'Est (…) Les réfugiés en provenance de l'Est étaient par définition intéressants. Ils étaient systématiquement traités comme victimes innocentes du totalitarisme de l'Est et intégrés comme héros des idéaux occidentaux». On ne faisait pas de différence entre réfugiés économiques ou politiques. Selon M, il n'y avait parmi les réfugiés “pas un ouvrier qui fuyait vers l'Ouest en signe de protestation contre le maintien du travail salarié, l'érosion du pouvoir des conseils ouvriers, la décomposition du mouvement internationaliste ou en raison des relations politico-économiques avec des régimes réactionnaires”.
Les réfugiés sont utilisés par les grandes puissances dans la guerre impérialiste. Très souvent, ils servent de «tampon» dans la guerre d'un impérialisme contre un autre.
Réfugiés d'alors et d'aujourd'hui
Il y a une différence essentielle entre les réfugiés actuels et les immigrés d'avant. Entre 1750 et 1914, on émigrait surtout à cause de la faim et de la misère. Avant, il y avait nécessité et besoin d'une «armée de réserve» de main-d’œuvre pour le capitalisme. Le marché mondial n'était pas encore saturé, et de nouvelles forces de travail étaient sans cesse absorbées par l'industrie. Maintenant que le marché mondial est saturé, la surproduction est généralisée, y compris en ce qui concerne l'offre réelle de force de travail. Aujourd'hui, les gens ne fuient plus seulement la faim et la misère, mais aussi la guerre et les destructions. Et puisque le capitalisme est un système en pleine décadence, ces gens ne peuvent plus être réellement intégrés au processus du travail.
Aide-t-on les réfugiés en présentant ceux-ci comme les plus vulnérables et les ouvriers d'Europe occidentale comme ceux qui se vendent au capital? Il y a un grand danger pour les réfugiés de tomber dans le lumpenprolétariat. Seule la lutte ouvrière peut leur offrir une perspective lorsque celle-ci atteint un certain niveau. Dans ce sens, la question des réfugiés et des immigrés est une question de la classe ouvrière. Seule la classe ouvrière peut offrir une perspective aux réfugiés. Et les réfugiés ne peuvent développer une perspective que s'ils prennent part à la lutte ouvrière.
La classe ouvrière est une classe d'immigrés
L'unité de la classe ouvrière est centrale comme classe internationale: la classe ouvrière mondiale. La bourgeoisie tente en permanence de nous imposer de fausses contradictions pour individualiser les gens et canaliser leur colère. La classe ouvrière doit tout mettre en œuvre pour défendre son unité contre la bourgeoisie. Organiser une partie de la classe ouvrière (sous-classe, les précaires...) contre d'autre parties de la classe va précisément à l'encontre de la perspective que nous défendons actuellement: l'unité de la classe ouvrière mondiale, qui n'a pas de patrie.
Conclusion: c'était une discussion très vivante, avec un espace énorme pour différentes réflexions.
Collectif-28 / 31.10.2010
(1) AAGU, Anarchistische Anti-deportatie Groep Utrecht. www.www.aaguwww.aagu.nl/