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Toutes les générations et tous les secteurs de la classe ouvrière sont touchés aujourd’hui de plein fouet par les attaques mises en place par les différentes bourgeoisies nationales et leur gouvernement. La France n’est ici qu’un exemple de ce qui se joue au niveau mondial.
Tous dans la même galère
La plupart des jeunes, même surdiplômés, éprouvent les pires difficultés à être recrutés sur le marché du travail (le taux de chômage atteint déjà 20% parmi eux). Le débouché, encore possible il y a quelques années, d’accéder aux emplois publics par concours administratifs leur est désormais fermé ou du moins mesuré au compte-gouttes. L’immense majorité des 16-25 ans doivent courir les Pôles Emploi pour dénicher au mieux quelques mois de petits boulots sous- payés. Avec la réforme des universités, la sélection de « l’élite » et des étudiants en général s’opère avant tout par des coûts d’inscription qui deviennent exorbitants. Beaucoup de jeunes sont condamnés à trouver gîte et couvert dans le cadre familial à cause des loyers prohibitifs. Quant à la génération des « adultes », ils sont tout aussi exposés au chômage et à la misère. Le Monde du 19 janvier a annoncé qu’un million de chômeurs se retrouveraient ainsi en fin de droits dans les prochains mois dont 600 000 ne recevront aucune indemnisation de l'État (sans accès au RSA ou à l'APL, etc..). De façon significative, les Restos du Cœur sont l’une des rares entreprises à accroître son activité. Le nombre de demandeurs de repas gratuits a ainsi augmenté de 20% en un an. En même temps, de nouvelles centaines de licenciements tombent chaque jour dans le pays comme la fermeture annoncée de l’usine Total près de Dunkerque qui va se traduire par la suppression d’un millier d’emplois (400 dans la maison-mère et le reste chez les sous-traitants).
Et le gouvernement intensifie son programme de suppressions d’emplois dans le secteur public dans le cadre de la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) opérationnelle depuis l’été 2007 faisant l’objet d’audits « afin de repérer les gains de productivité qui détermineront les suppressions de postes ministère par ministère » (Libération du 21 janvier). Cette réforme en cours des différents secteurs de la fonction publique exigée par des restrictions budgétaires entraîne des pelletées de suppression de postes par le biais des « réformes structurelles » (fusions/regroupement des services et des métiers, loi sur la mobilité des fonctionnaires, etc…). Ainsi 100 000 emplois (22 800 en 2008, 30 600 en 2009, 33 749 en 2010) ont été supprimés en 3 ans dont 40 000 dans l’Education nationale.
Dans le secteur de la santé, les mesures sont encore plus abruptes. Pour la seule région parisienne, entre 3000 et 4000 suppressions de postes sont officiellement prévues sur 5 ans avec le « regroupement » de 37 hôpitaux en 12 unités de soins (le quotidien gratuit Métro du 25 évoque même une menace sur 20 000 postes sur les 92 000 de l’AP-HP - Assistance publique-Hôpitaux de Paris). Quant aux infirmiers, le « choix » qui leur est soumis est soit conserver leur statut actuel sans augmentation de salaire, soit être mieux payés en acceptant de travailler 5 ans de plus (60 ans au lieu de 55 actuellement).
Sans compter les 500 000 contractuels précaires et sous-payés utilisés dans la fonction publique dont seule une infime minorité peut espérer être titularisée après des années de surexploitation malgré les vagues promesses de Sarkozy en ce domaine.
La question des retraites au cœur de la paupérisation
L’attaque que concocte le gouvernement dans les prochains mois sur les retraites est un concentré de la plongée dans la misère qui attend la classe ouvrière toutes générations et tous secteurs confondus.
Sarkozy s’y est engagé dès juin 2009 et a récemment réaffirmé le 25 janvier devant des caméras de TF1 « Mon ambition serait que l’on règle le problème des retraites de façon pérenne dans le courant de l’été » en ajoutant plus prudemment après un temps d’arrêt « En tous cas avant la fin de l’année. » En fait, le projet sera très probablement rendu public sitôt après les élections régionales (alors que gouvernement et dirigeants syndicaux planchent en toute complicité dessus depuis des mois) et Sarkozy escompte le faire adopter l’été prochain, en pleine période de vacances.
Le coup d’envoi du débat a d’ailleurs déjà été lancé par… la secrétaire nationale du PS, Martine Aubry, déclarant à l’émission du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI le 17 janvier “On devra aller très certainement vers un départ à la retraite à 61-62 ans ”. Malgré la rétractation tardive de ces propos (inévitable après les remous suscités à gauche par cette déclarations), plusieurs « ténors » du PS ont repris la balle au bond comme Manuel Valls disant sans détour qu’il « était temps aujourd’hui [pour le PS] de briser certains tabous ». Depuis, à coups de sondages (« seriez-vous prêts à cotiser et donc à travailler plus longtemps pour sauver votre retraite, celle de vos enfants et petits-enfants ? »), le conditionnement de « l’opinion publique » à cette « réforme » présentée comme impérative et inévitable va bon train.
Toute la bourgeoisie est consciente de l’ampleur de l’attaque qu’elle se prépare à porter. Cette question constitue un test majeur pour elle, son gouvernement et ses syndicats dans les conflits sociaux à venir. En 1993, Balladur a pris des mesures pour repousser l’âge de la retraite dans le secteur privé, ensuite sous le gouvernement Raffarin, les « lois Fillon » en 2003 sont parvenues à aligner le secteur public sur le privé, puis, début 2008, le même Fillon est parvenu à imposer l’abolition de la plupart des régimes spéciaux. Chaque fois, les syndicats se sont partagés le travail pour faire avaler au bout du compte la même pilule amère après quelques manifestations plus ou moins massives. C’est ce qui se prépare encore aujourd’hui face à un enjeu qui met cette fois tous les prolétaires et à tout âge dans le collimateur. D’ailleurs, les syndicats ont recommencé après des mois de silence à chercher à émousser préventivement la combativité ouvrière secteur par secteur et autant que possible en faisant diversion autour de revendications sectorielles1 Pour faire passer cette attaque, la bourgeoisie dispose d’un argument en béton. Dans la logique du capitalisme, la « réforme » est inévitable car elle s’appuie sur un vrai problème : il n’y a pas assez de recettes pour financer les retraites (en 2006, il y avait 1,8 actif pour un retraité. A l’horizon 2050, il n’y en aura plus qu’1,2, soit presque autant de retraités que d’actifs). Compte tenu de l’allongement de la durée de vie, de la pyramide des âges où la génération des ex-« baby-boomers » d’après-guerre atteint l’âge de la retraite, et surtout le poids du chômage qui réduit le nombre des salariés en activité, la gestion des retraites est devenue insupportable pour le système (à l’heure actuelle, l’équivalent de 10% des retraites ne sont pas financées). Mais en réalité, le but du gouvernement n’est nullement de prolonger la durée du travail2. De plus en plus de salariés sont et seront incapables d’aligner les trimestres de cotisations nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein, en cumulant une entrée de plus en plus difficile et tardive sur le marché du travail, les longues périodes de chômage et l’usure liée à leur emploi. Le vrai motif est donc de faire partir un maximum de prolétaires à la retraite avec une pension dérisoire. C’est d’ailleurs pourquoi le gouvernement n’a pas besoin de s’attaquer directement aux pensions mais qu’il va jouer sur l’allongement de la durée de cotisation et sur le relèvement considérable du taux de cotisation prélevée sur le salaire des actifs (le salaire et le pouvoir d’achat des salariés sera donc lui aussi de plus en plus amputé et rogné).
Cela fait 30 ans que le chômage plombe les économies. Le problème des retraites n’en est qu’une des conséquences. Et cela va aller de pire en pire. Derrière la question des retraites, se profile l’appauvrissement de toutes les générations et de tous les secteurs de la classe ouvrière.
Traditionnellement, dans les familles ouvrières, les aînés étaient à la charge des plus jeunes. Avec la remontée du chômage dans les années 1980, la situation s’était renversée, les retraités venaient en aide à leurs enfants et petits-enfants. Mais à l’avenir, les vieux travailleurs ne pourront plus aider leurs enfants, ils vont devenir au contraire de plus en plus dépendants d’eux. On voit déjà de plus en plus de retraités qui viennent à la fin des marchés pour ramasser des produits jetés des étals ou à la sortie des supermarchés récupérer des produits périmés. Demain, ce seront toujours les plus âgés qui sombreront les premiers dans la misère mais aucune autre génération ne sera plus capable de subvenir à leurs besoins. On entre dans une période de grande misère au niveau de toutes les générations ouvrières.
Il n’y a, dans le cadre de ce système d’exploitation, aucune solution réelle. Seul le renversement du capitalisme et l’avènement du communisme peut offrir un avenir à l’humanité.
W (29 janvier)
1) Ainsi, la grève des fonctionnaires (agents de l’Etat et collectivités territoriales, personnel hospitalier public) le 21 janvier qui a rassemblé moins de 100 000 participants au niveau national (dont 15 000 à Paris) a été présentée comme un échec démoralisant. En fait, tout à été fait par les syndicats pour qu’il y ait une très faible mobilisation avec très peu de publicité et de tracts d’appel dans la Fonction publique. Mais depuis, les manifestations se succèdent quasi-quotidiennement pour défouler la colère dans telle ou telle branche : le 26/1, les infirmières étaient appelées à défiler dans les rues, le lendemain, c’était au tour des salariés du "pôle emploi", le 28, les agents des caisses de Sécurité sociale, le 30, une manifestation des enseignants, le 2 février une grève de 24 h est prévue à la SNCF…
2) Dans la réalité actuelle, en France alors que l’âge légal de la retraite est de 60 ans, l’âge moyen de ce départ à la retraite ne dépasse pas 57 ans et pour la bourgeoisie il y a encore trop de secteurs qui bénéficient d’un départ à la retraite anticipé à taux plein, à commencer par les secteurs du bâtiment ou de la santé.