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Suite à une loi promulguée par le gouvernement le 14 décembre 2006, le corps des infirmières et infirmiers libéraux et hospitaliers est placé sous la houlette d’un “Ordre national infirmier”, créé de toutes pièces par l’Etat et les syndicats représentant les infirmières libérales, dont en particulier le Syndicat national des professions infirmières et la fameuse Coordination infirmière née lors des luttes de la santé en 1988.
Cet Ordre se veut être une sorte de pendant de l’Ordre des médecins et a pour justification de modifier le “statut” des infirmières en leur ouvrant l’accès à des masters ou doctorats en soins infirmiers, à l’instar de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons ou au Canada. Cet Ordre, nouvelle maffia professionnelle comme l’Ordre des médecins, a été mis en place sans aucune consultation des personnels concernés, sinon de leur adresser des bulletins de vote pour des candidat(e)s sortis du néant et parfaitement inconnus. Plus de 80 % d’entre eux n’ont pas répondu à cette demande qui ne correspond à aucun besoin, sinon celui de mettre en carte ce corps de métier sous prétexte de “valorisation” ! De façon générale, il a été donc totalement et clairement rejeté par les infirmières, avec une “représentation” de membres “élus” à moins de 20 % de la profession, mais qui imposeront on ne sait quelles nouvelles règles, au nom de la “déontologie” soignante infirmière. Au sein de cette catégorie de personnel de plus en plus soumise à des contraintes légales où “la qualité des soins accordés au patient” est devenue la tasse de thé du discours officiel, et tandis que les moyens qui lui sont accordés sont de plus en plus maigres et lamentablement exsangues, il est clair que le but est d’encadrer cette catégorie de personnel afin de la “responsabiliser” au maximum et lui faire porter à terme le chapeau des “erreurs” éventuelles de soins. L’éthique soignante, l’obligation de moyens par les soignants, c’est comme la confiture, moins on en a les possibilités matérielles, plus on en parle.
Le gouvernement, par la voix de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, qui réduit avec une virulence sans faille au strict minimum les personnels hospitaliers, n’a d’ailleurs de cesse de répéter que, dans les hôpitaux et autres cliniques, ce n’est pas une question de “moyens” mais “d’organisation” si rien ne va plus. Il suffit d’ailleurs de se rendre aux urgences de n’importe quel hôpital pour évaluer in vivo combien infirmières, infirmiers, aides-soignantes et médecins se prélassent mollement au rythme exaltant des pin-pons des ambulances.
L’Ordre infirmier existe donc bel et bien aujourd’hui, en-dehors de et contre la volonté même de la profession. Et, arnaque ultime, on demande dès à présent à cette catégorie de personnel de cotiser obligatoirement à hauteur de 75 euros par an et par tête de pipe pour faire exister cet Ordre infirmier !
C’est se moquer du monde ; d’autant que les hospitaliers, qui connaissent des conditions de travail profondément dégradées, n’ont connu aucune valorisation de salaire depuis 2005, et encore à l’époque, de 0,3 % de leur salaire. Mais le gouvernement, soutenant à pleine voix cet Ordre nouveau, va exiger à travers ses instances comme les DDASS (Directions départementales des affaires sociales et sanitaires), que l’ensemble des personnels concernés fassent leur chèque.
Que font les syndicats ?
Fort heureusement, les syndicats, défenseurs patentés et attitrés de l’intérêt des salariés, donnent dès à présent de la voix. Alors qu’ils n’ont parlé que du bout des lèvres de l’annonce de constitution de cet Ordre infirmier, pourtant déjà en gestation depuis 2005, SUD, FO, CFDT et CGT ne cessent de produire au sein des hôpitaux des tracts “dénonçant” cette sale affaire. Pour la CFDT, on peut lire : “L’Ordre infirmier : chronique d’un racket annoncé” (annoncé, en effet, de longue date) ; pour FO : “Payer pour travailler, hors de question” ; et pour SUD : “Les IDE taxées à 75 euros”. Enfin, pour la CGT, il s’agit d’une “escroquerie à la profession”.
Le radicalisme du verbe est à l’encan. Ainsi, la CFDT calcule que le budget de fonctionnement de l’Ordre infirmier correspond approximativement à 1000 postes infirmiers par an, postes dramatiquement absents pour assurer des soins à la population, sans se positionner plus que cela, tandis que FO lance un courageux mot d’ordre de “grève de la cotisation”. Comment ? Mystère et boule de gomme. Quant à SUD-Santé, qui s’insurge que la cotisation représente “75x480 000 IDE = 36 000 000 euros”, “les IDE (Infirmières diplômées d’Etat) n’ont pas à payer les frais de bouche, d’hébergement, ni les locaux (luxueux), ni les voyages en première classe. Ces soi-disant élus de l’ordre (20 % de votants) ne nous représentent pas. C’est un ordre inutile et réactionnaire, à la solde du gouvernement et des futures ARS (Agences régionales de santé)”. On ne peut que souscrire à tous ces cris de révolte de Sud-Santé et de ses petits copains d’autres syndicats. Cet Ordre infirmier est en effet réactionnaire et surtout l’émanation d’une idéologie profondément corporatiste. Mais, sans jeu de mot, c’est l’hôpital qui se fout de la charité !
La France compte le taux de syndicalisés le plus bas des pays développés d’Europe : 8 %, c’est-à-dire une minorité très faible des salariés. Pourtant, c’est à hauteur de 190 millions d’euros que les syndicats en France sont soutenus par l’Etat (chiffres de 2003), sur la part des dépenses publiques, à savoir des impôts des salariés, dont 92 % estiment ne pas ressentir le besoin de se syndiquer. De plus, il faut ajouter à ces sommes non négligeables le fait que la France est en revanche le pays d’Europe qui compte le plus de permanents syndicaux comparativement au nombre de syndiqués. Tout cela sans compter que ces “salariés” syndiqués comptent moult heures de formation, ou “syndicales”, destinées prétendument à “défendre” leurs collègues. Et puis, il y a aussi les congrès.
Ce que déplore probablement Sud-Santé dans son tract, c’est que les hôtels et autres buffets pantagruéliques auxquels ils sont invités très régulièrement aux frais de la princesse, c’est-à-dire des ouvriers, durant ces congrès, en plus des subventions écœurantes qui les tiennent à bout de bras, ne sont pas assez bien pour eux, et que les “frais de bouche”, “les hébergements” et “les voyages” ne sont pas du niveau de confort mérité par ces dignes représentants des intérêts de la bourgeoisie.
Enfin, il faut rappeler que ces mêmes syndicats sont les meilleurs acteurs du corporatisme le plus crasse qu’ils exhalent dans les rangs ouvriers, infirmiers, ou autres. Aussi, en définitive, si l’Ordre infirmier était géré par les syndicats, il n’y aurait plus de problème.
Wilma (22 avril)