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Nous publions ci-dessous un courrier de lecteur envoyé par un témoin direct de la répression qui s'est abattue il y a quelques jours sur des enseignants en lutte à Nantes. Ce camarade y dénonce la violence dont peut faire preuve la bourgeoisie envers les travailleurs qui osent se battre pour défendre leur condition de travail. De plus, en saluant le réflexe des agents des impôts qui sont venus spontanément aux côtés des enseignants matraqués, il met en lumière l'importance de la solidarité ouvrière, seule arme contre la répression de l'Etat policier.
Le mercredi 11 juin, des enseignants du premier degré manifestent devant l'inspection académique à Nantes. Ils protestent contre les attaques que constituent les mesures Darcos. Alors qu'une partie des manifestants reste devant le bâtiment avec les enfants, les autres envahissent pacifiquement les couloirs et les escaliers en demandant à rencontrer Gérard Prodhomme, l'inspecteur d'Académie, pour lui présenter leurs doléances. La réponse de ce haut fonctionnaire de l'État ne se fait pas attendre, il appelle la police.
Très vite les forces de l'ordre apparaissent aux portes des escaliers dans lesquels sont stationnés les manifestants. Sans aucune sommation, les policiers se jettent sur eux pour les obliger à rebrousser chemin vers la sortie. Ces policiers n'ont pas de protection individuelle parce que les enseignants ne sont pas assez nombreux pour nécessiter une intervention lourde. Mais ce sont des fonctionnaires de la sécurité publique, l'une des unités les plus violentes et parfaitement préparée à ce genre d'intervention.
La vidéo qui a circulé sur Internet montre bien la violence du choc (retrait-mesures-darcos.over-blog.com/article-20393355.html (1)). L'objectif est clair : il faut couper le souffle des manifestants, leur faire mal, les impressionner. Sans ménagement, hommes et femmes sont poussés dans les escaliers, il y a des habits déchirés, certains tombent les uns sur les autres au milieu des cris et des pleurs. Ceux qui s'accrochent à la rampe sont pris à la gorge, on leur tord les doigts pour qu'ils lâchent prise. Telle est la violence déterminée de la classe dominante lorsqu'elle défend ses privilèges, cette classe qui, sous les uniformes bien coupés de la gauche ou de la droite, parade au sénat, au parlement et autres institutions de l'État avec ses bonnes manières et son langage châtié. C'est pourtant cette classe qui, par l'intermédiaire de ses sbires, matraque sans merci les travailleurs qui cherchent à se défendre contre des attaques injustes et répétées.
Après la violence viennent les mensonges. La presse publie un communiqué de la Préfecture annonçant qu'il y aurait eu trois blessés parmi les policiers dont l'un s'est vu attribuer vingt et un jours d'incapacité. Il faudrait leur conseiller de ne pas taper si fort, les pauvres, ça leur fait mal. Mais l'objectif n'est pas difficile à deviner : il faut préparer le terrain pour des poursuites judiciaires, complément indispensable des violences policières afin d'imposer l'ordre et la soumission, la crainte et la démoralisation.
L'un des enseignants placé au premier plan et qui, comme les autres, essaie de se protéger des coups reçus, se fait attraper par les policiers qui le tirent en arrière, l'immobilisent au sol, genou sur le visage et sur la poitrine, avant de le menotter. Il est placé en garde à vue. Les manifestants se portent alors vers le commissariat central aux cris de "Libérez Samy !" Notre collègue est libéré dans la soirée mais il est convoqué pour interrogatoire le vendredi à 9 heures. Par téléphone et par mail, ceux qui étaient présents informent les écoles et appellent à un rassemblement devant ce commissariat. Le jour dit, les enseignants sont 200 devant la porte, la colère et le sentiment de solidarité grandissent d'heure en heure. Ils sont bientôt 300 et 600 l'après-midi. Pour montrer à leur collègue qu'ils sont là et qu'ils le soutiennent, ils frappent dans leurs mains, crient des slogans et tapent pendant de longues heures avec des bouts de bois contre une palissade métallique d'un chantier voisin. Dans les écoles, les enseignants se relaient par trois ou quatre pour garder les élèves dans la cour pendant que les autres se précipitent au rassemblement.
Les agents des impôts qui travaillent dans le bâtiment d'à côté décident de débrayer pour venir apporter leur solidarité aux enseignants. L'un d'eux intervient au mégaphone pour expliquer que, eux aussi, ont subi une violence extrême de la part de la police lors des dernières manifestations. Une clameur et des applaudissements s'élèvent pour saluer cette intervention.
Au bout de six heures d'interrogatoire, Samy sort du commissariat, il est à bout. Depuis longtemps, les policiers français utilisent les mêmes méthodes inhumaines que la Stasi dont on voit les exactions dans le film La vie des autres. La pression psychologique est énorme, les policiers doivent lui faire avouer à tout prix qu'il a bien résisté aux forces de l'ordre. Ils lui passent et repassent la vidéo qui, si on la regarde objectivement, prouve non pas la culpabilité de notre collègue mais bien l'agressivité des policiers. Mais il craque. Le magistrat décide alors de le faire passer en correctionnelle pour violence envers les forces de l'ordre, le procès est prévu pour le 23 février 2009. S'il est condamné, il sera alors révoqué de l'Education nationale. La violence, les mensonges et la justice, voilà les piliers d'un ordre fondé sur le profit et l'exploitation, un ordre qui, toujours plus explicitement, tourne le dos à toute forme d'humanité.
Tous les témoignages concordent : les accusations envers Samy sont toutes fausses et nous montrent le vrai visage de la démocratie bourgeoise. Sans scrupule, elle ment, elle brutalise, pour elle tous les moyens sont bons. Il est clair que l'isolement est une faiblesse qui nous livre sans défense aux coups de la répression. Comme les enseignants, les travailleurs des impôts et du CHU luttent en ce moment chacun dans leur coin alors que s'ils étaient tous unis, ils représenteraient une force énorme. La seule façon de se défendre efficacement a été montrée par l'attitude de solidarité des enseignants et des agents des impôts pendant l'interrogatoire de Samy. Mais cette solidarité ne doit pas être ponctuelle. C'est par l'unité dans la lutte commune dès le début, en se serrant les coudes entre les différents secteurs qui sont tous confrontés aux mêmes attaques, en présentant des revendications unitaires avec des négociations au grand jour, contrôlées par les assemblées générales, que nous pourront faire reculer la bourgeoisie et nous protéger de la répression.
A. E.
1) Ce site reprend le journal télévisé diffusé par la chaîne locale Nantes7 le 11 juin au soir (la lutte des enseignants est le deuxième sujet traité par ce JT, il faut donc patienter quelques minutes pour apercevoir les images de la répression policière).